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La Coca




Étymologie :


  • COCA, subst.

Étymol. et Hist. 1568 coca « arbrisseau d'Amérique dont les feuilles contiennent la cocaïne » (Fr. Lopez de Gomara, Hist. Gen. des Indes Occ., etc., trad. en fr. par M. Fumée, f°224 rods Gdf. Compl.) ; 1598 « feuille de cet arbre, que les Indiens mâchent pour son action stimulante » (J. de Acosta, Hist. nat. et mor. des Indes trad. en fr. par R. Regnault Cauxois, fo172 a/b ds König, p. 71). Empr. à l'esp. coca « id. », attesté dep. ca 1550 (Oviedo y Valdes ds Fried.), lui-même empr. à l'aymara, lang. indigène du Pérou (König, pp. 71-72 ; Fried. ; Cor., s.v. coca I ; FEW t. 20, p. 65).


Lire également la définition du nom coca afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Erythroxylum coca -

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Botanique :


Dans le numéro 289 de Science & Vie, on fait le point sur l'utilisation de la coca dans la célèbre boisson américaine :

Y a-t-il de la cocaïne dans le Coca-Cola ?

La question est si récurrente qu'elle figure dans la rubrique Frequently Asked Questions des différents sites internet de Coca-Cola. Ce à quoi la firme répond que sa célèbre boisson n'en contient pas et… n'en a jamais contenu. En réalité, l'histoire, et même le nom de Coca-Cola, contredisent cette dernière affirmation. En 1885, John Pemberton, pharmacien installé à Atlanta, crée le « French Wine Coca », en s'inspirant d'une recette française - le vin Mariani -, un vin de Bordeaux dans lequel sont infusées des feuilles de coca.


Mais en raison de l'interdiction de vente d'alcool à Atlanta (qui précède de 34 ans les lois instaurant la Prohibition aux États-Unis), le French Wine Coca de Pemberton devient illégal. Celui-ci décide alors de remplacer l'alcool par de l'eau et du sirop. Il ajoute également des noix de cola, apportant ainsi au Coca-Cola la seconde partie de son nom en même temps qu'un peu de caféine.

Champion du marketing, Pemberton surfe sur l'argument commercial du sans alcool et fait de sa nouvelle boisson « la boisson de la tempérance ». Sans alcool certes, mais pas sans cocaïne : à l'époque un verre en contient l'équivalent de 9 mg ! Mais en 1903, alors que le succès du Coca-Cola ne cesse de grandir, l'opinion publique s'inquiète des conséquences de la consommation de narcotiques (la cocaïne sera légale aux États-Unis jusqu'en 1914).


FEUILLES DÉCOCAÏNISÉES : La firme commence alors à utiliser des procédés chimiques permettant d'extraire les éléments psychoactifs des feuilles de coca. À partir de cette date, ce sont donc des feuilles de coca « décocaïnisées » qui sont utilisées pour fabriquer le coca-cola. Le procédé est à l'époque probablement encore assez imparfait et dans les années 1920, des contrôles des autorités trouvent encore quelques traces de cocaïne dans la boisson. Depuis, elles ont disparu mais la compagnie continue d'utiliser ces feuilles décocaïnisées. Ou du moins le faisait-elle encore à la fin des années 1980.

En 1988, l'un des dirigeants de Coca-Cola reconnaissait dans une interview donnée au New York Times : « des ingrédients extraits de la feuille de coca sont utilisés mais il n'y a pas de cocaïne dedans » . Trente ans plus tard, est-ce toujours le cas ? Tout porte à le croire même si désormais Coca-Cola se retranche derrière sa position officielle et entretient la légende d'une recette gardée aussi jalousement qu'un secret militaire.

