L'Ombrelle des fées
- Anne
- il y a 1 jour
- 7 min de lecture
Autres noms : Oudemansiella australis - Mucidule australienne -
Oudemansiella mucida - Armillaire visqueuse - Champignon porcelaine - Collybie mucide - Collybie muqueuse - Collybie visqueuse - Morve du hêtre - Mucide - Mucidule visqueuse -
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Mycologie :
Dans Grenoble-Mycologie, le Bulletin de la Société Mycologique du Dauphiné (Numéro 14 - Janvier 2023, pp. 19-21) Robert Garcin liste les caractéristiques précises permettant de reconnaître la Mucidule visqueuse :
Mucidula mucida (Schrad. : Fr.) Pat.
Synonymes : Collybia mucida (Schrad. : Fr.) Quél. - Oudemansiella mucida (Schrad. : Fr.) Höhn.
Observations : Espèce peu commune poussant en touffes sur troncs couchés ou dressés de hêtres, parfois sur les souches. Très facile à reconnaître sur le terrain à son chapeau visqueux, à son anneau membraneux et à son habitat. La détermination peut être facilement confirmée par des caractères microscopiques très caractéristiques : grandes spores globuleuses, cystides de grande taille et revêtement piléïque gélifié avec des hyphes rangées en palissade.

Description :
Chapeau de 3 à 8 cm, hémisphérique puis convexe et aplani, visqueux à baveux, recouvert d’une pellicule gélatineuse séparable en période humide, blanc pur à centre tirant sur l’ocracé, translucide, parfois gris de plomb ou nuancé de café au lait très pâle.
Marge entière, aiguë, striée ou ridulée sur le quart du rayon.
Lames adnées à émarginées et presque libres à la fin, assez larges, horizontales, espacées, molles ou élastiques, blanches à crème pâle. Arête entière.
Stipe de 3-8 x 0,4-1 cm, mince, cylindrique ou courbé, clavé-bulbeux à la base, dur, courbé, filandreux, sec au-dessus de l’anneau, visqueux en dessous, blanchâtre à gris brunâtre vers le bas, pruineux au sommet.
Voile visqueux à glutineux recouvrant le chapeau et la partie inférieure du pied.
Anneau membraneux, net, glutineux, cupulé, blanc sur le dessus, gris noirâtre en dessous.
Chair très mince, blanche, molle et élastique, diaphane.
Saveur douce, agréable.
Odeur faible, un peu herbacée.
Habitat sur bois mort de hêtre, généralement cespiteux, rarement grégaires, parfois sur les branches encore en place à quelques mètres du sol.
Spores globuleuses à presque sphériques, lisses, hyalines, guttulées, à parois épaisses, de 15-20 µ (Q = 1 à 1,1).
Sporée crème pâle.
Cystides rares (cheilocystides et pleurocystides), fusiformes-ventrues à subutriformes, parfois effilées à long col, à paroi +/- épaisse.
Basides tétrasporiques, étroitement clavées, de 70-90 x 16-22 µ, bouclées.
Epicutis formé d’hyphes dressées en palissade (dermatocystides), clavées ou noduleuses, englobées dans une masse gélatineuse.
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Symbolisme :
Marie-Ange Llugany, autrice d'une notice intitulée "Un champignon hors du commun : Hericium clathroides, l'hydne corail des feuillus" (In : Mycologie et Botanique, Bulletin N°30 - Année 2015, Société mycologique et botanique de Catalogne Nord) mentionne poétiquement la mucidule visqueuse :
Au cours de la promenade, nous observons de nombreuses mucidules visqueuses (Oudemansiella mucida (Schrad.) Hoehn.) déployer des chapeaux translucides comme des ombrelles.
Richard et Yves Bernaer auteur du site Fonge & Florule proposent une description de la Mucidule visqueuse qui ouvre des perspectives symboliques intéressantes :
Le champignon-méduse
La Mucidule mucideuse est sans conteste la créature fungique la plus photogénique qui soit. Elle n’a pas sa pareille pour capter la lumière, et la restituer au filtre de sa blancheur* laiteuse, visqueuse et translucide. Qu’il s’agisse de son chapeau médusoïde, de son pied courbe orné d’un anneau, de ses lames espacées, tout en elle est transparence, pureté, vibration diaphane. Les photographes se régalent !
