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L'Ange gardien

Photo du rédacteur: AnneAnne



Étymologie :


ÉTYMOL. ET HIST. I.− 1. Mil. xie s. angele (Alexis, éd. Paris et Pannier, 18c ds T.-L. : une imagene... Qued angele firent) ; ca 1100 angle (Rol., éd. Bédier, 2262) ; xiie s. angre (Ronc., p. 92 ds Littré) ; 1641 ange (Calvin, Instit., 107, ibid.) ; 2. p. anal. fin xvie s. « jolie et douce créature (ici au fém., désigne une femme aimée) » (Guy de Tours, Le paradis d'amour, II, 21 ds Hug. : Pose la Devarfil auprès cette belle ange. Il n'est fille dans Tours plus digne de louange Pour la facondité de son langage doux). II.− a) 1340, 27 janv., par synecdoque, numism. « monnaie d'or émise par Philippe VI de Valois, portant sous un dais gothique un ange couronné, debout sur un dragon et tenant une croix à long pied et un écu, le tout dans une rosace » [d'apr. Giani, Les Monnaies royales fr., 1926, p. 64] (Ord., VI, X ds Gdf. Compl. : Deniers d'or fin appelez angles qui auront cours pour soixante quinze souls tournois la piece) ; b) peut-être par antiphrase, 1548 ichtyol. ange de mer « sorte de squale » (Rabelais, IV, 60 ds Hug.). Du lat. chrét. angelus (gr. α ́ γ γ ε λ ο ς « messager, envoyé », Homère, et « envoyé de Dieu, ange », Septante ds Bailly), attesté au sens 1 dep. Tertullien, passim ds TLL s.v., 45, 44-50 ; p. anal. au sens de « homme de piété remarquable » (Collectio avellana, 566, 8, ibid., 45, 68). Angle, angre sont de formation pop., reposant sur une forme syncopée par chute de la pénultième atone (paroxyton). Angele suppose un lat. proparoxyton où la pénultième atone a été conservée (en raison du caractère sav. du mot et prob. aussi en raison de la complexité du groupe consonantique qu'aurait entraîné la syncope); apr. chute régulière de la voyelle finale, la consonne intervocalique, devenue finale derrière voyelle inaccentuée, ne tarda pas à s'amuïr ; angele n'a été dès lors qu'une graphie traditionnelle ne comptant que pour deux syllabes ; Fouché p. 472, 507, 661; voir aussi Berger, Die Lehnwörter in der frz. Sprache ältester Zeit. 1899, pp. 56-58.


Étymol. et Hist. [1174 en lat. médiév. guardianus (Doc. ap. Du Cange t. 4, p. 125a) ; 1255 en fr., s. réf. ds Bl.-W.1-5] ; 1. 1264 gardiain « celui qui a charge de garder (une personne, un lieu, un bâtiment) » (Doc., Archives du Jura ds Gdf. Compl.) ; 2. ca 1270 « supérieur d'un couvent » (Couronnement de Renard, éd. A. Foulet, 1202). Issu, par substitution de suff., de l'a. fr. gardenc (gardens, etc., au sens 1 dep. le xiie s., v. T.-L. ; DEAF, s.v. garder, col. 180-182), lui-même dér. du rad. de garder; suff. germ. -enc, v. -an, -ane, étymol. B 6. Pour le sens 2, cf. également l'a. prov. gardian « id. » (Vie de S. Alexis ds Rayn. t. 3, p. 425b), cet emploi étant propre aux couvents franciscains. Fréq. abs. littér. : 1 541. Fréq. rel. littér. : xixe s. : a) 1 729, b) 2 429 ; xxe s. : a) 2 268, b) 2 412.

