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La Ronce




Étymologie :

  • RONCE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1175 « arbuste épineux et buissonnant, de la famille des Rosacées, dont les fruits (mûres sauvages) sont comestibles » la ronce ou l'ortie (Benoît de Ste-Maure, Chron., éd. C. Fahlin, 22722) ; b) 1403 « la tige épineuse de la ronce » (Lit. remiss. in Reg. 158, Chartoph. reg., ch. 206 ds Du Cange, s.v. runciae) ; c) 1690 au plur. fig. « désagréments que l'on rencontre » (Fur.) ; cf. 1698 [éd.] (Boileau, Epistre X, A mon jardinier, 9, éd. A. Cahen, p. 93) ; 2. 1842 « veine arrondie que l'on voit sur certains bois noueux » (Ac. Compl.) ; d'où 1936 « bois qui présente cette particularité » ronce de noyer (Catal. jouets (B.H.V.) ; 3. 1885 ronces en acier (Le Triboulet, 3 mai, 2a, Publicité ds Quem. DDL t. 17) ; 1894 ronce artificielle (Bricka, Cours ch. de fer, t. 1, p. 269). Du lat. rumicem, acc. de rumex, -icis, att. au IVe s. au sens de « ronce » chez Marcellus Empiricus (FEW t. 10, p. 559a), cf. aussi dans les gloses xe-xie s. (Codex Vaticanus, 4417 ds CGL t. 3, p. 619, 24) ; rumex a d'abord désigné une sorte d'arme de jet et une sorte d'oseille ou de patience ainsi nommée à cause de la forme de la feuille en fer de lance (v. André Bot.).


Lire également la définition de la ronce pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Rubus fructicosus ; Aronce ; Arongi ; Arronce ; Bartass ; Bricole de bergère ; Catimuron ; Collet ; Éronge ; Éronthe ; Erouinche ; Esroinde ; Haute-ronche ; Léronce ; Mourier sauvage ; Renverse panier ; Rouanche ; Robe ; Rossebelle ; Roumiass ; Roumic ; Rundre ; Strût

Rubus chamaemorus ; Chicoutai ; Chicouté ; Margot ; Mûre blanche ; Plaquebière ; Platebière ; Plate-bière ; Ronce des marais ; Ronce petit-mûrier.

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Botanique :


Jean-Marie Pelt, dans son ouvrage intitulé simplement Des fruits (Librairie Arthème Fayard, 1994), brosse le portrait de la Mûre sauvage :


Les fruits de la mure des champs sont construits selon la même architecture que ceux de la framboise, dont elle est une cousine rustique ; seule la couleur les distingue, rouge pour celle-ci, bleue ou noire pour celle-là. Les petites drupéoles posées à même le réceptacle de la mûre sont d'abord vertes, puis rouges, et virent au noir luisant à maturité. Les ronces à fruits bleus, Rubus caestius, voient leurs petites drupéoles bleues, douces et sucrées, revêtues d'un efflorescence bleuâtre.

Les Grecs appelaient cette ronce le « sang des Titans », parce qu'elle était supposée provenir du sang répandu par ceux-ci au cours de la lutte qu'ils durent soutenir conter les dieux. Ses longs rameaux rampants armés d'épines acérées, ses feuilles non moins piquantes et agressives, jusqu'au pédoncule des fleurs, toute la plante est hérissée, de sorte qu'une cueillette de mûres laisse toujours des traces sur la peau, même si la récompense - dessert ou confiture - vaut bien quelques égratignures.

Les propriétés médicinales de la ronce tiennent à la présence de tannins dans toutes les parties de la plante. Sainte Hildegarde, abbesse de Bingen, la conseillait au XIIe siècle contre les hémorragies du fondement. De nos jours, la feuille de ronce sert à préparer un gargarisme populaire : on emploie pour ce faire une décoction concentrée qu'on peut additionner de mile o de sirop de mûre sauvage. Ce remède suffit parfois à enrayer de légères angines. Quant aux fruits, bien mûrs, ils sont légèrement laxatifs, alors que les mûres vertes, âpres au goût, sont plutôt astringentes et donc constipantes.

