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Le Saule pleureur



Étymologie :


  • SAULE, subst. masc.

Étymol. et Hist. Ca 1225 (Péan Gatineau, S. Martin, éd. W. Söderhjelm, 4445). De l'a. b. frq. *salha fém. « saule », cf. l'a h. all. salaha, all. Salweide. Le genre masc., qui est aussi celui de nombreux autres n. d'arbres, a remplacé le fém., att. en m. fr. et dans qq. pat. Saule a éliminé en fr. l'anc. forme sauz, issue du lat. salix, -icem « saule », att. dep. la 1re moit. du xiie s. ds Psautier Oxford, 136, 2 ds T.-L. et qui s'est maintenue dans les pat. ; cf. aussi saussaie. FEW t. 17, pp. 10-11 ; ibid. t. 11, pp. 100-103


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Botanique :

Lire la fiche suivante qui compare les différentes variétés de saule.

 

M. A. Fée nous propose "Quelques Physionomies Végétales Françaises". (In : Bulletin de la Société Botanique de France, 1858, vol. 5, no 6, pp. 440-444). Après un long passage sur le Saule blanc, il consacre un petit paragraphe au Saule pleureur :


Quoi qu'on en alt dit, je ne puis voir dans le Saule pleureur un arbre triste. Ce sont les poëtes qui l'ont fait pleurer· et qui en ont fait un arbre de deuil. Rien ne justifie cette réputation. J'ai vu bien souvent de grands Saules pleureurs se pencher sur les rivières et sur les pelouses, ou s'incliner sur des massifs de fleurs : eh bien ! loin d'attrister ma vue, ils l'ont récréée. L'If et le Cypt·ès, voilà les véritables arbres funéraires, et non le Saule aux branches gracieuses et mobiles, penchées ver la terre comme si elles voulaient caresser leur mère.

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Symbolique :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cet arbre :


Printemps - Mars.

SAULE DE BABYLONE - MÉLANCOLIE.

J'entends le murmure des vents qui se mêlent aux frémissements de la pluie. Je suis triste, inquiète, éloignée de tout ce que j'aime, la société me pèse et me fatigue. Mais de toutes parts, la nature me tend les bras ; c'est une tendre amie qui semble s'affliger de ma douleur. Dans le fond des bois, j'entends le rossignol, il déplore sans doute comme moi l'absence de ce qu'il aime. Isolé sur le bord des eaux, voilà le saule de Babylone ; étranger, il se désole sur nos rives ; ne dirait-on pas qu'il murmure sans cesse :


L'absence est le plus grand des maux (La Fontaine).

Cet arbre, hélas ! est une amante infortunée. Une main barbare, en l'exilant de sa patrie, l'a séparée pour toujours de l'objet de sa tendresse.

Chaque printemps, abusée par une folle espérance, elle couronne de fleurs sa longue chevelure, elle redemande au vent les caresses de celui qui devrait embellir sa vie ; penchée sur le sein des fontaines, ne dirait-on pas que, séduite par sa propre image, elle cherche le bonheur au fond des eaux ? Vaine recherche ! ni le zéphyr, ni les nymphes des fontaines, ne peuvent lui rendre ce qu'elle a perdu, et qu'elle désire toujours.


Oui, de tous les maux de la vie, L'absence est le plus douloureux :

Voilà pourquoi ces arbres malheureux

Sont consacrés à la mélancolie (Aimé Martin, Lettres à Sophie.)


Saule cher et sacré, le deuil est ton partage ;

Sois l'arbre des regrets et l'asile des pleurs ;

Tel qu'un fidèle ami, sous ton discret ombrage, Accueille et voile nos douleurs (Idylles, par M. Dubos).

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Saule de Babylone ou pleureur - Mélancolie.

Cet arbre, aux rameaux éplorés, comme dit le poète, ne semble-t-il pas pleurer le beau ciel de l’Orient, sa patrie. C’est l’arbre des tombeaux et des tristes souvenirs.