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Symbolisme :


Philippe Faure, dans un article intitulé "Angélologie et dévotion aux anges au Mont-Saint-Michel : le Libellus de angelis et hominibus... attribué à Pierre Le Roy". (In : Culte et pèlerinages à saint Michel en Occident : les trois monts dédiés à l’archange. Rome : École Française de Rome, 2003. pp. 161-178. (Publications de l'École française de Rome, 316)) étudie le lien de l'ange avec saint Michel :


Tout le projet de l’auteur [Pierre Le Roy} est de faire entrer le lecteur dans la familiarité des esprits célestes, de lui faire comprendre que le salut dépend de la bienveillance et du concours des anges. À cet égard deux éléments doivent être soulignés : le rôle que jouent le « mythe » de la splendeur de Lucifer et de sa chute, de l’imagerie visionnaire liées à la chute originelle de l’ange, à l’ordre céleste – déstabilisé par la chute – et à l’eschatologie du Jugement, qui restaure l’ordre céleste par l’élévation des élus. L’exégèse de la parabole de la drachme perdue que développe Grégoire le Grand dans son Homélie sur l’Évangile de saint Luc, joue à ce sujet un rôle fondamental, mais implicite. Même lorsqu’il est question de Denys, c’est encore souvent l’ordre grégorien qui prévaut dans l’énumération et la définition des neuf chœurs célestes.

D’autre part, on voit bien comment s’opère le lien entre le culte de saint Michel et la dévotion aux anges : le combat spirituel contre Lucifer et les siens n’est plus seulement inaugural ou apocalyptique, il est de tous les instants, il a lieu ici et maintenant dans le monastère. La teneur et l’enchaînement des oraisons à Michel, à tous les anges, et à l’ange gardien personnel, montrent bien que la piété tend à individualiser la relation au monde des esprits célestes et qu’elle a besoin d’une tonalité plus affectueuse. Dans ces conditions, le Libellus témoigne aussi d’une certaine ouverture aux tendances de la piété de son temps, et permet de mieux comprendre pourquoi la fin du Moyen Âge consacre le triomphe des anges gardiens, qui apparaissent comme les innombrables soldats de saint Michel.

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Anne Manevy dans « Tes anges ne sont pas les miens ! ». De l’ange gardien à l’ange haziélien. (In : Archives de sciences sociales des religions, 2005, no 130, pp. 13-36.) s'intéresse au devenir contemporain du concept d'ange gardien :


L'onomastique angélique : Les livres de Haziel et de ses émules postulent l'existence de soixante-douze anges, associés aux astres et « régissant » chaque individu en fonction de sa date de naissance. Chacun de ces anges porte un nom terminé par les suffixes el ou iah. On trouve par exemple un ange nommé Caliel, un autre Véhuiah, un Nanael, etc. Ces noms sont construits sur le même modèle que ceux issus de la mystique juive, les suffixes el et yah servant à qualifier « Dieu » et « Seigneur ». Chacun de ces noms est assigné à l'un des neuf chœurs d'anges théorisés par le pseudo-Denys dans sa Hiérarchie céleste. Présentés sous forme de répertoires, ces ouvrages définissent la nature, les attributs et les pouvoirs de chaque ange.

[...]

Pour comprendre cette typologie et ses nombreux avatars, il nous faut remonter au début du XIXe siècle. À l'époque, en 1823, un dénommé Lenain publie un ouvrage intitulé La Science cabalistique ou l'art de connaître les bons génies, ouvrage qui sera réédité en 1909, préfacé par le Docteur Papus. Au chapitre VI, Lenain explique les « influences » des soixante-douze « génies », qu'il appelle aussi, mais plus rarement, « anges ». C'est cette nomenclature que reprend Haziel au XXe siècle, ainsi que tous les auteurs d'ouvrages du même ordre, utilisant les mêmes noms et les mêmes attributs, les mettant, si besoin, « au goût du jour ». Lenain, pour sa part, reprenait déjà à son compte les soixante-douze noms répertoriés, à la Renaissance, par l'un des pères fondateurs de la kabbale chrétienne, Johannes Reuchlin (1455-1522) qui, au livre troisième de son De arte cabalistica, nomme les soixante-douze anges et décrit leurs « signatures » magiques. La démonstration de Reuchlin s'appuie sur la manipulation arithmétique de l'alphabet hébreu servie par des procédés de permutation, opérations ardues que je ne développerai pas ici. Notons encore que les suffixes el et iah sont déjà présents. Heinrich Cornelius Agrippa von Nettesheim (1486-1535 ?), un autre kabbaliste de renom, énumère lui aussi ces anges ainsi que leurs correspondances avec les astres. Lenain, fort de cette liste de noms, la parachève, affectant chacun des soixante-douze génies à un chœur angélique particulier et lui attribuant ce qu'il appelle une « nation » ainsi qu'un horaire précis.