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Historique de l'usage de la coca :


Découverte de la Coca par les Européens : Dans l'article intitulé "Thérapeutique, Toxicomanie et Plantes Américaines." (In : Cahiers d'outre-mer. N° 179-180 - 45e année, Juillet-décembre 1992. Les plantes américaines à la conquête du monde. pp. 263-286) Denis Lemordant résume l'histoire de la Coca :


La légende indienne prétend qu'après la fondation du royaume des Incas, les enfants du soleil leur donnèrent en présent la feuille de coca « qui rassasie les affamés, qui donne à ceux qui sont fatigués ou épuisés des forces nouvelles et qui fait oublier aux malheureux leurs misères ». Certains prétendent que les Incas inventèrent cette origine divine pour se réserver l'usage de la plante. Ils en firent l'emblème de la royauté. Les prêtres contribuèrent à donner plus d'éclat au nimbe divin de la plante en la faisant figurer dans les cérémonies. La joue gonflée des idoles est là pour témoigner de leur divinité. L'usage qui gagna le peuple par la suite a traversé les siècles. La thèse de l'origine divine de la coca a été reprise après l'évangélisation du Pérou et modifiée pour avoir un air plus catholique. Selon la nouvelle version, des diables avaient tenté de tuer Jésus à sa naissance. Dieu le transforma immédiatement en adulte pour lui permettre de fuir et de se soustraire à eux. Marie, éplorée, partit à sa recherche sur un âne. Alors qu'elle allait périr d'inanition, Jésus qui veillait sur sa mère, bénit un buisson de coca sauvage dont elle consomma les feuilles et elle reprit ainsi des forces. Evidemment, cette transposition ne laisse pas de poser des problèmes de temps et d'espace.

Il semble que les Arawaks, chassés de Colombie par les Chibchas, apportèrent la coca au Pérou. La plante fut par la suite la cause de guerres sanglantes en 1230 parle roi inca Mayta Capac et, en 1315, par Roca.

Dès l'invasion espagnole, il est fait état de l'usage de la drogue comme masticatoire supprimant la faim, la soif et la fatigue dont l'emploi était réservé aux seuls chefs incas. Les premiers témoignages sur le sujet sont dus en 1533 à Pizarro, N. Monard et Pedro de Cieza de Leon. Les Espagnols eux-mêmes vinrent à la consommation de la feuille, pratique indienne qu'ils repoussaient à l'origine et qui motiva en partie l'interdiction du Concile de Lima en 1569 sous peine d'excommunication. Le Concile essaya d'empêcher cet usage au Pérou, au Chili et en Bolivie, qu'il qualifiait « d'objet sans utilité, propre à favoriser les pratiques et les superstitions des Indiens ». Des raisons politiques, économiques, sociales et religieuses motivaient cette décision prise alors que l'usage de la feuille, partie intégrante de la civilisation inca, était très répandu et les cultures en pleine prospérité. Mais la coca avait contribué, avec les corvées et la malnutrition, à aggraver l'état de santé des Péruviens. Les conquistadors et les propriétaires des mines et des plantations contraignaient les indigènes au travail et les payaient en coca. Le gouvernement, entre 1560 et 1569, interdit le travail forcé et le paiement en coca parce que « cette plante n'est qu'une idolâtrie, une œuvre du diable. Elle ne fortifie qu' en apparence, par la volonté du Malin. Elle ne possède aucune vertu bienfaisante mais, au contraire, coûte la vie à une quantité d'Indiens qui. dans le cas le plus favorable, ne réchappent des plantations qu' avec une santé ruinée. C' est pourquoi, en aucun cas ni d'aucune façon, on ne devrait pouvoir les contraindre à un tel travail. Il faudrait au contraire, leur ménager et leur conserver la santé et la vie ». Naturellement, comme on peut s'en douter, ces ordonnances restèrent sans effet et la coca devint monopole d'état pour être à nouveau laissée à l'entreprise privée vers la fin du XVIIle siècle.