On demandera aux mamans des viles, engagées dans une partie de campagne, de ne point détourner leurs jeunes enfants des ronces sous prétexte que les mûres seraient du poison. Si celles-ci ont la couleur inquiétante des baies de belladone, elles n'en ont ni l'apparence, ni les effets. Dans toute la France hercynienne, des Vosges au Morvan, du Massif central à la Bretagne - et ailleurs ! -, le mariage des ronces et des haies forme un duo harmonieux : les haies abritent de denses populations de ronces qui exposent généreusement leurs mûres bien mures à la curiosité des promeneurs. Et bien peu résistent à la tentation !

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D'après Lionel Hignard et Alain Pontoppidan, auteurs de Les Plantes qui puent, qui pètent, qui piquent (Gulf Stream Éditeur, 2008) :


"Des tiges épineuses qui jaillissent en tous sens pour vous agripper et déchirer un morceau de peau au passage ! C'est la ronce, appelée encore aronce dans certaines régions. Aux beaux jours, de petites fleurs blanches apparaissent sur chaque branche et dès la fin de l'été, de délicieuses mûres juteuses les auront remplacées.


Pourquoi fait-elle ça ? Toutes griffes dehors, les ronciers envahissent les terres en friche, où ils préparent l'arrivée des arbres. Les tiges garnies d'épines forment un treillis impénétrable qui protège les arbrisseaux de la dent des herbivores.


Paniers de confiture : Les fruits de l'aronce font des confitures délicieuses. Mais attention à ne pas cueillir les mûres qui poussent trop près du sol car elles peuvent être souillées par les déjections de renard.

Ses longues tiges, débarrassées de leurs crochets, servent encore dans les campagnes à lier les fagots ou à tresser des paniers.


Pour deux euros de ronce : La pièce de deux euros finlandaise représente le fruit et les feuilles d'une ronce typique, la plaquebière, qui signifie "nourriture des castors", et se dit lakkahillo en finnois."

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Croyances populaires :


Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des traditions liées à aux différentes étapes de la vie humaine :

Dans certains pays, les enfants prennent une longue ronce, ils se mettent un à chaque bout et barrent la route à la noce. Si la mariée est une fille-mère (et on le fait pour une fille-mère si elle est obligée de suivre la grand'route), elle doit passer par-dessus

Si c'est une jeune femme qui s'est bien conduite étant jeune fille, l'un des enfants laisse tomber par terre le bout qu'il tient et l'autre enfant jette la ronce dans la banquette. Les gens de la noce donnent quelques sous aux enfants (littoral des Côtes-du-Nord).

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la ronce :


RONCES A FRUITS NOIRS - ENVIE.

La Ronce, comme l'envie, rampe et cherche à étouffer tout ce qui l'approche.


MÛRIER A FRUITS NOIRS - JE NE VOUS SURVIVRAI PAS.

Tout le monde a lu dans La Fontaine la tou chante histoire de Pyrame et Thisbé. Pyrame, croyant que sa chère Thishé avait été dévorée par une lionne en fureur, se tua de désespoir. Thisbé, éloignée par la crainte, revient et voit expirer son cher Pyrame ; elle ne peut sur vivre, et le même poignard réunit les deux amants.


Elle tombe, et, tombant, range ses vêtements ;

Dernier trait de pudeur même aux derniers moments.

Les nymphes d'alentour lui donnèrent des larmes,

Et du sang des amants teignirent, par des charmes,

Le fruit d'un mûrier proche, et blanc jusqu'à ce jour,

Éternel monument d'un si parfait amour.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Ronce a fruit noir - Envie.

Cette plante rampante étouffe toutes les plantes qui naissent autour d’elle.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


RONCE - INJUSTICE - L'ENVIE S'ACCROCHE A TOUT.

Arbrisseau, hérissé d'aiguillons très accrochants. Ses fleurs blanches el roses émaillent agréablement les haies vives. On compte aujourd'hui cent onze variétés de ronces.


La ronce, aux traits aigus, comme un garde fidèle,

Dans différents quartiers se porte en sentinelle,

Détourne, avec ses dards, l'approche du troupeau,

Et des arbres naissants protège le berceau.

CASTEL.