Son nom latin : Mucidula mucida (Schrader : Fries) Patouillard, est un hymne redondant à la viscosité qui la oint entièrement.
Elle se fut appelée aussi Collybie mucideuse, et plus récemment Oudemansiella mucida – nom générique certes banalement dédié au mycologue néerlandais Oudemans (1825-1906), mais dont la sonorité explosive, tel un formidable éclat de rire, nous insuffle le mot démentielle. Démentielle de viscosité, de blancheur, de transparence.
La Mucidule mucideuse signe en général l’identité de son support : le bois mort de hêtre. Mais exceptionnellement, elle s’aventure sur un chêne ou sur un bouleau.
(16 novembre 2017)
Quand elle et jeune, la Mucidule mucideuse arbore souvent des teintes gris pâle, gris cendré, mais toujours dotées de la même translucidité glutineuse.
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Émilie Bourgeois, dans un article intitulé "À la découverte de la robe de mariée des fées - Histoire d’une rencontre avec un champignon totem : la Collybie visqueuse, au doux nom latin de Mucidula mucida." (In : Champignon Magazine, 6 octobre 2022) assimile la Morve du hêtre à un autre attribut des fées que l'ombrelle :
[...] Je vous propose de partager mes coups de cœurs, mes champignons des fées, mes totems. Je ne pouvais pas débuter sans évoquer la robe de mariée des fées : Mucidula mucida, la Mucidule visqueuse. Je la voyais dans les livres, dans les expositions elle perdait de ses couleurs. Elle n’est jamais si belle que dans son milieu, comme tous les champignons, me direz-vous. Mais elle encore davantage.
[...]
Une délicate transparence : Après un petit passage, nous nous engageons sur la gauche et ça grimpe très vite, très fort. Comme à son habitude, mon mari part devant, il reviendra me chercher. Il sait que je ne suis pas rapide et que j’ai besoin de contempler. J’écoute le bruit de la grande cascade au loin, les couleurs sont magnifiques… Et soudain je les vois, au-dessus de moi, suspendues dans les airs, blanches, brillantes, sur le tronc d’un magnifique Hêtre (elle est monogame), telles des funambules. Je l’ai rêvée sur mille sentiers, cette Mucidule… Elle m’a cueillie dans cet endroit paisible. Les larmes me viennent et j’en ai le souffle coupé… Je reste des longues minutes à la regarder, la sentir…. Je trouve qu’elle sent la prune. Le petit cliché que je prends ne saurait rendre sa délicate transparence.
L’instinct primitif de connexion : Combien de temps s’est-il écoulé avant que mon mari ne redescende, étonné que j’aie si peu avancé ? Je ne saurais dire. Il m’a trouvée figée avec mon sourire béat, et lui qui n’est pas « champignons » s’est arrêté, stupéfait de rencontrer une telle beauté. Il me dit tout doucement qu’elle m’attendait… Nous continuons, j’ai la tête ailleurs, la suite est magnifique, cette grande cascade apaise le randonneur un peu éprouvé par l’ascension. Nous n’aimons jamais tant que ces moments de quiétude en montagne, avec un peu d’eau, où nous nous sentons tous petits mais tellement dans le moment présent. La suite de nos pérégrinations autour du monastère de la Grande Chartreuse sera à la hauteur de nos espoirs. Ce n’est décidément pas pour rien que de tous temps, certains ont ressenti cet instinct presque primitif de connexion à quelque chose de plus grand que nous, peu importe le nom qu’on lui donne. C’était la robe de mariée des fées du Cirque de Saint-Même, un moment aussi suspendu qu’elle dans la beauté de l’automne.
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Sur la page Facebook Champignons et plantes à Reims on peut lire la description suivante (postée le 18 octobre 2025) riche en pistes symboliques :
La « morve du hêtre » pleine de charme : Rencontrer la mucidule visqueuse (Oudemansiella mucida), c’est un peu croiser un fantôme de la forêt : translucide, brillante, presque féerique. Ce champignon, mi-elfe mi-limace, adore se pavaner sur le bois mort des hêtres, son arbre de prédilection. Il apparaît de août à novembre, surtout après la pluie, évidemment, il aime briller sous sa couche de mucus dégoulinant (glamour, non ?).