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Saule pleureur ou Saule de Babylone — Mélancolie - Regrets.

C'est au bord des fleuves de la Babylonie que cet arbre laisse retomber ses longs rameaux feuillus qui baignent leurs extrémités dans les flots. ll sert à orner les pièces d'eau solitaires et ajoute à la tristesse des lieux où il croît. C'est encore lui qui recouvre la tombe d'un ami qui n'est plus. Le saule de Sainte-Hélène est devenu un arbre historique.

 

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


SAULE PLEUREUR : Mélancolie.

Les enfants de Juda, captifs à Babylone, pleuraient et chantaient sous les saules.


Mes chers amis, quand je mourrai,

Plantez un saule au cimetière ;

J'aime son feuillage éploré,

La pâleur m'en est douce et chère ;

Et son ombre sera légère

A la tombe où je dormirai. A. de MUSSET.

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Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire que :


"Le saule pleureur est parfois, en Occident, mis en rapport avec la mort, la morphologie de l'arbre appelant des sentiments de tristesse. Hermas considère, pour sa part, la vivacité bien connue de l'arbre, et en fait un symbole de la Loi divine : la survie des rameaux coupés et plantés en terre, l'arbre demeurant indivis, est fonction de l'observance de cette Loi. Si donc ces rameaux sont plantés en terre et reçoivent un peu d'humidité, beaucoup d'entre eux reviendront à la vie. En outre, le saule éternellement vert est mis par saint Bernard en rapport avec la Vierge Marie.

Ces dernières interprétations sont étroitement liées au symbolisme extrême-oriental du saule. Celui-ci est en effet un symbole d'immortalité, l'équivalent de l'acacia maçonnique. C'est pourquoi la partie centrale des loges de la T'ien-ti houei, celle où se trouve le boisseau, est appelée la Cité des saules (mou-yang tcheng) : cette cité est un séjour d'immortalité. Le saule joue manifestement aussi au Tibet le rôle d'arbre central, d'Arbre de vie, et c'est bien ce que paraissent avoir signifié les saules autrefois plantés devant le sanctuaire de Lhassa (S. Hummel). Les branches de saule jouaient également un rôle axial dans les rites ouïgours de circumambulation On notera, au moins à titre de curiosité, que le poète taoïste Hi-k'ang forgeait sous un saule planté au milieu de sa cour : or la forge est un moyen symbolique de communication avec le Ciel. Et si la sépulture de personnages mythiques est placée à l'ombre d'un saule, le sens, là non plus, ne peut faire de doute. Lao-tseu aimais à se placer sous son ombre pour méditer.

Le saule est parfois usité comme emblème du Bodhisattva Avalokiteshvara, considéré comme dispensant la fécondité. Ce en quoi il ne se distingue pas de sa forme féminine chinoise : Kouan-yin. A l'opposé, le saule mâle, parce qu'il ne porte pas de fruit, est un symbole de pureté. Nous signalerons enfin que le mouvement des branches de l'arbre en fait l'image de la grâce et de l'élégance des formes ; la comparaison est utilisée comme cliché dans les descriptions du cors féminin.

Chez les Indiens de la Prairie, le saule est aussi un arbre sacré, le symbole du renouveau cyclique :


Le rameau que l'Oiseau apporta était une branche de saule, et elle était en feuilles.


En Russie Occidentale, au contraire, on dit que qui plante un saule prépare la bêche pour sa tombe.