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M. A. Fée nous propose "Quelques Physionomies Végétales Françaises". (In : Bulletin de la Société Botanique de France, 1858, vol. 5, no 6, pp. 440-444), quelquefois à contre-courant du langage des fleurs en vogue à son époque :


On a choisi la Ronce comme symbole de l'envie. Je vois la chose autrement. L'envieux, non seulement ne sert à rien, mais il est tout disposé à nuire, tandis que la Ronce est utile ; elle a même un vilain caractère de beauté. Si l'on en dit du mal, c'est parce qu'elle a des épines et que nous nous rappe!ons trop les légères blessures qu'elles nous a faites. La Ronce a quelques parentés avec la Rose, et ses fleurs blanchâtres, réunies en grappes, sont jolies. Elle porte de belles feuilles à folioles dentées, qui servent en médecine ; ses tiges, pleines de vigueur et d'une croissance merveilleuse, se jettent sur les buissons qu'elles rendent impénétrables. Les animaux s'y blottissent et n'ont rien à craindre de leurs prédateurs ; l'oiseau y trouve un refuge assuré et peut y faire entendre impunément des cris de joie ou des chants d'amour. Ses épines, qui sont ses armes, défendent les hôtes qu'elle abrite, tandis que les épines de l'envieux, qui sont ses paroles, nuisent à tous ceux auxquels il s'adressent. Dédaignée au printemps, elle ne l'est plus en automne. C'est alors qu'elle étale le luxe de ses fruits, couleur d'ébène, formé d'un petit amas de mamelons succulents ; le voyageur, le promeneur mêm els recherche. Combien de fois me suis-je piqué les doigts en les cueillant, et me suis-je teint les lèvres de leur jus sucré, auquel il ne manque qu'un peu plus d'acidité pour être délicieux ! Moins riches en fruits de toute espèce que nous ne le sommes, nous les apprécierions davantage ; la framboise, la fraise, la groseille leur font tort. Pourtant ils sont utilisés en médecine, et peuvent remplacer les mûres dont ils ont les propriétés. Que conclure de tout ceci, si ce n'est que la Ronce est un bourru bienfaisant qui donne plus qu'il ne semble promettre.

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Ronce - Protection bienveillante.

Arbuste épineux et rampant qui vient dans les bois et qui porte des fruits semblables à ceux du mûrier. On en fait des haies ; les pauvres gens chauffent leur four de ses branches ; les moutons, les chèvres et les vaches mangent leurs feuilles qui sont aussi employées en médecine, et de ses fruits on fait un vin assez bon d'où l'on peut tirer une excellente eau-de-vie. - La ronce sert à préserver les jeunes arbres à fruit de la dent des bestiaux et surtout des moutons qui, rebutés par les épines, abandonnent leurs tentatives de gourmandise non sans y laisser quelque peu de leur laine que les oiseaux récoltent pour en tapisser leurs nids.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Ronce sauvage (Rubus fruticosus) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Mercure

Élément : Air

Divinités : Artémis-Diane ; Athéna-Minerve.

Pouvoirs : Protection ; Puissance virile.


Ce sont ces buissons serrés, épineux, qui couvrent souvent de grandes étendues en lisière des forêts, chargés au début de l'automne de centaines de petites mûres brillantes, rouges et acidulées avant maturité, puis noires, sucrées et aromatiques lorsqu'elles sont prêtes à être cueillies. Ces « mouriers sauvages » forment des baies tellement inextricables qu'on a longtemps surnommé le fil de fer barbelé « ronce artificielle ».

Voici comment les paysans piémontais expliquent la présence d'épines sur les Ronces : jadis les Ronces tenaient auberge, mais elles firent crédit à tant de Piémontais qu'elles ne purent payer leurs créanciers et furent obligées de fermer boutique. Depuis, elles accrochent les gens pour tâcher d'être payées.


Utilisation magique : Une haie de Ronces protège le jardin contre la foudre. Certaines baguettes magiques sont taillées dans le bois de ses racines qu'on fait tremper comme l'osier. Pour l'étirer et obtenir une baguette droite, il faut tendre le bois, que l'immersion a rendu malléable, entre les cornes d'un taureau noir (Trentin italien), ou entre deux croix de cimetière sur lesquelles ne pousse pas du lichen blond (Morbihan).

Pour guérir de la morsure des serpents, il faut se frotter neuf fois avec de la graisse de porc et s'essuyer avec neuf feuilles de Ronce.

Manger des mures stimule le dynamisme et la puissance virile.

Si une branche de Ronce s'accroche aux jupes d'une femme, c'est qu'un veuf pense à elle.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Selon une légende commune aux Côtes-d'Armor et au Piémont, « jadis les ronces tenaient auberge, mais elles firent crédit à tant de monde, qu'elles ne purent payer leurs créanciers et furent obligées de chercher leur pain ; depuis elles accrochent les gens pour tâcher d'être payées ». Dans un récit vendéen, les ronces sont d'anciens boulangers qui ont fait faillite à force de faire crédit et qui tentent de saisir les passants pour réclamer le paiement de leurs dettes.