Un vrai décomposeur chic : La mucidule fait partie des champignons saproxyliques, ces magiciens du bois mort. Elle « mange » le hêtre tombé au sol ou blessé, recyclant la matière en silence. Parfois, elle s’installe si haut dans les arbres qu’on la voit tomber les jours de grand vent… comme un petit parachute gluant !
Une allure inoubliable, facile à reconnaître : Chapeau blanc porcelaine, brillant, diaphane et souvent trempé de mucus (oui, elle brille façon spa forestier). Pied fin et droit, avec un joli collier blanc. Lamelles blanches visibles par transparence. Par temps sec, sa couche gluante devient soyeuse et mate, la mucidule passe en mode « matifiant naturel ».
En colonies serrées, elle forme de véritables bouquets fantomatiques sur les troncs, parfois même sur la face inférieure des branches tombées ! Et, grâce à son gravitropisme, ses pieds se recourbent pour que ses chapeaux restent bien à l’horizontale. Une élégance toute en géométrie.
Ni comestible, ni franchement appétissante : Question que tout mycophile finit par poser : « Est-ce que ça se mange ? »
Eh bien… disons que ce n’est pas le champignon qu’on a envie de croquer en premier. Certains le disent comestible après lavage, d’autres légèrement toxique.
Je ne me risquerai pas à trancher la question, et de toute façon, mieux vaut laisser cette beauté gluante tranquille ! Avec tous les délicieux champignons sans histoires qui peuplent nos forêts, pourquoi embêter celui-ci ? La mucidule visqueuse fait un si bon boulot de décomposeur… Autant la laisser briller dans son rôle de nettoyeuse élégante du bois mort et simplement admirer son charme un peu visqueux !
Un petit génie chimiste : Sous son air de gelée translucide, la mucidule cache un secret : elle produit une substance antifongique, la mucidine, alias strobilurine A. Rien que ça ! Une molécule devenue base de fongicides modernes. Bref, la morve du hêtre, c’est du sérieux.
En résumé : Un champignon magique, un peu gluant, très élégant, indispensable à la vie des forêts… et parfait pour rappeler qu’en nature, même la bave peut être belle.
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Arts visuels :
Le concept de Champidragons vient d'un challenge artistique imaginé par Chane, Sifhel, Svandendragon et Coliandre élaboré entre 2020 et 2021 sur les réseaux sociaux.

Le principe : durant le mois d'août, imaginer un design de dragon à partir d'une liste de 31 champignons.
Chane propose donc sa version de ce champidragon, que l'on peut trouver sur son site chane-artcom.fr et sur son compte Instagram :
"Lorsqu'il fond sur ses proies depuis le ciel, sa peau translucide ne laisse aucune ombre au sol. Impossible d'échapper à ses attaques silencieuses et rapides !."
Troisième champidragon pour le #mushroomsmaugust2021 !
Crayonné scanné et couleur digitale.
Qu'en pensez-vous ? ♥️
Emeline Ternisien alias sendafalbala a répondu avec brio à l'appel de ce challenge en choisissant le medium de l'aquarelle et en postant ses dessins sur Instagram :

Coucou vous !
L'Oudemensiella australis
Hey hey ! Vous n'avez pas vu un truc passer ?! C'est ce petit dragon qui plane à l'aide de sa corolle !
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Voici la version de l'artiste Topelune, visible sur le site Twoucan :

the elegant Oudemancellia Australis !
Promp list #MushroomSmaugust by @Coliandre, @Sifhel1, @chane_art & @SvanDendragon for the #Smaugust2021🐉 #MushroomSmaugust2021 #Dracofungus #champidragons #dragon #dragonart #procreate #digitalart #appreciateadragonday
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Design :
La marque Roche Bobois propose une collection qui est vraisemblablement inspirée de la Mucidule visqueuse :
Mucidule : Design Antoine Fritsch & Vivien Durisotti
On ne sait pas si, en dessinant cette collection, Antoine Fritsch & Vivien Durisotti ont pensé au champignon qui sort de terre ou à quelque méduse. Le piétement ondule comme une tige, la découpe irrégulière évoque les imperfections de la nature et les gravures du plateau sont des nervures mi-animales, mi-végétales.
Description : Bout de canapé avec plateau en Altuglas® thermoformé avec motif rayonnant. Piétement acier laqué époxy en dégradé. Utilisation Indoor.
Fiche technique :
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