Étymologie :
Étymol. et Hist. 1. xiie s. bot. wid malve (Gloss. Tours, 327 ds T.-L.) ; vimauve (ibid., 321, ibid.) ; xiiie s. [ms. xive s.] guimauve (Antidotaire Nicolas, éd. P. Dorveaux, p. 15) ; 2. 1811 pâte de guimauve (Chateaubr., Itinéraire... 1re part., p. 182 ds Rob.). Composé du lat. imp. hibiscum « guimauve », parfois hibiscus fém., (peut-être d'orig. celt.) soumis prob. après aphérèse (d'où *viscu) à l'infl. du germ. *wīhsila (cf. gui) d'où le passage de v- à gu-, et du lat. class. malva « mauve » cf. dans les gl. evis malva ds TLL s.v., VI, 3, 2691, 19 et mis malva [à lire vis malva ?] ds le Capitulaire de Villis utilisé pour éviter la confusion (cf. aussi ital. et esp. malvavisco, à partir de *malva viscu).
Lire également la définition de la guimauve afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Althaea officinalis L - Altéya - Althé - Bouon visclé - Djimô - Double Mauve - Guimatte - Guimauve franche - Guimauve officinale - Guimauve sauvage - Guimobo - Gumôve - Haleté - Haute Mauve - Malbic - Malbitte - Maoubabiss - Mauve blanche - Mauve des prés - Mauve Sucette - Menu Panais - Ouilmôt - Vive Mauve - Yimah -
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Botanique :
Dans La Vie érotique de mon potager (Éditions Terre Vivante, 2019), Xavier Mathias nous donne quelques précisions sur les caractéristiques de la Guimauve :
Essentiellement antitussive et émolliente, la Guimauve n'a, à ma connaissance, aucune vertu aphrodisiaque ou adaptogène. Plus rare encore que ces deux qualités, ce sont ses incroyables atouts physiques qui expliquent sa présence, à mon avis indispensable dans tout jardin, qu'il soit potager ou d'ornement : les feuilles de Guimauve sont au toucher d'une incroyable douceur. On les dit « plus douces que le plus doux des velours ». Nombreux sont les témoignages de jardiniers éconduits, déçus ou trahis qui le confirment : vous ne verrez pas de peine de cœur, chagrin, tristesse ou déception qui ne passe, ou au moins ne s'atténue, à leur contact. Il suffit de les caresser et de vous abandonner. Ce que la vie peut parfois porter d'épines, elle saura l'alléger d'une caresse de ses feuilles. les Guimauves sont les grandes consolatrices de nos jardins. Une vertu rare.
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les vertus thérapeutiques de la Guimauve :
Propriétés physiques et chimiques : La racine est inodore ; sa saveur est visqueuse et légèrement douceâtre ; elle contient ainsi que toute la plante un suc mucilagineux, abondant, épais. L'analyse a fait découvrir dans la racine de la gomme, de l'amidon, une matière colorante jaune, de l'albumine, du sucre de canne, une huile fixe et de l'asparagine. Cette dernière substance azotée, fort intéressante sous le rapport chimique, n'a aucune influence sur les propriétés thérapeutiques de cette racine (Soubeiran).
Usages médicaux - Cette plante émolliente et adoucissante est journellement usitée en médecine. Elle convient en usage interne ou externe dans une foule d'affections, irritations, phlegmasies, toux, bronchites, catarrhes pulmonaires, angines, gastrites, pleurésies, péripneumonies, hémorrhagies actives, empoisonnements par substances âcres et corrosives, etc. On donne la racine à mâcher aux enfants pour faciliter la dentition. Autrefois on se servait d'une infusion de racine de guimauve pour dissoudre la gomme dans la préparation de la pâte dite de guimauve ; cette pâte était moins blanche et comme elle n'ajoutait que peu de chose aux propriétés émollientes, on la supprime d'ordinaire aujourd'hui.
Formes et doses. - A l'intérieur, infusion et décoction des racines, des feuilles et des fleurs, 8 à 30 grammes par kilolitre d'eau. Poudre, sirop. - Pour l'usage externe, décoction, cataplasme, collyre, gargarisme, lavement, lotion, fomentation et bain à dose plus ou moins élevée selon les indications.
