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La Vrillette

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : 27 oct. 2024




Étymologie :


  • VRILLETTE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1762 (E. Geoffroy, Hist. abrégée des insectes des environs de Paris, t. 1, p. 108). Dér. de vrille*, parce que ce coléoptère perfore le bois comme cet outil ; suff. -ette (-et*).


Lire également la définition du nom vrillette afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Anobium punctatum - Petite vrillette - Vrillette domestique -

Xestobium rufovillosum · - Grosse vrillette - Horloge de la mort -



Zoologie :


Lire la page d'André Lequet pour en apprendre davantage sur les vrillettes.

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


HORLOGE DE LA MORT. Le peuple donne ce nom au petit bruit qui résulte du travail des insectes appelés communément vrillettes, lorsqu'ils pratiquent dans les bois ces trous cylindriques d'où l'on aperçoit sortir une poussière blanche.

 

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Symbolisme :


Selon « A Hard Day's Night For The Beetle », article paru sur Combermere Abbey, le 31 juillet 2014 :


L'homme a toujours eu une fascination macabre pour le Xestobium rufovillosum, ce qui n'est guère surprenant. Depuis des siècles, le son émis par ce coléoptère est considéré comme un signe avant-coureur de la mort. Sa réputation macabre semble provenir du son qu'il émet et que l'on peut entendre (généralement dans les chevrons) des vieux bâtiments pendant les nuits d'été tranquilles. Il s'agit en effet d'un son quelque peu effrayant, et la croyance veut que la mort soit imminente dans la maison.

Selon une variante du folklore, le son était généralement entendu par des parents et des amis anxieux qui étaient assis tranquillement près du lit d'une personne dangereusement malade, généralement la nuit. Ils observaient donc une « veille de mort ».

 




Littérature :


« Un coup porté discrètement avec le doigt, et qu'on aurait pu prendre pour ce petit bruit que fait derrière les tentures, en frappant la muraille de ses antennes, cet insecte vulgairement nommé l'horloge de la mort, crépita dans l'angle de la chambre. »

 Théophile Gautier, La Belle-Jenny, 1848.

 

E. Arthur Robinson, est auteur d'un article intitulé “Thoreau and the Deathwatch in Poe’s ‘The Tell-Tale Heart’,” (In : Poe Studies, June 1971, vol. IV, no. 1, 4:14-16) dont voici un extrait :


John E. Reilly a identifié « les montres de la mort dans le mur », que le narrateur de « The Tell-Tale Heart » de Poe écoutait « nuit après nuit », comme étant un insecte (Liposcelis divinatorius), et note en outre une superstition selon laquelle les sons produits par l'insecte étaient « considérés comme présageant la mort de quelqu'un dans la maison où ils sont entendus ». Pour l'insecte et la superstition, le professeur Reilly cite des sources dans les textes entomologiques de l'époque de Poe, ainsi que des références littéraires dans les écrits d'Addison, de Swift, de Goldsmith, de Keats et, plus tard, de Mark Twain. Étant donné que plusieurs de ces sources comparent le bruit produit par l'insecte au tic-tac ou au cliquetis d'une montre, et que le narrateur de Poe décrit ce qu'il croit être les battements du cœur du vieil homme comme créant « un son bas, sourd et rapide, comme celui que produit une montre enveloppée de coton », M. Reilly soutient de manière plausible que ces sons proviennent du cliquetis d'un insecte réel que le narrateur, dans son agitation, amplifie pour en faire le « battement » bruyant du cœur qui le pousse à la frénésie. [...]

Le bruit fait par les sentinelles de la mort les nuits précédentes n'est pas décrit, ce qui fait qu'en tant qu'indice, il ne peut être perçu que par les lecteurs qui connaissent déjà l'insecte. En effet, Poe laisse toute explication rationnelle des « sons » ultérieurs entièrement à la perspicacité ou à l'imagination du lecteur, offrant, par l'intermédiaire du narrateur, des données subjectives à des fins de spéculation. Mon propos ici n'est pas de discuter de l'interprétation de M. Reilly concernant les « montres de la mort », mais de souligner et de commenter un autre passage similaire que Poe connaissait vraisemblablement.

