Étymologie :
QUINQUINA, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. a) 1653 Kinakina « écorce fébrifuge d'un arbre du Pérou » (G. Patin, lettre du 30 déc. ds Lettres Choisies, Cologne, 1692, t. 1, p. 170) ; b) 1661 Quinquina (Id., lettre du 21 sept., ibid., t. 2, p. 457) ; 2. 1716 Quinaquina nom de l'arbre qui donne cette écorce (A.-Fr. Frézier, Rel. au Voy. de la Mer du Sud, p. 214, ds König, p. 173) ; 3. 1694 Quinquina d'Europe « racine de la gentiane » (Corneille) ; 4. 1760 vin de quinquina (Diderot, Corresp., t. 3, p. 218 ds Quem. DDL t. 30). Empr. à l'esp. quinaquina qui, bien que n'étant att. que dep. 1737 (Autoridades), est prob. plus anc. (ce sont les Espagnols qui ont apporté cette écorce du Pérou en Europe en tant que fébrifuge) et est empr. au quichua Kinakina. Malgré les objections de Cor.-Pasc. (s.v. quina I), le fait que ce mot ne soit pas att. anciennement en quichua ne contredit pas cette hyp. Voir R. Loewe ds Z. vergl. Sprachforsch. t. 60, pp. 153-162 ; König, pp. 172-174; Fried., s.v. quina ; FEW t. 20, p. 64.
Lire également la définition du nom quinquina afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Botanique :
Édouard Grimard, auteur de L'esprit des plantes, silhouettes végétales. (Éditions Mame, 1875) propose sa propre vision des plantes :
C'est avec respect , avec une sorte de vénération même qu'il faut raconter l'histoire de cette Rubiacée, entre toutes précieuse et bienfaisante.
Les espèces du genre Quinquina Cinchona sont des arbres ou des arbrisseaux toujours verts, habitant les vallées des Andes tropicales, à une hauteur de mille à quatre mille mètres au-dessus du niveau de l'Océan. Le tronc et les grosses branches sont rondes, mais les jeunes rameaux sont un peu angulaires ; quant à l'écorce, elle est d'une amertume caractéristique, et c'est elle qui, entre autres principes, contient la quinine et la cinchonine, dont la puissance thérapeutique se place au premier rang. Le bois, à peu près blanc, acquiert en vieillissant une teinte d'un jaune pâle ; les feuilles sont veinées et çà et là rehaussées de petites saillies coniques qui leur donnent un reflet particulier ; les fleurs enfin, dont les pétales blancs, roses ou purpurins, exhalent une faible mais suave odeur, surmontent les rameaux de leurs panicules terminales.
La partie corticale de ces végétaux est appelée Kina par les sauvages américains, quelquefois même Kin Kin, ou enfin Kina Kina, mots qui signifient écorce, ou plutôt écorce des écorces, afin d'en exprimer l'excellence. La dénomination du Cinchona rappelle le nom de la comtesse del Cinchon, vice-reine du Pérou, qui passe pour avoir fait connaître à l'Europe les vertus de ces diverses Rubiacées.
Diverses, en effet, car les Quinquinas sont nombreux. On les classe sous les dénominations générales de Quin quina jaune, Quinquina gris, Quinquina rouge et Quinquina blanc.
Le Quinquina jaune est un arbre à racines velues. Son écorce, d'un jaune rougeâtre, est préférée à toute autre, parce qu'elle contient le plus de quinine ; aussi devient-elle si rare qu'on ne la vend plus seule, mais qu'on la mélange à d'autres Quinquinas.
Le Quinquina gris est un grand arbre originaire des Andes péruviennes. C'est à cette espèce, la première observée et décrite par la Condamine, que se rapportent les traditions plus ou moins fabuleuses relatives à la découverte du Quinquina. Son écorce, rugueuse et grisâtre, est aujourd'hui peu estimée, parce qu'elle ne contient guère que de la cinchonine et très peu de quinine.
Le Quinquina rouge est un bel arbre à feuilles luisantes et lancéolées. Son écorce, facilement reconnaissable à sa teinte foncée, est une des plus estimées, après le jaune toutefois.
Le Quinquina blanc, enfin, qui ne s'élève qu'à trois à quatre mètres, a des feuilles coriaces, cotonneuses, et produit une écorce d'un gris blanchâtre, peu usitée en médecine.
Ces différentes écorces se récoltent de septembre à novembre. On les détache de l'arbre à l'aide de couteaux, puis on les fait sécher, et on les expédie en Europe, sous la forme de gros ballots appelés surons. Le mélange que l'on fait ici de ces divers produits rend assez difficile parfois la désignation exacte de l'espèce végétale d'où ils sont tirés.
