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Le Champignon des termites





Zoologie :


Edmond Dounias, dans un article intitulé « Des moissons éphémères. L’art de collecter et de consommer les termites sous les tropiques. » ( In : Savoureux insectes : d’aliment traditionnel à l’innovation gastronomique. Tours : Presses Universitaires de Rennes, 2016, pp. 273-339) explique le fonctionnement de la symbiose entre champignons et termites :


Champignons de termitières : Nous ne saurions clore cet article sans évoquer la production champignonniste assurée par une sous-famille de termites supérieurs: celle des Macrotermininae. Les termites de cette sous-famille ont évolué en perdant le symbionte flagellé encore présent dans l'intestin des termites inférieurs pour assurer la dégradation de la cellulose. Depuis seulement quelque sept millions d'années, ils ont établi une relation symbiotique avec des champignons, les Termitomyces, qui ont pris le relais sur une partie de cette dégradation cellulosique. Les termites inoculent le champignon dans des mycojardins situés à l'intérieur du nid; ce sont des sortes de meules de culture confectionnées à base d'un mélange de matériel fécal, de débris végétaux, de pulpe de bois et de salive• Après une pré-digestion de la cellulose par le champignon, la digestion est alors parachevée par des bactéries accueillies dans l'intestin postérieur des termites. Les termites se nourrissent directement des meules, sources de vitamines, d'acides aminés et de glucides variés ainsi que des champignons qui leur assurent une alimentation riche en protéines et ses minéraux.

En plus de leur rôle nutritif, les champignons de termitières contribuent à la régulation de la température et de l'humidité du nid, notamment par l'émission de chaleur lors de la pré-dégradation des réserves alimentaires• Enfin, l'élevage des champignons accroît l'efficacité des termites dans leur fonction de détritivores: en forêt de Malaisie, Takuya Abe a notamment estimé que les Macrotermes transfèrent dans leur nid 22 % de la litière feuillue journalière.

Le genre Termitomyces comprend une trentaine d'espèces, toutes comestibles par l'homme. Hormis l'espèce de petite taille T. microcarpus que l'on trouve en Afrique occidentale et australe, ce sont des champignons de grande taille. [...]

Une conséquence fonctionnelle importante de l'élevage de champignons est que la nourriture qui va être pré-digérée par ce symbionte doit nécessairement être stockée dans la termitière. Selon Corinne Rouland et Michel Lepage, les nids des Macrotermitinae peuvent renfermer jusqu'à 144 kg/ml de réserves stockées sous forme de meules à champignons. Cette nécessité de stocker justifie le peuplement record des nids de Macrotermes et la vigilance accrue des soldats pour en protéger l'accès. Pareille abondance est un argument supplémentaire pour expliquer la préférence marquée des hominoïdes africains (chimpanzés et humains) pour les nids de Macrotermes. L'appétit des peuples africains pour les termites ne serait pas ce qu'il est sans cette relation symbiotique établie entre les termites et leurs champignons.

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Dictons et proverbes :


Selon François Malaisse, Jules Aloni Komanda, N’Landu Dikumbwa, Émile Kisimba Kibuye, et al. auteurs de « Termites et termitières en Afrique : Des proverbes, contes, devinettes, chansons, insultes, calendriers,... à l’ethnotaxonomie. » (In : Geo-Eco-Trop, 2021, vol. 45, no 1, pp. 81-93) :


Un proverbe Baoulé (Côte-d’Ivoire) a retenu notre attention, à savoir :

« C’est quand la termitière est joyeuse, qu’elle fait pousser des champignons ».

Les deux photographies reprises à la page suivante illustrent parfaitement ce proverbe.


Un autre proverbe fait appel aux champignons des termitières. Il est énoncé en langue kibemba et fut récolté par notre fidèle collaborateur Émile KISIMBA KIBUYE, à cette époque laborantin au Laboratoire de Botanique et d’Ecologie de l’Université de Lubumbahi. Il est énoncé « Ubowa bukalamba katoto bwa menema pa ichulu balabumona ». Sa traduction littérale est « Champignon/grand/ Termitomyces letestui// pousser sur/ haute termitière/visible ».

