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Les Champignons aquatiques

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • 7 oct.
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 oct.





Mycologie :


A. Wurtz, auteur de "Champignons, bactéries et algues des eaux polluées" (Bulletin français de pisciculture no 182, 1956, pp. 2-21) propose de clarifier la classification des champignons qui constituent l'hygromycoflore :


Classification simplifiée des Champignons aquatiques : Nous pouvons enfin donner un tableau systématique fort simplifié de la classification des Champignons aquatiques pour bien nous rendre compte de la position de ceux qui vivent en eau polluée par rapport à ceux qui sont saprophytes sur objets immergés, ou par rapport à ceux qui sont aériens. Les Champignons facultativement ou obligatoirement aquatiques sont écrits en italique. Les autres, aériens, ou ne vivant qu'occasionnellement dans l'eau, sont écrits en caractères ordinaires. Il va sans dire que ce tableau est tout à fait incomplet, et que la plupart des groupes de Champignons supérieurs, aériens, sont passés sous silence.


I. — CLASSE DES PHYCOMYCÈTES (Ou Siphomycètes). — Champignons inférieurs unicellulaires ou à thalle filamenteux non cloisonné.

1 ° Archimycètes, thalle microscopique, unicellulaire ou peu développé.

— Chytridiales : mycélium unicellulaire. Synchytrium (gale verruqueuse de la pomme de terre),

Olpidium et genres voisins, parasites d'Algues, d'Euglènes, de racines de choux, de grains de pollen de

pin tombés dans l'eau, etc.

— Blastocladiales : mycélium ramifié, peu développé, membrane non cellulosique : Blastocladia,

saprophyte aquatique sur fruits d'églantier, d'aubépine, de tomate tombés dans l'eau.


Oomycètes, thalle filamenteux, zoospores mobiles, reproduction par oogones et anthéridies

dissemblables.

— Monoblepharidales, zoospores uniciliées : Monoblepharis, saprophyte sur rameaux de bois mort

immergés.

— Leptomitales, zoospores biciliées, constrictions et globules de celluline.

a) type filamenteux : Leptomitus (eaux polluées), Apodachlya sur fruits immergés ;

b) type arbusculé : Sapromyces, Araiospora, etc. sur fruits et débris végétaux immergés.

— Saprolegniales, pas de constrictions : Saprolegnia, parasites de Poissons (« mousse ») ou

saprophytes en eaux polluées, de nombreux autres genres saprophytes sur matières organiques en

eau pure

— Peronosporales, Pythium, parasites de graines, de jeunes plantules, certains aquatiques ; les autres

parasites aériens de Plantes supérieures : Phytophtora (maladie de la pomme de terre), Mildiou de la

vigne, Meunier de la laitue, rouille blanche du chou, etc.


3 ° Zygomycetes, mycélium filamenteux véritable, pas de zoospores mobiles, reproduction par gamétanges identiques.

— Mucorales : Mucor, moisissures blanches saprophytes, les unes aériennes (crottin de cheval), les autres en eau polluée.

— Entomophtorales : Enlomophtora et autres parasites ou saprophytes sur Insectes, aériens, ou tombés dans l'eau.


II. — CLASSE DES ASCOMYCÈTES. — Champignons supérieurs, à filaments cloisonnés, se reproduisant par des spores enfermées dans un sac ou asque.

1 ° Hemiascomycètes, groupe inférieur, asques non groupés, formes dégradées.

— Saccharomycétales : Levures, saprophytes dans certaines eaux polluées, se multiplient par

bourgeonnement.

— Tophrinales (ou Exoascales), surtout parasites d'arbres.


Euascomycètes, asques groupés.

— Plectomycètes : asques groupés irrégulièrement : Pénicillium, Aspergillus, moisissures aériennes

pouvant vivre occasionnellement dans les eaux polluées où elles ne fructifient pas.

— Pyrénomycètes : asques groupés dans des « périthèces » en forme de bouteilles : Fusarium

aquseductum (forme conidienne d'un Nectria ?), eaux polluées, voisin de l'Ergot de seigle.

— Tous les autres groupes qu'il est inutile de citer, parce qu'aucun n'est aquatique. Exemple : Pezizes, Helvelles, Morilles, Truffes.


III. — CLASSE DES BASIDIOMYCÈTES. — Champignons supérieurs à filaments cloisonnés, se reproduisant par spores externes, fixés sur un support ou baside. Tous les Champignons à chapeaux. En dehors de quelques formes inférieures, Urédinées ou rouilles, Ustilaginées ou charbons pouvant parasiter les Plantes aquatiques, il n' y en a pas de représentants dans l'eau.


IV. — HORS CLASSE, les Champignons imparfaits (Deutéromycètes ou Hyphomycètes) filamenteux, cloisonnés ou non, dont on ne connaît pas les stades de reproduction. Quelques-uns sont aquatiques. On apprendra à les connaître mieux au fur et à mesure que l'on découvrira leurs stades de reproduction.