Pour la mastication, les Indiens confectionnent des boulettes de feuilles privées de leur nervure principale. Avec la pointe d'une baguette humectée de salive, ils prélèvent dans une calebasse une poudre calcaire ou de cendres alcalines obtenues par combustion des tiges de coca, seules ou mélangées à d'autres plantes dont Chenopodium quinoa , des racines de certaines cactées ou des rachis de maïs. Ces cendres sont façonnées en pains avec de la fécule et de l'eau. La calebasse qui les contient est le finit d'une Bignoniacée du genre Crescentia. Dujardin-Beaumetz est l'un des premiers à avoir rapporté le fait.

Les vertus de la coca furent mieux connues en Europe en 1688 lors de la traduction par R. Regnault de l'« Histoire naturelle et morale des Indes, tant orientales qu'occidentales », ouvrage sur le Pérou et ses habitants qui datait de 1616, d'un auteur de mère inca, Garcilaso de la Vega. La traduction par Dalibard, en 1744, à Paris des « Commentaires royaux qui traitent à l'origine des Incas, de leurs lois et de leur gouvernement », ouvrage de J. Acosta, contribua aussi à une meilleure connaissance du masticatoire.

Au début du XVIIIe siècle, le père Feuillée décrit ce qu'il a trouvé dans un tombeau inca : « Ces morts avaient sur la tête une calotte de la même étoffe que leurs habits,... ils avaient aussi un petit sac pendu au col, dans lequel je trouvai des feuilles de cuca, appelée aujourd'hui par les Espagnols coca ».

Monardès en 1569, puis Clusius en 1605 ont été les premiers à traiter de la plante du point de vue botanique. J. de Jussieu qui avait découvert l'arbuste en 1749 dans la Cordillère de la Paz, envoya en 1750 des échantillons au Musée d'Histoire Naturelle de Paris. Ils furent étudiés par A. de Jussieu qui rapporta la plante au genre Erythroxylon et servirent de type à Lamarck pour sa description dans l'Encyclopédie en 1784. H. A. Weddel a donné en 1853 des informations sur la culture. Le cocaïer ou cocalier est, à l'état sauvage, un arbuste de 5 à 6 mètres. Il s'agit d'Erythroxylon coca Lam. de la famille des Erythroxylacées, séparée de la famille des Linacées récemment.

Suivant l'origine géographique, on distingue la variété novogranatense Morris du Pérou ou de Truxillo et une variété holivianum Burck de Bolivie ou de Huanaco. Les Hollandais avaient introduit une troisième variété à Java, la variété spruceanum Burck, pratiquement inexistante actuellement. La culture, améliorée pendant des millénaires parles Incas, se pratique au Chili, en Bolivie, en Colombie, en Argentine, au Brésil jusqu'à 2 000 mètres d'altitude. On la trouve également aux Antilles, en Nouvelle Grenade. Elle est passée dans l'Ancien Monde en Insulinde, à Formose, Natrang, dans l'Est africain en 1946 et tout récemment dans les pays du Golfe de Guinée.

C'est la feuille qui constitue la drogue : elle est entière, ovale, acuminée, assez coriace, à pétiole court muni de deux stipules. Elle mesure de 1 ,5 à 7,5 cm de long sur 1 ,5 à 4 cm de large suivant la provenance. A la face inférieure, deux lignes courbes de part et d'autre de la nervure centrale, délimitent une zone elliptique caractéristique, l'area, plus ou moins visible suivant les échantillons.

La cocaïne a été obtenue en 1855 par Goedecke pour Janot, par Niemann en 1 859 d 'après Guibourt et Theil. Seul anesthésique de surface, elle a été inscrite au tableau B des stupéfiants et est encore utilisée en ophtalmologie et oto-rhino-laryngologie. Sa structure moléculaire a servi de modèle pour la synthèse de produits anesthésiques ne présentant pas l'inconvénient considérable d'être stupéfiant. La cocaïne présente cependant sur les produits de synthèse l'avantage d'être vasoconstrictive, empêchant le saignement des blessures.

