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  • Photo du rédacteurAnne

Le Groseillier à maquereau




Étymologie :


Selon Wikipédia : Le terme « maquereau » est d'étymologie incertaine mais, selon l'hypothèse traditionnelle, un terme de vieux français makerel venant du latin macula et peut être de radiata, désignerait un motif en taches disposées en bandes1. Ce terme tiendrait aussi au fait que les maquereaux (poissons) étaient traditionnellement cuisinés accompagnés de ces fruits en sauce2; cette pratique est attestée dès le XVIIIe siècle.


Autres noms : Ribes uva-crispa ; Agrasson ; Agresson ; Ballon ; Blette ; Claque-poux ; Croque-poux ; Croupoux ; Gade ; Gadelle ; Garde ; Grade ; Gradelle ; Gradille ; Gratte-poux ; Groseille verte ; Pétasse ; Péteuse.

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Botanique :


Jean-Marie Pelt, dans son ouvrage intitulé simplement Des fruits (Librairie Arthème Fayard, 1994), brosse le portrait de la Groseille à maquereau :


« Recouverte d'un épiderme résistant d'un blanc verdâtre ou d'un rouge violacé, comme on en voit sur le visage des personnes atteintes d'engelures, hérissée de poils raides et courts ainsi qu'un rustaud qui a les doigts trop gourds pour se raser correctement, la groseille à maquereau donne bien l'impression d'un fruit habitué à braver les brumes et les frimas. » C'est en ces termes que Henri Leclerc décrit la groseille à maquereau. De fait, celle-ci est bien originaire, comme ses cousines les autres groseilles, de l'Europe du Nord et de la Sibérie. Son nom lui vient de ce que ses baies vertes et trapues servaient à relever la sauce qui accompagnait les maquereaux. Surmontées, à l'opposée du pédoncule, des restes fanés de la fleur, comme c'est le cas chez toutes les groseilles, ces baies croissent sur un arbuste très épineux et se singularisent par le fait qu'elles ne poussent pas en grappes, mais individuellement.

La groseille à maquereau connut en Grande-Bretagne un engouement extraordinaire au début du XIXe siècle, ses variétés se multipliant à l'infini. Pas encore mûre, elle présente une acidité extrêmement marquée, ce qui fait les délices des enfants qui la croquent avec ravissement ! Mûre, débarrassée des ornements brunâtres que forment les vestiges de sa fleur, et ainsi blessée, elle peut se gober comme un petit œuf, son suc étant des plus fluides. Pour la cuisine, notamment pour la confection des tartes, il confient d'utiliser des fruits qui ne sont pas encore parvenus à maturité.

Cette grosse groseille est un fruit très rafraîchissant, riche en vitamine C ; il épure l'organisme grâce à ses vertus diurétiques, dépuratives, laxatives et décongestionnantes du foie.

Curieusement, les groseilles à maquereau sont tantôt blanches, tantôt vertes, tantôt rougeâtres, tantôt jaunâtres. Ces dernières sont les plus douces mais, pour en connaître la couleur, il faut les observe à parfaite maturité, car elles changent - ou ne changent pas - de couleur en mûrissant. En fait, bien que classées parmi les fruits rouges, à l'instar des autres groseilles, elles ne rougissent jamais.

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Usages traditionnels :


Jean-Luc Dupouey et Etienne Dambrine dans un article intitulé « La mémoire des forêts » (in Rendez-vous Techniques de l’ONF, Office national des forêts, 2006, pp. 45-50) nous apprend que le groseillier à maquereau est une espèce liée aux usages anciens du sol et était très fréquent sur les murs gallo-romains.




Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :




Littérature :

Le Groseillier épineux
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Anton Tchékov, "Le Groseillier épineux" in L'Homme à l'étui, (1883–1902 Paris, Plon, 1929, traduction de Denis Roche).


 

Anna Lushenkova-Foscolo montre dans un article intitulé « La traduction, art et exercice » (in Enseigner et apprendre une langue slave, Centre de civilisation polonaise, Université Paris-Sorbonne, 2017) combien le choix de la traduction du titre de la nouvelle de Tchékov n'est pas anodin :


[...] Or, « la groseille » fait référence à смородина qui pour un lecteur russe ne coïncide pas avec крыжовник, choisi par Tchekhov pour figurer dans le titre de sa nouvelle. Ce choix, est-il porteur d’un sens particulier ? De quoi s’agit-il ? Quelle importance ce désignateur culturel relève-t-il et quelle est sa portée symbolique dans le texte ?