Il n'est pas précisé si cette mort, qu'annonce le saule, est ici conçue comme le passage à l'immortalité que, en d'autres régions, le saule symbolise."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Si le saule est un arbre solaire dans la mesure où il se couvre de feuilles pourprées aux époques où règne cet astre, c'est-à-dire au printemps et au début de l'été, il a représenté dans la Chine ancienne l'immortalité et l'éternité car il reste vert et ne perd pas ses feuilles pendant l'hiver ; En Occident, où il est maléfique, voire voué à l'enfer, le saule, consacré à Saturne et qui chez les Celtes ornaient les tumulus érigés au bord des marécages ou des lacs, est souvent associé à la mort - mais cette fois sans espoir d'immortalité ou de résurrection - et à la tristesse, surtout le saule pleureur dont les branches tombent vers la terre depuis qu'il a caché la Vierge et l'enfant Jésus dans leur fuite en Égypte. Selon une légende de Hongrie et de Transylvanie, Jésus poursuivi se reposa un moment sous un saule pleureur car il est « l'arbre le plus doux, il n'a aucune branche piquante. Sitôt Notter Seigneur assis, l'arbre se pencha sur lui, ses branches ne se redressèrent plus depuis ». On dit aussi qu'il pleure depuis que « les verges ont frappé Jésus ». En Belgique, celui qui sans être jardinier en plante un mourra dans l'année ; en Russie, mettre en terre un saule équivaut à creuser sa propre tombe. Le chagrin que symbolise le saule pleureur est souvent celui des amoureux éconduits car l'arbre « prend » la souffrance de la personne qui en porte un rameau. Quant au saule, qui représente la chasteté, sa seconde écorce placée sous un oreiller passait en haute Bretagne, pour favoriser les rêves amoureux ; associé également à la stérilité, ses feuilles infusées étaient réputées empêcher la procréation, ce qui n'empêche pas qu'en Inde, celle qui s'endort sous son ombrage peut se réveiller enceinte.

Autrefois, les jeunes filles « interrogeaient » la feuille de l'arbre : l'ayant jetée dans un ruisseau, elles en retiraient un bon présage si la feuille était emportée par le courant, un mauvais présage si la feuille coulait. Une pratique augurale similaire avait cours au siècle dernier dans le Finistère, où le jour du pardon on posait sur l'eau d'une fontaine une croix de bois de saule. Cependant les conclusions à en tirer restaient indécises puisque si cette croix flottait, elle annonçait soit la mort du consultant soit son contraire !

Les jeunes Anglaises, elles, lançaient leur chaussure droite dans l'arbre, convaincues que si elle était retenue par les branches, le mariage leur était promis dans l'année. S'il leur fallait recommencer, chaque tentative signifiait une année d'attente en plus ; huit tentatives étaient autorisées mais pas plus.

Une branche de saule à laquelle on donne l'aspect d'un bracelet, ou un peu de son écorce, éloigne insomnies, cauchemars et terreurs nocturnes. De petites branches bénites le dimanche des Rameaux ou des Palmes protègent de l'orage et des maléfices et, si on leur donne la forme d'une couronne au travers de laquelle passe la volaille, elles les préservent de la vermine.

En Bretagne, « la petite peluche de saule qui est entre le bois et la peau » bouillie avant d'être avalée, vient à bout de la fièvre ; contre le mal de dent, on recommande d'enfoncer dans la gencive un morceau de bois prélevé juste derrière l'écorce, puis de le remettre à sa place ainsi que l'écorce : l'arbre prend alors le mal. Les Japonais remédient aux douleurs dentaires en enfonçant des épingles dans le tronc d'un saule croyant ainsi contraindre « le génie blessé à intervenir pour faire cesser les névralgies du patient ».

Une feuille de saule passait encore au début de notre siècle pour guérir les tumeurs du sein : il fallait la cacher sous du fumier et huit à quinze jours après, la guérison était effective (Indre-et-Loire). Les Juifs de l'ancien Empire ottoman se servaient de cet arbre contre la hernie, et les Américains des environs de New York croyaient soigner la constipation et la diarrhée en aiguisant l'écorce d'une branche de haut en bas et en disant : « Quittez-moi, ô malin ! ». Pour faire passer les hémorroïdes, les Belges utilisaient le a troisième pelure du saule grattée avec une pièce d'or et mise « dans le derrière le plus avant qu'on peut ».