La découverte des propriétés médicinales du Quinquina est enveloppée d'une obscurité qui a donné lieu aux versions les plus contradictoires. Ce qu'il y a de certain, c'est que cent cinquante ans après la découverte de l'Amérique, ni les Européens ni même les dominateurs du nouveau monde ne connaissaient les vertus fébrifuges de cette écorce. Les indigènes les connaissaient- ils ? On l'ignore, et ce qu'on ignore surtout, c'est le fait à l'occasion duquel ces propriétés ont été révélées.
Cette découverte est tantôt attribuée aux jésuites, tantôt à des voyageurs qui auraient cru remarquer que certaines bêtes fauves tourmentées par la fièvre étaient poussées par leur instinct à ronger l'écorce des Quinquinas ; d'autres fois encore, au simple hasard, qui aurait amené des fiévreux à se désaltérer dans des mares d'eau où des fragments de cette écorce auraient longtemps macéré. Suivant une autre tradition, ce serait la comtesse del Cinchon, femme du vice-roi du Pérou, qui, guérie d'une fièvre opiniâtre par un indigène, aurait elle même apporté en Espagne cette fameuse poudre de la comtesse ou Cinchona, primitivement désignée sous le nom de poudre des Jésuites. Toutes ces versions importent peu ; ce qu'il y a de certain, c'est que l'écorce du Quinquina, sérieusement importée en Europe dès la fin du XVIIe siècle , ne fut analysée chimiquement qu'en 1820, époque à jamais mémorable pour la chimie et surtout pour la médecine.
Ce fut la Condamine qui, le premier, tenta de faire connaître en Europe l'arbre du Quinquina. Il en embarqua plusieurs pieds ; mais il eut la douleur de voir sombrer pendant le voyage le vaisseau qui portait son trésor, et ce ne fut que beaucoup plus tard que quelques plants levés au jardin des Plantes permirent d'étudier de près la plus importante des Rubiacées.
On ne s'est pas borné à ces tentatives d'exportation purement botaniques. Justement préoccupés de l'avenir, en présence de la prodigalité insensée avec laquelle s'opérait l'exploitation des forêts de Quinquinas en Amérique, quelques hommes de science et de cœur, – citons entre autres Clément Markham, - ont entrepris de transplanter ailleurs que dans le nouveau monde, où nulle loi ne les protégeait, les meilleures espèces de cet incomparable fébrifuge. Le succès a pleinement répondu à leurs efforts, et aujourd'hui des plantations importantes de Quinquinas sont exploitées dans l'île de la Réunion, à Java, dans l'Himalaya et dans le sud de l'Indoustan.
Indépendamment de ces ressources, si bien faites pour tranquilliser tous les amis de l'humanité, on ne peut, avec notre historien, que faire des vœux pour que la chimie organique, déjà si puissante et si riche, élargisse encore le cercle de ses découvertes en trouvant dans nos végétaux indigènes un digne succédané du Quinquina. Beaucoup d'essais sont, il est vrai, demeurés infructueux. La petite Centaurée, la Camomille, le Houx, l'écorce du Saule et du Pêcher, sont à coup sûr d'impuissantes rivales à opposer à l'héroïque Rubiacée du Pérou ; mais que l'on cherche encore, et peut être trouvera-t-on de quoi rendre tout à fait inexacts et menteurs les deux vers ironiques si connus :
Dieu mit la fièvre en nos climats,
Et le remède en Amérique.
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Symbolisme :
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Quinquina - Santé.
Les quinquinas ou cinchonas sont des arbres ou des arbrisseaux toujours verts qui croissent naturellement dans les hautes vallées des Andes intertropicales. Les Indiens les nomment kina-kina et l'emploient depuis longtemps pour combattre les fièvres et rétablir les forces épuisées. Ils l'appellent aussi arbre contre le frisson, écorce contre le froid, en faisant allusion aux symptômes des fièvres intermittentes.
On raconte qu’un père jésuite vint à passer dans un village indien, tourmenté par une fièvre intense. « Laisse-moi faire, lui dit le chef de la tribu et je te guérirai. » L'Indien courut à la montagne, en rapporta une écorce, la fit bouillir et fit boire celle décoction au missionnaire qui guérit radicalement et rapporta la précieuse écorce en Europe. De là le nom de poudre des jésuites que porta longtemps le quinquina. Il s'appela ensuite cinchona, du nom de la comtesse de Cinchon, femme du vice-roi du Pérou, laquelle fut guérie en 1638 d'une fièvre qui l'avait mise à deux doigts de la mort.