Avant de réfléchir au choix de procédé adapté pour sa traduction, faut-il d’abord saisir la portée consubstantielle de ce symbole, à la marge entre la culture source et la poétique originale de l’auteur? Le stade de commentaire littéraire, préliminaire à la traduction en tant que telle, permet de saisir cette portée. Dans l’ouvrage, ces arbustes et leurs baies sont le symbole d’un bonheur philistin dont la poursuite aveugle subjugue tous les aspects de la vie du personnage de Nikolaï Ivanovitch. Pendant de longues années, il consacre le plus gros de son temps libre à éplucher des annonces de vente des propriétés, et à élaborer le plan de son futur domaine où la plantation de ces arbustes occupe une place centrale. Nikolaï Ivanovitch se focalise sur ce rêve ; il instrumentalise son entourage afin de le réaliser. Il épouse ainsi une veuve fortunée et, à force de faire des économies, il lui inflige des privations telles qu’elle en décède. Lorsque l’acquisition tant fantasmée finit par se réaliser, la propriété acquise se trouve dans un endroit qui n’a pourtant rien de paradisiaque, coincé entre une briqueterie et une usine où l’on brûle des carcasses d’animaux.

La manière dont les aspirations de toute une vie se fixent sur cette plantation est narrée à travers le point de vue interne d’un autre personnage, celui du frère de Nikolaï Ivanovitch. L’auteur garde immanquablement la distance avec ses digressions au pathos moralisateur, ne donnant jamais pour juste la « vérité » d’aucun des personnages. Cela constitue le trait caractéristique de la prose courte qui date de la maturité artistique de Tchekhov. La scène consacrée au couronnement du rêve – la dégustation de la première récolte des baies – vire au grotesque, entre l’extase de Nikolaï Ivanovitch face aux baies, pourtant dures et acides, et le regard critique et dépréciateur de son frère.

L’aspiration à un bonheur philistin, à la fois illusoire et aveugle, constitue un thème important dans l’œuvre de Tchekhov. Il est au centre de la trilogie dont fait partie «Крыжовник», et dont les deux autres récits sont «Человек в футляре » (« L’homme à l’étui ») et « О любви » (« De l’amour »). L’acquisition de la plantation en devient le symbole dans «Крыжовник ».

Le terme крыжовник possède en réalité deux équivalents en français : « le groseillier épineux » et, plus populaire, « le groseillier à maquereau ». Il s’agit d’un arbuste fruitier, moins répandu que le groseillier à grappes et le cassis. Il fut davantage populaire jusqu’au milieu du XXe siècle, puis se raréfia de plus en plus. Il n’est pas superflu de visualiser des images en cours, car certains étudiants ne connaissent pas ces termes. Le commentaire de l’ordre culturel s’impose pour expliquer que cet arbuste est toujours aussi populaire dans les pays de l’Europe de l’Est. En Russie, il occupe une place de choix dans la culture des datchas, maisons de vacances loties de vergers et potagers. C’est donc une occasion de discuter des phénomènes sociaux qui vont au-delà des particularités botaniques.

[...]

Dans la nouvelle, les fruits acides issus de cet arbuste illustrent également la petitesse des aspirations du personnage principal et la nature illusoire du bonheur humain.

[...]

Le rêve de la plantation des groseilliers épineux incarne dans le récit une façon de se couper de la réalité, un «étui» dans lequel s’enferme le personnage principal, et auquel il soumet son existence et celle de ses proches. La nouvelle fait partie de trilogie qui s’ouvre par la nouvelle « L’homme à l’étui », et qui met en scène « le dépérissement de tous les êtres en étui ».

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Arts visuels :


Eugénie Reznik. dans un Atlas brodé des plantes déracinées. (CIST2020 - Population, temps, territoires, Centre National de la Recherche Scientifique [CNRS], Ined, Université Paris 1, Nov 2020) présente un travail à la croisée de la création artistique avec les recherches sociologiques, documentaires et botaniques :


La pièce Récits-tentures est constituée d’une série de broderies sur de grands tissus de lin noir. Les motifs brodés ont été composés à partir des récits des personnes sur les plantes qu’elles ont transportées. L’une d’elles représente l’histoire d’un groseillier à maquereaux qu’une personne a tenté de transporter de son pays et de transplanter par bouturage. Mais la bouture ne s’est pas acclimatée. La particularité de ces broderies est qu’elles sont réalisées des deux côtés du tissu. D’un côté, on voit les fruits mûrs tels que remémorés dans le récit passionné de la personne. De l’autre côté est brodée la plante transplantée. Ses branches sont mortes. La broderie est mise en espace de façon à pouvoir en faire le tour. Sur chaque côté du tissu, on voit des points de croix à l’endroit et à l’envers. Le tissu n’a plus de face, n’a plus d’envers. La broderie permet d’exprimer l’idée que cette plante prend racine de l’autre côté de l’étoffe. Le tissu de lin se transforme en lieu. Plus encore, il se transforme en double lieu, lieu d’origine et lieu d’accueil en même temps, où seuls les fils, telles les racines, peuvent sans cesse passer de l’un à l’autre.

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