La ronce qui s'accroche à la jupe d'une jeune fille est un présage soit heureux soit malheureux selon les régions : en Bretagne, c'est signe d'un mariage dans l'année mais dans le Cher d'un célibat qui doit durer encore sept ans ; dans l'Aude, la jeune fille peut rester célibataire ou épouser un veuf et devenir elle-même veuve trois fois. En Belgique, cela indique que son amoureux se détournera d'elle. Si la ronce s'agrippe au vêtement d'une femme plus âgée, c'est qu'un veuf pense à elle, dit-on en Bretagne tandis que les Belges comme les Vosgiens disent qu'elle l'épousera.

Lorsque après la pluie, les branches des ronciers s'étalent en travers des chemins, en prédit la misère (Lot-et-Garonne). En Belgique, si, le jour de la Chandeleur, on voit des gouttes de rosée sur les ronces, c'est une promesse d'abondance.

La baie de ronces protège de la foudre. Si, dans le folklore breton, la ronce est considérée comme une création diabolique, elle peut servir toutefois à protéger le beurre des sorciers : dans le Morbihan, on recommande de placer au-dessus de la porte de l'étable et en forme de demi-cercle, le 1er mai de préférence, une ronce ayant une racine à chaque extrémité. Dans le Finistère cette ronce à deux racines est passée sous le ventre des vaches météorisées et les guérit bientôt.

A l'époque où l'on croyait aux chutes d'estomac, on le relevait grâce à une formule magique et une ronce de cinq feuilles. Une décoction de feuilles de ronce, en nombre impair, passe pour guérir les maux de gorge. En cas de morsure de serpent, selon une recette de l'Ain, il faut passer sur la plaie à neuf reprises de la graisse de porc puis s'essuyer avec neuf feuilles de ronce. C'est encore neuf feuilles qui guérissent outre-Manche les brûlures et les inflammations : après les avoir fait flotter dans une bassine d'eau pur, chacune d'elles était passée sur la partie atteinte.

On peut traiter un panaris en contournant trois fois un buisson d'épines et en prononçant la formule suivante :

Larron de panaris

Vous venez de l'enfer, de la famille de Plantus

ronces et les épines

Allez vite vous mettre en pièces

Sortez vite du pays

En enfer rejoignez les diables.


Rampez neuf fois sous un roncier formant une arche fait disparaître les furoncles (Périgord) : au Luxembourg, on le fait franchir un vendredi à un enfant qui tarde à marcher tandis qu'en Angleterre, on lui fait toute confiance également contre les furoncles mais aussi contre les points noirs, les abcès, les rhumatismes et la coqueluche.

Par ailleurs, les jeunes filles qui coupent les pointes de leurs cheveux et les placent sur des ronces, le jour de la Saint-Jean avant le lever du soleil, fortifient leur chevelure.

Dans la Drôme, on disait aux enfants qui touchaient une ronce : « Le bon Dieu vous fait mourir immédiatement. » Rêver qu'on se débat dans des ronces menace d'un procès ou d'ennuis avec les autorités (Vosges).

Pour débarrasser définitivement un jardin des ronces, il faut les arracher le lendemain de Notre-Dame d'août (Allier). Si elles ont une végétation particulièrement abondante, l'hiver sera rigoureux (Baugeois).

Le folklore fait parfois mention de ronciers miraculeux : à Josselin (Morbihan), le « roncier des aboyeuses » poussant contre une fontaine (quartier de la Madeleine) fut le théâtre d'une miracle, en 808 : une statue de la Vierge apparut à un enfant aveugle qui en recouvra la vue. Ce buisson ne produit pas de fruits mais se petites fleurs roses s'ouvrent et meurent en toute saison, ce qui passe pour un prodige. Au VIe siècle, un paysan découvrit dans un roncier (ou romigier) près de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) une Vierge noire, qui fut appelée Noter-dame-de-Romigier et placée dans l'Église Notre-Dame. Le bois e cette Vierge, considérée comme une des plus anciennes de France, n'a pas pu être identifié, dit-on.

