Étymologie :
Étymol. et Hist. 1559 [éd.] (Mathée, Les six livres de P. Dioscoride d'Anazarbe de la matiere medicinale [trad. du lat.], Lyon, Th. Payan, p. 349 : Le Potamogeton produit les feuilles semblables à la Bete, mais velues, et un peu eminentes sur l'eaue [...] Lon luy ha imposé le nom de Potamogeton parce qu'il naist dans les marets, et autres lieux aigueux) ; 1793 potamot (P. A. Nemnich, Allgemeines Polyglottenlexikon der Naturgeschichte d'apr. FEW t. 9, p. 252b). Empr. au gr. π ο τ α μ ο γ ε ι ́ τ ω ν « id. » (de π ο τ α μ ο ́ ς « fleuve, rivière » et γ ε ι ́ τ ω ν « voisin »), par l'intermédiaire du lat. potamogiton (v. André Bot. et Forc., s.v. potamogeton).
Lire également la définition du nom potamogéton afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Potamogeton alpinus - Potamot alpin - Potamot des Alpes -
Potamogeton natans - Épi d'eau - Potamot flottant - Potamot nageant -
Botanique :
Eugène Michel, dans un article intitulé « À la recherche du Potamogéton », (In : Bulletin des Amis d'André Gide, n°117, janvier 1998, pp. 69-71) décrit le potamot à partir de l'expérience du récit de Gide :
Retour à l'école de botanique. Cinquième et sixième bassins. Dans celui de gauche, des touffes de trèfles à quatre feuilles. Des panonceaux indiquent le nom des plantes. Je cherche à tout hasard le Potamogéton, et trouve un Aponogéton.
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La semaine suivante, je retourne à l'école de botanique. Vibrant soleil et parfaite chaleur d'été près des bassins de Gide. Grand contraste avec le vendredi précédent où le temps était couvert. À la recherche toujours du Potamogéton, j'interroge un jardinier qui m'envoie auprès de sa collègue plus savante, Isabelle (notez bien le prénom gidien).
Oui, il y a des Potamogétons (prononcer Potamoguéton), m'assure-t-elle. C'est une plante à feuille lancéolée qui se trouve dans le premier bassin, devant les lotus. La jeune botaniste m'y accompagne et, suite à mes remarques sur l'étymologie du nom de cette plante (du grec potamos, « fleuve », etgeitôn, « voisin »), elle me montre que le Potamogéton possède deux types de feuilles, les unes submergées, en forme de tiges, les autres flottantes.
Ainsi, la plante proche de fleurir, dont les grandes feuilles aériennes m'avaient intrigué quelques jours plus tôt, était un lotus. Et la grenouille se déplaçait sur la plante de Gide, par-dessus un amas de filaments herbus encombrant l'eau comme des algues d'aquarium.
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Aussitôt rentré chez moi, je consulte mon encyclopédie de botanique. Le Potamogéton y est mentionné comme exemple d'hydrogamie. Et, pour être précis, d'hydrogamie de surface. Voilà bien Gide ! Ce phénomène est dit rare, puisque la majorité des plantes aquatiques sont fécondées par l'intermédiaire du vent ou des insectes. Dans l'hydrogamie, le pollen est libéré des fleurs mâles juste au-dessus de l'eau, puis il glisse sur la surface sans être mouillé, et rencontre le stigmate des fleurs femelles épanouies au ras de l'eau.
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Vendredi 1er août. Une fleur de lotus s'est ouverte, je l'aperçois de loin. Elle est comme un oiseau qui s'envole en rose bonbon. Je m'en approche. Le gros bouton de la semaine dernière s'est déployé au sommet de sa frêle tige selon une quinzaine de pétales en forme de conques, jaune pâle à la base, rose tendre à la pointe, et ils se répartissent alternés, de l'horizontale à la verticale, autour d'un cœur qui est de pure science-fiction : énorme cône inversé d'un jaune intense, entouré d'une myriade de grandes étamines gorgées de pollen... Je me penche pour respirer son parfum : l'impression d'une sorte de perfection immatérielle, un voyage instantané vers une fine évocation sans images.
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Vertus médicinales :
A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les propriétés thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :
Epi d'eau à feuille ronde. Potamageton.
Fleur en croix et en épi, semences oblongues ramassées. 4 â 4, tige noire, feuille nageant sur l'eau.
VERTUS : Elle est rafraîchissante, un peu astringente pour la dysenterie, en tisane, extérieurement en décoction pour les dartres et démangeaisons de la peau, ordinairement on s'en sert à défaut du nénuphar.
Salmar Rezq et al. auteurs de “Anti-Inflammatory, Antipyretic, and Analgesic Properties of Potamogeton perfoliatus Extrac t: In Vitro and In Vivo Study.” ( In : Molecules (Basel, Switzerland) vol. 26, 16 4826. 10 août 2021) désuisent de leurs expériences :
[...] En conclusion, le profilage chimique de l'extrait de P. perfoliatus a révélé la présence de 15 métabolites secondaires appartenant aux acides phénoliques et aux flavonoïdes. Les résultats biologiques obtenus suggèrent que l'extrait de P. perfoliatus a des effets antioxydants, anti-inflammatoires, antinociceptifs et antipyrétiques substantiels, et qu'il peut être considéré comme un candidat potentiel pour améliorer les maladies associées au stress oxydatif. Ces résultats peuvent clarifier son utilisation passée et actuelle ; toutefois, des études futures sont nécessaires pour explorer le mécanisme détaillé de l'action des biomarqueurs de P. perfoliatus et de ses composants individuels.