Le saule pleureur arrête les hémorragies et empêche les fausses couches. Les Tziganes de Transylvanie brûlaient du saule et dirigeaient la fumée sous la couverture d'une femme juste après un accouchement si elle se mettait à souffrir.

On dit qu'il ne faut jamais confier un secret à un saule car, connu pour ses indiscrétions, « il le répète à tous vents au premier souffle d'air qui le fait bruire ».

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Selon le site 1011 symboles.net, "Le saule est le symbole des lamentations, d'où le nom saule pleureur. C'est un arbre à rameaux retombants.


L'arbre des lamentations : L'expression saule pleureur serait issue des premiers versets du Psaume CXXXVII. Ils décrivent les conditions difficiles des Hébreux en exil : "Nous sommes assis sur le bord des fleuves de Babylone, et là nous avons pleuré en nous souvenant de Sion. Nous avons suspendu nos harpes aux saules qui sont au milieu de Babylone."


L'arbre de la chasteté : Néanmoins, les premiers chrétiens ne voyaient pas dans cette suspension des harpes des Hébreux aux saules, un refus de jouer de la musique, mais plutôt un signe de chasteté. En effet, Arius écrivait au début du IVe siècle : "Les âmes sans tache ont suspendu leur corps aux branches de la chasteté [...] Le saule est le type même de la chasteté, car, si l'on boit l'eau dans laquelle ont été trempées les fleurs du saule, les désirs sensuels en nous s'éteignent, rendant sans effet toute disposition à l'engendrement d'enfants" (Thaleia, chap. 3)."

 

D'après Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Larousse Livre, 2000) :

"Si on le dit pleureur, c'est sans doute parce que ses rameaux longs et feuillus, qui se répandent jusqu'au sol tout autour de lui et le long desquels les gouttes de pluie ruissellent, font penser à des larmes. Pourtant, l'une de ses caractéristiques est de rester vert toute l'année. cela n'a d'ailleurs pas échappé aux Chinois, qui en firent un arbre d'immortalité, de sagesse, de l'inspiration spirituelle, de communication avec le ciel, ni aux Tibétains qui, quant à eux, en firent l'Arbre de Vie. Ainsi, selon certaines légendes chinoises, Lao-tseu, l'auteur présumé du Tao-tê king, livre à partir duquel est née la religion taoïste, aimait méditer à l'ombre d'un saule, dans la Chine du VIe siècle avant notre ère. c'est sous un saule, dit-on encore, que Confucius et lui-même eurent leur célèbre entretien, après lequel le premier confia à ses disciples : "Je sais que les oiseaux volent, que les poissons nagent, que les quadrupèdes courent. Les animaux qui courent peuvent être pris au filet, ceux qui nagent peuvent être pris à l'hameçon, ceux qui volent peuvent être atteints par les flèches. Quant au dragon, je ne puis dire comment il s'élève vers les cieux sur les vents et les nuées. Aujourd'hui, j'ai vu Lao-tseu : il n'est comparable qu'au dragon." (Sseû-ma Ts'ien, Che Ki ou Mémoires historiques)."

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Symbolisme onirique :


Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),


Quel désespoir peut exprimer l'image d'un arbre qui pleure ? De quel inconsolable chagrin celui-là se fait-il le témoin ? Quels renoncements révèlent ces branches retombant comme de longs bras découragés ? Dans l'imaginaire, le saule pleureur se comporte comme s'il était soucieux de justifier son nom. Il s'épanche dans des lieux humides mais aussi dans une atmosphère parfois réellement triste, le plus souvent au moins mélancolique.

L'exploration des rêves dans lesquels il déploie sa ramure effilochée apporte rapidement une conviction : autour de l'image du saule, il y a toujours l'ombre d'une Ophélie qui laisse flotter dans l'air ses longs cheveux de pure figure féminine.