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La critique des autorités : Alors que la mystique juive et les écrits intertestamentaires, le livre d'Hénoch en particulier, nomment les anges, l'Église, quant à elle, récuse cette opération, les seuls anges nommés étant les trois archanges cités dans les textes canoniques. Très tôt dans l'histoire du christianisme est affirmée la prohibition des noms d'anges. Le concile d'Aix-la-Chapelle (789) rappelle cette interdiction : « Conformément au canon trente-cinquième de Laodicée, on ne doit invoquer que les anges dont les noms sont connus : Michel, Raphaël et Gabriel sont seuls dans ce cas. » [...] L'avantage de l'abbé Thiers est d'expliciter très clairement ce qui est redouté par l'Église à savoir que, si on nomme les anges, on les confond avec les « génies », on revient au paganisme antique.

[...]

Conclusion : Pour l'Église de l'époque post-tridentine, les « génies » kabbalistiques réveillaient la vieille crainte du paganisme. Aujourd'hui, sont surtout à redouter les dérives superstitieuses et syncrétiques. Les listes d'anges diffusées au XIXe siècle s'appuient, certes, sur des traditions antérieures mais s'en détachent nettement par leur orientation principale qui est, à mon sens, la distribution de l'humanité selon soixante-douze classes, démarche caractérologique également propre aux horoscopes qui se mettront en place au milieu du xxe siècle. On repère aussi une forme de spécialisation qui n'est pas sans rappeler une version moderne du culte des saints. Ces anges offrent à l'individu l'occasion d'un discours sur soi et l'expression d'une singularité. Trouver ou encore « connaître » son ange gardien participent alors d'une opération légitime et congruente, l'établissement, finalement, d'un autoportrait.

Ces anges gardiens sont fort différents de ceux traditionnellement mis en avant par la catéchèse catholique. Il ne s'agit plus tant de bien faire que d'être favorisé, le rôle de tutelle morale disparaît au profit de la protection personnelle permanente. Ce n'est plus l'espoir de rédemption qui prime mais la réussite et la fortune, bref ce qu'il est convenu d'appeler le « bonheur ». Avec l'établissement d'une typologie censée épuiser tous les tempéraments humains, l'ange gardien s'efface en tant que moyen de salut pour devenir un instrument de félicité et, partant, s'individualise. Mais cette individualisation fait question au sein d'un catholicisme qui, justement, l'a favorisée, reconnaissant le « propre ange » de chacun tout en exprimant son refus du nom et de l'énumération. Un ange qui n'est plus un intercesseur mais qui est autonome et puissant est une dérive relevant de « la superstition » : il concurrence le Très-Haut mais aussi une autre figure exemplaire et souvent spécialisée, celle du saint intercesseur.

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Anne Manevy, autrice de "Le droit chemin. L’ange gardien, instrument de disciplinarisation après la Contre-Réforme." (Revue de l’histoire des religions, 2006, no 2, pp. 195-227) retrace l'évolution du concept d'ange-gardien :


