Étymologie :
Élément tiré du gr. γ υ μ ν ο ́ ς « nu », et entrant dans la construction de nombreux mots savants, le 2e élément étant tiré du gr.
Autres noms : Gymnopilus junonius - Gymnopilus spectabilis - Gymnopile remarquable - Pholiote remarquable -
Gymnopilus zenkeri -
Mycologie :
Robert Kühner rend compte du travail de Katia Gluchoff-Fiasson. — Contribution à la Chimiotaxinomie des Hyménomycètes : Pigments des Tricholomataceae Roze et des Strophariaceae Sing. et Smith. Thèse d'Etat. (In : Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 48ᵉ année, n°3, mars 1979. pp. 134-135) :

Concernant des Hyménomycètes chromosporés, Gluchoff-Fiasson a définitivement réglé le problème de la position systématique du genre Gymnopilus. Ce genre a été constitué d'espèces retirées des coupures friesiennes Pholiota et Flammula, à cause de la verrucosité de leurs spores et de l'absence de chrysocystides. Ces caractères ont conduit plusieurs auteurs modernes à rapprocher les Gymnopilus des Cortinaires, bien que leur mode de vie soit fort différent ; en effet, dans le genre Gymnopilus, dont nombre d'espèces sont lignicoles, comme bien des Pholiota et Flammula, on ne connaît aucune espèce ectomycorhizique, alors que celles ci sont fort nombreuses parmi les Cortinaires. Dans aucun Gymnopilus, Gluchoff-Fiasson n'a pu déceler de ces pigments jaunes, fréquents dans le genre Cortinarius, que sont les anthraquinones et dérivés ; elle n'y a rencontré que des pigments de nature différente, des styryl-pyrones, dont elle a montré qu'ils sont répandus dans les genres Pholiota et Flammula. Les Gymnopilus doivent donc être rangés dans la même famille que ces deux genres.
On admet généralement, aujourd'hui, que les Pholiotes et les Flammules, champignons à paroi sporique ocracée comme celle des Gymnopilus, doivent être placés dans la même famille, Strophariaceae, que les champignons à paroi sporique violacée que sont les Stropharia et les Hypholoma. Cette opinion n'est pas discutable, puisque l'auteur a montré que l'on trouve, à la fois dans les Hypholomes et dans certaines Pholiotes et Flammules, non seulement des styryl-pyrones simples, mais encore des dimères apparentés. Ces derniers étaient totalement inconnus jusqu'ici ; leur mise en évidence et l'élucidation de leurs structures chimiques comptent parmi les plus beaux résultats de Madame Gluchoff-Fiasson.
Hugues Eyi Ndong, Jérôme Degreef et André De Kesel, auteurs de Champignons comestibles des forêts denses d’Afrique centrale. (Taxonomie et identification. ABC Taxa, 2011, vol. 10, p. 253-671) décrivent un Gymnopile comestible pour plusieurs ethnies :
Gymnopilus zenkeri (Henn.) Singer - Lilloa 22 : 561 (1951).
Synonyme : Flammula zenkeri Henn., Engl. Bot. Jahrb. 23 : 553 (1897) [ = Pholiota Kumm.]. Réféence illutée: Pegler (1977), A preliminary agaric flora of East Africa : 495, fig. 110/3.

Macroscopie – Chapeau 2-8 cm diam., épais, convexe à aplati, hygrophane ; marge droite, subtilement striée ; revêtement glabrescent, rouille à ocracé orange vif, couvert de squamules fibrilleuses dressées et abondantes au centre mais apprimées et éparses à la marge, brun foncé à rougeâtres. Pied 2-10.5 × 0.3-1.2 cm, plein, farci, fibreux, sans anneau, revêtement pâle ocracé, couvert de squamules brun orange. Lamelles adnées à subdécurrentes, épaisses, espacées (L+ l : 12/cm), brun orangé à rouille ; arête concolore, pruineuse. Chair ferme dans le chapeau, fibreuse dans le pied, jaune, plus brune avec l’âge. Odeur forte. Goût amer. Sporée rouille.