En 1895, Schering a mis au point les eucaïnes A et B. En 1904, Fourneau synthétisa un produit auquel il donna son nom : la stovaïne, de l'anglais stove = fourneau. Les produits suivants sont dus à Einhorn et Uhlfelder en 1905 ; ce sont la novocaïne ou procaine et son amide qui sont des molécules très simplifiées. La procaine a en outre des propriétés ralentissant le processus de sénescence mises un temps à profit en gérontologie. Son amide a des propriétés anti-arythmiques.

Jusqu'en 1870, on considérait la coca comme un tonique et ce qu'on appelait alors un aliment d'épargne, notion qui reposait sur l'usage des Indiens au cours de marches forcées ou de longs jeûnes et le constat de l'amélioration du travail musculaire et de la vigilance. En 1 884, Koller reconnaît les propriétés d'anesthésique local de la cocaïne qui va prendre une place importante en thérapeutique. C'est le seul produit naturel de ce type. Sur le système nerveux central, elle a d'abord un effet excitant suivi d'un effet dépresseur. Ce sont les effets excitant et euphorisant que recherchent les cocaïnomanes. Ils l'emploient en prises nasales qui peuvent amener la perforation de la cloison nasale par suite de la nécrose due aux propriétés vasoconstrictrices. Une différence considérable existe entre la mastication de la feuille qui présente des inconvénients relativement minimes et les effets funestes de la cocaïne à l'échelon planétaire. De plus, l'emploi de la feuille est resté cantonné en Amérique du Sud.

La cocaïnomanie a repris une place de première importance et est un sujet d'actualité que nul ne peut ignorer au travel's d'affaires de trafic où les gouvernements des Etats-Unis, de Colombie et de Nicaragua sont impliqués. Jusqu'à ces dernières années, elle n'avait posé de problèmes qu'aux pays sud-américains, problèmes socio-économiques liés à la sous-alimentation et à l'analphabétisme, composantes classiques des régions sous-développées. Même si, au début de son histoire, la coca a eu des applications thérapeutiques, il semble difficile de continuer d'appeler plante médicinale le fléau qu'est devenu ce stupéfiant dangereux. Mais que les amateurs de Coca-Cola se rassurent, les feuilles destinées à sa fabrication sont privées de cocaïne !

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Nicolas Simon, dans une thèse intitulée Le poison dans l’histoire : crimes et empoisonnements par les végétaux et soutenue à la faculté de pharmacie de Nancy, (Sciences pharmaceutiques. 2003. ffhal-01732872f) nous rappelle l'histoire de la coca :


L'Europe civilisée et conquérante ne découvrit la plante coca qu'en 1533 quand Pizarro la trouva partout d'usage courant comme euphorique dans la région des collines, lorsque, partit de la baie des Anges, il faisait route avec ses troupes vers l'intérieur du Pérou.

Mais son usage paraît remonter à bien plus loin. Des signes non équivoques font remonter son usage à 3000 ans av J-C, c'est du moins ce que disent les tombes d'Amérique du Sud dont on exhuma des momies autour desquelles étaient soigneusement rangés des paniers pleins de feuilles de coca, alors que les peintures murales représentaient des personnages à la joue distendue, comme celles des Indiens modernes quand ils chiquent.

La légende elle-même va au-delà du temps : elle nous vient des Incas qui racontent comment leur Dieu Solaire donna aux hommes pauvres et fatigués la feuille de coca pour les soulager de leurs maux.

En 1580, Monardes de Séville rapporta en Espagne les légendes et les feuilles de coca qu'il fit goûter aux dignitaires de la cour; ceux-ci firent la grimace et déclarèrent que cela n'était bon que pour des sauvages et pas pour des êtres civilisés, des chrétiens.

