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L'Héliotrope



Étymologie :


  • HÉLIOTROPE, subst. masc.

Étymol. et Hist. A. Subst. 1. xiies . « pierre précieuse » elyotrope (Lapidaire Marbode, 121 ds T.-L.) ; 1611 heliotrope (Cotgr.) ; 2. xiie s. « plante » elyotrope (Lapidaire Marbode, 121 ds T.-L.) ; 1372 [ms. xve s.] elitropie (Corbichon, Propr. des choses, B.N. 22533, f°270a ds Gdf. Compl.) ; 1546 heliotrope (Rabelais, Le Tiers Livre, éd. M. A. Screech, ch. 50, p. 335) ; 3. 1840 « instrument de physique » (Ac. Compl. 1842). B. Emploi adj. 1. 1803 bot. « qui se tourne vers le soleil » (Boiste) ; 2. 1892 « couleur » (La Mode Pratique, t. I, p. 134, fig. 8 : robe de drap héliotrope très pâle). A 1 et A 2 empr. au lat. heliotropos (-pus) doublet de heliotropium, empr. lui-même au gr. η ̔ λ ι ο ́ τ ρ ο π ο ς, doublet de η ̔ λ ι ο τ ρ ο ́ π ι ο ν « nom d'une pierre » et « nom de plante » (v. TLL s.v., et André Bot.) ; A 3 et B 1 composé de l'élém. hélio-* et de l'élém. -trope* ; B 2 issu par évolution de A 2.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Heliotropium europeanum - Cent-feuilles - Chenille - Faséolaire - Girasole - Hameçon - Herbe aux chancres - Herbe aux scorpions - Herbe aux tourterelles - Herbe aux verrues - Herbe d'amour - Herbe de Saint-Fiacre - Herbe du soleil - Herbe ès verrues - Lioutropi - Mille-feuille - Petit Tournesol - Queue d'écrevisse - Queue de scorpion - Remembrance - Scorpiure - Vingtaine - Vipérine.

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


HELIOTROPE. Si, après avoir cueilli celte plante au mois d'août, pendant que le soleil est dans le signe du Lion, on en prend une branche pour l'envelopper dans une feuille de laurier, avec une dent de loup, et qu'on la place ensuite dans une église, les femmes infidèles à leurs maris se trouveront dans l'impuissance de sortir de cette église, jusqu'à ce que la plante en ait été enlevée.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Automne - Septembre

HÉLIOTROPE DU PÉROU - ENIVREMENT - JE VOUS AIME.


Qui voit ta fleur en boira le poison :

Elle a donné des sens à la sagesse,

Et des désirs à la froide raison. (Bernis)


