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La Paille




Étymologie :

Étymol. et Hist. I. A. 1. 1121-34 «balle de diverses céréales» la paille del furment (Philippe de Thaon, Bestiaire, 982 ds T.-L.) ; 1176-81 allus. à sa légèreté (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 4519 : Ausi con se ce fussent pailles Fet del hauberc voler les mailles) : 1184 fig. (Hélinant, Vers de la mort, éd. Fr. Wulff et E. Walberg, XXXIII, 8 : Morz desoivre... Paille de grain, bren de farine) ; cf. ca 1195 (Ambroise, Guerre sainte, 6350 ds T.-L., s.v. grain) ; 2. 1176-81 [ms. xiiie s.] «fragment d'une tige de céréale séchée» (Chrétien de Troyes, op. cit., éd. W. Foerster, 2849) ; a) loc. fin xive s. traire a le plus longe paille [v. éd. t. 8, 1, p. XII] (Froissart, Chron., éd. S. Luce, I, § 674, 23 [1371], t. 8, 2, p. 14) ; 1583-90 lever la paille p.allus. à l'ambre qui attire la paille «avoir la supériorité» (Brantôme, Grands capitaines ds Œuvres, éd. L. Lalanne, t. 2, p. 333) ; 1595 rompre paille cf. lat. médiév. exfestucare, Nierm. «rompre, se brouiller» (Montaigne, Essais, III, 8 ds Œuvres, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 925) ; 1695 lang. biblique paille opposé à poutre (Le Maistre de Sacy, Bible, Matth. VII, 5, éd. Paris, G. Desprez, 1722, t. 3, p. 8b) ; b) 1881 «fragment de paille creux servant à boire» (E. de Goncourt, Maison d'un artiste, t. 2, p. 278 ds Quem. DDL t. 16) ; 3. 1176-81 «tige de céréale dépouillée de son grain» (Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 513 : Li liz ne fu mie de glui, Ne paille ne de viez nates) ; 1276-77 la couche de paille symbole de pauvreté (Rutebeuf, La povreté Rutebeuf, 35 ds Œuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 572) ; 1690 il couche sur la paille (Fur.) ; 1364 «tige de céréale destinée à être tressée» (Compt. mun. de Tours, p. 343, Delaville ds Gdf. Compl., s.v. pailler 2 : pailles achetees pour nater) ; 1690 spéc. «id. pour confectionner des chapeaux, des broderies» (Fur.). B. Exprime une valeur minime 1180-90 (Alexandre de Paris, Alexandre, branche II, 2364, in Elliott Monographs n°37, p. 126 : Ne li valent ses armes une paille d'anone) ; 1593 de paille «de nulle valeur» (Charron, Trois Veritez, III, 4 ds Hug.) ; 1598 homme de paille (Resp. à la lett. d'un gentilh. savois., p.12 ds Gdf. Compl.). C. 1607 adj. inv. jaune paille (Arch. départ. Meurthe-et-Moselle, B 1301, mém. 4 avr. ds H. Roy, La vie, la mode... au XVIIes., ét. sur la Cour de Lorraine, 1924, pl. X) cf. aussi jaune paillé (1610), s.v. paillé 1 ; 1781 de couleur paille (Annonces et affiches du 9 avr. ds Havard t. 4, p. 15b). II. 1. 1306 «défaut, impureté dans un ouvrage de métal» (Guillaume Guiart, Royaux lignages, éd. N. de Wailly et L. Delisle, 20517) ; 1680 «id. dans une pierre précieuse» (Rich.) ; 2. a) fin xive s. «paillette d'or, d'argent ornant un costume» (Jean Cuvelier, Du Guesclin, éd. E. Charrière, 4841) ; b) 1546 «parcelle de métal détachée du fer que l'on forge à chaud» (Est. d'apr. FEW  t. 7, p. 492 a) ; 3. 1687 mar. paille des bittes «longue cheville de fer mise à la tête des bittes pour tenir le câble sujet» (Desroches, Dict. des termes de mar., p. 388). Du lat. palea «balle de céréale» et «menue paille», puis, p. ext., «tige entière de céréale dépouillée de son grain» et p. anal. «paillette ou limaille de métal» (palea aeris).


Lire également la définition du nom paille afin d'amorcer la réflexion symbolique.

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Expressions populaires :


Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expression populaires bien connues :


Un homme de paille : La paille, opposée au grain, et même au foin, a toujours été le symbole du déchet, du rebut, des choses de peu de valeur. Déjà vu au XIIe siècle un texte fustigeant les couards dit :


Ils s'enfuiront, sur qui que la perte aille ;

[Ils] n'auront de gens vaillant une paille.


