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  • Photo du rédacteurAnne

Le Shii-Také




Étymologie :

Du japonais shii, variété de châtaignier et -také, champignon.

Autres noms : Lentinula edodes ; Champignon de longue vie ; Champignon noir ; Champignon parfumé ; Lentin ; Lentin des chênes ;

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Mycologie :


D'après Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de Champignons (collection Terra curiosa, Éditions Plume de carottes, 2013), "ce serait le choc de l'arbre tombé au sol qui indiquerait au champignon qu'il est temps de fructifier.


Un nouveau venu en cuisine : La cuisine orientale a introduit deux champignons dans les cuisines européennes : le champignon noir, proche de notre oreille-de-Judas, et, bien plus intéressant, le shii-také, qui est le "champignon parfumé" de la cuisine chinoise. C'est un excellent comestible, dont la saveur rappelle un peu le cèpe. Il est cultivé depuis des siècles en Chine et au Japon et depuis les années 1980 en Amérique du Nord et en Europe. En japonais, take signifie champignon et shii est le nom du chêne sur lequel pousse ce champignon. La culture traditionnelle se fait sur des rondins de bois, de manière à lui offrir des conditions proches de son mode de vie naturel. Le shii ne vit pas en Europe mais le shii-také n'est pas très exigeant. On peut le faire pousser sur toutes sortes de substrats : ballots de paille, sciure de bois, rafles de raisin ou sous-produits agricoles de maïs ou de canne à sucre. Cela permet à la fois de préserver les arbres qui auraient servi de support et de recycler ces déchets organiques. Le milieu de culture est ensemencé avec le mycélium du shii-také. Après une période d'incubation d'un à quatre mois, on déclenche la production des champignons en soumettant le mycélium à un événement stressant, par exemple une immersion complète dans l'eau pendant un ou deux jours. dans le cas d'une culture sur rondin de bois, on frappe la bûche avec un maillet ou bien on la laisse tomber par terre. Ce choc imiterait la chute de l'arbre infesté par le mycélium, signal qu'il est temps pour lui de fructifier !


Le champignon de longue vie : S'il est cultivé depuis des siècles en Asie, ce n'est pas seulement pour son intérêt culinaire, mais aussi parce qu'il est un ingrédient important de la pharmacopée traditionnelle. Surnommé "champignon de longue vie", il est depuis toujours réputé comme fortifiant et utilisé contre de multiples affections. Il est aujourd'hui le champignon le plus étudié au monde sur le plan pharmacologique. L'un de ses constituants, le lentiane, s'est montré capable de stimuler le système immunitaire. Au Japon, cette molécule est utilisée comme médicament par la médecine conventionnelle, en complément des chimiothérapies visant les cancers de l'estomac, du colon ou de la prostate. D'autres composés agiraient en baissant le taux de cholestérol dans le sang. Du shii-také est aussi inclus dans des crèmes anti-rides ou dans des médicaments homéopathiques. En Europe, on en trouve des extraits secs enrichis en lentiane, dont on ne sait pas bien s'il s'agit de compléments alimentaires ou de médicaments... Si le shii-také contient des produits très actifs, on ne sait pas grand-chose des effets de la consommation simple du champignon.


Vice-champion du monde : Le shii-také dispute aux pleurotes le titre de vice-champion du monde des champignons cultivés, derrière le champignon de Paris. Les principaux pays producteurs sont la Chine et le Japon (plus de deux millions de tonnes). La France en produit aussi, mais de l'ordre de quelques centaines de tonnes seulement."

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Louis Mery, auteur de EDODES, LENTINULA. (UFR des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques. Thèse de doctorat, Université de Montpellier, 2019) propose un historique de la connaissance du shitaké avant de brosser son portrait écologique :


Les tous premiers écrits concernant Lentinula edodes remontent aux environs de l’an 199 avant Jésus Christ au Japon, où des chinois auraient offert le champignon à l’empereur Chai du Japon. La consommation alimentaire du lentin du chêne est aussi décrite sous la dynastie des Han en Chine entre 220 et 202 avant Jésus Christ, dans le livre « Wang zhen nong shu », écrit par Wang Zhen sous la dynastie chinoise Yuan qui régné entre 1271 et 1368.

En revanche, concernant la culture du champignon, les premiers écrits sont plus tardifs et sont attribués à l’auteur Wu Sangong (1130-1208) durant la dynastie Song (960-1127) en Chine. Puis au cours de la dynastie Ming (1368-1644), un médecin chinois prénommé Wu Ri, a attribué des effets médicaux sur la longévité, les performances sexuelles ainsi qu’énergétiques au lentin du chêne, en plus de ses propriétés alimentaires.