Les Orientaux disent que les parfums élèvent leur âme vers le ciel ; il est vrai qu'ils nous exaltent et nous causent une sorte d'ivresse : leur impression est si profonde qu’unie à nos souvenirs, elle leur donne, même après de longues années, toute la force d'une sensation présente. Louis XIV aimait passionnément l'odeur des tubéreuses. Cette odeur lui rappelait, sans doute, un trait touchant de cette fille charmante qui apprit au monde étonné qu’un roi peut être aimé pour lui-même. Mademoiselle de La Vallière, après avoir tout oublié pour Louis, fut nommée fille d'honneur de Marie-Thérèse ; sa chambre était auprès de l'appartement de cette auguste princesse . Devenue mère au milieu de la nuit, cette faible amante eut la force de souffrir sans se plaindre, et comme la reine devait passer le matin même auprès de son lit pour se rendre à la messe, mademoiselle de La Vallière, espérant détourner les soupçons, fit couvrir sa cheminée de tubéreuses, et se leva pour aller au-devant de la reine. Ainsi , cette infortunée se faisait pardonner sa honte, en prouvant, au risque de sa vie, son respect pour la vertu. Dans ce temps, on croyait l'odeur des tubéreuses mortelle pour une femme en couche, et cette opinion n'est peut-être pas sans vraisemblance. La comtesse Éléonore, fille naturelle de Christiern IV, roi de Danemark, qui devint si célèbre par les malheurs, les crimes et l'exil du comte Ulfeld, son époux, nous offre aussi une preuve bien frappante de la puissance des parfums sur les souvenirs. Cette princesse avait aimé, à l'âge de treize ans, un jeune homme avec lequel on l'avait fiancée. Ce jeune homme mourut dans le château même où l'on faisait les apprêts de son mariage. Éléonore, au désespoir, voulut dire le dernier adieu à l'objet de ses tristes amours ; elle se fit conduire dans la chambre où il venait d'expirer. Déjà le corps reposait dans une bière couverte de romarin. Ce spectacle, cette odeur firent une grande impression sur Éléonore ; on sait que, dans la suite, elle montra un courage égal à ses malheurs, mais elle ne put cependant jamais respirer l'odeur du romarin, sans tomber aussitôt dans les plus affreuses convulsions. Un jour, le célèbre botaniste Jussieu, en herborisant dans les Cordillères, se sentit tout à coup comme enivré des plus délicieux parfums : il s'attendait à découvrir quelques fleurs éclatantes, mais il n'aperçut que de jolis buissons, d'un vert doux, sur le fond desquels se détachaient doucement des épis d'un bleu mourant : il s'approche de ces buissons élevés de six pieds, et il voit que les fleurs dont ils étaient tout chargés, se tournaient mollement vers le soleil, qu'elles semblaient regarder avec amour. Frappé cette disposition, il donna à cette plante le nom d'héliotrope. Ce nom est composé de deux mots grecs, helios, soleil, et opéra, je tourne, fleur se tournant au soleil. Le savant botaniste, charmé de sa nouvelle conquête, s'empressa de recueillir les graines de cette plante, et de les envoyer au Jardin du Roi, où elles ont réussi. Les femmes accueillirent cette fleur avec enthousiasme : elles la placèrent dans les vases les plus précieux, la nommèrent herbe d'amour, et ne reçurent plus qu'avec indifférence les bouquets où l'on avait oublié de faire entrer leur fleur favorite. C'est donc sous les auspices des dames que l'héliotrope péruvien, cultivé pour la première fois à Paris, en 1740, a fait fortune dans le monde, et s'est répandu dans toute l'Europe .

On demandait un jour, à une très aimable femme qui aimait passionnément l'héliotrope, quel charme pouvait avoir à ses yeux cette fleur triste et sans éclat : « C'est, répondit-elle, que le parfum de l'héliotrope est à mon parterre ce que l'âme est à la beauté, la volupté à l'amour, et l'amour à la jeunesse. »

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Héliotrope (herbe d’amour) - Enivrement d'amour.

Jussieu rapporta cette plante du Pérou en 1740. Son odeur agréable la mit à la mode, et les dames la nommèrent herbe d'amour. Elles recevaient avec indifférence tout bouquet qui ne contenait pas quelques-unes de ces fleurs.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


HÉLIOTROPE - AMOUR ÉTERNEL.

Charmant arbrisseau qui se fait moins remarquer par la beauté de ses fleurs que par son délicieux parfum : ses rameaux ronds et velus sont chargés de jolies feuilles ovales, gaufrées, velues et d'un vert foncé. La découverte de cette fleur est due, dit on, à M. Joseph de Jullun. « La mythologie nous apprend que Clythie, pénétrée de douleur en voyant Apollon, qui l'aimait, lui préfère Leucorrhée, sa sœur, se laissa mourir de faim, et que le dieu la changea en héliotrope. » Une autre version, non moins mythologique, entoure la naissance de l'héliotrope d'autres circonstances :


Ils admiraient, quand le pasteur d'Amphise

Vient annoncer que son chef-d'œuvre est prêt.

L'héliotrope aussitôt apparaît !

Figurez-vous quelle fut la surprise

De tous les dieux, alors que, se penchant

Vers son auteur, cette fleur bien apprise

Se retourna d'un air reconnaissant. (D. BEAUCARON)

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


HÉLIOTROPE — AMITIÉ SANS FIN.

Le véritable ami ne change pas ; l'adversité est sa pierre de touche. Proverbes. XVII, 17.


On distingue deux sortes d'héliotrope, celui du Pérou et celui d'Europe. Le premier découvert par Joseph de Jussieu dans une vallée des Cordilières, fut transporté en Europe par cet habile naturaliste vers l'an 1740 ; il est bien préférable à celui d'Europe à cause de la douce odeur d'amande et de vanille qu'exhalent ses jolies petites fleurs . - Un des premiers bouquets de l'héliotrope fut offert à Marie Leckzinska, épouse de Louis XV. On sait l'usage qu'en fit cette vertueuse princesse : elle ne l'eût pas plutôt reçu qu'elle en forma une couronne dont elle fit hommage à Jésus enfant.

