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Le Régalec




Autres noms : Regalecus glesne - Poisson-rame - Poisson-ruban - Roi des harengs - Ruban des mers -



Zoologie :


Hippolyte Cloquet dans son Dictionnaire de Sciences Naturelles. (1830) nous propose ce croquis :


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Histologie du tissu osseux (vertèbres et ptérygiophores) de Regalecus russellii (Regalecidae, Lampridiformes) Davesne Donald (1) , Paig-Tran E.W. Misty 2(), Meunier François J.(3)


1) Museum für Naturkunde, Berlin, Allemagne. donald.davesne@gmail.com

2) California State University, Fullerton, USA. empaig-tran@fullerton.edu

3) UMR 8067 BOREA (CNRS-IRD-MNHN-UPMC), Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, France. francois.meunier@mnhn.fr


Le régalec (Regalecus russellii Cuvier, 1816) est un poisson pélagique à large répartition océanique et pouvant descendre au moins jusqu’à 1000 m de profondeur. C’est un des plus grands téléostéens marins, sinon le plus grand. D’aspect rubané, d’une longueur d’au moins 5 m, mais avec un record d’une dizaine de mètres, il est à l’origine de nombreuses légendes dont celle du “serpent de mer”. Sa morphologie particulière rejaillit sur son organisation anatomique comme celle du squelette (Parker 1884) ou du tube digestif (Roberts 2017). Selon Parker (1884) “like the other parts of the skeleton, the vertebrae are extremely fragile” et “the vertebral centra may be described as consisting of two cones of wonderfully thin papery bone”. Nos observations histologiques effectuées sur une vertèbre post-abdominale confirment cet aspect “papyracé” du tissu osseux vertébral du régalec. L’ensemble est un os spongieux dont les fines travées encadrent des cavités renfermant des tissus conjonctifs riches en lipides. D’épaisses “gaines” de tissus mous conjonctifs entourent les vertèbres, les renforçant potentiellement mécaniquement. Débarrassées de leurs tissus mous les vertèbres semblent légères, ce qui laisse supposer que le composant minéral du tissu osseux pourrait être moins important que chez d’autres téléostéens, mais cela reste à confirmer. Cette organisation spatiale particulière du tissu osseux vertébral du régalec ressemble beaucoup à celle décrite par Stéphan (1900) chez un Trachypteridae, une famille voisine de celle des Regalecidae. Stéphan note que les os de Trachypterus “ne sont pas plus durs que du cartilage” et la figure d’une coupe transversale de vertèbre de cette espèce montre une architecture osseuse proche de celle du régalec. Dans l’axe vertical des ptérygiophores de la nageoire dorsale, qui présentent parfois des hyperostoses (Paig-Tran et al. 2016), l’os est compact plutôt que spongieux. Les ptérygiophores interviennent dans la nage chez le régalec (ondulation de la nageoire dorsale), et subissent donc probablement des contraintes mécaniques plus fortes qui expliquent cette différence microstructurale. Le tissu osseux du régalec est totalement dépourvu d’ostéocytes (“os acellulaire”) ce qui est congruent avec la position des Regalecidae parmi les acanthomorphes dont la très grande majorité des espèces a perdu la capacité d’intégrer les cellules osseuses dans la matrice collagénique calcifiée (Meunier,1987, Meunier & François,1992, Davesne et al. 2019). Cette organisation toute particulière de la texture osseuse chez Regalecus comme chez Trachypterus est probablement liée à leur morphologie et mode de nage très particuliers et à leur milieu mésopélagique.


Références :

Davesne D., Meunier F.J., Schmitt A. Friedman M., Otero O., Benson R., 2019. The phylogenetic origin and evolution of acellular bone in teleost fishes: insights into osteocyte function in bone metabolism. Biol. Rev. 94 : 1338-1363.

Meunier F.J., 1987. Os cellulaire, os acellulaire et tissus dérivés chez les Osteichthyens : les phénomènes de l’acellularisation et de la perte de minéralisation. Ann. Biol. 26 : 201-233.

Meunier F.J., François Y., 1992. Croissance du squelette chez les Téléostéens. I. Squelette, os, tissus squelettiques. Ann. Biol. 31: 169- 184.