En Chine, la consommation de shiitake fut rapidement importante, tandis qu’au Japon celle-ci fut initialement réservée à l’empereur et à sa cour. En Japonais, le mot « take » retrouvé dans le terme « shiitake » traduit la vitalité et la croissance exceptionnelle, imagée par la « croissance d’un bambou ou d’un champignon ».


Ecologie du shiitake : Le shiitake est un champignon lignicole, c’est-à-dire qu’il pousse sur du bois. Le mycélium du shiitake a besoin de 16 mois au minimum pour se développer suffisamment. Historiquement, le shiitake pousse sur un arbre appelé « shii », Castanopsis cuspidata, arbre de la famille des Fagaceae que l’on retrouve au Japon et en Corée du sud, principalement dans les forêts humides de ces régions. On ne retrouve pas le « shii » dans les autres pays de la planète. Cependant cet arbre présente quelques similitudes avec le chêne mais aussi le châtaignier que l’on retrouve dans nos pays. C’est pourquoi la culture de ce champignon est possible en Europe.

Le champignon pousse exclusivement sur du bois, qui va lui procurer des éléments nutritifs sous forme de glucides lors de sa décomposition. Cela va fournir de l’énergie au champignon qui va pouvoir se développer, et ainsi transformer les matières en décomposition en composés minéraux et assimilables ; on parle de saprophytisme. Un saprophyte, qu’il soit végétal, bactérien ou fongique, est un organisme capable de se nourrir de matière organique non vivante, et, par le biais d’enzymes digestives présentes chez le saprophyte, provoquer la décomposition des matières organiques inertes afin de la transformer en nutriments assimilables.

Les substances organiques ainsi dégradées par les saprophytes vont ensuite pouvoir être utilisées par d’autres végétaux afin de réaliser leur croissance. Les champignons saprophytes ont pour cela un rôle marqué dans le biotope végétal, en permettant par exemple la fabrication de terreau, qui est un engrais naturel permettant la pousse de la faune.

Enfin les champignons sont les seuls organismes vivants qui ont la capacité de dégrader la cellulose contenue chez les végétaux, ainsi que la lignine et les acides humiques en substances assimilables.

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Propriétés médicinales :

Marie Rampin, propose une synthèse des vertus thérapeutiques du Shitake dans Champignons "médicinaux" : de l'usage traditionnel aux compléments alimentaires. (Thèse d'exercice en Pharmacie, Université Toulouse lll - Paul Sabatier, 2017, pp. 63-65) :



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Dans Et si on allait aux champignons, Les secrets de cueillette d'une pharmacienne (Éditions Larousse, 2017) Solange Strobel précise que :


C'est un des plus vieux champignons cultivés, originaire d'Asie (Chine et Japon). La médecine chinoise l'utilise en stimulant des défenses immunitaires, contre la fatigue et pour permettre au corps de mieux s'adapter au stress environnant. Son appellation « lentin du chêne » vient de sa culture sur chêne dans le Périgord.

Source de fibres, vitamines B5, B12 et D, sélénium (antioxydant), cuivre (il aide à une bonne oxygénation des tissus) et lentinane. Ce dernier est un polysaccharide qui stimule la synthèse des lymphocytes T4 et augment l'immunité. Indirectement, il améliore le confort des personnes atteintes du VIH ou d'un cancer ne limitant les infections opportunistes.

Au Japon, le shiitaké est utilisé en décoction pour stimuler ls défenses immunitaires. Cette augmentation des globules blancs peut, chez certaines personnes, provoquer une réaction d'hypersensibilisation. Ce champignon est donc à consommer avec modération pour éviter cet effet indésirable.

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Usages traditionnels :


Charles Richon, auteur d'un Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) rend compte de recettes datant de l'époque antique :


Apicius, le plus célèbre gastronome de l'Empire romain, qui s'est suicidé lorsqu'il jugea sa fortune insuffisante à payer les énormes dépenses de sa table, avait fait consigner par écrit certaines prescriptions sur l'art culinaire. Les Champignons n'avaient pas été oubliés, et voici d'après lui leurs meilleurs modes de préparation (De re culinaria, Liv. VII, ch. XIII et XIV).


PRÉPARATION DES CHAMPIGNONS DU CHÊNE ET DES ORONGES

« Essuyez vos Champignons après les avoir fait cuire, et servez -les tout chauds dans du garum poivré, en ayant le soin de broyer le poivre dans la sauce. »

« Vous vous trouverez bien d'employer aussi pour l'assaisonnement des Champignons du chêne, le poivre, le vin cuit, le vinaigre et l'huile. »

« Vous pouvez encore les servir après les avoir fait cuire avec du sel, de l'huile, du vin pur et du coriandre haché. »

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Symbolisme :


Le nom vernaculaire chinois de ce champignon ("champignon de longue vie") en fait tout naturellement un symbole de longévité, voire du rêve d'immortalité dont les humains mortels ont du mal à se départir.

 

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