Les mythologistes ont rapporté à l'héliotrope la fable rapportée par Ovide au sujet de Clytie, fille d'Orchane, roi de Babylone. Clytie, nymphe de l'Océan, piquée de la préférence donnée par Apollon à sa sœur Leucothoé, la fit impitoyablement périr. Cette action la rendit odieuse au dieu de la lumière, ce qui la jeta dans un tel désespoir qu'elle se laissa mourir de faim. Couchée nuit et jour sur la terre, les cheveux épars, tournant sans cesse les yeux vers le soleil, elle le suivait de ses regards pendant toute sa course, jusqu'à ce qu'enfin elle fut changée en une fleur qu'on a nommé Héliotrope, qui n'est point le nôtre et encore moins celui du Pérou.


RÉFLEXIONS.

Nos amitiés ne doivent pas être fondées sur l'intérêt, car l'amitié est une vertu et non un négoce.

(S. AMBROISE, Livre des Offices.)

Rien de plus fragile que les amitiés humaines. Il faut des années pour les former ; il ne faut qu'un moment pour les rompre.

(BOURDALOUE, Pensées diverses.)

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Héliotrope - Je vous aime.

Ce fut en 1740 que le célèbre Joseph de Jussieu découvrit cette plante dans les Cordillères du Pérou, où elle forme des buissons épais. L'odeur de vanille qu’exhalait sa fleur était si suave, son port si élégant, qu'il résolut d'en doter sa patrie et qu'il la rapporta en France. Dès lors toutes les dames l'adoptèrent avec enthousiasme et le bouquet d'héliotrope était obligatoire pour toutes les fêtes. Au Pérou cette fleur est un aveu d’amour, et bien souvent ici, une femme, en donnant une tige de son bouquet à celui qu'elle préférait, ne se doutait pas qu'elle ne faisait qu'imiter les filles des Incas.

 

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


HÉLIOTROPE : Enivrement ; Je vous aime.

Jussieu, herborisant un jour dans les Cordillères, se sentit tout à coup enivré d'un délicieux parfum : il approche et que voit-il ? Sur un affreux buisson mille petites fleurs s'élevaient radieuses, tournées vers le soleil, qu'elles semblaient fixer d'un regard d'amour. Aussitôt Jussieu leur donna ce nom, et quelque temps après, toutes les dames de Paris, éprises d'enthousiasme, donnaient à l'héliotrope le surnom d'herbe d'amour.

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Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gherbrant,


"Cette plante symbolise le soleil tournant ou la lumière mobile dont le soleil est la source. La fleur est une ontophanie de la lumière. Après avoir orné les têtes d'empereurs romains, des rois de l'Europe orientale et d'Asie, elle est utilisée dans l'iconographie chrétienne pour caractériser les personnes divines, la Vierge, les anges, les prophètes, les apôtres et les saints.

Ce végétal solaire figure dans un vitrail de Saint-Rémi de Reims : deux tiges d'héliotrope sortant du nimbe qui entoure le Visage de la Vierge et de saint Jean qui assistent éplorés à la mort du Christ. La propriété de cette plante d'avoir un mouvement tournant, pour suivre l'évolution du soleil, symbolise l'attitude de l'amante, de l'âme, qui tourne continuellement son regard et sa pensée vers l'être aimé, la perfection toujours tendue vers une présence contemplative et unitive.

Aussi l'héliotrope symbolise-t-il encore la prière. Fleur solaire, elle chante, selon Proclus, la louange du chef de la série divine à laquelle elle appartient, louange spirituelle, et louange raisonnable ou physique ou sensible. Pour Proclus, l'héliotrope, en sa couleur de ciel, prie parce qu'il se tourne toujours, en une insigne fidélité, vers son Seigneur. Henry Corbin cite alors ce vers : chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre.

Dans la légende grecque, Clytia fut aimée, puis délaissée par le Soleil, pour l'amour d'une autre jeune fille. Inconsolable, Clytia se consuma de chagrin et se transforma en héliotrope, la fleur qui tourne toujours autour du Soleil, comme autour de l'amant perdu. Elle symbolise l'incapacité de surmonter sa passion et la réceptivité à l'influx de l'être aimé.

Par son parfum suave, elle symbolise aussi l'enivrement, celui de la mystique, comme ceux de la gloire ou de l'amour."

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Héliotrope (Heliotropium europeanum) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Soleil

Élément : Feu

Divinité : Apollon.

Pouvoirs : Exorcisme ; Rêves prophétiques ; Clairvoyance.