Au cours des siècles, l’Église a décrit un ange tutélaire, bienveillant et anonyme, attitré à la garde de chaque individu. Comparativement à d’autres figures du panthéon catholique, cet ange gardien a été peu étudié. On sait cependant qu’avant de s’établir dans le champ de la piété individuelle, il fut d’abord l’objet d’un culte civique, assigné à la protection d’une collectivité locale en particulier1. La fête des saints anges gardiens, fixée au 2 octobre, est étendue à l’Église universelle au XVIIe siècle et, usant de tous ses outils de validation traditionnels – normes liturgiques, ouvrages de piété, sermons, iconographie, approbations, indulgences, confréries… –, l’autorité ecclésiale s’est appliquée à définir cette figure du « bon ange député à la garde de chaque fidèle », relevant de ce que Jean Delumeau appelle le « vaste mouvement de sécurisation », et signe de la piété individuelle. Dans la piété tridentine, l’ange gardien personnel est surtout un auxiliaire de la Bonne Mort dont la préparation embrasse tout le temps de l’« épreuve ». Du même coup, il est aussi celui qui protège contre la mort subite et, par sa veille accrue, prévient les accidents. Progressivement, l’ange gardien va participer d’un système d’édification, intervenant auprès des enfants à la manière d’une conscience morale, encourageant la modestie, la bonne conduite et tout ce qui maintient le chrétien dans le « droit chemin ». Dès lors, il est vivement encouragé de se recommander sans cesse à ce compagnon invisible, à ce « fidèle ami », adversaire des tentations et des mauvais penchants. Mais, dans ce vaste processus de disciplinarisation, la fonction tutélaire du « bon ange » recoupe les prérogatives d’une autre figure, celle du saint patron.


L’Ange conducteur de l’âme et la Bonne Mort : À l’époque médiévale, l’ange gardien personnel apparaît dans un certain nombre de poésies composées par des religieux lettrés. En langue vulgaire, les prières à l’ange tutélaire, au « propre ange », semblent dater du XIVe siècle. Généralement établies à la première personne, ces prières insistent sur le salut de l’âme – l’instant du jugement est capital – et évoquent les tentations que le bon ange, l’ange « commis », doit permettre d’écarter. Après la Réforme, c’est sur cette protection lors des « Fins Dernières » que l’Église entend fonder sa pastorale de l’ange gardien personnel, par le biais notamment de toute une « littérature de vulgarisation théologique et de spiritualité ».

[...]

L’ange est celui qui veille sur l’âme, depuis la conception jusqu’au fameux « Jugement ». Traditionnellement, le diable montre au moribond ses mauvaises actions, dans le but de l’inciter au désespoir, tandis que l’ange l’exhorte à la confiance dans la miséricorde divine. L’ange et le diable tiennent respectivement un livre des bonnes actions et un livre des mauvaises, biographies antagonistes destinées à sauver ou damner l’âme au moment de la mort. Il arrive aussi que ce soit l’ange gardien qui présente lui-même le livre de toutes les actions, bonnes ou mauvaises. Telle est ainsi l’opinion du prédicateur Bossuet lorsque, dans son Sermon pour la fête des Saints Anges Gardiens prononcé en 1659, il avertit son auditoire du rôle des anges habilités à porter au ciel les « mérites » comme les « crimes ». Son rôle se réduit alors à celui d’un témoin et il est dégagé de toute responsabilité dans le Jugement. Il est celui qui guide et qui rend des comptes au moment du trépas, non celui qui décide du sort de l’âme. L’ange gardien est donné au pécheur mais ne peut rien pour lui, la responsabilité de l’homme est seule mise en cause. C’est le thème bien connu du « pèsement de l’âme », saint Michel étant l’archange d’ordinaire préposé à cette tâche. La spécificité de la période qui fait suite à la Contre-Réforme catholique est d’adjoindre au traditionnel archange psychopompe la figure de l’ange gardien assistant personnellement son protégé. Il faut dire que la figure débonnaire de l’ange gardien est évidemment moins redoutable que celle du sévère archange, ce dernier ayant la réputation de n’apparaître qu’à ceux dont la mort imminente est certaine.

Élément plutôt rassurant : la sollicitude de l’ange gardien n’est pas remise en cause par les péchés de son protégé, malgré la sainte horreur que ceux-ci lui inspirent. [...]