On prétend aussi que ce fut un chien qui le premier révéla aux Indiens les précieuses vertus du quinquina. Il était atteint de ces fièvres terribles qui n'épargnent même pas les animaux ; il but dans une mare où croupissaient des écorces du kina et fut guéri. Les Indiens décimés par la maladie y burent aussi et connurent ainsi les qualités fébrifuges de l'arbre.
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Jacques Brosse dans La Magie des plantes (Éditions Hachette, 1979) consacre dans sa "Flore magique" un article au Quinquina :
En 1638, la femme du vice-roi du Pérou, Ana d'Osorio, comtesse de Chinchon se mourait d'une fièvre persistante que son médecin espagnol ne parvenait pas à réduire. En désespoir de cause, on eut recours à un guérisseur indien qui lui administra une décoction préparée avec l'écorce d'un arbre. La fièvre disparut comme par miracle ; le quinquina, ou plutôt le kina-kina, l'« écorce des écorces », comme l'appelaient les Péruviens, avait vaincu le paludisme. Guérie, la comtesse de Chinchon retourna en Europe, emportant une importante provision de ces écorces. Elle en offrit au cardinal de Lugo qui, vers 1640, introduisit à Rome la « poudre de la comtesse ». Elle y fut utilisée avec grand succès par des victimes de la malaria.
En 1649, de Lugo, en ayant vanté les mérites à son ami Mazarin, atteint de malaises fébriles et qui se trouva rétabli, le quinquina changea de nom et devint la « poudre cardinale ». En la même année, le général de la Société de Jésus, ayant compris tout le profit que l'on pouvait tirer du nouveau remède, fit rechercher par ses missionnaires établis en Amérique du Sud la précieuse écorce, qui commença à se répandre en Europe sous le nom de « poudre des Jésuites ». En France, cependant, la faculté de médecine toujours méfiante condamnait l'emploi de cette « poudre ignorée et indigne » . Mais un empirique anglais, ancien commis d'apothicaire, nommé Talbot, ayant réussi à guérir le roi Charles Ier et obtenu nombre de cures spectaculaires, se rendit en France, précédé d'une flatteuse réputation. en 1678, nous apprend une lettre de la princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV, il « guérit Mademoiselle de sa fièvre quarte et avec elle plus de cent personnes » . Le roi lui-même, ayant contracté une mauvaise fièvre en visitant les travaux d'assèchement des marais de Versailles, son médecin Fagon, qui était un excellent botaniste, lui administra le « remède à l'anglais » qui le rétablit promptement. En reconnaissance, Louis XIV créa Talbot chevalier et lui offrit 48 000 livres pour acquérir son secret. L'empirique empocha la somme et disparut, oubliant de communiquer la précieuse recette. Mais, en 1682, Nicolas de Blégy, qui était parvenu à reconstituer la formule exacte, la communiquait dans Le Remède anglais pour la guérison des fièvres, en donnant sa méthode d’administration. La même année, La Fontaine, utilisant un traité de son savant ami, le médecin Monginot, publiait son poème Du Quinquina. C’était sa manière de faire la cour au roi et surtout à Colbert, qui avait aussi utilisé le quinquina et s'opposait à l'entrée du poète à l'académie française. Cette flagornerie réussit, mais point de la manière prévue ; La Fontaine fut bien élu deux ans plus tard, mais au fauteuil que venait de laisser vacant son vieil ennemi Colbert. De ce poème qui ne lui fait guère honneur, détachons ces vers qui ne brillent ni par l'inspiration ni par la modestie :
« Le Quina s'offre à vous, usez de ses trésors
Éternisez mon nom, qu'un jour on puisse dire
Le chantre de ce bois sut choisir ses sujets. »
On ignorait toujours de quel arbre provenait la mystérieuse écorce et c'est seulement un siècle après l'introduction du quinquina en Europe que fut connue l'espèce à Linné donna en 1739, en hommage à la comtesse, le nom de Cinchona officinalis. Ce bel arbre mince qui peut monter à 20 m croît dans les Andes à une altitude de 1500-2000 m, du Vénézuela au Pérou et à la Bolivie. Les premiers à le décrire scientifiquement en 1737 furent le mathématicien La Condamine et le botaniste Joseph de Jussieu qui l'avaient découvert en Équateur. Depuis lors, des explorations scientifiques ont permis de trouver plusieurs autres espèces du même genre présentant des qualités identiques. par sélection et par croisement, on a obtenu des arbres dont l'écorce possède une teneur en principe actif bien supérieure à celle des espèces sauvages.