Utilisation magique : Placée sous l'oreiller, cette plante provoque souvent des rêves prémonitoires. Si vous avez été volé, il est probable que le voleur vous apparaîtra en rêve.

Séchées et écrasées, des sommités fleuries d'Héliotrope sont ajoutées à l'encens dans les rituels d'exorcisme concernant beaucoup d'animaux de la ferme, sauf le dindon qui se mettrait à parler la langue des juifs.

Si, à l'aide d'une tige de cette plante, on magnétise une somnambule, elle fournira des révélations extra-lucides et pourra même donner de précieuses indications sur des vols et des crimes récents.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Cette plante, dont la fleur se tourne vers le soleil comme l'indique son nom, composé des mots grecs hélios (soleil) et trepô (tourner), symbolise "le soleil tournant ou la lumière mobile dont le soleil est la source". L'héliotrope qui a orné les têtes des empereurs romains, des rois de l'Europe orientale et d'Asie, et qui a représenté les personnages divins dans l'iconographie chrétienne, représente en outre la prière et "l'incapacité de surmonter sa passion et la réceptivité à l'influx de l'être aimé".

Selon une légende grecque, il est la métamorphose de la malheureuse Clytia, séduite puis abandonnée par le Soleil vers lequel elle continue de se tourner. Dans le langage des plantes, l'héliotrope signifie "Enivrement : je vous aime".

Le célèbre botaniste Bernard de Jussieu (1699-1777) découvrit la plante dans la cordillère des Andes et l'introduisit en France : "Le savant botaniste, charmé de sa nouvelle conquête, s'empressa de recueillir les graines de cette plante, et de les envoyer au "Jardin du Roi", où elles ont réussi. Les femmes accueillirent cette fleur avec enthousiasme : elles la placèrent dans les vases les plus précieux, la nommèrent herbe d'amour. [...] C'est donc sous les auspices des dames que l'héliotrope péruvien, cultivé pour la première fois à Paris en 1740, a fait fortune dans le monde et s'est répandu dans toute l'Europe".

Cueilli au mois d'août, sous le signe du Lion, et porté dans une feuille de laurier avec une dent de loup, l'héliotrope est un talisman efficace contre les "cancans". Les Lucifériens, "pour se préserver des influences contraires au rituel", remplacent parfois la dent de loup par celle d'un chien.

Placé sous l'oreiller, il favorise les rêves prémonitoires et, en cas de vol, permet de voir en songe le voleur. Dans une église pendant la messe, la plante cloue au sol les femmes volages qui "n'en pourront pas sortir si on ne l'ôte de l'église. Le secret est assuré et a été souvent expérimenté", soutient le célèbre Albert le grand.

Les fleurs de la plante, une fois écrasées et échées, peuvent être ajoutées "à l'encens dans les rituels d'exorcisme concernant beaucoup d'animaux de la ferme, sauf le dindon qui se mettrait parler la langue des Juifs".

Son surnom d' "herbe aux verrues" indique l'usage qu'on en faisait, d'autant que "sa fleur roulée, ressemble, disait-on, à une chenille, à une verrue un peu développée". Frédéric Mistral, dans le Trésor du félibrige (1878), évoque les diverses appellations de l'héliotrope en occcitan moderne : entre autres, berrugo, varrouo, varrugo, varujo (provençal), barrugous (Rouergois) : toutes signifient "verrue" ou "couvert de verrues". Elle a également un grand pouvoir contre les cors aux pieds, les dartres et les ulcères.

Pline, qui, déjà à son époque, signalait l'utilisation de l'héliotrope contre les verrues, en faisait également un remède contre les fièvres : le malade devait faire trois ou quatre nœuds, selon la gravité du mal, à la plante sur pied, "en promettant de les défaire quand il sera|it] rétabli".