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Symbolisme celte :


Dans L'Oracle des druides, comment utiliser les plantes magiques de la tradition celte (édition originale, 1994 ; traduction française, 2006) de Stephanie et Philip Carr-Gomm, on peut lire que les mots clefs associés à la ronce sont :


En "position droite : Ténacité - Frontières - Enracinement. Position inversée : Étouffement - Irritabilité - Sur la défensive.


La ronce, aussi appelée mûron, pousse dans le monde entier, y compris dans la majeure partie de l'Europe. En Grande-Bretagne, on la rencontre dans les haies et sur les terres en friche, où ses longues tiges épineuses créent rapidement des masses enchevêtrées de broussailles impénétrables. Comme pour compenser cette insociabilité, elle produit quantité de fleurs blanches ou rose pâle, qui fleurissent à partit du mois de mai et donnent naissance à des fruits d'un pourpre foncé, presque noir.

La carte illustre l'une des caractéristiques distinctives de la ronce - sa saison de ramassage exceptionnellement longue est indiquée par les fruits mûrs et verts côte à côte. Sur la pierre, on voit le signe oghamique désignant la ronce- M, pour muin. Certains auteurs accolent cette lettre oghamique à la vigne, d'autres à la ronce. Le fruit des deux fournit du vin, qui amoindrit les inhibitions et donne accès à l'intuition ou à la capacité prophétique.


Sens en position droite.

Si vous avez déjà essayer de retirer les racines d'une ronce, vous savez à quel point celles-ci sont tenaces - elles vont loin, s'enfoncent profondément, et certaines, très vieilles, couvrent une grande zone. Pour cette raison, la ronce est le parfait symbole de la ténacité et de l'enracinement. Elle ne peut pas être bousculée et ne s'en va pas ! Si vous avez choisi cette carte, vous avez l'impression de tenir ferme et de protéger tout ce qui vous tient à cœur. Cette carte peut par ailleurs représenter une autre personne ou situation "épineuse" et persistante. Rappelez-vous à quel point il est difficile d’enlever une ronce et combien ses fruits délicieux - à la bonne saison - sont savoureux. Pour la santé émotionnelle et spirituelle, il est vital de connaître ses propres limites et, quand on en vient aux relations, d'être sensible aux limites des autres. Souvent, ceux-ci seront à leur tour généreux envers nous, à condition de respecter leurs frontières et de les laisser seuls lorsque cela s'avère nécessaire.


Sens en position inversée. La ronce est sacrée pour la Déesse. Comme une mère, elle protège férocement ses fruits doux. Si vous choisissez cette carte, certains aspects de votre vie sont empreints d'un maternage excessif, devenu étouffant à force de vouloir défendre à tout prix. Il se peut que vous-même, la question ou la personne dont parle la lecture, êtes trop sur la défensive face à une situation ou à un individu. En Écosse, on dit que les personnes irritables sont "aussi revêches qu'une ronce", ce qui suggère qu'une posture plus tolérante serait préférable. Sinon, la carte peut simplement indiquer un sentiment général d'irritabilité ou de gêne face à une situation ancrée. La ténacité commence à ressembler davantage à de l’intransigeance.

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La ronce bénie

Quand nous allons cueillir des mûres, nous faisons ce que les chasseurs-cueilleurs faisaient il y a des milliers d'années. On a trouvé des grains de mûre dans l'estomac d'un homme du néolithique découvert dans l'Essex. Les mûres, ainsi que d'autres fruits sauvages comme les airelles et les baies de sureau, ont été utilisées non seulement pour la nourriture, mais aussi pour préparer du vin et aromatiser la bière. Les tiges de ronce servaient à lier la paille ou les joncs pour fabriquer des ruches. En Ecosse, cette plante est si appréciée qu'elle est parfois appelée un dris bennaichte, la ronce bénie. Dans le Glencairn, une devinette traditionnelle décrit ainsi la ronce :

Aussi blanc que la neige, mais ce n'est pas de la neige.

Aussi rouge que le sang mais ce n'est pas du sang.

Aussi noir que l'encre, mais ce n'est pas de l'encre.


Jadis, les feuilles de la ronce appliquées en récitant un charme servaient de remède contre les brûlures, y compris celles de l'eau bouillante. Cueillie à la phase lunaire appropriée, les mûres étaient censées protéger contre les "runes néfastes". Se faufiler par en dessous une ronce était tenu pour efficace contre les rhumatismes. En Cornouailles, les personnes affligées de furoncles, et même le bétail malade, passaient ou étaient tirées à travers des arches faites en ronce. Dans le Gloucestershire, les enfants affligés d'une hernie étaient passés plusieurs fois à travers ce genre d'arche.

