Étymologie :
FUSAIN, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. 1180-90 bot. (Al. de Paris, Alexandre, branche II, 30, vers 613, éd. Elliot Monographs, t. 2, p. 87) ; 2. a) 1704 arts graph. « charbon fait avec le fusain, dont on se sert pour dessiner » (Trév.) ; b) 1853 « dessin fait au fusain » (Delacroix, Journal, p. 131). D'un b. lat. *fusago, fusaginis « id. », dér. de fusus (fuseau*) l'arbre étant ainsi nommé parce que son bois dur sert à faire des fuseaux. Lat. médiév. fusenus (av. 1150 ds Latham).
Lire également la définition pour amorcer la réflexion symbolique.
Selon Michel Botineau, auteur du Guide des plantes à fruits charnus comestibles et toxiques. (Éditions Lavoisier, 2015) :
Du grec euônumus, de eu, bien et ônoma, le nom, donc le bien-nommé (pour son effet néfaste) ; fusain vient de ce que son bois servait à tourner les fuseaux de rouet.
Autres noms : Euonymus europaeus - Bois à lardoires - Bois carré - Bois de chien - Bonnet d'priesse - Bonnet carré - Bonnet d'évêque - Bonnet de prêtre - Chapai d'priesse - Fusain d'Europe - Fusain vulgaire -
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Botanique :
D'après Philippe Martin, auteur de Les familles des plantes à fleurs d'Europe: botanique systématique et utilitaire, (Presses universitaires de Namur, 2013) :
Euonymus europaeus fournit le fusain pour le dessin (charbon de bois des rameaux). On ne sous-estimera pas la toxicité de la plante (alcaloïdes et hétérosides cardiotoniques, notamment au niveau des fruits, typiquement colorés ("bonnet de prêtre") mais amers et coriaces, ce qui limite les ingestions malencontreuses.
Dans le Guide des plantes à fruits charnus comestibles et toxiques. (Éditions Lavoisier, 2015) de Michel Botineau, on apprend que :
Description :
Fruits :
=> Maturité : septembre à octobre.
=> Type : capsules à 4 lobes de 13-15 mm, longtemps verts puis roses à maturité, ce qui a valu à la plante le surnom de "bonnet d'évêque".
=> Chair : absente (fruit sec)
=> Graines : l'ouverture des capsules dégage 4 graines de 5-6 mm, blanches mais presque totalement entourées par un arille charnu rouge orangé brillant
=> Dispersion : par de nombreux passereaux ; au sol, les fourmis sont attirées par les arilles.
Port : petit arbuste de 2-5 m, à tiges presque quadrangulaires et vert-gris lorsqu'elles sont jeunes.
Feuilles : caduques, opposées, simples, lancéolées, finement denticulées, d'un vert mat foncé dessus, le feuillage se colore l'automne en rouge plus ou moins vif.
Inflorescences et fleurs : courtes cymes corymbiformes, insérées à l'aisselle des feuilles, de petites fleurs d'un blanc verdâtre, hermaphrodites ou unisexuées, souvent à 4 pétales en croix mais parfois 5. Floraison : avril-mai.
Habitat : haies et lisières forestières ; évite les terrains trop acides.
Origine géographique - Répartition en France : Europe et Asie ; en France, commun presque partout, mais se raréfie sur le pourtour méditerranéen, et manque dans l'extrême Ouest entre Loire et Pays Basque.
Risques de confusion : On cultive fréquemment dans les parcs et les jardins d'autres espèces de Fusain, le Fusain du Japon, Euonymus Japonicus L. au feuillage persistant ; il serait également toxique.
Toxicité : les graines de Fusain, amères, contiennent de petites quantités d'alcaloïdes mais surtout des hétérosides cardiotoniques ; les accidents semblent cependant rares, se limitant semble-t-il à des troubles digestifs. Le traitement consiste à éliminer ce qui a pu être absorbé et à soulager les symptômes.
Comestibilité : aucune.
Usage thérapeutique : aucun.
Usage ancien : la calcination du bois de Fusain permet d'obtenir un charbon sec et léger, à l'origine du fusain des dessinateurs ; l'autre surnom de "Bois à lardoires" attaché à cet arbuste traduit son utilisation pour fabriquer broches, aiguilles, fuseaux, navettes, etc. ; son grain est très fin, jaune, rappelant celui du Buis mais nettement moins dur.
N.B. Bien que cette page ne mentionne aucune application thérapeutique, le même ouvrage préconise le Fusain pour l'appareil cardio-vasculaire. Ainsi, pour remédier aux troubles du rythme, il est précisé :
Pour le Fusain, l'administration de charbon activé est préconisée mais son efficacité est relative en raison du temps de latence des premiers troubles circulatoires après la diarrhée.
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Tilleul :
Propriétés Physiques et chimiques. Toutes les parties de cette plante répandent une odeur nauséeuse. Les feuilles sont acres, vénéneuses ; on les dit moins actives à l'automne. Les fruits ont un goût âcre et nauséeux ; les capsules sont aussi âcres. Le bois lui-même est dangereux ; on en obtient un charbon très léger usité sous le nom de fusain pour dessiner les esquisses ; il sert aussi à la fabrication de la poudre à canon. L'analyse de cette plante n'a pas été suffisamment faite ; Saint Martin a trouvé dans les semences du sucre, de l'albumine, une huile volatile âcre et un principe amer.