A la date du 10 août 1838, Henry David Thoreau a consigné dans son Journal une note sur « Le temps de l'univers » qui comprend une allusion au « chant du grillon et au tic-tac de la montre de la mort dans le mur ». Thoreau a incorporé une révision de ce passage dans son « Histoire naturelle du Massachusetts » publiée dans le numéro de juillet 1842 de The Dial. Le paragraphe complet dans The Dial se lit comme suit :


En automne, le grincement des grillons se fait entendre à midi sur toute la terre, et comme en été on les entend surtout à la tombée de la nuit, c'est donc par leur chant incessant qu'ils inaugurent le soir de l'année. Toutes les vanités qui troublent le monde ne peuvent pas non plus modifier d'un iota la mesure que la nuit a choisie. Chaque battement de pouls est exactement synchronisé avec le chant du grillon et le tic-tac de la sentinelle de la mort dans le mur. Alternez avec ceux-ci si vous le pouvez.


En premier lieu, il est probable que Poe ait lu le paragraphe de Thoreau. Les dates de publication sont suffisamment proches pour nécessiter un examen attentif. [...]

Plus frappante encore que l'écho verbal est la similitude dans l'utilisation figurative que Thoreau et Poe font de la sentinelle de la mort. Avant le conte de Poe, seul Thoreau, pour autant que je sache, associe le son et le rythme de la Deathwatch aux battements du cœur. « Chaque battement de cœur, écrit Thoreau, correspond exactement au tic-tac de la montre de la mort dans le mur. Dans l'histoire de Poe, le lien est plus indirect, car l'application figurative n'est pas précisée. L'interprétation de M. Reilly, étayée par une analyse approfondie, est que le tic-tac de l'insecte est « la source du son que le meurtrier croit avoir été le battement de cœur du vieil homme » (p. 3). Nous avons au moins une juxtaposition : le narrateur se souvient de son écoute solitaire des montres de la mort et, peu de temps après, après avoir observé l'œil du vieil homme, il commence à entendre le « son grave, sourd et rapide, comme celui que fait une montre enveloppée de coton ». Il suppose que sa « trop grande acuité des sens » lui a permis d'entendre les battements du cœur du vieil homme, qui monte en épouvante jusqu'à ce qu'il soit tué. Plus tard, le meurtrier « entend » les battements du cœur du mort, de plus en plus fort, alors qu'il discute avec la police. La plupart des commentateurs, dont je fais partie, ont précédemment attribué cette hallucination au fait que le narrateur entendait les battements de son propre cœur. Je crois que M. Reilly défend bien le rôle de la police de la mort, mais je crois aussi que, puisque la terreur du meurtrier va de pair avec celle de sa victime et qu'il n'y a pas d'autre solution, il faut que le narrateur soit capable d'entendre les battements de son propre cœur.

Troisièmement, il existe à la fois une ressemblance et une antithèse entre les thèmes auxquels les deux écrivains rattachent la Deathwatch. James W. Gargano a développé l'idée que « The Tell-Tale Heart » incarne une protestation contre la corrosivité du temps, de la vieillesse et de la mort ; les nombreux symboles du temps dans l'histoire représentent « les limites qui flétrissent, corrompent et détruisent » (9). M. Reilly voit dans l'histoire la « plainte romantique de Poe contre le temps » ; le « bruit d'un insecte devient une mesure du temps sous l'aspect de la mort, une sorte de métaphore liant ensemble trois signes de la mortalité de l'homme : le processus de la nature, les battements du cœur humain et le tic-tac d'une montre » (p. 8). Thoreau utilise lui aussi la montre de la mort comme un gage du processus de la nature, mais dans l'acceptation plutôt que dans le désespoir. À proprement parler, dans les paragraphes de Thoreau, le « pouls » qui rythme le « tic-tac de la montre de la mort » est celui de la nature, et non de l'homme : le « grand pouls de la nature » qui « vibre à chaque instant ». La nuit a choisi la « mesure » du « chant du grillon et du tic-tac de la montre de la mort » et Thoreau invite l'homme à « alterner avec ceux-ci si vous le pouvez ». L'ambiance anticipe celle du chapitre sur le printemps dans Walden. Le passage original du Journal de Thoreau s'intitule « Le temps de l'univers » et, dans le contexte de l'« Histoire naturelle du Massachusetts », Thoreau trouve que les « myriades de sons » de l'été sont « le grain et l'étoffe mêmes dont l'éternité est faite ». Le midi et l'été cèdent la place à la nuit et à l'automne et aux présages de la mort.