Ainsi, à l’heure de la mort, le saint ange gardien manifeste-t-il ses talents consolateurs ; son rôle n’est pas d’atténuer les douleurs physiques, mais bien de consoler l’âme : « C’est dans ce moment si terrible que l’Ange Gardien déploie toute sa charité, toute sa compassion, pour consoler la pauvre âme dans son angoisse ; il dissipe ses craintes, il ranime sa confiance. » Son action ne se limite pourtant pas à ce soutien durant l’épreuve du trépas. L’ange gardien, en effet, présent tant pendant l’agonie qu’au moment du Jugement particulier, a aussi sa place dans l’économie du Purgatoire. Pendant le temps du Purgatoire, il se tient aux côtés de l’âme dont il a la charge, la réconforte et lui fait part des prières à son intention 

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Aux objections avançant la non-incarnation des anges, les Pères du deuxième concile de Nicée (787) répondirent que, bien qu’incorporels, les anges possédaient un corps « subtil », « aérien » et « igné » et que leur représentation était dès lors légitime, au même titre que toutes les « saintes images » de Dieu, du Christ, de la Vierge et des saints.

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Bon ange et saint patron : Les saints sont ainsi confinés dans une position subalterne et leur rôle minimisé. Si le saint ange gardien, qui vient « juste après la Vierge », fait meilleure figure que ces serviteurs de Dieu, n’est-ce pas parce que certains échappent encore largement au contrôle de l’Église romaine ? Ce que William A. Christian appelle la « religion locale » met en effet en jeu l’autonomie d’un saint particulier considéré comme plus efficace dans les limites d’un territoire donné. Davantage sollicitée pour ses pouvoirs propres que pour son rôle d’intercesseur, la figure du saint contrarie aisément l’autorité ecclésiastique, sans compter que le caractère « centrifuge » et coutumier dominant du culte des saints va à l’encontre du centralisme tridentin. À l’inverse, au même titre d’ailleurs que le culte de la Vierge Marie, la dévotion à l’ange gardien est centralisée et cléricalisée ; le culte « civique » à l’ange gardien des localités est rapidement tombé dans l’oubli, tandis que s’imposait son homologue préposé à la garde de l’individu.

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Fidèle ami, bon prêtre : Si le XVIIe siècle a vu l’avènement de la propagation de cette dévotion à l’ange gardien, diffusion largement tributaire du zèle des membres de la Compagnie de Jésus, mais aussi de toutes les nouvelles congrégations sacerdotales, et sanctionnée par l’inscription de la fête au calendrier romain, le XIXe siècle va donner une nouvelle impulsion au culte du saint ange gardien, essor qui est d’ailleurs caractéristique de bon nombre de « dévotions nouvelles », qui s’accentuent dans la seconde moitié du siècle, et dont font aussi partie les diverses manifestations de la piété mariale.

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L’ange est volontiers présenté comme un compagnon « zélé », « constant » et « désintéressé », familiarité qui sans doute atténue quelque peu son anonymat. Étant donné les qualités qu’on lui prête, une autre analogie peut alors être établie entre l’ange gardien et la figure du « bon prêtre » : « le bon prêtre doit aussi être considéré comme l’ange gardien de nos âmes » ; l’un et l’autre sont « deux amis sincères que nous devons regarder comme nos anges conducteurs dans les voies du salut ». Modèle idéal, le bon prêtre, entièrement dévoué au salut de ses ouailles, synthétise donc les caractéristiques du bon ange et illustre encore une fois la valorisation du pouvoir clérical et de la direction de conscience.

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Une attribution sélective : L’attribution individuelle de l’ange gardien s’accompagne d’une particularisation que rappelle, dans un souci d’exhaustivité, la diversité des modèles de prières énumérant les occasions de l’invoquer : prière du matin et du soir, à l’heure du repas, en voyage, en passant devant une croix, en cas de faute, à l’ange du prochain, etc. Les saints anges investissent le quotidien, il est bon de se recommander à eux en toutes circonstances, et plus seulement à l’heure de la mort. La question de la prise d’effet de la protection angélique personnelle diffère cependant selon les théologiens. On relève trois possibilités : l’attribution de l’ange gardien au moment de la conception, de la naissance, ou encore du baptême. C’est généralement le premier cas de figure qui prévaut, faisant de l’ange un gardien universel.