Nous mentionnons à côté de la guimauve la Rose trémière (Alcea rosea, L.), plante originaire de l'Orient, cultivée dans nos jardins, qui possède toutes les propriétés de cette dernière. Elle contient une grande quantité de principe muqueux. La racine et les feuilles sont émollientes et adoucissantes ; les fleurs sont béchiques et pectorales ; leur teinture fournit un réactif chimique. La racine qui contient aussi beaucoup de fécule (Gilibert) est quelquefois substituée dans le commerce à celle de guimauve ; elle est plus ligneuse, d'une couleur moins blanche et d'une saveur moins douce.
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A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les vertus thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :
Guimauve ordinaire. Althéa, ibiscus, bis maloa.
Vertus : La guimauve est un adoucissant très usité dans les affections do poitrine, des reins, la toux, la pleurésie, les ardeurs d'urine, les graviers, calculs 5on "fait infuser surtout la racine ou on la prend en poudre, ses feuilles avec colles de mauve et de saule empêchent l'inflammation des plaies (voir Cynoglosse), ses racines bouillies dans un sirop sont de beaucoup préférables pour faire percer los dents aux enfants, que les hochets en ivoire qui leur durcissent les gencives plutôt que de les amollir. Enfin elle entre dans le sirop de Fernel pour la colique néphrétique.
Selon Henri Lamendin auteur d'un article intitulé "Phytothérapie de Fauchard." (paru dans les Actes. Société française d'histoire de l'art dentaire, 2011, 16), la guimauve est l'une des plantes les plus utilisées par Pierre Fauchard. Elle sert notamment à :
Poussée des dents chez les enfants :
Parties égales d’eau de mauve et d’eau de guimauve, mêlées avec un peu de miel de Narbonne (I, 52) ;
Décoction avec de l’orge mondé, les raisins de Damas, les figues grasses et la racine de guimauve (I, 52-53).
Pour nettoyer les dents :
Jus de citron deux onces ; de l’alun de roche calciné et du sel commun (I, 80) ;
Racines d’althæa ou de guimauve, infusées dans du vin rouge... d’autres y ajoutent des pruneaux (I, 81-82)
Pour préparer les racines de guimauve, huile d’amande douce ou de la meilleure huile d’olive, quatre livres, orcanette (henné employé comme teinture) demi-livre... sassafras râpé, girofle, cannelle, iris de Florence, souchet, coriandre, calamus aromaticus et du santal citrin de chacun une once... mettre ensuite les racines de guimauve dans cette composition... (I, 83-84) [...].
Pour faire mûrir et percer un abcès :
morceaux de racine de guimauve et deux ou trois figues grasses... de l’orge et de l’aigremoine... et le safran (I, 427) ;
deux figues grasses, une racine de guimauve coupée par morceaux... une petite poignée de feuilles de mauve et une cuillerée d’orge... et le safran (I, 453) ;
Demi poignée d’orge, une poignée d’aigremoine ou de feuilles de mauve, deux figues grasses et une racine de guimauve coupée par morceaux (I, 456)
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Usages traditionnels :
Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
Les jeunes feuilles d'ortie, Urtica urens et dioica, étaient jadis apprêtées en plat. « Tenerae edules suntsi decoctae » dit Allioni, mais de nos jours personne n'en veut. Il en est de même des feuilles de mauve et de guimauve qui ne sont plus employées que dans la médecine populaire. (1)
Note : 1) Sur le littoral algérien où elles acquièrent de grandes proportions et sont plus succulentes, elles sont mangées par les indigènes pauvres, et ce qu'il y a de mieux, elles sont servies comme épinards dans les meilleurs hôtels d'Alger ! Cela est fade, mais ça passe tout de même.
[...]
La toux, les rhumes, les maladies de poitrine sont combattues par les tisanes émollientes bien connues : mauve, [...].
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Croyances populaires :
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
Dans le Cher un collier de guimauve garantit les enfants du mal de dents.
Symbolisme :
Dans le calendrier républicain français, le 16e jour du mois de Thermidor est dénommé jour de la Guimauve.