C'est Jussieu, le grand botaniste, qui envoya durant l'année 1750 un spécimen de la plante à Lamarck qui la classa immédiatement sous le nom d'Erythroxylon coca. Ses effets stimulants et anesthésiques furent remarqués cliniquement et les premiers commentaires occidentaux sont largement positifs bien que la critique ne manquât jamais. Ainsi celle que formula en 1836 l'Allemand Poeppig qui déclara que « la passion de la coca est plus néfaste encore que celle de l'alcool. ».

En France, au milieu du 19ème siècle, un homme d'affaire avisé se fit le chantre d'une boisson à base de feuille de coca qui portait son nom: le vin Mariani. Des personnalités telles que Rodin, Zola, Verlaine ou Gounod en étaient des buveurs invétérés et on dit même que le pape Léon XIII se promenait en permanence avec une gourde contenant ce produit à la ceinture en guise de remontant. Les Américains rétorquèrent en mettant sur le marché le Coca-cola®, en 1891, sur une idée originale d'un pharmacien de Géorgie.

Le vin Mariani dut disparaître dès la première décade du 20ème siècle avec la prohibition qui toucha toutes les drogues psychoactives et la prise de conscience de tous les dangers que ces produits peuvent renfermer. Les actuels propriétaires de Coca-cola® dénient aujourd'hui que leur boisson ait jamais contenu des extraits de feuilles de coca, mais la vérité est toute autre: la formule originale contenait bien de la coca et donc son alcaloïde et on ne le remplaça par de la caféine que bien plus tard.

Pendant longtemps les chimistes ont cherché à isoler l'alcaloïde de la coca et ce n'est qu'en 1859 qu'Albert Nieman isola le principe actif de la plante qu'il baptisa cocaïne. Cette substance a ouvert la voie à tous les anesthésiques locaux que nous utilisons encore aujourd'hui tels que la xylocaïne ou la procaïne.

Ce produit eut un succès foudroyant, on l'utilisa jusque dans les plus hautes sphères de la bonne société européenne pour ses propriétés stimulantes et euphorisantes. Un jeune médecin autrichien de l'hôpital de Vienne l'expérimenta sur lui-même, ce jeune homme, répondant au nom de Sigmund Freud, avait découvert qu'en en prenant chaque jour de petites doses il parvenait à traiter très efficacement ses symptômes dépressifs et toutes sortes d'autres pathologies mentales dont souffraient ses patients. Mais le père de la psychanalyse dut bien vite se rendre à l'évidence que la cocaïne relevait plutôt du dangereux poison que de la panacée; en effet, le nombre des cocaïnomanes augmentait chaque jour un peu plus et le désastre ne faisait que commencer. Freud devint ensuite un farouche opposant à l'utilisation de la cocaïne.

Voyons la définition que Le Petit Larousse donne de la cocaïnomanie :


« Intoxication chronique résultant de l'usage habituel de la cocaïne. C'est l'une des toxicomanies les plus dangereuses. Elle se manifeste précocement par une euphorie, un état d'excitation psychique, et bientôt par de nombreux troubles: hallucinations visuelles, auditives, cutanées, altération de l'état général. La déchéance physique, morale et intellectuelle est particulièrement rapide. Le sevrage est possible mais la récidive est fréquente. »

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Symbolisme :


Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Coca - Bienfait suprême.

C'est au milieu des hautes savanes de l'Amérique que croît cette précieuse plante qui a conservé la vie à tant de voyageurs. Dans ces déserts éloignés de toute communication avec l'homme, et qu'il doit traverser sans espoir de rencontrer aucune ressource alimentaire, l'Indien se munit d'un petit sac renfermant des boulettes faites de feuilles de coca écrasées. Quelques-unes de ces doses lui suffisent pour passer plusieurs jours sans nourriture, tout en conservant ses forces et son énergie pour atteindre le but de son voyage.

 

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


Coca : Querelle ; Aigreur.

Plante du Pérou, ses feuilles servent à préparer des médicaments fortifiants.

