Étymologie :
Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 fig. « mettre (quelqu'un) dans l'embarras » (Benoit de Ste-Maure, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 4760); 2. 1316-28 « mettre des entraves à un animal, l'attacher » (Ovide moralisé, éd. C. de Boer, I, 3545). Du lat. vulg. *impastoriare « mettre une entrave », dér. de [chorda] pastoria « corde qui retient un cheval broutant » (643 ds Nierm.), lui-même dér. de pastus « paturage ». Il existait, d'autre part, en a. fr. et m. fr. un verbe empasturer distinct de celui-là (ca 1200 Aiol, 5447 ds T.-L.), v. paturon.
Lire également la définition de empêtré afin d'amorcer la réflexion symbolique, même si l'étymologie n'a rien en commun avec celle de la plante....
Autres noms : Empetrum eamesii Fern. & Wieg. - Camarine pourpre -
Empetrum nigrum - Baie de corneille - Bruyère à fruits noirs - Camarine à fruit noir - Camarine noire - Empétrée noire - Goules noires (= fruits - Saint-Pierre et Miquelon) - – Graines à corbejeaux (= courlis) - Graines à corbigeaux - Graines noires - Raisin de corneilles - Vacinet noir -
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Botanique :
Magaud de Beaufort, dans un ouvrage désuet intitulé Élémens des Sciences Physiques et Naturelles, à l'usage des écoles primaires et pensionnats.-Botanique. (C. Tresse Éditeur, 1846) décrit rapidement l'empetrum :
EMPÉTRACÉES. - Le genre empetrum, le seul de notre flore qui appartienne à cette famille, est un arbrisseau à fleurs petites, régulières et axillaires. Chacune d'elles se compose d'un calice à trois sépales, de trois pétales et de trois étamines complètes entourant un pistil rudimentaire, ou de trois étamines avortées entourant un pistil complet. L'ovaire est libre, à plusieurs loges, contenant chacune une graine.
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Pierre Charles Labrude, auteur de Quelques exemples d'excursions botaniques effectuées dans les Vosges et en Alsace par les élèves en pharmacie de Nancy à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. (Université de Lorraine, 2018) précise :
La camarine noire, sous-arbrisseau aux feuilles persistantes, se rencontre dans les moraines (débris arrachés à la montagne et entraînés par un glacier, dont il reste aujourd'hui de vastes accumulations d'énormes blocs de pierre dans les Vosges), les éboulis frais et humides et les pentes exposées au nord et fortement enneigées l'hiver. En août, la plante porte des baies noires de saveur acidulée et rafraîchissante, que les marcheurs apprécient, mais qui provoquent des vertiges et des maux de tête chez ceux qui en absorbent trop.
Jean-Claude Rameau, Dominique Mansion et Gérard Dumé, auteurs d'une Flore forestière française tome 2, Montagnes : Guide écologique illustré. (Vol. 2. Forêt privée française, 1994) proposent une fiche détaillée pour décrire la Baie de corneille noire :

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Dans Production de petits fruits en tourbières (Université Laval, Québec. 134 p., 2007) édité par le Groupe de recherche en écologie des tourbière, sous la direction de Line Rochefort et Line Lapointe, on peut lire une description plus détaillée de la camarine :
La Camarine (Empetrum nigrum L., en anglais : Crowberry) est un petit arbuste poussant en tapis serrés et dont les feuilles, ressemblant un peu à des aiguilles de conifères, persistent durant l’hiver (Figure 7.2). On la trouve dans les sols pauvres en nutriments, notamment en tourbière (tourbières assez sèches et sites résiduels), mais aussi sur des falaises, en toundra et en forêt d’épinette. Elle a une répartition générale dans les régions subarctiques (Marie Victorin 1995).
Les fleurs de Camarine (mâles ou femelles, ou portant les deux sexes), apparaissent de mai à juin et produisent de petits fruits noirs, dont la production est relativement constante d’une année à l’autre. Ses fruits, riches en vitamine C et en antioxydants (Annexe 1; Kähkönen et al. 1999), peuvent être consommés frais, en jus, déshydratés, intégrés dans des recettes (la cuisson rehausse leur saveur) ou peuvent également être utilisés comme colorant alimentaire. On peut les récolter à l’automne; ils sont généralement plus sucrés après un gel, et peuvent même persister jusqu’au printemps.
La culture de la Camarine a récemment été testée dans une tourbière résiduelle de la péninsule acadienne au Nouveau-Brunswick (La Mousse acadienne (1979) ltée), à partir de tiges (avec racines) prélevées sur un ancien site abandonné. Peu d’individus ont survécu à la transplantation lors de cette expérience, tant pour les plants témoins que pour les plants fertilisés (15g/m2 de roche phosphatée), ces derniers ne présentant qu’un taux de survie de 5 % après deux saisons de croissance.
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Usages traditionnels :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de la Camerine noire :
Usages médicaux. Les fruits de cette plante sont de petites baies noires, comestibles, douceâtres, légèrement acides. On en fait une sorte de limonade qui est rafraîchissante. Quelques peuplades du Nord s'en servent pour préparer par la fermentation une liqueur vineuse.
