L'Éventail des fées
- Anne
- 11 mai
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Dernière mise à jour : il y a 5 jours
Étymologie :
Étymol. et Hist. 1. 1416 « écran que l'on agite pour donner de l'air » (Inv. de N.-D. de Paris, fo 6 vods Gay) ; p. anal. 2. 1721 [des arbres] en éventail « en forme d'éventail » (Trév.) ; 3. 1723 « écran que l'émailleur place devant sa lampe pour se protéger de la chaleur ». Dér. du rad. de éventer* ; suff. -ail*, sur le modèle de ventail.
Lire également la définition du nom éventail afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Le nom botanique vient du grec « skhizein », fendre (« schizophrène » a la même étymologie) qui signifie : « feuillets séparés, fendus » - et de « phyllum » feuilles, lames.
Autres noms : Schizophyllum commune - Schizophylle commun - Schizophylle vulgaire - Suehirotake -
Mycologie :
Eléonore Blandeau, autrice d'un Etat des lieux du potentiel anticancéreux de neuf champignons macroscopiques (Thèse pour l'obtention du Doctorat en pharmacie, Université d'Angers, 2012) décrit ainsi le Schizophylle commun :
a) Morphologie : Le chapeau est en éventail ou en coquillage de 2 à 5cm, fortement strigueux ou laineux, de couleur gris blanchâtre, à beige ochracé terne. La marge est lobée ou frisée. L’hyménium, en fausses lames radiales, fendues dans le sens de la longueur est de couleur beige rosâtre à plus ou moins rougeâtre vineux. La chair est pâle et tenace. Les spores mesurent 4x1µm et sont cylindracées (Bon, 2004).
b) Habitat : Très commun et cosmopolite, on le trouve du printemps à l’automne sur les branches des feuillus tombés à terre, sur toutes sortes de bois morts. Le champignon a une capacité de reviviscence, traversant ainsi les périodes de sécheresse de l’été et reprenant un aspect de fraîcheur aux premières pluies (Bon, 2004).
c) Culture : possible.
d) Consommation : aucun intérêt culinaire (Bon, 2004).
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A. Outcoumit A. Ouazzani Touhami et A. Douira, auteurs d'un article intitulé "Schizophyllum commune (Fr.) Fr., 1921, un Basidiomycète commun à multiples facettes". (In : Revue Marocaine de Protection des Plantes, 2013, no 4) nous en apprennent davantage sur le comportement de ce champignon :
[...] Comme son nom l’indique, Schizophyllum commune est caractérisé par ses lames fendues longitudinalement et qui peuvent se fermer et s’ouvrirent respectivement au desséchement et à la réhydratation. Ce critère est spécifique à cette espèce de champignons à lames. Ainsi, elle ne semble pas être très étroitement liée aux autres champignons à lames (Bouriquet et al., 1970).
Chez l’homme Schizophyllum commune peut provoquer des mycoses et des sinusites atypiques. Egalement, elle est à l’origine de molécules thérapeutiques employées pour traiter certaines maladies (Wasser, 2002). De même, dans certains pays, il s’agit d’une espèce comestible (Wasser, 2002).
[...]
Le nom de l'espèce "commune" fait référence à l’étendue immense de l’aire de répartition de Schizophyllum commune. En effet, c’est l'un des champignons les plus répandus sur la planète. A part, dans l’antarctique, il se rencontre sur tous les continents et on peut l’observer pendant toutes les saisons dans son aire de répartition. Ainsi, on le trouve abondamment dans la littérature mycologique (Patouillard, 1900 ; Kauffman, 1918 ; Cooke, 1961 ; Schwalbetal., 1971 ; Loquin, 1984 ; Gibertonietal., 2004 etc.). Desséché, il reste vivant durant des décennies. Schizophyllum commune est également l’un des champignons les plus étudiés et les plus connus et également les plus faciles à reconnaître (Cooke, 1961; Malençon et Bertault, 1975 et Berends et al., 2009).
[...]