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :
Été - Juillet
GUIMAUVE - BIENFAISANCE. Emblème de la bienfaisance, la guimauve est l'amie du pauvre. Elle croit naturellement le long du ruisseau qui le désaltère, et autour de la cabane qu'il habite ; mais elle se prête à la culture, et on voit quelquefois ses tiges modestes se mêler aux fleurs de nos jardins. Elle n'a ni amertume ni rudesse, son aspect est agréable et doux ; ses fleurs, d'un rose charmant, s'harmonisent avec ses feuilles et ses tiges, qui, comme elles, sont recouvertes d'un duvet argenté et soyeux. Elle flatte également par sa douceur, et l'ail qui la regarde, et la main qui la touche. Ses fleurs, ses tiges, ses feuilles et sa racine, tout en elle est bienfaisant. On compose de ses différents sucs des sirops, des pastilles, et des pâtes aussi excellentes au goût que favorables à la santé. Le voyageur égaré a quelquefois trouvé dans sa racine un aliment sain et substantiel. Il ne faut que regarder à ses pieds, pour trouver dans toute la nature des preuves l'amour et de prévoyance. Mais cette tendre mère a souvent caché, dans les plantes comme dans les hommes, les plus grandes vertus sous la plus modeste apparence.
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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Guimauve - Bienfaisance.
A cause de son grand emploi en médecine
Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
ALTHOEA OU GUIMAUVE OFFICINALE - BIENFAISANCE.
Agissez vous-mêmes envers les hommes et traitez-les comme vous voudriez qu'ils agissent envers vous et qu'ils vous traitent : c'est là toute la loi et les prophètes.
(Mathieu VII, 12.)
L'althæa ou guimauve est une plante vivace qui abonde dans les Pyrénées et qui se couvre de juillet en septembre d'assez jolies fleurs d'un blanc mêlé de pourpre. On la cultive presque partout pour ses vertus bienfaisantes, et l'on pourrait même la placer parmi les végétaux les plus agréables. Toute la plante est dans une harmonie parfaite : tige, feuilles, calice, fleurs, tout est cotonneux, toutes les teintes sont douces et, quoique différentes, elles ne tranchent point, elles semblent se fondre. Enfin elle est modeste, gracieuse et salutaire, comme ces êtres vertueux qui font le bien sans bruit, sans faste et sans ostentation.
On emploie cette plante à l'extérieur en cataplasme sur les parties du corps douloureuses ou enflammées ; à l'intérieur, en décoction ou en infusion, d'un grand usage dans les rhumes et les inflammations. Le mucilage extrait des racines sert à faire des pastilles, des lochs, des juleps ; il entre dans la composition de la pâte de guimauve. Les tiges, préparées à la manière du chanvre, fournissent de la filasse, des étoupes propres à ouater, et dont on peut fabriquer du papier. . Enfin ce symbole de la bienfaisance est véritablement un bienfait de la nature.
DE LA BIENFAISANCE.
I.
Pour le bonheur de tous l'active bienfaisance
Est le premier besoin que ressent un bon cœur.
C'est une mutuelle et vive jouissance
Pour l'homme qu'on oblige et pour le bienfaiteur.
II
Il faut être toujours prompt à rendre service ;
Les hommes font entre eux échange de bienfaits.
Chers enfants, c'est prêter, que rendre un bon office ;
Celui qui n'en rend point n'en obtiendra jamais.
III
On est toujours heureux quand on peut être utile.
Des services rendus, et de nombreux bienfaits
Rendent la conscience et contente et tranquille.
On jouit en voyant les heureux qu'on a faits.
IV
A quoi vous servirait d'avoir de la richesse,
Si ce n'était, enfants, pour aider le prochain ?
Logés, vêtus, nourris avec délicatesse,
Songez combien de gens n'ont pas même de pain !
V
N'attendez pas toujours qu'on implore vos soins ;
Allez des malheureux prévenir les besoins ;
Et songez qu'un bienfait qui vient sans qu'on l'attende
Fait bien plus de plaisir que celui qu'on demande.