Selon Virginie Vaté, autrice de "« Quand les racines des saules commencent à dégeler, les gens reviennent à la vie… » : Relation aux végétaux chez les Tchouktches éleveurs de rennes." (in : Études Inuit Studies, volume 45, number 1-2, 2021, pp. 439–478) :
Camarine noire : Tchouktche : Lyguun’’ylgyn (лыгуунъылгын), lygoon’’ylgyn (лыгоонъылгын), lyguun’’yt (лыгуунъыт, plur.) Russe : šikša
Famille : Éricacées
Nom linnéen (genre, espèce) : Empetrum nigrum L.
Utilisation : On consomme la baie, ramassée à la fin du mois d’août et au début du mois de septembre. Le plus souvent elle est consommée sur place mais peut parfois être ajoutée à certains plats, en particulier dans le sang (mutlymul/мутлымул). Elle est la baie « par excellence » (lygb) pour les Tchouktches.
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Selon Paul Bacoup, Natacha Caurette, Anne-Sophie Laurent, et al. (ed.), auteurs de À table ! : De l’approvisionnement au dernier repas. (Éditions de la Sorbonne, 2021) :
L'alimentation de ces populations côtières [les Inuit] était assurée par la chasse aux mammifères marins et terrestres ainsi que par la pêche. Les plantes, considérées comme une ressource secondaire, avaient néanmoins une place essentielle d'un point de vue matériel, alimentaire, médicinal et social (Oswalt, 1957 ; Garibaldi, 1999 ; Jones, 2010). Dans l'alimentation, les denrées végétales représentent seulement 1 à 2% des calories, mais plus de 50% de vitamine C, une vitamine indispensable au maintien du système immunitaire (Rodhal, 1952 ; Jones, 2010). En outre, les végétaux, sources principales de fibres dans l'alimentation humaine, sont un élément essentiel pour le bon fonctionnement du système digestif, en particulier pour des populations dont le régime alimentaire est majoritairement carné. Ainsi, d'après les données ethnobotaniques sur la région (Oswalt, 1957 ; Garibaldi, 1999 ; Burch, 2006 ; Jones, 2010), les baies et autres petits fruits produits par des espèces ligneuses étaient les principaux végétaux consommés. Encore aujourd'hui, les plus appréciées chez les Inupiat sont les baies de camarine noire (Empetrum nigrum), les mures de plaquebière (Rubus chamaeromus), les airelles (Vaccinum vitis-idaea) et les myrtilles des marais (Vaccinum uliginosum). Ces plantes, collectées durant la période estivale, étaient et sont encore mélangées à de la graisse de phoque, fermentées ou séchées puis stockées dans des espaces froids pour y être conservées tout l'hiver (Jones, 2010).
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Croyances populaires :
Julien-Joseph Virey, auteur d'une Histoire naturelle des médicamens. (Éditions J. Gratiot, 1820) établit un lien entre la couleur des plantes et leur toxicité :
De la couleur noire. Rarement cette couleur se montre dans les pétales ; elle est plus commune dans les écorces qui enveloppent les racines, dans les tuniques des semences, pour les garantir des corps environnans.
La nature semble elle-même nous écarter de cette couleur repoussante. Les fleurs brunâtres et tirant sur le noir de la belladone, de la jusquiame, de diverses morelles, des capsicum, des cestrum, etc., des cynoglosse, scrofulaire, cabaret et aristoloches, hellébore noir, parisette (raisin de renard), ballotte, ortie puante, etc., contiennent toutes un principe nauséeux, plus ou moins acre et délétère.
Les plantes solanées si funestes ont presque toutes un feuillage noir, indice de leurs qualités : telles sont surtout les belladones, les mandragores, les morelles noires, le tabac ; et ces plantes fournissent un principe colorant vert foncé dans les huiles fixes. Le fusain , les nerpruns , les sureaux , le noyer et autres arbres ayant des couleurs noirâtres, sont doués de qualités malfaisantes. Il est particulier de remarquer que chez les espèces dont le feuillage est taché de noir, comme les arum, les renoncules maculées, la persicaire maculée, le geranium hircinum, L., la ciguë maculée, les orchis tachetés, le lierre, le galeobdolon (galeopsis), le pavot noir, les aconits, etc., il existe précisément des principes plus ou moins caustiques ou délétères, qui ne s'observent point dans les espèces voisines ; mais ces indices sont bien plus frappans dans la couleur des fruits, car il n'en existe peut-être aucun de couleur noire qui soit exempt de danger lorsqu'on en mange. On connaît les effets funestes des baies de belladone, de morelle noire, de bryone bien mûres, de redoul, des rhamnus, des rhus, des ménispermes (coques du levant), de viorne, d'empetrum, d'actœa, de lierre et de tant d'autres qu'on pourrait citer ; mais ce qu'on n'a peut- être point assez considéré, c'est que nos fruits noirs de merisier causent souvent beaucoup de mal.
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