Quant à son mode de vie, Schizophyllum commune est une espèce lignicole saprophyte qui se rencontre sur les débris ligneux divers, le bois mort ou à l'occasion sur le bois vivant. En 1961, Cooke a énuméré plus de 350 espèces ligneuses sur lesquelles il a été trouvé. Bien que le bois soit son substrat habituel, Schizophyllum commune est également un agent pathogène (Bessey1952). Il attaque les essences végétales probablement affaiblies. Nous l’avons observé plusieurs fois sur des arbres vivants notamment sur Acacia sp. Dans la Mamora et d’après Gardner (1996), il s’attaque à Acacia koa, arbre endémique des iles Hawaii. Il vit aussi sur des fruits et sur d'autres produits agricoles, notamment sur la canne à sucre, où il peut causer des dommages considérables (Assamoi et al., 2009). Il provoque sur les plantes hôtes une pourriture blanche et compte parmi les espèces pionnières qui colonisent les arbres brulés par le soleil (Conedera et al., 2007). C’est également un agent pathogène transmis par les semences du palmier à huile (Elaeis guineensis Jack.), tout en causant leur pourriture brune (Antarjo, 2007). D’autre part, les observations microscopiques, aussi bien photonique qu’électronique ont révélé que Schizophyllum commune est un mycoparasite de plusieurs champignons (Tzean et Estey,1978). Les hyphes de Schizophyllum commune entourent les hyphes de l’hôte et ses fructifications puis y pénètrent soit par des hyphes non spécialisés ou par l’intermédiaire d’appressoriums terminaux.
Schizophyllum commune se développe rapidement en culture, où il produit fiablement des basidiomes ; les étapes de son développement correspondent au cycle le plus simple. Presque 100% de ses spores germent rapidement; il n'est pas exigeant quant à la composition du substrat nutritif ; le glucose et de quelques sels minéraux lui sont suffisant (Schwalb et Miles, 1967).
[Toxicité] : S. commune peut aussi pousser sur des tissus animaux et humains et parfois y produire des basidiomes (Malençon et Bertault, 1975 ; Rihsetal., 1996). Ainsi, selon Guarroetal., (1999), cette espèce envahissante qui provoque la pourriture du bois figure parmi les Basidiomycètes capables de coloniser et provoquer des infections sévères chez l’homme. Cooke (1961) a rapporté des cas où ce champignon est survenu sur les os de baleine, sur les ongles des pieds et dans un crachat d’un patient qui a l’habitude de mâcher le dit champignon. Restrepo et al., (1973) ont isolé un champignon d’un abcès de la bouche d'un enfant. L’isolat fut ensuite mis en culture et identifié par Watling et Sweeney (1974). Rihs et al., (1996), ont rapporté que S. commune peut se développer sur les ongles, dans le nez, dans les poumons ou le cerveau et qu’il peut être mortel. Hosoe et al. (1999) ont isolé S. commune dans une mycose pulmonaire humaine et Kawayama et al. (2003) ont déterminé qu’une pneumonie a été induite par ce champignon.
Le champignon peut également entrainer la stérilité chez le porc. Foudin et Calvert (1982) ont signalé des stérilités et des fausses couches chez des cochons nourris avec une bouillie de sorgho infectée par S. commune. Les auteurs supposèrent que S. commune a produit des substances toxiques dans la bouillie. En 1999, Hosoe et al. ont démontré que S. commune peut effectivement produire des substances toxiques. Dans le cas de la mycose pulmonaire, évoquée plus haut, ils ont isolé de S. commune une violente cytotoxine, qu'ils nommèrent schizocommunine. Mais, la production de cette toxine par des carpophores sauvages demeure jusqu’à maintenant inconnue. Au cas où cette mycotoxine est produite à l’état sauvage, elle n'est probablement pas un violent poison puisque, selon Cooke (1961), le champignon est comestible au Congo, au Pérou, à Assamet en Thaïlande
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Vertus médicinales :
Dans son Etat des lieux du potentiel anticancéreux de neuf champignons macroscopiques (Thèse pour l'obtention du Doctorat en pharmacie, Université d'Angers, 2012) Eléonore Blandeau nous apprend que :
Indications et utilisations traditionnelles : Ce champignon est utilisé contre les fatigues chroniques. Il peut être retrouvé dans certains compléments alimentaires pour son action qui renforce le système immunitaire.
Au Japon, il est utilisé comme traitement adjuvant lors de séances de radiothérapies dans le cadre de soins anticancéreux. Grâce à un composé nommé SPG, ce champignon semblerait favoriser une meilleure résistance de l’organisme à l’exposition répétée aux rayons X. De plus, les chercheurs japonais ont mis en évidence des propriétés anti-HIV de ce champignon.