VI
Il faut, quand on oblige , obliger de bon cœur,
Y mettre de la grâce , et prendre un soin extrême
A ménager celui qu'accable le malheur :
La forme du bienfait vaut le bienfait lui-même. :
VII
Ne reprochez jamais vos bienfaits à personne,
Quand même vous auriez obligé quelque ingrat.
C'est le justifier que de faire un éclat :
On est censé payé, reprochant ce qu'on donne.
VIII
Obligeons sans espoir d'aucune récompense ;
Un bienfait, mes enfants, n'est jamais oublié.
S'il n'est point acquitté par la reconnaissance,
Par l'estime publique il nous sera payé.
IX
Celui dont le seul but, au moment d'un bienfait,
Est d'en être payé par la reconnaissance,
Agit par intérêt, et non par bienfaisance ;
Et ce n'est pas un don, mais un marché qu'il fait.
X
Faites toujours le bien, et n'allez pas le dire ;
Tachez que votre don ne soit point aperçu.
Que ce ne soit jamais l'orgueil qui vous inspire :
On ne doit publier que ce qu'on a reçu. MOREL-VINDÉ, Morale de l'enfance.
RÉFLEXION.
La bienfaisance, ainsi que les vertus, ne vieillit jamais ; elle s'améliore avec l'âge et devient une habitude.
COMTE DE SÉGUR.
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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
GUIMAUVE - DOUCEUR EXQUISE.
Cette plante est bienfaisante autant que belle. Elle est la base des cataplasmes.
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Guimauve - Bienfaisance.
Cette plante, qui croît spontanément sur tout le sol de la France, est très usitée en médecine. Sa racine, ses tiges et ses fleurs possèdent des vertus bienfaisantes, surtout pour combattre les affections catarrhales et les maladies où il y a irritation et inflammation .
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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Guimauve (Althaea officinalis) a les caractéristiques suivantes :
Genre : Féminin
Élément : Eau
Pouvoirs : Protection ; Pouvoirs psychiques.
Utilisation magique : Cette belle et haute plante, aux feuilles d'un délicat vert amande blanchâtre, a longtemps été utilisée dans les rites de protection ; sa réputation comme catalyseur des pouvoirs psychiques est aussi solidement établie.
Lorsque la protection est recherchée, la manière de s'en servir est très classique : on suspend la plante entière, racines comprises, la tête en bas dans la maison ou aux poutres de l'étable. Pour exalter les pouvoirs psychiques, pour se mettre en état réceptif pour effectuer un voyage hors du corps, c'est la racine fraîche qu'il faut brûler sur un réchaud en terre.
La Guimauve attire les esprits bénéfiques, alliés des humains. Pendant les rituels, dressez ses tiges fleuries sur l'autel, comme des cierges. Si, contrairement à toute attente, des forces hostiles se manifestent pendant la cérémonie, c'est qu'alors un sorcier ennemi vous a jeté un sort.
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
La guimauve, qui signifie, dans le langage des plantes, la bienfaisance, est une plante protectrice qui attire, dit-on, les esprits bénéfiques : on recommande de suspendre un plant de guimauve (racines comprises), tête en bas, dans une maison ou une étable ou encore d'en éparpiller sur le sol.
La plante bénéficiant d'une réputation de "catalyseur des pouvoirs psychiques", sa racine fraîche doit être brûlée sur un réchaud en terre, "pour exalter les pouvoirs psychiques, pour se mettre en état réceptif pour effectuer un voyage hors du corps".
Un collier de guimauve passé autour du cou des enfants leur épargne le mal de dents. On dit encore qu'un onguent composé de graines de guimauve pulvérisées empêche les guêpes de piquer.