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Dans un article intitulé "Les champignons marins sont prometteurs" (SCIENCES OUEST N° 379, mars 2020), Émilie Veyssie vulgarise les avancées de la recherche scientifique relative à ces champignons microscopiques :


À Nantes, des chercheurs étudient les champignons marins. Leurs molécules sont des pistes pour de nouveaux médicaments.

« Nous pourrions soigner des cancers avec les champignons marins. Il y en a sûrement un qui présente une activité anticancéreuse. Mais nous ne l’avons pas encore identifié ! » Karina Petit est enseignante-chercheuse en pharmacognosie1 à l’Université de Nantes. Dans le laboratoire Mer molécules santé, elle fait partie d’une équipe2 qui étudie les champignons marins et les macro-algues. « Nous cherchons notamment des molécules ayant une activité cytotoxique, c’est à dire toxique pour les cellules. C’est le début du processus pour trouver un médicament contre les cancers. » En 2011, les chercheurs nantais avaient découvert une molécule inconnue, issue d’un champignon marin présent sur la côte en Loire-Atlantique (Penicillium). Ils l’ont appelée “ligérine”. Mis en culture à grande échelle3, ce champignon s’est révélé actif sur les cellules cancéreuses osseuses. « Des tests sur des souris ont montré que la ligérine diminue le développement des tumeurs », explique la pharmacognoste. Mais cette recherche n’a pas abouti. L’entreprise qui collaborait avec le laboratoire s’est finalement tournée vers d’autres molécules. « C’est frustrant, même si c’est chouette d’avoir réussi à identifier des molécules qui ont montré leur efficacité à plusieurs étapes du processus. Mais cela coûte très cher de les étudier ! Il y a énormément de travail pour passer des tests sur l’animal à ceux sur l’homme. »


Dans l’eau et les sédiments : Quel est l’aspect d’un champignon marin et où le trouve-t-on ? « Il ne ressemble pas à un cèpe au fond de l’eau ! Ce sont des moisissures invisibles à l'œil nu », précise Karina Petit. Ces champignons sont issus de prélèvements d’eau de mer, de sédiments et de coquillages. L’avantage est leur mise en culture facile. Ils peuvent être reproduits en laboratoire à grande échelle, sans endommager les ressources naturelles. Les spores du champignon se développent, puis chaque souche est évaluée afin de déterminer son activité biologique. Une molécule a-t-elle un effet cytotoxique, neurotoxique4 ou immunosuppresseur5 sur les cellules ? Cette molécule est alors identifiée et purifiée. Le laboratoire Mer molécules santé est pionnier sur ces recherches depuis les années 1990. Chaque champignon est conservé dans une collection, appelée mycothèque. Elle compte entre 800 et 1 000 souches ! Un trésor pour la recherche médicale.

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Symbolisme :


Dans Les Champignons de l'apocalypse (Éditions Grasset, 2025) Audrey Dussutour consacre un chapitre aux champignons aquatiques, les premiers de leur règne :


Abyss


Les Cryptomycota et les Aphélides sont des parasites énigmatiques qui ont émergé il y a un milliard d'années. Situés à la base de l'arbre évolutif des champignons, ces organismes microscopiques détiennent les secrets des premiers ancêtres des champignons. Ils sont décrits comme la « matière noire » du règne fongique, car, à l'abri dans leur proie, ils sont difficiles à observer directement. D'ailleurs, les Cryptomycota doivent leur nom au grec ancien crypto, un préfixe qui désigne ce qui est caché. A ce jour, nous ne connaissons qu'une poignée d'espèces de Cryptomycota et d'Aphélides - quelques dizaines tout au plus. Mais nous sommes convaincus que ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Une chose est sûre cependant : tous les individus que nous avons identifiés sont des parasites aquatiques, sans exception.

En échantillonnant une grande variété d'habitants, nous en avons trouvé dans les eaux douces, les sols humides et les milieux marins. Personne ne s'attend vraiment à trouver des champignons dans les océans, n'est-ce pas ? Et pour cause : si 75% de la biomasse animale se concentre dans les océans, les champignons, eux, préfèrent en général la terre ferme - seuls 2,5% de leur biomasse se trouve en milieu marin. Les Cryptomycota et les Aphélides se nichent dans les endroits les plus inattendus de notre planète : les eaux usées de nos villes, la rivière rouge Rio Tinto en Espagne - riche en sulfures et métaux -, la source de Zodletone aux États-Unis - où l'oxygène se fait rare mais où les hydrocarbures abondent -, les eaux des mers froides, la glace des grottes polaires et les nappes phréatiques souterraines. Peu importe où vous cherchez, des profondeurs obscures des océans aux recoins cachés sous la terre, ces parasites sont partout. Leur seule exigence ? La présence d'eau.