Dans "Schizophyllum commune (Fr.) Fr., 1921, un Basidiomycète commun à multiples facettes". (In : Revue Marocaine de Protection des Plantes, 2013, no 4) A. Outcoumit A. Ouazzani Touhami et A. Douira évoquent également l'intérêt médical de ce champignon :
Schizophyllum commune pourrait aussi avoir des vertus curatives. Ying, et al. (1987) ont déclaré qu'il peut enrayer la croissance de certaines tumeurs malignes de 70% à 100%. La substance active est un polysaccharide nommé schizophyllane et il peut effectivement avoir une action antitumorale ou immunofavorable (Borchers et al., 1999 ; Sadler, 2003 et Wasser, 2002 ; Lemieszek et Rzeski, 2012, Berends, 2013). Des médicaments à base de la schizophyllane contre les tumeurs cérébrales sont produits industriellement (Wasser, 2002
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Usages traditionnels :
F. Ruán-Soto, R. Garibay-Orijel et J. Cifuentes, auteurs de « Process and dynamics of traditional selling of wild edible mushrooms in tropical Mexico », (In : Journal of Ethnobiology and Ethnomedicine, vol. 2, no 1, 2006)
Le Mexique est le 6e pays au monde qui compte le plus grand nombre de groupes ethniques. Cette diversité culturelle comprend 62 groupes ethniques parlant 290 variantes dialectales et représentant 13 % de la population totale. La consommation de champignons est une tradition très répandue au sein de ces groupes, qui remonte à l'époque préhispanique. Cela est attesté par les pierres à champignons mayas datant de la période de 1000 à 200 av. J.-C., ainsi que par les représentations de champignons dans des codex tels que Vindobonensis, Magliabechi, Florentino et Indigena N° 27. Tous ces éléments confirment l'existence d'une attitude mycophile chez les habitants de la Méso-Amérique. Cependant, même si les tropiques abritent 32 % des groupes ethniques mexicains et la majeure partie de sa biodiversité, les études ethnomycologiques sont rares
[... Néanmoins], Chacón a constaté que Schizophyllum commune est le champignon le plus apprécié dans certaines régions de Veracruz.
[...]
Nous avons pu constater que Schizophyllum commune était vendu dans quatre marchés de Oaxaca et deux marchés de Tabasco.
[...]
Conclusion : Dans la zone étudiée, seuls Schizophyllum commune et Favolus tenuiculus sont vendus, et le principal contraste avec d'autres espèces charnues des zones tempérées est leur consistance caoutchouteuse.
La vente de champignons n'a eu lieu que sur les marchés mobiles et seulement dans les stands des paysans. Les vendeurs de champignons étaient principalement des femmes et un nombre considérable d'entre elles étaient autochtones. Tous étaient habitants des zones rurales. Ces vendeurs de champignons ne cueillent pas eux-mêmes les champignons car la collecte est toujours limitée par le régime foncier. Elle se fait principalement dans les champs de maïs, les prés où paissent les bovins et la végétation secondaire. C'est une activité secondaire à laquelle tous les membres de la famille peuvent participer.
Schizophyllum commune a une grande valeur culturelle là où sa vente a lieu, ce qu'on peut déduire de sa grande présence sur les marchés, le volume total des ventes et la préférence explicite des acheteurs.
A. Outcoumit A. Ouazzani Touhami et A. Douira, auteurs d'un article intitulé "Schizophyllum commune (Fr.) Fr., 1921, un Basidiomycète commun à multiples facettes". (In : Revue Marocaine de Protection des Plantes, 2013, no 4) évoquent la comestibilité de ce champignon :
Cependant, les avis des mycologues ne font pas l’unanimité quant à la comestibilité de S. commune. Pour Rolland (1910), les carpophores de S. commune sont trop petits et trop coriaces pour qu’ils soient comestibles. Pour d’autres (Chang et Lee, 2004 ; Degreef et al., 1997 ; Adejoye et al. 2007), au contraire, c’est une espèce comestible et même parfois appréciée. En effet, S. commune figure parmi les 39 espèces comestibles dans certains pays africains (Degreef et al., 1997). Au Nigeria, d’après Adejoye et al. (2007), S. commune est très apprécié et se caractérise par une valeur nutritionnelle élevée. De même, dans les régions tropicales du Mexique, S. commune figure parmi les champignons comestibles commercialisés en grande quantité et consommé par les métis ruraux non autochtones (Ruán-Soto et al., 2006, 2009). Elle est également consommée en Thaïlande (Sanmee et al.,2003). En Malaisie, selon plusieurs auteurs, S. commune est une espèce comestible (Chong Kian Shin et al., 2007 ; Mirfat Bt Hj Ahmad Salahuddin, 2008). D’après Chong Kian Shin et al., (2007), elle fait partie des champignons sauvages récoltés des forêts pour la consommation ou pour être vendu dans plusieurs zones rurales. Les carpophores sont consommés. Ils sont également utilisés par les guérisseurs traditionnels dans la guérison de plusieurs maux tels que les maux de tête oules coups de froid. Les résultats des analyses chimiques effectués par les auteurs sur plusieurs espèces ont montré que S. commune est riche en Carbohydrates, protéines et en sels minéraux ; notamment, le Zn, le K, le Mg et le Ca (Chong Kian Shin et al. ,2007).