Mais le Prince qui règne sur le cœur de cette Ophélie a le visage d'un amour interdit : celui que la rêveuse nourrit en secret pour l’image de son père. Sur dix évocations du symbole, neuf sont relevées dans des scénarios produits par des femmes ! Les images de cheveux longs et flottants, les libellules aussi sont parmi les corrélations qui attestent de la nature profondément féminine du saule pleureur. Mais de que soleils éblouissants aussi, rouges comme la passion, que de lions dont certains ne font pas mystère de leur représentation de l'image paternelle. Oui, l'une des traductions auxquelles aboutira l'étude du symbole est bien celle qui révèle une activation de la reconnaissance de l'attirance œdipienne. C'est d'une activation puissante qu'il s'agit. La rêveuse qui voit le saule pleureur est au bord d'une prise de conscience, au seuil d'un renversement du regard, elle vit une phase de bouleversement du psychisme.

Nul ne peut connaître avec certitude le moment où se mettent en place les mécanisme de l'oedipe et leur cortège de tourments. Mais ce qui ne peut être mis en doute, c'est que leur apparition se situe très tôt dans l'enfance. Pour cette raison, bien d'autres aspects de la problématique, qui naissent au cours des étapes ultérieures du développement de l'enfant ou de l'adolescent, s'amalgament naturellement autour de l'Œdipe, que Freud considérait comme le noyau de la névrose. Il s'ensuit que, lorsqu'à travers une démarche psychothérapique les séquelles œdipiennes se dissolvent, c'est l'ensemble du dispositif névrotique qui se craquelle.

Autour du saule pleureur, le tremblement de terre, le cataclysme, l’éruption volcanique, la terre qui se fend en gigantesques failles béantes, sont des images très fréquentes. Le tremblement de terre et l'étincelle apparaissent deux fois plus souvent dans ces rêves que dans l'ensemble des séances constituant la base de données. C'est dire à quel point la vision de cet arbre reflète une puissante restructuration du psychisme.

Le saule pleureur semble toujours accompagner la fin acceptée d'un monde. Le rêveur vit l'apocalypse qui l'arrache à ses références, comme Ophélie va à la rencontre des eaux noires qui vont l'engloutir dans la paix d'une mort choisie. Deux patientes sur trois, au plus fort des images d'un monde qui éclate, proclament qu'elles n'ont plus de peur ! Tout se passe comme si le symbole survenait à un moment de la cure où les résistances sont usées, les défenses rompues et que le renversement des valeurs était ressenti pour ce qu'il est en réalité : une indispensable libération.

On remarquera que le saule pleureur survient généralement dans le scénario après les visions les plus violemment bouleversantes et e manifeste alors comme un indice d'apaisement, de retour au clame dans une nouvelle structure psychique. C'est peut-être le neuvième rêve de Danielle qui illustrera le mieux la puissance d'arrachement aux références établies qui dynamise les séances dans lesquelles pendent les branches du saule pleureur. Ce rêve offre l'intérêt de montrer à la fois l'ampleur de la restructuration, qui n'épargne aucun aspect du psychisme, la surprenante cohésion qui gère les mouvements les plus désordonnés en apparence et le saule pleureur dans son rôle d'image d'apaisement, certes, mais aussi d'affranchissement de l'emprise exercée par l'image maternelle. Le scénario commence par ces mots : « … C'est une vision... d'apocalypse... je ne sais pas, c'est.... je vois des nuages très noirs... il tombe une pluie très dense, très serrée... y a la foudre qui tombe. La terre s'ouvre complètement... de cette ouverture béante on voit surgir les racines blanches des arbres... c'est... terrifiant !... Elles ressemblent aussi à autre chose... c'est terrifiant... il y a d'énormes crevasses... l'eau continue de tomber... il y a un bruit épouvantable... c'est l'orage, il y a d'énormes coups de tonnerre... (très long silence]... je regarde cette crevasse se remplir d'eau... ça devient un torrent Je reste sur le bord, terrorisée, trempée... comme dans les tremblements de terre... Ca évoque aussi une plaie, la terre est ouverte comme on ouvre les chairs avec un coup de scalpel... en fait, c'est bizarre... les racines ont un mouvement autonome, elles bougent dans tous les sens mais... elles ne s'agitent pas... pas vraiment dans n'importe quel sens, mais d'une façon homogène, comme sur un air de musique... ce n'est pas désordonné... comme si elles obéissaient à quelque chose de coordinateur que je n'entends pas... Des pieuvres maintenant... je vois des yeux de pieuvres, plutôt rigolards, pas menaçants, avec plein de tentacules, qui pendent le long du torrent... et je suis devenue toute petite... je suis emportée dans une coquille de noix sur le torrent... la coquille tourne sur elle-même, entraînée par le courant... je passe entre ces tentacules qui sont maintenant des branches de saules pleureurs qui tombent dans un ruisseau... Finalement, c'est comme une promenade bercée par des tas de créatures qui ne me veulent pas de mal... je n'ai plus peur du bruit... l'orage s'est arrêté.. il ne pleut plus... c'est une promenade... au bout d'un moment, la terre se referme, tout se restructure, il n'y a plus de crevasse... j'ai repris ma taille normale... l'orage est terminé... »