A Alban Efled, fête druidique de l'équinoxe d'automne, il faut préparer le vin de mûres. Celui de l'année précédente est bu lors de cette célébration de l'équinoxe. Si vous voulez ramasser d'autres mûres, ne tardez pas - le dicton traditionnel dit que "le diable pisse sur les baies la nuit de la Saint-Michel", qui tombe le 29 septembre, une semaine après l'équinoxe. A cette époque, le mildiou ou les bactéries rendent les mûres acres."

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Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des Fées et des autres esprits de la nature (Éditions Plume de Carotte, 2014),

"Dans les Alpes, une fée à qui on avait fait boire du vin et qui s'était retrouvée toute guillerette demanda aux gens ce qu'était cette fabuleuse boisson. Par crainte de voir le vin gâché et la vigne punie si la question de la fée cachait sa colère d'avoir été soûlée, les pauvres vignerons désignèrent la ronce. La fée, croyant alors bien faire, pour récompenser la noble plante qui donnait un jus si délicieux, la dota d'une qualité magique : partout où elle touchera terre, elle prendra racine. C'est depuis lors que la ronce, et malheureusement non la vigne, pousse et repousse de partout !"

 







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Symbolisme alimentaire :

Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


Celui qui a une folle envie de manger des mûres est comparable à l'enfant têtu qui s'attend à ce que sa maman le soigne, l'habille, nettoie la saleté, le console dans son chagrin, etc. Il ne compte pas assez sur l(lui-même ; il se donne insuffisamment d'attention et d'affection. Il convoite alors des choses extérieures à lui ; de cette façon, il ne pourra jamais être content. Il apprendra à prendre soin davantage de lui-même, à se réaliser, indépendamment de quiconque. C'est pourquoi Mère Mûre le pousse à prendre appui sur ses propres jambes : il doit avancer sur le chemin de la vie !

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Littérature :

Le Sapin et la Ronce


Le sapin et la ronce disputaient ensemble. Le sapin se vantait et disait « Je suis beau, élancé et haut, et je sers à construire des toits aux temples et des vaisseaux. Comment oses-tu te comparer à moi ? — Si tu te souvenais, répliqua la ronce, des haches et des scies qui te coupent, tu préférerais toi aussi le sort de la ronce. »

Il ne faut pas dans la vie s’enorgueillir de sa réputation ; car la vie des humbles est sans danger.


Ésope, traduction par Émile Chambry, Fables, Société d’édition « Les Belles Lettres », 1927.

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Les Mûres


Aux buissons topographiques constitués par le poème sur une route qui ne mène hors des choses ni à l'esprit, certains fruits sont formés d'une agglomération de sphères qu'une goutte d'encre remplit.

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Noirs, roses et kaki ensemble sur la grappe, ils offrent plutôt le spectacle d'une famille rogue à ses âges divers, qu'une tentation très vive à la cueillette.

Vue la disproportion des pépins à la pupe les oiseaux les apprécient peu, si peu de chose au fond leur reste quand du bec à l'anus ils en sont traversés.

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Mais le poète au cours de sa promenade professionnelle, en prend de la graine à raison : "Ainsi donc, se dit-il, réussissent en grand nombre les efforts patients d'une fleur très fragile quoique par un rébarbatif enchevêtrement de ronces défendue. Sans beaucoup d'autres qualités, - mûres, parfaitement elles sont mûres - comme aussi ce poème est fait."

Francis Ponge, "Les mûres" in Le Parti pris des choses, Gallimard, 1942.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque lui aussi les mûres :

28 août

(Fontaine-la-Verte)


Les mûres ont le goût résiné des vins grecs : mais comment les cueillir ? A main nue, on est lacéré par les épines ; avec un gant, on les écrase. Qui veut les attraper doit amadouer les tiges, épouser les buissons barbelés, se couler dans leurs bras pour éviter la crucifixion.

Lorsqu'on est dans le roncier comme un fakir dans sa boîte à clous, on ne redoute plus aucune piqûre, pourvu qu'on n'exécute que des gestes végétaux.

29 août

(Fontaine-la-Verte)

Mûre noire

Stade morula

De l'embryon du merle


Oiseau de charbon, je me soûle au jus des fruits sauvages.

