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La Lentille d'eau




Étymologie :

Étymol. et Hist. 1803 (Lamarck et Mirbel, Hist. nat. des végétaux, t. 5, p. 227 ds Quem. DDL t. 25). Empr. au lat. sc.lenticula (cf. Adanson, Familles des plantes, 1763, p. 471), du lat. class. lenticula, v. lentille ; Gesner (Hist. plantarum, Parisiis, 1541) glose lens palustris par lenticule de d'eaue (v. R. Ling. rom. t. 45, p. 503). Le mot est attesté au xvie s. chez A. Paré au sens de « bouton, pustule en forme de lentille, dans certaines éruptions » (v. Hug.).


Lire également la définition du nom lenticule afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Lemna ; Fausses lentilles ; Lentille d'eau ; Lentille des cinards ;

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Botanique :


Selon le site www.hydrologie-fc.fr :


Connaître les lentilles aquatiques : On les appelle aussi lenticules ou lentilles aquatiques, mais elles désignent en réalité plusieurs variétés. Elles poussent en eau douce. Ces plantes simples, sans tige ni feuille évidente, ont une ou plusieurs racines, radicelles simples selon l’espèce.

La plus grande partie de chaque plante (vulgairement la feuille, même cela n’en est pas une) est une petite structure organisée de « thalle » ou de « fronde » de seulement quelques cellules d’épaisseur, contenant souvent des poches d’air (aerenchyma) qui lui permettent de flotter sur (ou juste en dessous de) la surface de l’eau.


Les espèces de lentilles d’eau : Leur taxonomie demeure assez complexe. On distingue toutefois les espèces suivantes (liste non exhaustive).

  • lemna minor : petite lentille d’eau : fronde de 1 à 3 mm de diamètre ;

  • lemna gibba : lentille d’eau bossue : fronde de 2 à 5 mm et une seule racine ;

  • wolffia arhiza : lentille d’eau sans racines. Elle est très rare et quasiment invisible invisible à l’œil nu puisqu’elle mesure moins d’1 mm ;

  • Lemna minuta : lentille d’eau à fronde convexe. Longueur de 1 à 3 mm avec une seule nervure,  sans racines ;

  • lemna polyrhiza : lentille d’eau à racines multiples : fronde large, jusqu’à 1 cm et environ 5 à 15 racines ;

  • lemna minuscula : lentille minuscule. Importée de Californie et observée en France dès 1966, elle est réellement minuscule, encore plus petite que la petite lentille d’eau ;

  • lemna trisulca : lentille trilobée. Elle est petite (5 à 15 mm) et en voie de disparition.

Reproduction des lentilles d’eau douce : La lentille d’eau se reproduit sans graines ni spores, mais par multiplication végétative : on parle de reproduction asexuée. Chaque lentille produit une nouvelle feuille qui grossit jusqu’à se détacher et à former une nouvelle lentille. Les lentilles d’eau peuvent ainsi rapidement recouvrir une mare, un bassin ou les eaux stagnantes à la manière d’un nénuphar.

La reproduction sexuée existe toutefois chez les lentilles d’eau, même si elles est bien plus rare. Occasionnellement, trois minuscules « fleurs » composées de deux étamines et d’un pistil sont produites, par lesquelles la reproduction sexuée se produit.

Certains considèrent cette « fleur » comme un pseudanthium, ou inflorescence réduite, avec trois fleurs qui sont distinctement femelles ou mâles et qui sont dérivées du spadice des Araceae. L’évolution de l’inflorescence des lentilles d’eau reste ambiguë en raison de la réduction considérable de l’évolution de ces plantes par rapport à leurs parents antérieurs.


Quel est le milieu idéal pour la reproduction des lentilles d’eau ? Pour prospérer elles ont besoin d’une température comprise entre 6° et 33°, et d’un milieu idéalement riche en nitrates et bien ensoleillé. Elles privilégient les eaux stagnantes : bassins, marais, étangs… et ne vivent qu’en eau douce. Dans ces bonnes conditions, la population peut doubler toutes les semaines, voire plus rapidement encore (plus rapidement que le nénuphar). Les lentilles peuvent se superposer et ainsi créer un tapis allant jusqu’à cinq centimètres d’épaisseur !


Les lentilles d’eau : attraits écologiques

Une source d’énergie verte : La plante est actuellement étudiée pour sa contribution aux programmes de biomasse et de bioénergie. Les chercheurs y voient une potentielle source d’énergie propre : elle pousse rapidement, produit cinq fois plus d’amidon que le maïs à surface équivalente, elle ne contribue pas au réchauffement climatique… Elle élimine même le carbone de l’atmosphère.


Les lentilles pour dépolluer les plans d’eau : Par les racines, elle filtre les contaminants bactériologiques, l’azote, les phosphates et les éléments nutritifs des plans d’eau, étangs, terres humides artificielles et eaux usées. La lentille d’eau contribue donc à réduire la pollution de l’eau. Par les frondes (feuilles), elle capte la lumière pour la photosynthèse. Une étude de 1991 a observé combien elle pouvait absorber de polluants. Les résultats sont extraordinaires. En un an, un mètre carré de lentilles d’eau est capable d’absorber :

  • jusqu’à 700 g de phosphore (depuis des phosphates)

  • 5 450 g d’azote (nitrates et nitrites)

  • 940 g de chlorure

  • jusqu’à 2 300 g d’aluminium ! Oui, deux kilos trois cent grammes d’aluminium peuvent être fixés par un mètre carré de lentilles !