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Maïa Toll, auteure de L'Herbier du chaman, 36 cartes divinatoires, A la rencontre de la magie des plantes (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs de la Guimauve (Althaea officinalis) :
Mot-clef : Une cuillerée de sucre
La guimauve n'aime rien tant que passer du temps dans votre cuisine. Elle se penche par-dessus votre épaule, vous donnant des idées pour agrémenter vos salades et épaissir vos soupes. « Il n'y a aucune raison que ce qu'on avale soit infect, y compris les plantes médicinales ! » déclare la reine des desserts. Elle est bien placée pour le savoir, elle qui officiait déjà vers 2000 av. J. C., (« L’Égypte chérie, vous dit-elle, quel endroit charmant. J'ai nourri les pharaons et les dieux. ») Mais la guimauve n'est pas du style à s'appesantir sur le passé ; elle est si heureuse de vous faciliter le présent ! Et elle a de quoi faire : « Maintenant, place à la digestion ! » lance-t-elle en se mettant à sa dernière création culinaire. Faites appel à la guimauve quand vous avez besoin d'un édulcorant ou de redécouvrir la douceur des choses.
Rituel : Cuisiner en conscience
Tout acte peut être rituel s'il est accompli en conscience. La guimauve se souvient du temps où la pâtisserie et la fabrication de remèdes médicinaux n'étaient pas si éloignées l'une de l'autre. En l'honneur de sa présence de longue date dans les cuisines, créez un plat délicieusement nourrissant et, en le confectionnant, demandez-vous comment il va nourrir ceux qui le dégusteront. imaginez-les papilles de chacun vibrer à chaque bouchée...
Recettes anciennes, recettes actuelles
Pourquoi les pâtisseries et confiseries à la guimauve étaient-elles réservées aux pharaons de l’Égypte ancienne ? Parce qu'elles étaient longues et difficiles à confectionner. Contrairement aux recettes actuelles qui remettent la guimauve à l'honneur (mais ne réclament qu’une faible quantité de racine de guimauve, juste un clin d’œil à l'usage traditionnel de la plante), les recettes plus anciennes utilisaient le suc de la plante fraîche qui devait subir un processus de transformation durant plusieurs jours avant d'être consommée.
Réflexion : Adoucir et apaiser
La guimauve n'a pas son pareil pour adoucir et apaiser. Quand vous trouvez que la vie est trop rude, quand vous vous sentez comme une écorchée vive, imaginez la guimauve pousser dans le sud d'un marécage où l'eau s'agite à peine, assouplir la terre dure et sèche et libérer ce qui était coincé.
Qu'est-ce que la guimauve peut vous aider à adoucir ?
Quelles aspérités irritent votre esprit ?
La guimauve n'a pas peur des processus - elle sait qu’une recette comporte parfois de nombreuses étapes et que les meilleures saveurs se créent lentement, progressivement, pas à pas.
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Mythologie :
Selon Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
ALTHEA. — Dans l'Etolie, on donnait ce nom à l'amie de Bacchus. D'après Mannhardt, Germanische Mythen, avec un onguent tiré des feuilles de l'althea otficinalis et appelé nÓia-woid, on frotte en Esthonie les membres du corps atteints par quelque magie.
Littérature :
Dans Cérémonial bas-normand (Éditions Fata margana, 1982) Jean Follain se remémore des souvenirs d'enfance :
A d'autres heures du jour, trois personnages funambulesques, disparus après la première guerre mondiale, pouvaient aussi se trouver sur notre chemin : c'étaient la marchande de sang, la navette et le marchand de guimauve. [...]
Le marchand de guimauve affectait, déambulant toujours au milieu de la rue, une noble démarche, habillé qu'il se montrait d'un costume et d'un béret à losanges roses et blancs. Ainsi vêtu, il semblait sortir de la plus authentique comédie italienne et vendait ces bâtons de guimauve torsadés de différentes couleurs aux parfums divers. Il modulait d'une voix ferme, héroïque, son refrain :
A la gui gui, à la guimauve
C'est toujours un sou le bâton
La faridondaine la faridondon.
Il détaillait d'ailleurs toute la gamme des parfums :
Au citron pour les vieux garçons
A la vanille pour les filles
A la menthe pour les tantes
Au chocolat pour les vieux papas.
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Cinéma :
Selon Guillemette Bolens, auteur d'un article intitulé "Les styles kinésiques. De Quintilien à Proust en passant par Tati" paru In : Jenny, L. Le Style en acte. Vers une pragmatique du style. Genève : MétisPresses, 2011. p. 59-85 :
[…]
Commençons, comme Quintilien, par distinguer les actions elles-mêmes : Démétrius faisait gonfler sa toge au vent en entrant sur scène, Stratoclès arrivait en courant. Je vais commencer par me demander ce que font respectivement Keaton et Tati avec un morceau de guimauve.