En passant par la rue des maisons végétales, les épilobes des marais m'aspergent du coton gris de leurs graines. Triomphe à l'américaine.

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Aller aux mûres


C’est une balade à faire avec de vieux amis, à la fin de l’été. C’est presque la rentrée, dans quelques jours tout va recommencer ; alors c’est bon, cette dernière flânerie qui sent déjà septembre. On n’a pas eu besoin de s’inviter, de déjeuner ensemble. Juste un coup de télé­phone, au début du dimanche après-midi :

— Vous viendriez cueillir des mûres ?

— C’est drôle, on allait justement vous le proposer !

On s’en revient toujours au même endroit, le long de la petite route, à l’orée du bois. Chaque année, les ronciers deviennent plus touffus, plus impénétrables. Les feuilles ont ce vert mat, profond, les tiges et les épines cette nuance lie-de-vin qui semblent les couleurs mêmes du papier vergé avec lequel on couvre livres et cahiers.

Chacun s’est muni d’une boîte en plastique où les baies ne s’écraseront pas. On commence à cueillir sans trop de frénésie, sans trop de discipline. Deux ou trois pots de confi­tures suffiront, aussitôt dégustés aux petits déjeuners d’automne. Mais le meilleur plaisir est celui du sorbet. Un sorbet à la mûre consommé le soir même, une douceur glacée où dort tout le dernier soleil fourré de fraî­cheur sombre.

Les mûres sont petites, noir brillant. Mais on préfère goûter en cueillant celles qui gardent encore quelques grains rouges, un goût acidulé. On a vite les mains tachées de noir. On les essuie tant bien que mal sur les herbes blondes. En lisière du bois, les fougères se font rousses, et pleuvent en crosses recour­bées au-dessus des perles mauves de bruyère. On parle de tout et de rien. Les enfants se font graves, évoquent leur peur ou leur désir d’avoir tel ou tel prof. Car ce sont les enfants qui mènent la rentrée, et le sentier des mûres a le goût de l’école. La route est toute douce, à peine vallonnée : c’est une route pour causer. Entre deux averses, la lumière avivée se donne encore chaude. On a cueilli les mûres, on a cueilli l’été. Dans le petit virage aux noisetiers, on glisse vers l’automne.


Philippe Delerm, "Aller aux mûres" in La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules,

(Éditions Gallimard, 1997).

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Dans le roman policier Le Parme convient à Laviolette (Éditions Denoël, 2000), Pierre Magnan décrit un piège constitué de ronces :


Darius avait fait trois pas en avant en direction de l'aubaine mais devant lui se dressait un fouillis rébarbatif de ronces lascives comme des lianes de retorte [tige creuse de la clématite sauvage] qui se défendaient par des piquants acérés. En novembre parmi les feuilles mortes, l'ensemble du hallier était parfaitement clair et la pièce d'or brillait sur le sol propre comme au fond d'un ruisseau transparent. Seulement cette résille en dentelle était une arabesque de tiges courbes qui s'étaient marcottées les unes à côté des autres et qui formaient des arceaux et des voûtes sous le clair de lune.

"Pire que des barbelés !" se dit Darius.

Il s'était accroupi pour réfléchir. il regardait fixement la pièce au fond du fouillis. C'était bien un louis d'or. Il était presque à portée de la main, à pas plus de deux ou trois mètres. Darius essaya de contourner le roncier mais il s'inscrivait dans la courbe du chemin muletier qui était devenu une piste forestière et il s'adossait contre le mur de soutènement qui consolidait depuis longtemps cette voie antique. Il était imprenable sauf de face.

Cette circonstance aurait fait réfléchir quelqu'un qui n'aurait pas été roidi par la perspective de tenir, pour la première fois de sa vie, un louis dans sa main. Darius en salivait abondamment.

- Un louis, pute de mort !

Il s'agenouilla pour juger de la situation au plus juste. A la hauteur où il se trouvait, le roncier lui parut d'accès plus facile. Il se prosterna. Alors, il constat qu'en rampant sous les arceaux épineux il avait chance d'arriver jusqu'à la pièce, mais le fourreau de son couteau qui lui battait la cuisse le gênait dans cet exercice. l détacha le baudrier de sa ceinture pour le déposer sur un quartier de roc. Ainsi allégé, il s'engagea à plat ventre sous le roncier.

