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La Circée




Étymologie :


  • CIRCÉE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1572 (J. des Moulins, Trad. des commentaires de Matthiole sur Dioscoride, 10 ds Hug.). Empr. au lat. impérial circaea « id. », transcription du gr. κ ι ρ κ α ι ́ α ρ ̔ ι ́ ζ α « id. (proprement : racine de Circé) » (Apollodore, ibid.), dér. du nom de la magicienne Circé en raison des qualités miraculeuses attribuées à cette plante (FEW t. 2, p. 695a).


Lire également la définition du nom circée afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Circaea lutetiana - Circée commune - Circée de Paris - Herbe aux sorcières -

Circaea alpina - Circée des Alpes -

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Botanique :



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Usages traditionnels :


Les expériences médicales faites par le narrateur lui-même sont particulièrement intéressantes à cet égard. Du Tertre, souffrant des dents, découvre un remède grâce à un Amérindien qui le voit «  travaillé, jusqu’à l’extrémité de cette douleur enragée  » et lui apporte une «  espèce de Solanum fort petit  » et une «  Circea  » (1)  :


Il [l’Amérindien] m’ordonna de prendre de l’une ou de l’autre racine, de la presser, & de la tenir long-temps sur la dent qui me faisoit mal  ; j’experimentay que toutes deux avoient le mesme effet : car à l’instant cela me fit cesser la douleur ; mais aussi il engourdit non seulement la gençive, mais encor la moitié de la teste, du costé où il estoit appliqué. Ie crois que c’est un posion qui pourroit causer quelque paralysie, ou quelque autre accident à ceux qui en useroient souvent. Ie ne sçay si le Circea a le mesme effet en France, mais il est certain que dans les Isles ces deux plantes sont dangereuses. (1667, tome II : 93)


Le savoir sur la plante se construit à partir des sensations et dans l’incertitude de son effet. L’exemple du circea montre que la connaissance de l’aliment exotique se fait souvent par étapes : le voyageur identifie chez lui-même un besoin, les Amérindiens lui suggèrent une solution, lui présentent la plante, et ce n’est qu’après cette introduction que le relateur observe et goûte lui-même la plante ou en expérimente les effets, et peut ainsi la mettre en rapport avec ses connaissances et en distinguer les traits caractéristiques.

C’est donc une nécessité physique qui préside à cette incorporation de l’élément inconnu. Le processus interactif permet de transgresser la séparation qui est à la base de l’observation visuelle, en faisant de l’exploration de l’ailleurs un processus expérimental. Du Tertre voit la plante, mais ne peut la comprendre qu’après avoir fait physiquement l’épreuve de ses qualités, et la transformation de cette épreuve en savoir dépend en outre des Autochtones. Ainsi se forme une description sensorielle de la texture, de l’odeur, du goût et parfois de l’effet produit, notamment dans le cas des plantes médicinales. Cette expérience, qui fait du corps du missionnaire l’officine du savoir nouveau, suggère que l’exotisme n’apparaît pas comme une collection de disjecta membra  ; il s’agit ici au contraire d’un processus d’intégration. Le corps du voyageur, métonymique de celui du reste de la colonie, se constitue comme une interface ; il filtre le connu et l’inconnu. C’est ainsi que le corps devient une figure essentielle de la poétique du voyage. Par son intermédiaire, la narration peut capter et mettre en scène l’expérience de l’étranger dans laquelle le même et l’autre s’interpénètrent.


Note : 1) Il s’agit probablement de la circaea lutetiana, autrement appelée «  herbe aux sorcières  ».

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la circée :


CIRCÉE - SORTILÈGE.

Comme l'indique son nom, cette plante est célèbre dans les évocations magiques. Sa fleur en épi est rose veinée de pourpre. On la trouve dans les lieux humides et ombragés ; elle aime surtout à croitre sur les ruines, et sur les débris des tombeaux.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Circée - Sortilège.

Cette plante, qui joue encore un rôle dans les évocations des sorciers, tire son nom de la célèbre enchanteresse de l’antiquité.

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Circée - Sortilège - Magie.

Circé était fille du jour et de la nuit ; elle fut chassée de son pays pour avoir empoisonné son mari, le roi des Sarmates , et alla fixer sa demeure dans l'île d'Ea. Dans cette retraite, elle se livra à la culture des plantes qu'elle faisait servir à la composition de philtres et de poisons. Ulysse ayant abordé dans son ile , elle essaya de le retenir auprès d'elle , mais dans sa colère , et voyant qu'elle ne pouvait y réussir , elle changea ses compagnons en bêtes fauves et voulut aussi faire boire à Ulysse du même breuvage : par bonheur, Minerve qui veillait sur le roi d'Itha que, l'en avertit et lui donna les moyens de fuir.

Circé, devenue amoureuse du triton Glaucus, fut jalouse de la nymphe Scylla. Celle-ci étant venue lui demander un philtre pour se faire aimer de Glaucus, Circé lui donna une petite fiole en lui disant d'en boire la moitié, et qu'aussitôt Glaucus l'épouserait. Scylla s'empressa d'obéir ; mais, ô surprise! à la place d'une charmante femme, on ne vit plus qu'un épouvantable monstre dont la partie inférieure ressemblait à un chien. La malheureuse Scylla éprouva une telle horreur de sa métamorphose qu'elle se précipita dans la mer, au fond d'un gouffre duquel les marins prétendaient entendre sortir les aboiements d'un chien.

La plante appelée circée était célèbre chez les anciens pour les évocations magiques. Cette fleur a une tige assez haute, elle forme un joli épi rose, veiné de pourpre. Généralement elle recherche les lieux humides et pousse auprès des ruines. Son infusion est enivrante.

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Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


CIRCÉE : Sortilège.

Cette plante, qui croît sur les tombeaux, était autrefois employée dans la sorcellerie.

 


Mythologie :


Tony Goupil, dans un article intitulé "- Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (in : Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016, pp. 157 - 162) établit une distinction entre des plantes appelées circaea :


La mandragore a hérité du nom de Circaea car la célèbre magicienne antique Circé, se serait servie de la plante dans la confection de ses filtres d’amours. Ainsi par glissement métonymique elle a donné son nom à la plante. Ainsi aucun rapport avec la Circea de la famille des Onagracae, qui est appelée « Circée de Paris » selon Alexandre de Théis et son Glossaire de botanique (1810) car de la même façon que Circé retenait les voyageurs par la force de ses enchantements, la plante retient les marcheurs car elle s’attache aux vêtements. Moins prosaïque, Dioscoride parlait dans ses traités d’une plante la Circaea utilisée en Europe pour conjurer le mauvais sort. Le botaniste du XVIe s. Matthias de Lobel la fait un lien, sans preuve tangible, à la Circaea lutetiana qui poussait aux alentours de la capitale.

 

Pour en savoir davantage sur la magicienne,

Circé, la fée des métamorphoses
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un article d'Hélène Vial, "La “fée des métamorphoses”: Circé dans le livre XIV des Métamorphoses." (In : Journée de Recherches et d’Agrégation Ovide, Métamorphoses XIV. 2011.) :

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