Sa traduction littéraire est « Les grands champignons Termitomyces letestui qui poussent sur les hautes tetmitières sont visibles de tous ».

Ce proverbe est énoncé pour confirmer que « Ce qu’un chef, un homme d’honneur, fait, est visible de tous, est vu de tous ».

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Usages traditionnels :


Edmond Dounias, dans un article intitulé « Des moissons éphémères. L’art de collecter et de consommer les termites sous les tropiques. » ( In : Savoureux insectes : d’aliment traditionnel à l’innovation gastronomique. Tours : Presses Universitaires de Rennes, 2016, pp. 273-339) rapporte certains usages alimentaires :


Les Termitomyces sont également une ressource alimentaire convoitée par les populations humaines. Comme les essaimages d'imagos, ils émergent ponctuellement de la surface du nid à des dates très précises, connues des populations locales. Toutefois, à la différence des ailés, les champignons sont d'une constante régularité car moins astreints aux aléas climatiques. Les noms locaux donnés aux champignons correspondent généralement à ceux des termites qui les cultivent. L'éclosion des champignons est attentivement surveillée, même par les populations qui ne consomment pas forcément les termites. Les Tikar disent que, tout comme pour un essaimage d'imagos, l'émergence des champignons est préparée et contrôlée par les termites ouvriers et soldats; dès qu'ils constatent les craquèlements superficiels du nid annonciateurs d'une proche éclosion, les Tikar du Cameroun s'empressent de les recouvrir de larges feuilles sèches d'Anthocleista vogelii ou de Myrianthus arboreus pour les dissimuler à la vue des animaux mycophages.

Les Termitomyces sont considérés comme un mets délicat justifiant leur prix élevé sur les marchés. Ils peuvent être séchés et consommés à contre-saison. En Tanzanie, on les déguste avec délectation et le moment où on peut les manger est toujours attendu avec grande impatience. Les Ougandais les affectionnent en accompagnement frais du matooke - banane à cuire qui constitue la base amylacée de tout repas - ou séchés puis réhydratés dans une soupe. Souvent servis avec ostentation lors des repas de noces, ils témoignent des vœux attentionnés de fertilité exprimés aux jeunes mariés. Au Cameroun, de la poudre de Termitomyes titanicus est commercialisée comme adjuvant à la farine de gâteaux, dont la consommation est recommandée aux enfants malnutris.

En référence à la longévité de leur production, le mycélium de Macrotermes sert en Zambie à la préparation d'un médicament censé assurer une longue vie. Afolabi B. Oso consacre tout un article au rôle central joué par ces champignons dans la mythologie des Yoruba du Nigeria, justifiant la réputation de ces derniers à préparer toutes sortes de charmes à base de Termitomyces.

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Amako Pauline N'Douba, Djako Sosthène Thierry Akre, Kouhonon Marie-Flavie Banza et al., dans un article intitulé "Status of therapeutic macromycetes in traditional medicine in Daloa (Centre-West, Côte d’Ivoire)." (GSC Biological and Pharmaceutical Sciences, 2022, vol. 21, no 1, pp. 60-66) présentent les usages thérapeutiques dun Termitomyces :

Espèce de Macromycètes

Nom vernaculaire (Baoulé)

Maladies traitées

Comment l'utiliser

Termitomyces le-testui

N’glo

Problèmes nerveux -

Hypertension artérielle

Faire bouillir et boire la décoction.

 

Les Termitomyces sont généralement très appréciés et recherchés par les populations locales (Rammeloo & Walleyn, 1993). Les espèces sont comestibles, mais certaines contiendraient des toxines thermolabiles (Adewusi et al., 1993). La consommation crue est donc déconseillée (Walleyn & Rammeloo, 1994). Dans plusieurs régions, l’impact socio-économique des Termitomyces sur le revenu des familles locales est important (Boa, 2004; Koné et al., 2013). La valeur nutritionnelle des Termitomyces figure parmi les plus élevées des champignons comestibles sauvages (Parent & Thoen, 1977 ; Degreef et al., 1997 ; Malaisse, 1997 ; Boa, 2004).

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