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Mythologie :


Selon Françoise Frontisi-Ducroux, auteure de Arbres filles et garçons fleurs, Métamorphoses érotiques dans les mythes grecs (Éditions du Seuil, février 2017),


"Ovide raconte l'histoire de Clytie (Ovide, Les Métamorphoses, IV, 190 s.). Cette héroïne deviendra célèbre en France au temps du Roi-Soleil. Des peintres amateurs de mythologie, Jean-François de Troy, Charles de La Fosse, rendront Clytie amoureuse d'Apollon, avant qu'elle en soit finalement changée en tournesol. Rien de tout cela n'est vrai. D'abord parce que le tournesol n'a été introduit en Europe qu'après la découverte de l'Amérique. Ensuite, Ovide en est témoin, c'est d'Hélios et non d'Apollon que Clytie était la maîtresse. Une maîtresse bafouée et abandonnée de son amant, le Soleil, soudainement épris de la belle Leucothoé. Clytie, folle de jalousie, dénonce sa rivale au père de celle-ci. Ce dernier, un tyran oriental, enterre vivante sa fille, "coupable" d'avoir été violée. Désespéré, Soleil tente vainement de ranimer son amante, pis transforme son corps en encens, qui s'élève jusqu'au ciel. Mais il ne revient pas vers Clytie. "La malheureuse se consume, ressassant son amour, assise sur le sol négligée, sans boire ni manger et tendant son visage vers la face du dieu tout au long de son parcours. Ses membres se fixèrent au sol", où déjà elle gisait immobile, comme "atterrée" (Note : Les mots désignant le sol et la terre reviennent à trois reprises : vers 261, 264, 266). Une pâleur livide changea une partie de son teint en tiges exsangues, tandis qu'une fleur rougeâtre, semblable à la violette, recouvrit son visage." Cette fleur qu'Ovide ne nomme pas est un héliotrope, plante qui, parmi d'autres et comme le tournesol, accompagne la course du soleil en orientant ses feuilles vers l'astre. Clytie n'est pas une vierge farouche. Elle n'est pas non plus une jeune mère pleine de tendresse pour son enfant. C'est une amante désespérée qui a connu l'amour du plus éblouissant des dieux et ne peut y renoncer. Une humaine amoureuse d'un dieu : c'est un cas unique dans le catalogue des unions entre les deux races.

Car le désir, qu'il soit humain ou divin, est très majoritairement masculin. Seules quelques déesses, Aphrodite et Aurore, peuvent se permettre d'agir comme des mâles. L'histoire exceptionnelle de Clytie sert à combler un manque dans la combinatoire des récits mythiques.

On peut se demander quelle est la faute de Clytie. sa trahison envers sa rivale ? Sa passion l'y a conduite. Comme les autres victimes de métamorphoses, elle est coupable avant tout d'avoir été choisie par un dieu, d'avoir répondu à son amour, et d'y persister, transgressant ainsi, très involontairement, la limite entre les deux mondes. Mais au lieu de donner naissance à une fleur éclatante, comme les beaux garçons, elle se recroqueville en une plante timide, voire rampante, à petites fleurs mauves. (Note : l"héliotrope contemporain, cultivé, originaire d'Amérique, est beaucoup plus coloré que l'héliotrope d'Europe, endémique en Méditerranée.)."

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. Il est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; l'Héliotrope raconte la sienne dans un conte venu de Bohême et intitulé :


 "Le Roi Soleil et sa fidèle Héliotrope" :


Curieuse, en vérité, était la jeune fille au front ceint de rayons dorés ! Elle ne dansait pas, ne riait pas, repoussant d'un mouvement de tête distant les compliments des galants jeunes hommes. Debout devant la fenêtre, elle contemplait avec adoration le soleil. A la nuit tombée, son aura s'éteignit enfin. La jeune fille mélancolique baissa la tête et se mit à conter d'une voix douce...


A l'origine des temps, des ténèbres impénétrables régnaient sur la Terre. Le roi Soleil demeurait alors loin au-delà de l'horizon. Comme il ne sortait jamais de son palais resplendissant, pas un de ses cheveux d'or ne parvenait jusqu'à la Terre pour en chasser l'éternelle obscurité. Seul un somptueux feu d'artifice étoilé éclairait le firmament. Mais ce n'était pas le ciel et ce n'étaient pas les étoiles : une infinie prairie bleue, parsemée de myriades de leurs enchanteresses, surplombait alors le vaste monde. De gracieuses fées célestes avaient l'habitude de s'installer dans les fleurs pour fredonner des chants d'amour, la lueur du monde lointain venant se refléter dans leurs yeux limpides. La réputation de leur merveilleuse beauté parvint un jour jusqu'au palais du roi Soleil. Le souverain aux cheveux d'or décida alors :

"Pour la première fois depuis l'origine des temps, je sortirai de mon palais pour faire une promenade dans l'infinie pairie céleste et chercher dans ses fleurs magiques la plus belle des fées. Quand je l'aurai trouvée, elle deviendra mon épouse", annonça-t-il à ses conseillers. Des cris de joie retentirent à cette nouvelle dans son palais.