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Selon Pascal Mons, auteur de “Les Subversions de La Figure de l’ange Dans Le Nouvel Âge.” (Angelicum, vol. 86, no. 1, 2009, pp. 25–63.) :


C'est ainsi que dans un unique ouvrage, l'on rencontre les assertions suivantes relevant de registres de discours et de rationalités totalement différents: "Les anges sont les intermédiaires entre Dieu et le monde des hommes [...]. L'ange symbolise la créature dans laquelle apparaît, déjà réalisée, la transformation du visible en invisible"; "Votre ange gardien est votre double astral. Il est aussi votre âme désincarnée qui communique avec votre âme incarnée de votre existence terrestre"; "Votre ange gardien est l'être céleste disponible pour vous entendre, mieux ! pour vous écouter !"

[...]

1) Les anges gardiens : Le Nouvel Âge fait massivement appel à la tradition chrétienne et même biblique de l'ange gardien. Non sans lui apporter des modifications. Ainsi leur nature participe de l'ambiguïté générale planant sur l'essence de l'ange. Par exemple, selon la tradition kabbalistique, chaque homme possède trois anges gardiens. Lisons quelques extraits de la description qu'un chapitre d'ouvrage consacre à l'ange gardien :


"D'une part il nous relie à Dieu à travers l'âme dont il est le côté éveillé et à travers l'Esprit dont il fait partie. Et d'autre part il relie entre elles toutes les vibrations de l'âme qui, vous le savez, n'est que l'enveloppe vibratoire de l'Esprit."

"L'âme naît avec la création. Elle se détache de l'âme collective sans s'opposer à Dieu, elle est toujours avec Lui, puisqu'elle est toujours tournée vers lui. Progressivement elle prend conscience d'elle-même, elle devient 'intelligente'. C'est la première étape. [...] L'étape suivante c'est l'incarnation humaine d'une partie de l'âme et l'ange gardien accompagne chaque incarnation. Il vient de l'infini, il est avec nous depuis la création du monde et il se fondra avec notre âme dans l'Esprit lorsque le moment de la réintégration sera venu." Cet ange gardien "est la pureté que nous essayons de retrouver consciemment. Il fait partie de nous, il est notre meilleur côté, il est notre accomplissement. Il nous aide à vivre les vertus en ce qu'il met en action ce que nous sommes capables d'être et de manifester de meilleur. Essayer de vivre les vertus c'est lié au corps. Mais ressentir l'état, cela est manifesté par l'ange gardien. C'est pourquoi il nous faut lui donner vie, le nourrir de ce que nous voulons devenir profondément. Et c'est pourquoi nous pouvons aussi l'appeler notre ego sublimé. [...] L'ange gardien est notre fil conducteur. Sans lui, comment ferions-nous pour ne pas nous égarer ? [...] Grâ ce à lui, nous ne pouvons jamais nous sentir perdus. Nous sommes toujours "en pays de connaissance" : [...] il nous ramène à Shambhalla (1) qui est en nous."

"C'est l'Esprit incarné. Il a la pureté du corps psychique dont la lumière n'est pas encore voilée par la matière. C'est la pureté de Jésus ressuscité, du Nouvel Adam demandant qu'on ne le touche pas encore. À mesure que le corps du Premier Adam se densifie, descend dans la matière, il devient "impur". Mais cela ne veut surtout pas dire qu'il devient pêcheur, cela signifie simplement qu'il participe désormais au monde créé, le monde de la dualité. Il possède toujours son corps de lumière et cela pour l'éternité, malgré les apparences multiples dont il va se revêtir au niveau de ses incarnations. Et l'ange gardien représente la fine pellicule d'or qui enveloppe la vibration de l'âme et protège ce corps de lumière. Quand, au terme de ce cycle, nous retrouverons ce corps, quand le nouvel homme naîtra, nous serons devenus identiques à l'ange gardien, il nous aura pris en son sein, nous serons devenus lui.