La pieuvre symbolise l'aspect castrateur de la mère qui menace l'enfant de ses emprises abusives. Le saule pleureur, comme n'importe quel arbre, est d'essence féminine et maternelle. Il est par ailleurs fréquent que les séquences au cours desquelles le patient déploie un symbolisme de renaissance se terminent par la sortie d'un étroit tuyau encombrée de racines, ronces, fils entrelacés, qu'il lui fait déchirer pour accéder au jour. Les branches du saule de Danielle, à travers desquelles elles doit passer, renvoient à ces scènes de renaissance.

L'arbre étant force de vie, croissance, énergie, la forme du saule pleureur pourrait entraîner l'interprétation dans le sens d'un affaissement de l'énergie vitale, d'un élan brisé, d'une psychologie atteinte par le découragement, bref, d'un indice de dépression. Aucun des rêves pris en référence n'autorise pourtant une traduction de ce type. Les branches du saule, penchées vers la terre et lus souvent encore vers l'eau, indiquent à la fois le besoin de régénérer l'énergie féminine, l'anima et, surtout, de réhabiliter les pulsions refoulées. Derrière le fin feuillage d'un saule pleureur, il y a toujours, pour le rêveur comme pour la rêveuse, un autre monde à atteindre. Un monde invisible encore, affranchi des limites de temps et d'espace, un monde où les contingences œdipiennes,disparaissent, où les raisonnements justificateurs n'ont plus cours.

Olivier jusqu'alors paralysé par une attitude de compétition avec l'image de son père, participe à une course le long d'une rivière, sous un soleil qui l'écrase. Il décide de plonger dans la rivière pour y prendre les forces de l'eau. Lorsqu'il en sort, le jeune homme se sent régénéré : « … J'ai franchi le tunnel du temps ! Je suis devenu indifférent au temps... au temps qu'il fait et au temps qui passe... je prends mon temps et, cette fois, je distance tout le monde !... Je vois des saules pleureurs... c'est la poésie ! Un orage se prépare, un volcan bouillonne... peu importe, je n'ai pas peur ! Le soleil est devenu un ami... un beau soleil rouge, mais pas hostile... » Qui soupçonnerait, dans cette séquence d'Olivier, une scène de dissolution d'un œdipe inversé, dissolution favorisée par l'intégration de l'anima au cours de la plongée dans les eaux, ne prendrait pas un grand risque de se tromper. C'est du poids de l’image paternelle que s'affranchit Olivier. Le carcan des références temporelles disparaît, le jeune homme est mûr pour vivre l'orage psychique !

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Lorsqu'il rencontre l'image du saule pleureur, le praticien à l'écoute du rêve peut évacuer sans hésitation l'idée que ces branches tendues vers la terre symbolisent un affaissement des énergies vitales, un découragement proche de la dépression.