On parle de bioconcentration des polluants. La lentille d’eau est donc un bel allié écologique qui diminue la pollution de l’eau !


Les lentilles d’eau dans un aquarium : Dans un aquarium, les lentilles d’eau lemna minor sont utiles : elles contribuent à l’équilibre de l’aquarium, notamment en régulant la quantité de nitrates. Tout l’enjeu sera évidemment de les contenir dans un coin et d’éviter qu’elles ne se propagent sur toute la surface ! En général, on bricole un petit système avec des pailles flottantes pour les maintenir dans un coin de l’aquarium et elles ne sortent pas.


Lentilles d’eau et santé : une plante aux mille bienfaits ! La lentille d’eau est comestible. Elle peut être utilisée en complément alimentaire : elle a des vertus anti-démangeaisons, contre la fièvre et c’est aussi un soporifique naturel !

En Chine, la lentille est utilisée pour traiter des maladies telles que le rhume la rougeole ou comme diurétique. En Inde, on l’utilise pour se nettoyer les yeux. Elle permet également de compenser des carences en vitamine C et combat le scorbut. Riche en protéines (40% environ), elle contient autant d’acides aminés que le soja, sans demander autant de terres arables pour pousser !

Des entreprises agro-alimentaires tentent d’investir ce marché. La société Parabel développe le complément alimentaire « Lentein plus », issu d’une de la variété de lentilles d’eau Lemna, la plus riche en protéines (jusqu’à 65 % !). En Israël, c’est la société Hinoman qui cultive la lentille Mankai, une variété du sud-est asiatique consommée en Thaïlande, au Laos et au Vietnam. L’idée nouvelle est de la consommer en milk-shake pour réguler la glycémie.

Attention toutefois : ne vous jetez pas sur toutes les lentilles que vous trouvez dans les bassins et étangs ! Comme dit plus haut, elles ont tendance à bioconcentrer les polluants. Pas certain que vous en tiriez beaucoup d’effets bénéfiques pour la santé…

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


La migraine, la céphalalgie disparaissent toujours quand on mâche le rhizôme de l'otruche ou agrua, Imperatoria ostruthium ; mais il ne faut pas se lasser d'en mâcher tant que la douleur persiste, et souvent c'est bien long, la patience fait défaut. Un remède plus rapide est l'application sur le front de lentilles d'eau, Lemna : s'il agit rarement, du moins il n'est pas monotone.




Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Pour débarrasser une mare des lentilles d'eau (plantes à deux ou trois feuilles de la taille des lentilles), il suffit d'en prendre une poignée, le matin de la Saint-Jean, avant le lever du jour, et d'aller la porter dans une autre mare (Anjou).

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Selon Philippe Le Failler, auteur de l'article intitulé « Le renouveau des lentilles d’eau : de la prostitution à Hanoi à la toute fin du XXe siècle », paru dans la revue Moussons, n°29 | 2017, pp. 127-142 :


[...] Au fil des discussions, parmi les raisons invoquées pour ce passage à la prostitution, la plus fréquente, la plus honorable aussi, reste le sacrifice familial. Comme dans le Kim Vân Kiều de Nguyễn Du, LA pièce de littérature vietnamienne par excellence (poème en vers du début du xixe siècle) où l’héroïne, sublime d’abnégation pour sauver son père endetté, sacrifie son amour et épouse le créancier, un mandarin prévaricateur qui la vendra ensuite à un lupanar, scellant sa destinée de « lentille d’eau (1) ». Dans le dénouement mélodramatique, Kiều ne se sent plus digne d’un destin d’honnête femme. La prostitution est un Rubicon social pour celles qui le franchissent, une voie sans retour dans l’anormalité. Il arrive que le malheur frappe une famille : maladie, dettes, parent en prison. Dans certaines familles nombreuses, dont la précarité financière s’accommode mal de ces à-coups du sort, le sort des filles sera peu enviable si la solidarité entre collatéraux ne joue pas à plein. Pour les plus fragiles, en dernier recours et faute d’une main secourable, la cadette sera peut-être envoyée « travailler chez un parent de la ville », bel euphémisme qui sauve la face et recouvre des réalités diverses. Elle enverra de l’argent à sa famille et trouvera quelque réconfort et un sens à ses actes dans cette idée de sacrifice consenti (il faudrait voir comment) pour la bonne cause des études du frère ou de l’entretien d’une vieille mère.


1) : Par sa fragilité et sa propension à dériver à la surface de l’onde au gré du vent et des courants, la lentille d’eau (Lemna aequinoctialis, vn. bèo) forme une allégorie symbolisant l’être soumis aux aléas du destin, si parlante que Nguyễn Du l’emploie à quinze reprises pour évoquer le sort de Thúy Kiều : « Ainsi, j’aurai le sort des pauvres fleurs brisées/Et des lentilles d’eau par chacun méprisées !/Je dois me résigner comme elles à souffrir.../Ô Ciel, je ne connais que trop mon avenir ! », Nguyễn Du, Kim-Van-Kiều, citation des vers 119-122 traduits en vers français par René Crayssac, Hanoï, Le-Van-Tan, 1926, p. 23.

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque de manière fugace la lentille d'eau :

24 février

(Fontaine-la-Verte)


Une mare ovale au fond tapissé de feuilles ; des branches cassées qui trempent ; l'épaisseur de la boue ; des Sargasses de spirogyres et de lentilles d'eau : univers ophélien où la noyade est douce.

Le cadavre d'un roitelet flotte. L'oiseau a les doigts crispés sur une brindille : sceptre dérisoire.

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