"Il fait donc partie de l'âme, mais en fait il n'a pas d'existence propre. C'est un potentiel positif, une énergie appartenant au plan angélique, c'est-à-dire à un plan qui n'a pas choisi la voie de l'incarnation. [...] Comme il est le commandement de pureté, il est en même temps l'acte créateur qui perpétue cette pureté. [...] En fin de compte, nous sommes tous Lucifer, des "porteurs de lumière" descendus dans la matière. À ce point de vue, l'ange gardien c'est la lumière intérieure que nous avons perdue et qu'il nous aide à retrouver."


Jean-Claude Genel, Shambhalla, terre de louanges, Paris, Éd. des trois monts, 1994, "l'ange gardien", p. 73 à 78.


Cette longue citation présente l'intérêt de concentrer bon nombre de thèses caractéristiques de la conception Nouvel Âge du cosmos, du corps, de l'âme, de Dieu, de l'ange e, général et de l'ange gardien en particulier :

  • Il est d'essence divine car il vient de Dieu. Là réside l'origine de son pouvoir créateur.

  • Mais il est aussi une partie de notre essence, la meilleure ("notre ego sublimé"), puisque l'âme est elle-même d'origine éternelle.

  • Sa plus grande qualité est la pureté : cette caractéristique, aimée du Nouvel Âge (que l'on songe à la gnose cathare), doit s'entendre dans un sens non pas éthique mais ontologique (l'absence de mélange avec la matière).

  • Il est de nature vibratoire, mais d'une vibration très pure ; et comme la lumière est vibration, il est pure lumière. De plus, l'âme, en son essence, étant elle aussi vibration, on peut dire que l'ange gardien est cette "pellicule d'or qui enveloppe" l'âme.

  • Sa mission est non seulement de protéger l'homme mais de le reconduire à Dieu : il est à la fois mémoire de notre origine divine perdue ou plutôt oubliée et prescription, conscience, enjoignant l'homme à rejoindre sa finalité divine à venir.

  • Son être s'explique par sa genèse, plus encore que par sa mission. Celle-ci s'inscrit dans une théogonie de type gnostique sur laquelle nous reviendrons plus bas.


2) Les soixante-douze anges (2) : L'approche Nouvel Âge ne se contente pas de cette connaissance anonyme et lointaine. En effet, l'ange gardien est convoqué pour sa capacité à pouvoir apporter la sécurité, la consolation, la guérison. Or, celles-ci supposent une relation proche, amicale. Voilà pourquoi la majorité des ouvrages expose une catégorisation de soixante-douze anges, chacun d'entre eux se caractérisant par un certain nombre de traits qui lui sont propres. Tout d'abord, ils portent un nom, celui-ci se terminant souvent par le suffixe el. Ce nom présente un sens qui livre la clé spirituelle de son influence. Ensuite, ils possèdent différentes propriétés cosmologiques sur lesquelles nous reviendrons. Enfin et surtout, l'ange exerce un certain nombre d'influences sur la personne, en son corps ou en son âme. De cette spécialisation de l'ange découle une conséquence d'importance : il convient d'invoquer l'ange en fonction de ses compétences.


Note : 1) Le terme "Shambhalla", catégorie centrale de l'ouvrage, désigne un "lieu psychique", "auquel on n'accède qu'en s'élevant aux plans supérieurs de l'âme" (Ibid., p. 1). Dans ce lieu, présent en chacun de nous, circule l'énergie divine ; il est, au fond, de nature divine.

2) 3 Remarquons à ce sujet que le nombre 72 présente la propriété remarquable d'être divisible par de multiples diviseurs (en l'occurrence dix: 2, 3, 4, 6, 8, 9, 12, 18, 24, 36), ce qui lui permet de s'adaptter à quantité d'autres typologies : des 12 signes du zodiaque (à raison de 6 par signes puisque 6 x 12 = 72) aux 9 chœurs des anges (à raison de 8 par chœurs, puisque 8 x 9 = 72), en passant par les 24 heures de la journée (à raison d'un tiers d'heure, soit 20 minutes quotidiennes, par ange, puisque 3 x 24 = 72). Enfin, il est lui-même le diviseur de nombres plus élevés signifiants, notamment les 360 jours de l'année (à raison de 5 jours, un quinial, par ange, chaque année, puisque 5 x 72 = 360.

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