Paig-Tran E.W., Barrios A.S, Ferry L.A., 2016. Presence of repeating hyperostotic bones in dorsal pterygiophores of the oarfish, Regalecus russellii. J. Anat. 229 : 560-567.

Parker T.J., 1884. On the skeleton of Regalecus argenteus. Trans. Zool. Soc. 6 : 29-33.

Roberts T.R., 2017. Anatomy and physiology of the digestive system of the oarfish Regalecus russelli (Lampridiformes: Regalecidae). Ichtyol. Res. https://doi.org/10.1007/s10228-017-0574-7

Stéphan P., 1900. Recherches histologiques sur la structure du tissu osseux des Poissons. Bull. Sci. Fr. Belg. 33 : 281-429.


Mots-clés : Regalec russellii, os acellulaire, texture osseuse, vertèbre

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Symbolisme :


Henriette Walter, dans un article intitulé « Insuffisances lexicales dans l'expression de la nature », (In : La linguistique, vol. 48, no. 2, 2012, pp. 71-79) établit un lien entre le régalec et le serpent de mer :


En allemand, ce sont deux poissons de tailles vraiment sans commune mesure qui portent le même nom, très honorifique : Herringskönig « roi des harengs ». Mais d’un côté, il s’agit du saint-pierre – longueur maximum 70 cm, et qui se nomme aussi Sankt Petersfisch, et de l’autre, du régalec, ou roi des harengs, dont la taille maximum peut aller jusqu’à 10 mètres de long !

Ce poisson gigantesque a alimenté de multiples légendes sur le serpent de mer. Son nom scientifique est Regalecus glesne, où le nom d’espèce, glesne, vient de celui du port de pêche norvégien où il a été tout d’abord observé. Le naturaliste Lacépède explique que ce rapprochement avec les harengs trouve une explication si l’on se rappelle qu’on le rencontre souvent au milieu de bandes de harengs, et que sa peau est argentée comme la leur. De son côté, le saint-pierre a lui aussi souvent pu être observé au voisinage de bancs de harengs, et il se nourrit de harengs. Mais évidemment, malgré leur nom identique en allemand, on ne risque vraiment pas de confondre le régalec et le saint-pierre, dont la taille est si dissemblable.

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Mythologie :


Henriette Walter et Pierre Avenas auteurs de La fabuleuse histoire du nom des poissons: du tout petit poisson-clown au très grand requin blanc. (Éditions Robert Laffont, 2011) rapprochent le Régalec de la légende du serpent Midgard :


Cet énorme poisson serpentiforme - d'où son autre nom en espagnol, serpiente marina - peut atteindre environ 10 mètres de long et a alimenté maintes légendes sur les serpents de mer.

Lacépède le décrit ainsi : « Comme on le rencontre souvent [...] au milieu des innombrables légions de harengs, qu'il est argenté comme ces derniers animaux, qu'il a l'air de les conduire et qu'il parvient à des dimensions assez considérables, on l'a nommé [...] Roi des harengs ; et c'est ce que désigne le nom générique de Régalec qui lui a été conservé. »

Le régalec, avec ses formes extraordinairement allongées et ses attributs inhabituels, est aussi appelé « poisson-ruban » (ribbonfish en anglais, Bandfisch en allemand), ou encore « poisson-rame » à cause de ses nageoires ventrales en forme de rames allongées (pez remo en espagnol, oarfish en anglais, Riemenfisch en allemand).


Le régalec dans la mythologie scandinave ?

Il existe dans la mythologie scandinave un serpent de mer monstrueux, qui est le génie du mal et du désordre. Il se tapit au fond de la mer universelle (appelée Midgard) qui entoure le monde, et ses mouvements violents provoquent tempêtes et naufrages.

C'est le colosse Thor, dieu du tonnerre et des pluies, qui terrasse ce serpent avant de succomber lui-même, comme tous les dieux, lors de la fin du monde qu'accompagne le crépuscule des dieux.

Il est fort probable que le régalec, observé par les marins nordiques, ait inspiré ce mythe, dit du serpent de Midgard.


Le corps du régalec diffuse d'étonnants reflets argentés, plus ou moins bleutés, que l'on trouve aussi chez l'opah.

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