Dans le court métrage de Keaton My Wife's Relations (1922), Buster travaille dans une confiserie et prépare de la guimauve, ce qui signifie qu'il malaxe à grands gestes un large morceau de guimauve flexible et molle. Il emploie tant d'énergie à le faire que deux enfants captivés par cette préparation finissent par s'esquiver, peu rassurés. Les gestes de Buster s'amplifient au point de le faire bondir pardessus la friandise étirée en corde à sauter, jusqu'à ce qu'un postier arrive soudainement et reçoive un grand pan de guimauve dans le visage.
Cette scène focalise notre attention sur l'énergie de Buster. Elle est représentative du déploiement d'énergie qui dans les films de Keaton crée une distance par le contact. Le slapstick keatonien est un choc réciproque et perpétuel qui ne parvient jamais à réduire la distance intersubjective. Keaton est un génie comique fondamentalement tragique pour cette raison que l'impact des corps entre eux signale paradoxalement l'impossibilité de se rejoindre. S'il y a intersubjectivité – et il y en a –, elle conduit à un espacement interpersonnel : soit littéral, par la distance physique, soit par l'expression d'une incompréhension fondamentale des motivations réelles de l'autre. Le jeu de Buster consiste alors à montrer qu'il fait comme si il comprenait les motivations d'autrui et qu'elles étaient justifiées, alors qu'elles sont généralement opaques ou aberrantes.
[…]
L'humour chez Keaton montre un effort constant visant à gagner un contrôle à la fois douloureux et comique sur ce qui menace de nous submerger, soulignant d'autant la menace permanente que constitue un flot ininterrompu d'impulsions sensorimotrices, dues à la présence des éléments, d'autres corps et d'autres consciences. Cataclysme perpétuel d'une forme toujours surprenante. Les artistes burlesques, à travers des styles variables, montrent que l'humain fait ce qu'il peut avec ce qu'il a et que le résultat, contre toutes attentes, est parfois grandiose en raison de la force de résistance et de vitalité qui s'exprime à travers la liberté de certains gestes.
L'influence considérable de Keaton sur Tati se traduit en un burlesque évidemment modifié par le temps et l'espace: on était aux USA dans les années 1920, on passe dans la France des années 1950. Mais par-delà le contexte culturel et historique, évidemment déterminant, c'est la kinesthésie qui est mise en jeu différemment chez Keaton et chez Tati. Chez Tati, la guimauve a changé d'allure. Keaton malaxe avec une énergie extrême et dit le fossé intersubjectif ; Hulot se tient à distance de la guimauve mais se montre subtilement touché par son mouvement. La sensorimotricité alors ne tient pas à une action directe sur la matière triturée et à un impact corporel sur la face d'autrui, concrétisant à terme la distance intersubjective ; elle s'exprime par un acte perceptif à distance et une résonance motrice exprimée kinésiquement. La scène nous montre, en effet, Hulot regardant avec grande attention un morceau de guimauve qui coule lentement vers le sol, et réagissant à cette perception par de légers mouvements qui suggèrent une empathie kinesthésique, c'est-à-dire que Hulot simule sensoriellement les mouvements de la guimauve dont il adopte la perspective gravitationnelle. Plus tard, Tati réitère l'information et nous revoyons Hulot réagir si bien à la guimauve qu'il manque d'en tomber par terre.
[…]
Ainsi, la performance d'acteur, l'actio de Tati, exploite les possibles de sa ratio singulière pour donner une visibilité à un style kinésique qui relève de l'œuvre tatiesque, à travers la force expressive du style kinésique de M. Hulot. Et ce style kinésique de l'œuvre est organisé de manière à rendre visible le caractère central de la ratio dans l'action d'un humain. Ce que le film manifeste à travers Hulot est la force expressive considérable de la ratio d'une personne, force si considérable qu'elle justifie un film entier.
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