En 1818, les chimistes français Pelletier et Caventou en isolèrent la quinine. Si de nos jours, la médecine lui préfère des composés de synthèse, telle la chloroquine, le quinquina n'en fut pas moins pendant trois siècles le seul remède efficace contre le mortel paludisme. Un autre de ses titres de gloire, mais beaucoup moins connu, est d'avoir présidé à la naissance de l'homéopathie. C'est en effet en utilisant du quinquina que le médecin allemand Hahnemann constata que, pris à petites doses, il provoquait les symptômes de la maladie qu'à fortes doses il guérissait. Ainsi se trouvait confirmé le principe sur lequel repose l'homéopathie, Similia similibus curantur.
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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), les Quinquinas (Cinchona) ont les caractéristiques suivantes :
On en connaît une quarantaine d'espèces, surtout répandues dans la cordillère des Andes. Les sortes commerciales sont :
les Quinquinas rouges, produits par les Cinchona nitida, Cinchona succirubra (rouge vrai), Cinchona scrobiculata ;
les Quinquinas jaunes, produits par les Cinchona calisaya, Cinchona cordifolia, Cinchona pubescens, Cinchona condaminea ;
les Quinquinas gris, produits par les Cinchona micranta, Cinchona condaminea, Cinchona obtusifolia.
Quel sujet de roman d'aventures que l'histoire du Quinquina ! Plante péruvienne, elle fut l'« arbre aux fièvres » des médecins-magiciens incas ; les conquistadores, peu préoccupés d'herboristerie, ne s’y sont guère intéressés. Jusqu'au jour où la comtesse d'El Cinchon, femme du vice-roi du Pérou, qu'aucun médecin n'était parvenu à soigner, fut guérie par l'écorce de l'arbre Cinchona.
Les Jésuites - jamais les derniers lorsqu'il s'agit de réaliser une bonne affaire - s'en octroyèrent aussitôt le monopole, tant à la production qu'à l'exportation. Alors tout-puissants en Amérique du Sud, ils firent courir le bruit qu'eux seuls avaient le secret de cette poudre miracle qu'on nomma en France poudre des jésuites ou poudre de la comtesse. L'engouement devint de la frénésie. L'écorce des Indiens des Andes guérissait tout, calmait tout.
Mais cette nouvelle drogue coûtait les yeux de la tête : en 1653, nous apprend Guy Patin, une malade fortunée paya quarante livres une seule prise de Quinquina ! À ce prix-là on lésinait sur la dose, et les falsificateurs avaient beau jeu. Aussi bon nombre de médecins, n'obtenant aucun résultat thérapeutique, ne considèrent les cures tant vantées par les novateurs que comme les amorces d'une spéculation fructueuse et charlatanesque.
Quelques années plus tard, cependant, un mandarin de l'École de médecine de Paris, le Dr Dieuxivoye, relança la polémique en faisant soutenir à un étudiant une thèse ainsi énoncée : An febri quartanae peruvianus cortex ? Affirmative !
Un concert de protestations s'éleva. Cette théorie subversive ne trouva que des contradicteurs acharnés. Dieuxivoye fut chapitré, houspillé, conspué. Il perdit son poste et était au bord du suicide lorsque, au printemps de 1678, on vit apparaître à Paris un Anglais se disant possesseur d'une drogue merveilleuse dont il gardait jalousement le secret. Ce guérisseur, qui s'appelait le chevalier Talbor, Tabor ou Talbot, fut rapidement patronné par des gens de Cour, et l'affaire repartit plus fort que jamais : le « remède anglais » fit fureur.
Le Dauphin étant tombé malade, et les docteurs n'y pouvant rien, Louis XIV envoya des émissaires auprès de Talbot qui consentit à vendre son « secret » en échange de deux mille pistoles versées comptant, plus deux mille livres de pension annuelle (sous Louis XIV, la pistole valait 10 livres, et la livre était pratiquement à la parité du franc). Enfin, le mystère qui avait tenu tout Paris en haleine fut dévoilé : on sut que le remède anglais était une infusion de poudre de Quinquina dans du vin de Madère. Voilà donc la Faculté surprise, furieuse, et Dieuxivoye porté aux nues du jour au lendemain.
Au début du règne de Louis XV, le gouvernement français envoya une mission au Pérou; le but était de se rendre sur la ligne d'équateur pour y faire des observations scientifiques et déterminer la figure de la terre. Le mathématicien La Condamine y participait. C'est lui qui alla dérober huit jeunes pieds « sur le coteau appelé Caxanuma, où croît le meilleur Quinquina, à deux lieues au sud de Loxa ».