Usages Médicaux. Le principe âcre qui existe principalement dans l'écorce, les feuilles et les fruits, est beaucoup plus actif au printemps ; il détermine alors une vive irritation sur le tube digestif. Les feuilles sont plus ou moins émétiques et purgatives ; on les emploie en décoction comme détersives. Les fruits et les capsules sont usités aussi pour produire des évacuations par haut ou par bas. Les Anglais en mangent trois ou quatre pour se purger. Il est bon lorsqu'on use de ce médicament de prendre en même temps une boisson émolliente. Gründner les dit aussi diurétiques. Les semences sont purgatives et vomitives (Griffith). Les fruits séchés au four et pulvérisés ont servi contre la vermine des enfants. La décoction aqueuse des jeunes tiges, de même que celle des feuilles, est un détersif très énergique usité avantageusement dans le pansement des ulcères rebelles ou de mauvaise nature. La décoction des fruits et des capsules (15 à 30 grammes par kilogramme d'eau), à laquelle on ajoute un peu de vinaigre, est d'un usage populaire contre la gale et les affections vermineuses. La poudre des fruits produit le même effet ; elle sert à préparer une pommade avec 8 grammes sur 30 d'axong . En Allemagne on obtient des semences une huile âcre qu'on utilise dans les arts industriels.
Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
Les purgatifs : [...] les fruits du fusain, Evonymus latifolius, réduits en poudre, [...] sont en voie d'oubli.
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Du mendiant à la vermine, il n'est besoin de transition. Elle est combattue avec succès par la poudre [...] des fruits du fusain, Evonymus latifolius.
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Usages traditionnels :
D'après Pietro Di Crescenci, auteur de Le Livre des prouffitz champestres et rureaulx . (Paris : À l'Enseigne de l'Éléphant, 1533), cité par P. Mille dans "Le choix des essences opéré par les artisans du bois à la fin du Moyen Âge. Glossaire" (paru dans la Revue Forestière Française, 1993) :
Au XIIIe siècle, « Son bois jaune est bon à faire cercles, flèches et cages » [chapitre 17]
Selon Joseph Roques, auteur de Phytographie médicale, histoire des substances héroïques et des poisons (Vol. 3. B. Cormon & Blanc, 1835) :
Le nom de fusain que porte cet arbre lui vient de l'ancien usage de faire des fuseaux avec son bois doux et flexible ; les Anglais l'appellent également spindle-tree, arbre à fuseaux. C'est avec les jeunes branches brûlées dans un tube de fer qu'on fait les crayons que les dessinateurs nomment fusains.
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du fusain :
FUSAIN - VOS CHARMES SONT TRACÉS DANS MON CŒUR.
Le Fusain, ainsi nommé parce que son bois sert à faire des fuseaux, sert aussi à préparer des crayons. Les sculpteurs l'estiment, les tourneurs le recherchent. Si ce bois est précieux aux arts, l'arbuste qui le produit doit l'être aux cultivateurs. Les haies qu'ils en parent parais sent en automne chargées de fruits roses du plus joli effet.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Fusain - Vos charmes sont tracés dans mon cœur.
Parce que le bois du fusain réduit en charbon sert à faire des crayons à dessiner.
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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
FUSAIN – DÉFAUT. -
Mes frères revêtez-vous comme les élus de Dieu, saints et bien aimés, d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de modestie, de patience, vous supportant mutuellement et vous pardonnant les uns aux autres ce que vous auriez à vous reprocher. -
Colossiens III, 12-13.
Le fusain est un arbrisseau qui produit un bel effet dans nos bosquets d'automne, lorsqu'il est chargé de ses beaux fruits d'un rouge éclatant. Ses fleurs paraissent dans le mois de mai. Son bois est blanc, un peu jaunâtre, très dur ; on ne l'emploie guère qu'aux ouvrages de tour et de marqueterie ; on en fait des vases, des que nouilles, des fuseaux, des vis, des lardoires ; mais on soupçonne que ces lardoires peuvent, à raison de la mauvaise odeur du bois, en communiquer l'impression aux viandes. On s'en sert, quand il est réduit en charbon, pour la fabrication de la poudre à canon. C'est avec ses jeunes rameaux brûlés dans un tube de feu que l'on fabrique les crayons dont les peintres se servent pour tracer les esquisses de leurs dessins parce qu'elles s'effacent aisément.
RÉFLEXIONS.
Nous aimons que les autres soient parfaits et cependant nous ne corrigeons pas nos propres défauts.
(L'Imitation de J.-C., 1, 16.)
Il vaut mieux connaître ses défauts que de pénétrer tous les secrets des états et de savoir démêler toutes les énigmes de la nature.
(Bossuet, Sermons.)
La charité ne va pas jusqu'à demander de nous que nous ne voyions pas les défauts d'autrui il faudrait nous crever les yeux ; mais elle demande que nous évitions d'y être attentifs volontairement sans nécessité nous ne soyions pas aveugles sur le bon pendant que nous sommes si éclairés sur le mauvais.