Ces champignons débutent leur cycle de vie sous forme de minuscules créatures appelées zoospores, des sortes de nageurs microscopiques. Elles mesurent entre 2 à 5 micromètres de diamètre, plus longues que larges, elles sont en forme de ballon de rugby, de saucisse knacki ou de rein. Ces zoospores sont équipées d'un flagelle de 10 à 15 micromètres de long qui fouette l'eau de droite à gauche permettant à l'organisme de nager. Chez certaines espèces, les zoospores sont dépourvues de flagelle et se déplacent en rampant grâce à des pseudopodes placés à l'avant, sorte de petites tentacules. D'autres semblent avoir eu du mal à se décider : elles possèdent à la fois un petit flagelle à l'arrière et des pseudopodes à l'avant, hésitant apparemment entre la nage et la reptation. Les zoospores sont entourées d'une fine membrane et sont mobiles, deux caractéristiques qui ont longtemps dissimulé leur véritable nature. En effet, les spores de champignons sont habituellement immobiles et protégées par une paroi épaisse et rigide.

La première description d'un Cryptomycota date de 1856. Alexander Karl Braun, un botaniste allemand, observe une algue et repère à l'intérieur des cellules étranges. Il note : « J'ai vu dans un renflement terminal de petites cellules agiles se former ; leur diamètre était de 1/300e de millimètres de longueur ; elles avaient un mouvement rapide. C'étaient peut-être des spermatozoïdes développés à une place anormale. » Un botaniste français, Maxime Cornu, démontrera quelques années plus tard que ces « spermatozoïdes » étaient en réalité les zoospores d'un Cryptomycota occupé à dévorer la petite algue de l'intérieur. Les Aphélides sont quant à eux décrits pour la première fois en 1889 par Wilhelm Zopf, un mycologue allemand. Contrairement à leurs cousins, ils ne seront pas confondus avec des spermatozoïdes, mais le scientifique est loin de penser qu'il vient de découvrir des champignons aquatiques ! Il les classe chez les protozoaires, du grec proto (« premier ») et zoo (« animal »), considérés à l'époque comme les formes de vie animale les plus primitives.

Les Aphélides et les Cryptomycota suivent tous deux un unique but : trouver un hôte et pénétrer à l'intérieur discrètement pour s'y reproduire. Contrairement aux Aphélides, les Cryptomycota peuvent vivre en dehors de leur hôte pendant un certain temps, ingurgitant des débris végétaux, des particules trouvées sur le sol ou des restes d'autres organismes. Les Aphélides parasitent des algues microscopiques vertes, brunes et jaunes, en bref, le phytoplancton. Les Cryptomycota, quant à eux, s'attaquent aux oomycètes, leur hôte de prédilection, aux petits champignons aquatiques appelés chytrides, et parfois aux amibes et aux algues microscopiques. Les oomycètes, souvent appelés « faux champignons » ou « pseudo-champignons », sont, comme leurs sobriquets l'indiquent, des organismes qui ressemblent aux champignons mais n'en sont pas. Ils sont en réalité plus proches des algues. De nombreuses espèces d'oomycètes sont elles-mêmes des parasites ; certains vous sont probablement familières : le mildiou de la pomme de terre, qui a causé la Grande Famine en Irlande entre 1845 et 1850, tuant un million de personnes, ou encore le mildiou de la vigne, véritable cauchemar des viticulteurs, qui a infecté 90% du vignoble bordelais en 2023. Malheureusement pour nous, les Cryptomycota ne s'attaquent pas à ces parasites terrestres ; ils ciblent uniquement les oomycètes aquatiques...

Les Cryptomycota et les Aphélides ont un cycle de vie très similaire. La zoospore repère son futur hôte à l'odeur et se dirige vers lui. A son contact, tel un voleur qui cherche une porte dérobée ou une fenêtre laissée ouverte, elle déploie de petits pseudopodes pour sonder le terrain à tâtons. Si l'hôte est une algue, par exemple, la zoospore recherche une imperfection dans la paroi, en particulier au niveau des jonctions entre les cellules qui constituent des points de moindre résistance. Une fois la faille repérée, la zoospore tourne sur elle-même de façon à enrouler son flagelle autour d'elle telle une ceinture. L'appendice est ensuite absorbé par la membrane. Devenue immobile, la zoospore s'arrondit et se fixe sur son hôte à l'aide d'un petit pied ventouse appelé appressorium. Accrochée fermement, elle fabrique un kyste, une sorte d'armure protectrice. Cette cuirasse est composée de chitine, un sucre complexe que l'on trouve dans les exosquelette des crustacés et des insectes, mais aussi dans les parois cellulaires de tous les champignons. La chitine jour un rôle protecteur, comme la kératine de nos ongles ou la cellulose dans la paroi cellulaire des plantes et des algues, mais elle est bien plus résistante. La chitine se dissout dans l'eau à haute pression uniquement à une température supérieure à 380°C, la cellulose abandonne à 300°C et la kératine, loin derrière, à 170°C. En bref, les champignons n'ont rien à envier au squelette en adamantium de Wolverine.


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