Microscopie – Basides claviformes, (3-)4-spores, 25-28 × 6-7 μm. Spores rouille à couleur de miel, verruqueuses, subglobuleuses à courtement ellipsoïdes, (6.0-)6.0- 7.1-8.1(-8.5) × (4.1-)4.3-5.0-5.7(-5.7) μm, Q = (1.22-)1.20-1.41-1.62(-1.71). Anses d’anastomose présentes.
Ecologie – Saprotrophe, sur bois mort ou souche de palmier, de cocotier ; forêt dense humide, plantation.
Distribution géographique connue – Cameroun (Pegler, 1977), Gabon (Eyi Ndong, 2009), Malawi (Morris, 1990), Ouganda (Pegler, 1977), Tanzanie (Pegler, 1977), Zanzibar (Pegler, 1977).
Notes – Bien qu’elle présente tous les autres caractères diagnostiques d’un Gymnopilus (espèces lignicoles à revêtement du chapeau squamuleux, à lamelles adnées à subdécurrentes, à goût amer et à spores verruqueuses de couleur rouille), cette espèce constitue un des rares taxons de ce genre dépourvu d’anneau et de cortine sur le pied.
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Comme le rappelle Nicolas Zmuda dans sa thèse intitulée Contribution à l’inventaire mycologique de la forêt domaniale de Bois l’Évêque (59). Biodiversité, analyse patrimoniale et valeur fonctionnelle. (Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille, 2014) certains Gymnopiles peuvent causer les symptômes du syndrôme psilocybien :
Syndrome psilocybien (ou syndrome psychodysleptique)
Délai d’apparition : Généralement 30 minutes à 1 heure après ingestion puis les symptômes durent 3 à 6h.
Molécules responsables et symptômes associés : La psilocine et la psilocybine sont responsables de ce syndrome. Dans la demi-heure qui suit l’ingestion, il apparaît des sensations vertigineuses, des nausées et vomissements, une tachycardie avec parfois une hypotension, un flush, une mydriase, une prostration suivie d’une anxiété avec agitation. Dans la deuxième partie de l’heure qui suit l’ingestion surviennent des hallucinations visuelles et auditives pouvant être récurrentes secondairement, avec délocalisation dans le temps et dans l’espace, avec altérations de la conscience et de l’affectivité, euphorie et dépression (accompagnée du risque suicidaire). Deux heures après l’ingestion, les effets commencent à s’atténuer pour diminuer après une phase de sommeil profond.
Traitement : Hospitalisation. Surveillance constante pour éviter un geste suicidaire.
Espèces responsables : Le genre Psilocybe (avec notamment P. semilanceata, P. cyanescens, P. liniformans, P. turficola, et P. cubensis utilisés par les toxicomanes), le genre Inocybe, Gymnopilus purpuratus, Pluteus salicinus, Pluteus nigroviridis, Panaeolus cinctulus.
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Vertus médicinales :
G.C. Yian, B.M.S. Pitta et M.S. Tiébré, auteurs de "Champignons Sauvages Comestibles Et Pharmacopée Traditionnelle En Zone Forestière De La Côte D’Ivoire" (IOSR Journal Of Pharmacy And Biological Sciences, Volume 15, Issue 2 Ser. II (Mars-Avril 2020), pp. 35-45) présentent un gymnopile particulier :
Gymnopilus zenkeri (Cooke & Masse) Pegler (Strophariaceae)
Le chapeau est subglobuleux à globuleux, plan-convexe et parfois déprimé. Il devient hygrophane lorsqu’il est exposé à l’ensoleillement, le revêtement est sec, squamuleux, la chair devient foncée à la coupe. La marge est infléchie puis droite à la maturité. Les lamelles sont plus ou moins serrées, subdécurrentes à décurrentes par une dent et arquées. Elles présentent une couleur jaunâtre. Le pied avec une mensuration de 5,8 – 6,7 × 0,4 – 0,8 cm, est central, cylindrique, creux, fibreux, squameux, soyeux, strié et jaune brun. L’anneau est présent, membraneux et fugace.