 

Pour Zorka Domic, auteur d'un article intitulé « L’histoire de la coca et de la cocaïne », (paru dans Chimères, vol. 91, no. 1, 2017, pp. 178-186) :


Selon une légende bolivienne, la feuille de coca est une offrande des dieux aux hommes des Andes. Elle est cultivée avec un soin religieux dans les vallées tempérées de la région. On ne saurait se passer de cette feuille : elle est bonne pour le repos, mais aussi pour le travail, pour calmer la douleur comme pour donner le courage. On fait aussi appel à elle pour accompagner les rites de passage et la communion avec les dieux. Divinité féminine qui a pris place dans l’espace symbolique, imaginaire et réel de la communauté. De ce fait, elle est vécue comme un des pivots d’une certaine identité culturelle.

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Mythologie :


Céline Valadeau, dans un article intitulé "Catégorisation des plantes et des entités étiologiques chez les Yanesha (piémont amazonien du Pérou)." (Bulletin de l'Institut français d'études andines, 2012, n°41 (2), pp. 241-281) rapporte des éléments mythiques qui concernent la coca dans la culture Yanesha :


[...] À l’instar des tsapo’marnesha des hauteurs des montagnes d’autres entités dont les plus citées sont Arroshena’, Alloch et Muentac, vivent aux abords des chemins accidentés qui montent des vallées vers les cimes, sentiers souvent empruntés par les humains pour accéder aux abattis.

[...] Alloch, lui, est une entité flottante dans les airs dont le pouvoir de transformation est a priori inexistant. En effet, les discours relatent que seuls les chamans ou les personnes consommant de la coca sont capables de le voir. Les autres décèlent seulement sa présence car il se dégage sur son passage une odeur âcre rappelant la viande avariée ou le chien sale.

[...]

Pour leur part, les yeýo’marnesha’ ne possèdent pas de facultés de transformation, et ne possèdent pas d’attribut physique particulier. Êtres toujours invisibles, leurs caractères monstrueux ne peuvent être appréciés que par des personnes telles que les hommes mâchant de la coca ou des piri piri (Cyperaceae) spécifiques et le pa’llerr, le chaman. Ces entités signent leur présence dans le monde « visible » par des incidents climatiques.

[...]

Dans le cas des Divinités et des ancêtres, leur transformation en être au corps de plante (puechor) est, soit consécutive à la mort du corps humain de l’ancêtre ou de la divinité, soit issue d’une de leurs productions corporelles (comme le lait ou le sang) tombée au sol, et le reste de leur corps prend alors une autre apparence, telle celle d’oiseau et autres animaux, ou encore d’étoile. L’apparition d’une plante a toujours lieu à la suite d’évènements généralement dramatiques (trahisons, dangers imminents) ou de découvertes fortuites, et est toujours présentée comme délibérée, intentionnelle ou motivée par un but spécifique, celui d’aider les Yanesha dans la construction et le maintien d’un état de bonne santé.

Selon les données recueillies, et les dires de Richard Smith, il existe plusieurs grandes familles de divinités, qui se positionnent les unes par rapport aux autres selon certains niveaux hiérarchiques. Toutes ces familles sont ordonnées selon le même schéma généalogique, avec le niveau le plus élevé dénommé Yato’ (Notre Grand-Père) qui se trouve au rang hiérarchique supérieur. C’est, par exemple, le rang où se positionne Yato’ Yos, Notre Grand-Père Yato’ Yos, Yato’ Yemats, Notre Grand-Père Tabac, ou encore Yato’ Ramuesh, Notre Grand-Père Ramuesh. Au rang intermédiaire dans chaque grande famille se trouvent Yompor (Notre Père) et Yachor (Notre Mère). En descendant ensuite l’arbre généalogique, Yemona’sheñ (Notre Frère) et Yo’äh (Notre sœur) occupent le rang inférieur de l’arbre généalogique (Smith, 1977). Il existe donc des personnages mythiques qui peuvent être considérés comme des divinités de rang supérieur (Yato’ Yos et ses envoyés, Yosoper et ses envoyés), et des divinités se situant plus bas dans la généalogie, considérées comme étant de rang inférieur.