Mais, plus coquet qu'une femme amoureuse, le beau roi Soleil se tint, des jours et des jours durant, devant d'innombrables miroirs pour rehausser son visage de poudre d'or et se parer de pierres précieuses resplendissantes. Enfin, il convoqua une gentille servante et lui ordonna : "Prends le plus précieux de mes miroirs de cristal et monte sur l'horizon pour le diriger vers le haut, en direction de la prairie bleue du ciel, afin que je puisse m'y contempler et réchauffer mon cœur de ma grâce royale."

La soubrette s'exécuta avec empressement. Lorsque le roi Soleil monta dignement jusqu'à la prairie céleste, elle lui tendit avec zèle le miroir pour qu'il puisse y admirer à tout moment son beau visage. La mirer à tout moment son beau visage. La chevelure d'or du souverain s'embrasa alors d'un rayonnement aveuglant qui chassa les ténèbres de la fac de la Terre. Hélas ! Les fées célestes, effrayées par cette lueur inconnue, quittèrent précipitamment la prairie bleue pour descendre, juchées sur leurs fleurs, telle une nuée d'oiseaux effarouchés, jusqu'au tapis verdoyant de la Terre. Les étoiles se dissipèrent. Lorsque le roi Soleil, déçu, regagna son palais, abandonnant la partie à 'obscurité, les fées retournèrent discrètement au firmament. mais les semences de leurs fleurs germèrent pour toujours dans le sol fertile de la terre, se répandant ainsi dans le monde.

Depuis ce jour, le roi Soleil sortait tous les matins pour aller à la recherche de sa fiancée céleste et, tous les jours, sa fidèle servante lui tendait son miroir de cristal. Chaque fois que le souverain apparaissait à l'horizon, les étoiles cherchaient refuge dans le tendre giron de la terre, se dissimulant ainsi à son regard. Il arriva que le jeune roi aux cheveux d'or perdit patience. En proie à une violente colère, des éclairs partirent de sa couronne royale et son visage s'embrasa dans le miroir en cristal, pareil à une flamme aveuglante. La pauvre servante eut si peur que le miroir lui échappa des mains, se brisant en mile morceaux.

"Qu'ai-je fait ?" se lamenta la jeune fille. Pour ne pas attirer le courroux du roi, elle se transforma en une plante élancée dont la fleur imitait le visage du roi. Ce dernier ne tarda pas à se calmer. Se résignant à son sort, il regarda vaniteusement vers le bas pour se repaître du spectacle de sa sublime beauté. Ce qu'il vit lui plut. Croyant contempler dans son miroir de cristal le reflet de son gracieux visage, il se dirigea lentement, rempli d'orgueil, vers l'horizon pour regagner son palais d'or. Le roi renonça à son projet de chercher sa promise parmi les fées célestes invisibles, mais il prit goût aux tranquilles promenades dans la prairie bleue. Depuis ce temps, il traverse le ciel sans se hâter, d'est en ouest, pour rentrer chez lui par des passages souterrains secrets. Tous les jours, la fidèle servante Héliotrope tourne vers lui sa fleur pour qu'il puisse y contempler, obéissant à un caprice soudain, son gracieux visage. Et il en sera toujours ainsi."

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Littérature :


Molière, Le Malade imaginaire, Acte II, scène 5 :


ARGAN, à Angélique. Allons, saluez monsieur.

THOMAS DIAFOIRUS. Baiserai-je ?

MONSIEUR DIAFOIRUS. Oui, oui.

THOMAS DIAFOIRUS, à Angélique. Madame, c'est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l'on...

ARGAN. Ce n'est pas ma femme, c'est ma fille à qui vous parlez.

THOMAS DIAFOIRUS. Où donc est-elle ?

ARGAN. Elle va venir.

THOMAS DIAFOIRUS. Attendrai-je, mon père, qu'elle soit venue ?

MONSIEUR DIAFOIRUS. Faites toujours le compliment de mademoiselle.

THOMAS DIAFOIRUS. Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon rendait un son harmonieux lorsqu'elle venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d'un doux transport à l'apparition du soleil de vos beautés et, comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, mademoiselle, que j'appende aujourd'hui à l'autel de vos charmes l'offrande de ce cœur qui ne respire et n'ambitionne autre gloire que d'être toute sa vie, mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et mari.

TOINETTE, en le raillant. Voilà ce que c'est que d'étudier ! On apprend à dire de belles choses.

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