Ce fut alors un retour cauchemardesque jusqu'à la côte Atlantique. Le « mauvais œil », dans la meilleure tradition, semble avoir été jeté sur la malheureuse expédition, d'abord sur les pentes des Andes, puis à travers la jungle amazonienne : morts mystérieuses, disparition soudaine des guides, perte des vivres et de l'eau potable. Rien ne leur fut épargné : ces messieurs de la « Compagnie » veillaient !
En conflit ouvert avec le gouvernement civil (qui allait les expulser de toutes les colonies espagnoles et portugaises trente ans plus tard), les jésuites ne pouvaient avoir recours ni à l’armée ni aux gouverneurs des provinces. Alors ils firent flèche de tout bois : Indiens rebelles, sorciers quichuas, pistoleros de tout poil et de toutes couleurs furent lancés à la poursuite de La Condamine et ses compagnons. Un prêtre souleva contre eux les populations locales, accusant les « hérétiques » (les Français) d'avoir blasphémé le nom de la Madone ; un Français fut assassiné par les émeutiers. Les survivants arrivèrent en Guyane épuisés, malades. Enfin, La Condamine put embarquer à Cayenne avec ses plans de Quinquinas.
Utilisation rituelle : Des poudres d'écorces rouges et jaunes servaient à embaumer les momies péruviennes que l'on ficelait dans des sacs ou dans des couvertures.
Utilisation magique : L'écorce de n'importe quel Quinquina, portée sur soi, protège contre la maladie et les maléfices. On en brûle sur un réchaud en terre pour activer les vibrations dans une pièce.
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Selon Denis Lemordant, auteur d'un article intitulé "Thérapeutique, Toxicomanie et Plantes Américaines." (In : Cahiers d'outre-mer. N° 179-180 - 45e année, Juillet-décembre 1992. Les plantes américaines à la conquête du monde. pp. 263-286) :
Légendes, vérités et faux bruits dont certains ont acquis droit de cité sont intimement mêlés dans l'histoire des quinquinas. Les Européens ne les mentionnèrent pas immédiatement après leur arrivée en Amérique du Sud et il n'est pas certain, selon Mutis et Humboldt, que les indigènes qui le connaissaient comme teinture des étoffes, l'aient employé comme fébrifuge. La Condamine et de Jussieu soutiennent que les vaincus auraient caché aux vainqueurs ce puissant remède à la fièvre. Une légende prétend que les Indiens auraient découvert les propriétés de l'écorce en observant les jaguars qui, sujets à des fièvres intermittentes, l'absorbaient pour se soigner.
Une autre légende attribue aux Espagnols la découverte des propriétés du quinquina. Près de Loxa, il y avait une foret sur les bords d'un lac ; elle y fut engloutie par un tremblement de terre ; l'eau du lac devint rougeâtre par suite de la décomposition des arbres. Un jour, un soldat fiévreux et assoiffé but de cette eau trouble et vit sa fièvre disparaître ; ses compagnons l'imitèrent avec le même succès. Ce n'est qu'au début du XVIIe siècle que prennent place les guérisons d 'un jésuite et de la Comtesse del Chinchon (et non Cinchon), épouse du vice-roi du Pérou ; mais il est surprenant que le journal de son époux ne mentionne ni la fièvre ni la guérison alors qu'il indique les moindres détails de la vie quotidienne.
Certains prétendent que les véritables découvreurs des qualités de l'écorce de quinquina sont les Jésuites qui avaient constaté son amertume, caractère lié à l'activité suivant une croyance qui existait encore au début de ce siècle.
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Littérature :
Jean de la Fontaine, "Du Quinquina"
Chant premier
Je ne voulais chanter que les héros d’Ésope ;
Pour eux seuls en mes vers j’invoquais Calliope.
Même j’allais cesser, et regardais le port :
La raison me disait que mes mains étaient lasses ;
Mais un ordre est venu plus puissant et plus fort
Que la raison : cet ordre accompagné de grâces,
Ne laissant rien de libre au cœur ni dans l’esprit,
M’a fait passer le but que je m’étais prescrit.
Vous vous reconnaissez à ces traits, Uranie :
C’est pour vous obéir, et non point par mon choix,
Qu’à des sujets profonds j’occupe mon génie,
Disciple de Lucrèce une seconde fois.
Favorisez cette œuvre ; empêchez qu’on ne die
Que mes vers sous le poids languiront abattus :
Protégez les enfants d’une Muse hardie ;
Inspirez-moi ; je veux qu’ici l’on étudie
D’un présent Apollon la force et les vertus.
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