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Usages traditionnels :
L'ouvrage Plantes protégées & menacées du Nord-Pas-de-Calais (© Centre Régional de Phytosociologie agréé Conservatoire Botanique National de Bailleul, mai 2005), sous la direction de F. Duhamel et F. Hendoux mentionne les potamots :
PARTICULARITÉS ET USAGES : Dans quelques régions de France, les potamots sont utilisés comme engrais. Ils servent également à la décoration des pièces d’eau des jardins.
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Le Potamot des Alpes, comme les autres espèces du même genre ou de très nombreuses plantes aquatiques, joue un rôle fondamental dans l’équilibre de la mare ou du cours d’eau, en l’occurrence un maintien important de biodiversité en jouant sur l’oxygénation, l’épuration de l’eau et représentant un maillon supplémentaire dans la chaîne alimentaire.
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Potamot perfolié : Feuilles utilisées contre les dartres et les ulcères
Dans Le régal végétal : plantes sauvages comestibles (Éditions Quae, 2012), François Couplan mentionne la comestibilité de certains potamots :
Les petits tubercules terminaux des Potamogeton luvens, natans et pectinatus, riches en amidon seraient comestibles.
Feuilles et tiges des Potamogeton crispus et pectinatus sont parfois mangées au Japon, généralement assaisonnées de miso (pâte de soja fermenté). Les tiges sont également conservées au vinaigre.
Quelques autres espèces servent occasionnellement de nourriture en Asie.
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Symbolisme :
Estelle Abécassis, dans un article intitulé "Les plantes aquatiques de l’Égypte antique" (publié sur le site Terres d'aventure le 29/12/2017) s'intéresse au symbolisme égyptien de la plante :
Si l'Égypte est à 94% désertique, elle n'en abrite pas moins diverses oasis et zones fertiles formant des jardins merveilleux.
Lors de votre voyage en Egypte, vous pourrez observer s'épanouir sur les rivages de nombreuses plantes aquatiques dont on trouve souvent l'évocation dans les reliefs et peintures qui ornent tombes et temples antiques.
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Photomageton : Plante aquatique aux grandes feuilles planes, le potamot fournit refuge aux grenouilles et libellules. Son nom vient du grec potamos signifiant le fleuve. Représenté dans certains bas-reliefs en calcaire peint, il est associé à la déesse Heket à tête de grenouille qui, par le biais de l'élément liquide, symbolise les forces vivifiantes et la régénération.
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Littérature :
Selon Daniel Desormeaux auteur d' « Une nomenclature fictive : Paludes et l'histoire naturelle », (In : Bulletin des Amis d'André Gide, n°117, janvier 1998, pp. 43-62) :
Lorsque l'auteur décrit les plantes, il emprunte aux botanistes leur lexicographie et leur démon de l'observation. Gide, vieillard, se souvint encore avec une certaine amertume de son « petit jardin de Cuverville du temps qu'il connaissait personnellement chaque fleur » (t. II, p. 1084) ; forcément sa jeunesse à la campagne de La Roque, en compagnie d'une amie d'enfance de sa mère, Anna Shackleton, qui l'aurait, semble-t-il, initié à la botanique et appris, par exemple, à distinguer telle ou telle particularité des étamines d'une fleur, et à connaître celles qui désignent certaines variétés de plantes dans les nombreux livres qu'il a lus. L'expérience vécue fut très utile au développement spirituel de Gide, d'autant qu'il en a fait systématiquement une source d'imagerie romanesque. Ainsi le narrateur de Paludes muni d'un carnet de poche, entrera au Jardin des Plantes pour observer les petits potamogétons. En combinant son travail de romancier (c'est-à-dire sa sensibilité poétique) avec ses observations scientifiques, le carnet de poche, d'une page à l'autre, prenait les dimensions d'un faux journal scientifique, où la représentation des plantes et animaux dans l'eau aboutit à la présence en reflet du narrateur, comme dans le miroir d'un autoportrait.
[...]
Voici le second intérêt épistémologique. La végétation de Paludes est enfermée dans un milieu quadrillé, qui respecte l'ordre réel des affinités et des rapports latitudinaux des espèces. Qu'il nous suffise de faire observer, en guise d'échantillon cartographique, que, dans le jardin paludéen de Tityre, le narrateur ne fait que faire pousser les plantes qui peuvent véritablement y croître : les « carex », les « lycopodes », les « roseaux »,les « joncs », les « algues» et enfin les « potamogétons ». Des vingt-huit espèces que nous avons recensées dans cette fiction, plusieurs figurent dans l'ancienne pharmacopée et dans le douzième système d'Adanson, c'est-à-dire celui qui se fonde sur les vertus médicinales des plantes. On y trouve, par exemple, l'aristoloche qui est utile aux femmes en couches, les gramens qui constituent un bon purgatif, la scabieuse qu'on utilisait autrefois contre la gale, la bourrache qui est une substance sudorifique, le sirop des pins qu'on administre contre le scorbut Si bien que le personnage de Tityre constitue l'archétype même du phytothérapeute, qui ne s'occupe que des plantes qui ont vraisemblablement des propriétés médicinales : [...]
Soucieux de l'invention de son roman, l'« écrivain » de Paludes se rend régulièrement au Jardin des Plantes afin d'examiner longuement « quelques variétés de petits potamogétons ». Quelquefois la contemplation des plantes soulève chez lui une grande émotion poétique. Mais toujours est-il qu'en entrant au Jardin des Plantes, il prend l'attitude d'un homme de science.
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