Ce n'était pas facile. La nuit, quoique éclairée par la lune, dissimulait encore dans le clair-obscur des traquenards redoutables. Une épine crocha l'oreille de Darius solidement, à l'envers, plantée comme un hameçon. Il voulut n'en pas tenir compte, ignorer la douleur, mais on eût dit que cette simple épine tirait derrière soi le roncier tout entier. Celui-ci emprisonnait les épaules de l'homme pour le lacérer. Les cailloux qui roulaient sous ses genoux étaient tous pointus, ils lui labouraient les ménisques. Une lanière de ronce crénelée de crocs et bandée en arrière se libéra brusquement pour lui griffer l'échine.

- L'enfant de pute ! proféra Darius.

Il était maintenant engagé à fond dans ce boyau de souffrance qui avait tout à fait l'allure d'une nasse. Darius eut l'impression - oh, une seconde ! - que ce tunnel végétal n'était pas naturel. Il eut l'impression qu'on l'avait artistement aménagé, mais c'était l'une de ces impressions contre lesquelles on met l'individu en garde dès l'enfance, l'une de ces intuitions puériles auxquelles il ne faut pas s'arrêter, un de ces face-à-face avec le destin où il convient d'être courageux et déterminé si l'on ne veut pas décevoir ceux qui vous ont éduqué.

Ce n'était pas la première fois que Darius passait outre ses appréhensions, et il n'avait jamais été aussi fort sollicité que par l'appât d'une pièce d'or.

Il régnait autour de ce louis un silence surnaturel. Il était abandonné au centre d'une solitude sans nom. Aucun obstacle n'existait, semblait-il, entre Darius et cette aubaine, sauf ce tunnel de ronces qui le maintenait à plat ventre pour l'obliger à ramper dans la seule direction possible."

*

*

Dans L'Armée furieuse (Éditions Viviane Hamy, 2011), Fred Vargas rappelle le côté champêtre de son héros récurrent, le commissaire Adamsberg :


- Vous avez mis le temps, depuis la gare, dit-elle.

- J'ai cueilli des mûres, expliqua Adamsberg, se demandant comment une voix si assurée pouvait sortir de cette carcasse étroite. Étroite mais intense. [...]

Adamsberg apercevait une énorme mûre au-dessus de la tête de la grande femme mais il n'osait pas la déranger pour cela. Etrange, pensa-t-il, comme l'esprit de cueillette revient instinctivement chez l'homme après seulement vingt pas en forêt. Cela aurait plu à son ami préhistorien, Mathias. Car si on y pense, c'est cueillir qui est ensorcelant. Car la mûre, en soi, n'est pas un fruit passionnant.

[...]

- J'ai cueilli et mangé beaucoup de mûres - et Adamsberg vit que les traces noires des fruits n'avaient pas encore disparu de ses paumes.

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Asa Larsson dans son roman policier En sacrifice à Moloch (Édition originale, 2012 ; traduction française Albin Michel, 2017) évoque une cueillette mémorable :


"Je comprends. Et à part ça, vous avez cueilli quelques plaquebières cette année ? demanda-t-il à Sivving.

- La saison est mauvaise. Personne n'en a ramassé cette année. Pas assez d'insectes. J'ai plusieurs coins à mûrier dans les tourbières près du Rensjö où j'ai l'habitude d'aller? Il y en a toujours dans ce coin. Et cette année, rien. J'ai marché plusieurs heures et je n'ai même pas réussi à couvrir le fond du seau. Il y a un bois de bouleaux, au bord de la rivière, où j'étais allé il y a trois ou quatre ans. C'était une bonne année pour la cueillette et je me suis dit que là-bas, j'en trouverais des tonnes. Eh bien, il n'y avait même pas une baie. Comme cette année on n'en trouve nulle part, je me suis dit que j'allais quand même retourner dans ce bois de bouleaux sur la berge du Rensjö. Vous n'allez pas me croire, mais il y en avait partout ! Ca faisait un tapis de quinze mètres de large et peut-être une centaine de mètres de long. En deux heures, j'ai dû en ramasser à peu près sept ou huit litres. Mais après, il n'en restait plus une seule, faut le dire.

- Waouh !" s'exclama Krister, impressionné.

Rebecka en profita pour se laisser aller à ses pensées. Elle était contente que Krister soit de bonne humeur et qu'il semble s'intéresser aux histoires de Sivving. Le vieux était en manque de compagnie. Les chiens n'étaient pas les seuls à avoir besoin d'un peu de dressage.

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Ogham :


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