Le saule pleureur est l'un des arbres les plus imprégnés de nature féminine, l'un des symboles les plus aptes à porter la double représentation de l'anima et de la mère. L'analyste reconnaîtra, dans les longues et fines branches suspendues au-dessus de l'eau, comme une chevelure de sirène, l'une des images les plus sûres du renversement, c'est-à-dire de la disposition du patient à réhabiliter les opposés qu'il s'était interdits. Dans de très nombreux cas, les scènes de restructuration qui accompagnent le saule pleureur se développent avec une telle puissance que la valeur dynamique du symbole ne peut pas passer inaperçue. Un regard exercé saura percevoir, à travers l'effervescence des images, les lignes d'un nouvel ordre psychologique qui s'organise autour d'une désagrégation des séquelles de l’œdipe.

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Mythologie :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


Le saule pleureur (salix babylonica), consacré à la déesse Juno, et spécialement à la Juno Fluonia, est, d’après la Botanologia medica de Zorn, le meilleur moyen pour arrêter toute hémorragie, et pour empêcher une fausse couche (1). Dans le Malleus Maleficarum de Sprenger, je trouve un détail qui confirme cette ancienne croyance populaire : « Et etiam ibi in partibus Sueviæ plurimum practicatur, quod prima die Maii, ante ortum Solis, mulieres villanae exeunt et ex sylvis vel arboribus deferunt ramos de salicibus aut alias frondes et, ad modum circuli plectentes, in introitu stabuli suspendunt, asserentes quod per integrum annum jumenta cuncta illaesa a Maleflcis remanent et praeservantur. » Sprenger, qui se montre toujours très difficile au sujet des usages superstitieux, excuse celui-ci et des semblables, parce qu’on les accompagne de prières chrétiennes.


Note : 1) Une légende chrétienne (cf. Palmier) nous apprend que le saule pleureur replie ses branches vers la terre depuis qu’il a servi à cacher la Vierge et l’enfant Jésus dans leur fuite en Égypte. Dans une autre légende, ce saule pleure depuis le jour que les verges ont frappé Jésus.

 

Selon Annie Boule, auteure d'un article intitulé "Notes sur la civilisation guaranie." In : Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 1, 1965. pp. 255-278 :


Si la forme végétale est parfois considérée comme une bénédiction (ou un refuge, comme dans la tradition antique de Daphné transformée en laurier pour échapper à Apollon), elle peut aussi traduire une condamnation. Le jonc, le lierre et l'arbre tropical appelé Isapi étaient de belles jeunes femmes qui furent changées en plantes comme châtiment : de sa coquetterie la première, de son ambition la seconde et de son insensibilité la troisième. En effet, pour n'avoir jamais pleuré de sa vie, Isapî est condamnée à « pleurer » éternellement (la particularité de l'isapi est que de ses feuilles se dégage sans cesse une abondante rosée rafraîchissante).