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Symbolisme :
Nathaniel Scharping, auteur d'un article intitulé "Why This Fungus Has Over 20,000 Sexes" (publié le 6 novembre 2017 sur le site Discover)
Le genre n'est pas vraiment une construction fongique.
Alors que nous avons deux genres traditionnellement reconnus, le mâle et la femelle, certaines espèces de champignons peuvent avoir des milliers de sexes. Cela peut paraître déroutant, mais c'est en fait utile : avec autant de variations, les champignons peuvent s'accoupler avec presque tous les individus de leur espèce qu'ils rencontrent. De quoi passer une nuit de célibataire endiablée.
Sexy Fun Guys : Une espèce de champignon, Schizophyllum commune, brille par sa diversité sexuelle. Ce champignon blanc en forme d'éventail possède plus de 23 000 identités sexuelles différentes, résultat d'une large différenciation des sites génétiques qui régissent son comportement sexuel. Pour les humains, et pour tous les animaux en fait, cela ne fonctionnerait jamais, car nous avons évolué vers une méthode de reproduction très spécifique qui implique des organes sexuels spécialisés pour l'accouplement et des cellules sexuelles pour le transport de l'information génétique.
Les champignons, en revanche, sont plus décontractés dans ce domaine. Pour s'accoupler, il suffit à un champignon de se heurter à un autre membre de son espèce et de laisser leurs cellules fusionner. Pour ce faire, Schizophyllum commune utilise une structure spéciale appelée « connexion par pince », qui lui permet d'échanger les noyaux de ses cellules, ainsi que les informations génétiques qu'ils contiennent. Cela simplifie la reproduction et signifie qu'un nombre potentiellement énorme de sexes est possible - d'autres espèces de champignons en ont des douzaines ou plus, mais Schizophyllum commune est vraiment un cas à part.
Ce n'est pas ce que vous pensez : Les « sexes » n'impliquent pas vraiment de différences physiques, comme nous pourrions le penser lorsque le mot « sexe » nous vient à l'esprit. Les variations se situent toutes dans le génome, au niveau de deux loci distincts, ou emplacements, chacun ayant deux allèles, ou formes alternatives. Les loci sont appelés A et B et les allèles sont appelés « alpha » et « bêta ». Il y a donc quatre sexes possibles, mais il y a une autre particularité. Chaque A-alpha/bêta et B-alpha/bêta peut avoir de nombreuses variantes différentes, appelées spécificités. Cela représente plus de 339 spécificités pour A et 64 pour B. Si l'on additionne ces deux spécificités, on obtient des milliers de sexes uniques possibles.
Le champignon peut s'accoupler avec n'importe quelle spécificité tant qu'elle est différente quelque part sur A et B. Ainsi, deux partenaires potentiels pourraient avoir les mêmes A-beta et B-alpha, mais avoir des A-alphas et des B-betas différents et ils pourraient s'accoupler sans problème. En revanche, s'ils partagent A-alpha et A-beta, leurs phéromones ne seront pas compatibles, ce qui signifie qu'ils ne pourront pas mener à bien le processus de reproduction. Les possibilités d'accouplement sont donc très nombreuses, ce qui signifie que tout organisme rencontré par un champignon est prêt à s'adonner à des ébats sexuels.
Cela contribue également à la diffusion de la diversité génétique, car il y a tellement d'options.
Pensez-y la prochaine fois que vous chercherez à sortir avec quelqu'un !
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