(FÉNELON, Entretiens.)
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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
FUSAIN OU BONNET DE PRÊTRE - VOTRE IMAGE EST GRAVÉE DANS MON CŒUR.
Cet arbrisseau vient naturellement le long des haies ; son bois sert à faire des fuseaux, des lardoirs. Réduit en charbon, on l'emploie pour tracer des esquisses légères. C'est dans les buissons touffus de fusain que les oiseaux chantent les premières fêtes et les premières joies du printemps.
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Fusain - Vos charmes sont tracés dans mon cœur.
C'est un arbrisseau d'Europe que l'on trouve le long des haies et de la lisière des forêts. Son bois assez dur sert à faire des fuseaux ; calciné et réduit en charbon, il constitue le fusain dont se servent les peintres et les dessinateurs pour faire leurs esquisses.
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Il existe une sorte de fusain exotique nommé khat : "originaire du Yémen et d'Éthiopie, dont la culture s'est étendue à l'Arabie (surtout au Yémen) vers le XVe siècle. Il est consommé par les habitants de ces régions qui en mâchent longuement les feuilles pour leur effet stimulant et euphorisant comparable à celui de l'amphétamine. Khat désigne aussi la substance psychotrope contenue dans les feuilles de cette plante.
Son nom scientifique est Catha edulis (Vahl) Forssk. ex Endl. (synonyme : Celastrus edulis Vahl)"
(Wikipedia)
Dans sa thèse intitulée Etude bibliographique d'une plante mal connue dans les pays occidentaux : Catha edulis, Forsk. (soutenue en 2008 à la faculté de Pharmacie de l'université Henri Poicaré de Nancy I), Jennifer Didier précise les liens de cette espèce de fusain avec la religion musulmane :
Les origines du khat demeurent difficiles à établir avec certitude d'autant qu'il n'existe aucun document ancien capable de préciser l'origine exacte de la culture et de l'usage du khat.
La légende prend donc très souvent le pas sur la réalité comme en témoignent nombre de récits transmis de génération en génération.
Ainsi certains évoquent l'histoire de ce berger yéménite ou abyssin nommé Awzulkernayien, qui avait remarqué l'effet euphorisant de ces feuilles sur ses chèvres. Essayant alors sur lui-même, il nota une stimulation de ses fonctions intellectuelles, ainsi qu'une sensation d'éveil qui lui permirent de prier toute la nuit.
Il vanta les mérites de cette plante et rendit la consommation si populaire que sa culture se développa tant et si bien qu'elle domine actuellement toute l'économie yéménite.
De nos jours, certains consommateurs évoquent son nom en guise d'hommage au début des séances de khat.
[...]
D'autres légendes existent, comme le souligne le professeur Le Bras dans son article intitulé « Le problème du kat ».
Ainsi cet ange, qui aurait révélé à deux prophètes, les propriétés du khat pour leur permettre de ne pas succomber au sommeil, et de poursuivre leurs prières et leurs méditations toute la nuit.
De même, une autre tradition rapporte que le khat aurait été introduit d'Ethiopie au Yémen par le Cheikh Ibrahim Abou-Zarbay, martyr venu d'Arabie vers 1 430, et qui aurait été lui-même, un grand amateur de khat.
Cet aperçu légendaire témoigne du lien entre le khat et la religion musulmane. Parallèlement à cette tradition orale, il est important de noter comme le fait EI-Mahi en 1 962, dans sa recherche sur l'origine du mot khat, le lien qui existe entre le khat et le café. En effet, ces deux mots dérivent étymologiquement de Kaffa, ville éthiopienne où ces deux arbustes sont cultivés. De même le rapprochement avec le terme arabe pour désigner le café : kahwa. Qui plus est, en Galla, dialecte éthiopien, le khat se nomme gaja, ce qui évoque le terme arabe désignant la décoction réalisée à partir de feuilles de khat : kafta.
[...]
Description d'une séance de khat. (D'après J. FLEURENTIN)
Du Yémen au nord de Madagascar, en passant par l'Ethiopie, la République de Djibouti, la Somalie ou le Kenya, plusieurs millions de personne s'adonnent quotidiennement à la mastication des feuilles de Khat. Pour les musulmans, le khat permet de mieux communiquer avec la divinité, et le coran n'a jamais rejeté cette plante stimulante. Cette drogue officielle représente également une alternative à l'alcool et aux drogues interdites par le Coran. Ainsi, dans cette région de forte consommation, toute la vie est rythmée par le khat, au point que par endroits (district de Harrar notamment), le khat est élevé au rang de divinité. Cette consommation est une coutume profondément ancrée dans les traditions, et elle exerce un rôle socialisant sur les populations.
Tous les après midi, dès 13 ou 14 heures, les administrations, les banques et les hôpitaux ferment leurs portes. Les hommes déjeunent rapidement et se hâtent vers le souk pour choisir et acheter le khat qu'ils emportent sous le bras vers une maison amie ou ils mâcheront la plante euphorisante.
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