Usage thérapeutique : les personnes interviewées ont mentionné que Gymnopilus zenkeri est utilisée pour traiter l’ulcère gastrique. Le mode de traitement consiste à préparer les carpophores en sauce puis les consommer.
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Usages traditionnels :
Aristoteles Góes-Neto et Fabio Pedro Bandeira, auteurs de "A review of the ethnomycology of indigenous people in brazil and its relevance to ethnomycologycal investigation in latín america." (J Ethnobiol. septembre 2010 n°30 (2) : pp. 252–64) citent deux espèces de gymnopile comestibles :
Taxon scientifique | Ethnotaxon | Usage | Ethnie |
Gymnopilus earlei Murr. | Alamok | Comestible | Yanomami |
Gymnopilus hispidellus Murr. | Pidapidalhamo | Comestible | Yanomami |
Aymon de Lestrange, auteur d'un article intitulé "De l'usage de quelques plantes hallucinogènes chez les voyageurs, les écrivains, les artistes et les médecins" (version remaniée parue dans : « Addictions : drogue, création, conscience augmentée » , n° spécial de la revue Inter : art actuel (Québec), n°123, mai 2016, p. 43-47) mentionne un Gymnopile hallucinogène :
En Chine et au Japon est attesté l’usage très ancien de “champignons qui font rire” dénommés xiaojun en Chine et waraitake au Japon. La plus ancienne mention en Chine date du IIIème siècle de notre ère, elle est due à l’écrivain chinois Zhang Hua dans son recueil de contes Bowuzhi (Recueil de divers sujets). Au Japon, on les trouve mentionnés au XIème siècle dans un recueil de contes le Konjaku Monogatarishū (Recueil de contes du passé). Selon les botanistes il s’agirait de variétés de champignons hallucinogènes de type Gymnopilus junonius (ou Spectabilis) ou Panaeolus papilionaceus (ou campanulatus).
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Symbolisme :
Selon Joseph Koni Muluwa, Hugues Calixte Eyi Ndong, Jérôme Degreef, et al. auteurs d'un article intitulé "Champignons consommés par les Pygmées du Gabon : analyse linguistique des myconymes baka et kóya". (In : Africana Linguistica, 2013, vol. 19, pp. 109-135) :
ŋambilimbili réunit cinq espèces appartenant à trois genres différents (Cantharellus floridulus, C. miniatescens, C. subincarnatus, Auricularia cornea, Gymnopilus zenkeri) qui n’ont en commun que la couleur rouge et l’aspect luisant de leur revêtement piléique.
[...]
ŋambilimbili (CL. ?) (Auricularia cornea Ehrenb., Gymnopilus zenkeri (Henn.) Singer, Cantharellus subincarnatus Eyssart. & Buyck, C. floridulus Heinem., C. miniatescens Heinem.)
♠ ‘Brillant au loin’ ou ‘brillant de loin’, généralement ‘de couleur rouge ou orangée’. Par métaphore, c’est à la couleur du chapeau que les Bakóya font référence. Le redoublement relève du symbolisme phonique.
● ámbili/bímbili (cl. 7/8) signifie ‘braise’ (Medjo Mvé 2011), en référence à la couleur rouge, commune à toutes ces espèces (Eyi Ndong et al. 2011). La particule ŋa au début du thème mbili est très souvent employée en kóya pour la formation des adjectifs, presque systématiquement suivi d’un redoublement thématique (Medjo Mvé 2011). Nous avons donc probablement affaire ici à une forme adjectivale.
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