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Isapí était une très belle jeune Indienne, fille du chef de la tribu. Sa beauté ne pouvait être comparée qu’à la dureté de son cœur. Je n’aimais ni n’avais pitié de personne. Ils l’appelaient « celle qui n’a jamais pleuré », parce qu’elle n’a jamais roulé une larme de ses yeux noirs profonds. Il était une fois, un déluge de la rivière Uruguay a inondé tout, arraché des maisons et pris beaucoup de gens de sa tribu pour toujours, mais Isapí n’a pas pleuré. Tout le monde a commencé à penser qu’elle était la cause de tant de malheurs, et une sorcière a dit que seules les larmes d’Isapi apaiserait les dieux. Beaucoup d’autres malheurs se sont produits. La tribu a été réduite à quelques femmes et une poignée de combattants. Ils se sont tous réfugiés dans les jungles. Il était avec eux Isapi, mais à ses yeux pas une seule larme brillait. C’est alors que la sorcière a convoqué le seigneur hex. Il était une fois, un déluge du fleuve Uruguay inondait tout, arracha les habitations et prit de nombreuses personnes de sa tribu pour toujours, mais Isapí ne pleura pas. Tout le monde a commencé à penser qu’elle était la cause de tant de malheurs, et une sorcière a dit que seules les larmes d’Isapi apaiserait les dieux. Beaucoup d’autres malheurs se sont produits. La tribu a été réduite à quelques femmes et une poignée de combattants. Ils se sont tous réfugiés dans les jungles. Il était avec eux Isapi, mais à ses yeux pas une seule larme brillait. C’est alors que la sorcière convoqua le seigneur des malédictions et lui dit ce qui s’était passé. Il envoya à Isapí, immédiatement les gardiens l’emmenèrent au palais. Elle ne savait pas pourquoi elle avait été appelée et a dit au seigneur, - Pourquoi suis-je ici? Il lui a dit, parce que je veux vous parler de vos sentiments et il lui a donné une potion pour que je puisse pleurer. Le Seigneur lui dit: - Mais tu deviendras un arbre. Elle prit la potion et commença à ne rien entendre. Il a commencé à mettre ses pieds dans le sol et ses cheveux ont commencé à se transformer en branches à partir desquelles les feuilles pendaient. Isapí est progressivement devenu un arbre. On dit que l’arbre est le saule pleureur.


N.B. Selon Wikipedia : Ses longues branches-lianes pendantes sont la cause de son appellation de « pleureur ». Une autre explication de cette dénomination est liée au fait que de la sève ou encore de l'eau de condensation peuvent s'écouler des feuilles et des branches en quantité abondante.

La description du saule pleureur pourrait donc correspondre à l'arbre Isapi mais il est originaire de Chine...

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Contes et légendes :

Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées et des autres esprits de la nature (Éditions Plume de carotte, 2014), le saule promet "de jolis guet-apens".


[...] Il semblerait que vous n'ayez en revanche rien à craindre des esprits habitant dans les saules pleureurs. Enfin, c'est selon... L'on raconte qu'un samouraï japonais avait dans son jardin un tel arbre, absolument superbe. Or, la malchance s'abattit sur sa famille : son fils se cassa la jambe et sa femme périt après une maladie inexpliquée. Croyant voir dans le saule pleureur l'origine de ses malheurs, il proposa à son voisin non superstitieux de le planter chez lui. Ainsi fut fait. Le nouveau propriétaire de l'arbre eut un matin la surprise de voir une magnifique femme adossée contre le tronc. Il l'épousa et ce n'est que cinq ans plus tard qu'il apprit que son épouse n'était autre que l'esprit du saule."

 

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Littérature :


Le saule pleureur a particulièrement inspiré les Romantiques au point qu'il en devient un signe remarquable. Le plus emblématique en est certainement "Le Saule" de Alfred de Musset que vous pouvez lire ici en version intégrale.

La vision de Hugo est quelque peu différente comme vous pouvez le lire dans le poème "Comédie dans les feuilles" daté du 18 juin 1859.

 

Saule pleureur


Il perd ses plumes, perd ses larmes.

Comme un cœur se vide de larmes, L'arrosoir a perdu ses plumes.

Éventail au soleil fané, Loterie des mois des années, Dans l'allée le sable s'enroue, Où mon chagrin fera la roue.

Jardin faut-il que tu t'en ailles, Et l'été de cet éventail, Secondé par mon petit doigt, Qui chatouille un bouton de rose, Effronté sans pourtant qu'il ose, Trop presser son éclosion.

Après s'être bien amusée, La rose rentre en son cocon, La rose revêt sa chemise, Et tout est à recommencer.

Et les outils dans la remise, Ensemble-jardin se lamentent, L'arrosoir voudrait sur l'amante, Verser des larmes mais la bêche, N'a pas retrouvé cette espiègle, Qui se cache sous l'herbe sèche.

Raymond Radiguet (1903-1923) , "Saule pleureur" in Poèmes divers.

 

"Quand on plante un oignon sous un saule, on n'obtient pas forcément un saule pleureur" (François Cavanna).

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