Il est possible de positionner certaines des Divinités et les plantes qui en sont issues le long de cet arbre de parenté. C’est ainsi qu’au rang intermédiaire, le lait de Santosaprecoya, fille de Notre Grand-Père Yato’ Yos, va donner naissance à une plante, pomocpar (Anthurium croatii Madison) :

« […] ».

À ce même rang généalogique, la Divinité Coca, Yachor Mom, se trouve rattachée à cette famille de par son union avec un des fils de Yato’ Yos dénommé Yompor Ror. La coca porte aujourd’hui le nom de coc’ (Erythroxylum coca Lam.) :

« […] Yompor Ror, furieux des infidélités de sa femme et du manque de respect de Huar, démembra sa femme et jeta les morceaux de son corps de tous les côtés. […] À chaque endroit où tomba une partie de son corps, poussa un plan de coca identique à celui que nous consommons aujourd’hui. […] ».


Dans ces deux cas, la transformation en plante se fait à partir d’une sécrétion du corps de la Divinité ou à partir des morceaux de son corps.

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Contes et légendes :


Sur le site A la croisée des chemins, on trouve la légende suivante, une légende sur la coca, écrite par Dora Justiniano de la Rocha, la belle-mère de la secrétaire générale d’Inti Illimani :


Il existe une légende depuis des temps très anciens. Elle nous raconte que Khana Chuyma, un sorcier entre les sages, s’occupait du temple du soleil du Titicaca sacré. Avec révérence et très soigneusement, il accomplissait fièrement son travail. Khana, le grand devin au service de l’empereur inca a prédit un destin incertain: “des hommes blancs sont déjà en train de se rapprocher. Ils viennent de terres très lointaines. Ils s’apprêtent à piller les trésors cachés des quechas et des aymaras”. Quel destin malheureux! Il faut cacher les trésors du temple du soleil. Qu’il ne reste aucun vestige pour les âmes étrangères. Ces trésors seront sans danger dans le lac sacré de Titicaca. Qu’il garde pour lui tout cet or ! Connaissant les secrets de Khana Chuyma, les espagnols le cherchèrent partout et rapidement l’emprisonnèrent. Avides de richesse, ils lui firent subirent mille tourments. Fatigué de tant de cruauté, Khana leur donna de jolis filigranes. Pour Khana, cette singulière prévision fut un vrai martyr. Plus tard, il rêva de son Dieu Soleil, il lui apparut, irradiant derrière une montagne et il lui dit d’un ton résigné : “mon pouvoir ne peut rien contre ces dieux de blancs”. Secoué, Khana le supplia : “Mon Dieu, donne-moi une faveur, une faveur durable qui consolera mes frères de leurs douleurs et misères”. Et c’est alors que l’être supérieur des Andes leur donna cette grâce. Dans les hauteurs d’une montagne, très fatigué, le sorcier Khana, écouta la voix du Dieu Soleil : “Regarde autour de toi ces petites plantes de feuilles vertes et ovales. Je les ai fait germer pour toi et c’est un miracle en ce jour. C’est de la coca, et ses feuilles donneront de la force à celui qui les mastiquera, elles endormiront la peine et calmeront la fatigue”. Khana retourna dans sa cabane, content du présage qu’il révéla aussitôt.