On peut supposer que Thoreau et Poe, tous deux maîtres du jeu de mots, s'attendent à ce que leurs lecteurs connaissent le sens commun de « deathwatch », à savoir une veillée organisée autour d'une personne mourante ou décédée. Peu après avoir évoqué les « veilles de la mort dans le mur », le narrateur de Poe déclare que « la mort, en s'approchant de lui [le vieil homme], avait marché avec son ombre noire, devant lui, et avait enveloppé la victime. Et c'est l'influence funèbre de l'ombre non perçue qui lui a fait sentir - bien qu'il n'ait ni vu ni entendu - la présence de ma tête dans la pièce ». Le meurtrier se livre donc à une sorte de « veille macabre », et la victime à une « terreur mortelle », alors qu'ils attendent tous deux, presque immobiles, un son ou une image qui mettra fin à leur veille. Pour le narrateur au moins - et, à travers lui, pour le vieil homme - ce signe se présente sous la forme d'un « son grave, sourd et rapide, comme celui que fait une montre lorsqu'elle est enveloppée de coton », qui le pousse à agir de façon catastrophique. Seule une lecture attentive permet de découvrir les nombreux artifices par lesquels la conscience du narrateur se confond avec l'« âme » terrifiée de sa victime, de sorte que la « montre de la mort » est en fait aussi la sienne. Ainsi, les protagonistes de Thoreau et de Poe mènent une « surveillance de la mort » ajustée au « battement du pouls » qu'ils entendent, et menant à l'« éternité » (selon les termes de Thoreau), mais dans quels états d'esprit différents ! Ce deuxième sens de « deathwatch », presque un jeu de mots, est approprié aux deux contextes, donne une dimension supplémentaire à chacun d'entre eux et et met en évidence le degré de parallélisme entre l'image centrale, la formulation clé et l'application immédiate dans les deux passages.

[...] Que ce soit par « assimilation poétique » de Poe ou par pure coïncidence, tous deux utilisent un insecte obscur pour symboliser les changements inexorables de la nature, dans un cas pour servir une joie transcendante dans l'union avec les courants universels et dans l'autre une terreur gothique de la destruction.

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Dans le roman policier intitulé Dans les Bois éternels (Éditions Viviane Hamy, 2006), Fred Vargas fait revenir le commissaire Adamsberg à Paris après un intermède pyrénéen destiné à le remettre de ses aventures québécoises, avant de se rendre en Normandie où Francine est en danger :


"Elle avait passé des mis à obturer la cheminée, à boucher au ciment toutes les lézardes des murs, toutes les fentes sous les fenêtres et les portes, et surélevé son lit sur des briques. Elle préférait ne pas aérer que de laisser pénétrer quoi que ce soit dans cette pièce pendant son sommeil. Mais il n'y avait rien à faire pour éliminer les vrillettes qui, toute la nuit, s'enfonçaient dans le bois des vieilles poutres. Chaque soir, Francine regardait les petits trous au-dessus de son lit, craignant de voir apparaître la tête d'une vrillette. Elle ne savait pas du tout à quoi pouvait bien ressembler ces saletés de vrillettes : à un ver ? à un mille-pattes ? à un perce-oreilles ? et chaque matin, elle devait nettoyer d'une main dégoûtée la poussière de bois tombée sur sa couverture.

[...]

A une heure du matin, Francine examina les trous des vrillettes, vérifia grâce à des repères fixes qu'ils ne s'étaient pas trop étendus sur la poutre et éteignit sa lampe, espérant ne pas surprendre le halètement du hérisson au-dehors."

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