“Et dans le fond de la mine, quand le travail vous submergera, d’extraire des montagnes, l’or, l’argent et le cuivre et tant d’autres métaux précieux, alors mastiquez de la coca: vous supporterez la pénombre et la terreur qui domine dans ces bas-fonds. A l’inverse, si l’homme blanc en absorbe, il lui arrivera alors le contraire, il perdra la tête, il deviendra bête jusqu’à en devenir fou. Pour l’indien, ce sera le bien-être.” “Pour connaitre le futur, on jette les feuilles de coca au vent et elles tomberont en dessinant des formes et c’est ainsi que ce qui est obscur se clarifiera et l’esprit sera encouragé par des prédictions optimistes qui le conduiront sur le bon chemin”. Khana Chuyma en mourant, répéta ceci à ses frères : “cultivez avec beaucoup de soin cette plante merveilleuse qui nous a été léguée par notre Dieu Soleil, faites attention à ce qu’elle ne s’éteigne pas”. Et le sorcier moribond soupira profondément. Ses frères Aymara étaient tristes que ce grand sorcier cesse de vivre. Ils le veillèrent pendant trois jours. Ils le pleurèrent avec beaucoup de douleur. Et sa tombe fut entourée des petites plantes de coca, qui poussèrent avec beaucoup de ferveur. Les Aymaras conversèrent beaucoup sur la coca et ses mystères, car autour d’eux, la verdure de la feuille les éblouissait. Ils la mastiquèrent et promirent de s’en occuper. Ainsi leur tristesse se dissipa et ils restèrent admiratifs devant la coca. Avec vénération et amour à l’immortel Khana, les habitants du lieu propagèrent les bienfaits de cette plante mystérieuse. Ils la cultivent depuis lors. Ils s’en servent comme médicament s’ils sont fatigués ou s’ils souffrent de quelques maux. Le temps passa et la coca s’est transformée en un problème social, à cause des convoités dollars, la coca est mélangée avec des produits chimiques pour la convertir en drogue et elle est ainsi utilisée par des innocents qui se complaisent dans des fantasmes. Tout ceci conduit à de la violence et à l’expansion des narcos qui ont développé de caustiques compétences pour s’enrichir de la cocaïne. En générant tout ce mal-être, la société court un grand risque. La coca est extraordinaire, nous ne devons pas l’éloigner de son état naturel. Elle ne fait aucun mal aux agriculteurs, ni aux voyageurs. La coca n’est pas de la cocaïne. Ce n’est pas non plus une feuille malicieuse dans sa forme première. Pour tout cela, nous exigeons que toutes les nations prennent conscience qu’il faut respecter notre coca et ne pas consommer de cocaïne ! Il faut dire non aux narcotrafiquants et aux barons de la drogue! Il faut lutter contre le mal pour être pour toujours dignes !

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Littérature :


Dans La Nuit de Géronimo (Éditions Viviane Hamy, 2009) Dominique Sylvain imagine un personnage qui veut éradiquer la coca afin de lutter contre la drogue :


- Raconte.

- Un scientifique français effectuait des recherches sur un virus capable d'exterminer la coca. Il est entré en contact avec un membre de l'ambassade de Colombie aux États-Unis.

- Paola Domeniac. A l'époque Paola Mosquera.

- C'est ça. Paola Mosquera, spécialiste des cartels, travaillait pour le gouvernement colombien. Elle connaissait les noms, les organisations, les liens et les rivalités. La manière dont s'organisait le trafic. Emilio ne se souvient pas du nom du chercheur, mais il n'a pas oublié Paola. Elle était jolie. Et futée. Combien de temps lui a-t-il fallu pour comprendre que l'idée de son mari ne plaisait à personne ?

Le mot inca khoca ne signifiait pas pour rien "l'arbre de l'excellence". Les Incas s'en servaient pour leurs rites religieux, pour galvaniser leurs soldats, faire oublier leur faim aux populations et pour des interventions chirurgicales, comme la trépanation. Les paysans de la cordillère des Andes avaient de tous temps mâché des feuilles de coca. Soucieux de limiter le trafic, les gouvernements occidentaux privilégiaient la pulvérisation de défoliant sur les champs illégaux, au détriment de la santé des paysans qui les cultivaient. Sans oublier l'existence des champs licites destinés à la fabrication de médicaments.

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