Un homme de paille a d'abord été pendant longtemps à la fois un pauvre et un pauvre type. « … Afin que vous ne pensiez point que je sois un homme de paille, sachez que j'ai fait acquisition en ma patrie, d'une maison qui vaut dix mille écus », dit un personnage de Sorel (XVIIe siècle).

Il a été aussi un mannequin, appelé aussi parfois « homme de foin » ; ainsi Rabelais parle d'une bataille de foin, c'est-à-dire entre mannequins : « Voyant frère Jan ces furieuses Andouilles ainsi marcher dehoyt, dis à Pantagruel : Ce sera icy une belle bataille de foin, à ce que je voy. » Autrefois les jeunes filles dont l'amoureux ne donnait aucune suite à ses engagements fabriquaient, paraît-il, un mannequin de paille et le brûlaient devant leur porte le jour de la Saint-Valentin !

Cependant, depuis des temps immémoriaux, la paille a joué un rôle symbolique important dans les relations humaines - je dirai un rôle juridique. Pour un transfert, une donation, une vente, un partage, les anciens Germains et les hommes du Moyen Âge offraient et recevaient un fétu en signe d'accord, reprenant par là une vieille tradition romaine. L'expression rompre la paille signifiait autrefois « annuler un accord, radier une convention ».

Il est probable qu'il s'est produit un croisement entre l'idée du pantin et la coutume des transactions liée à la paille pour donner l'homme de paille, le prête-nom, le fantoche un peu méprisable, mis en avant pour la galerie et les documents officiels par un puisant anonyme qui détient le pouvoir et les capitaux. L'image est d'autant plus facile que l'on pense  la fois à la souplesse d'un mannequin et à l'inconsistance du faible que l'on peut briser « comme un fétu ».

L'anglais dit dans le même sens et par une évolution identique ; a man of straw. Le développement international de cette langue risque donc d'assurer une belle et durable carrière à l'expression, au moment où le domaine des opérations financières de grande envergure devient le royaume des prête-noms.

Tout évolue. Les hommes de paille, aujourd'hui, font beaucoup de blé !

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


En Normandie, pour empêcher le diable de pénétrer dans un appartement, on se bornait à poser en croix deux fétus de paille à la porte.

[...] Dans la Gironde une poignée de foin prise en secret à une charrette qui passe, et dont on a fait brûler )a moitié en récitant trois Pater et trois Ave est un porte-bonheur.

[...] Dans les Landes, pour connaître ta secrète pensée d'une personne, on lui passe délicatement, à trois reprises,, une paille sur les lèvres.

[...] Dans le Doubs l'opérateur pour guérir les dartres coupe à la partie inférieure de trois tiges de blé, et sur un nœud, trois bouts de paille de la grandeur d'une allumette avec chacun d'eux, il fait le tour de la partie malade en appuyant légèrement sur la peau, termine par un signe de croix sur le mal et jette derrière lui la paille par dessus son épaule droite.

[...] An XVIe siècle, pour arrêter tout « flus de sang il falloit mettre une palhe an crois sur le doz de celuy qui saigne, estant vestu et qu'il n'an sache rien, ou le faire saigner sur une palhe en crois. » Dans le Vivarais on saigne du nez sur des fétus de paille en croix.

[...] Au XVIIIe siècle, on jetait la paille au vent lorsqu'on était incertain de sa route et on se réglait sur le mouvement que le vent donnait à la paille, pour savoir, de quel côté il fallait se tourner.

[...] Les objets en croix sont regardés comme de mauvais présage ; en Franche-Comté, il est pour celui qui voit en sortant de la maison deux fétus de paille ou de petits morceaux de bois que le hasard a placés en croix ; en Lorraine, le malade dans la chambre duquel ils se trouvent ne tardera pas a mourir. Dans le Mentonnais et dans le pays de Liège, des fétus de paille croisés sur une route pronostiquent la mort ; à Liège, la rencontre d'une croix de paille, le malheur.

[...] Dans la Lozère, quand un mari se laissait battre par sa femme, un dimanche matin, les voisins jonchaient de paille hachée le sol depuis la maison du délinquant jusqu'à l'église du lieu.

[...] Le rôle des plantes est assez important dans les usages funéraires. En plusieurs parties de la Somme et du Pas-de-Calais, une petite croix formée de deux poignées de paille nouées ensemble, et sur laquelle on pose une pierre, ou trois petites poignées de paille formant croix sont placées près de l'entrée de la cour ou sous la fenêtre de la maison où il y a un décès. Dans quelques pays, la croix est plus ou moins grande suivant l'âge de la personne décédée ; ailleurs elle est en rapport avec la classe du service de l'inhumation.

[...] Des plantes disposées d'une certaine façon ont pour but d'indiquer une défense. En Hainaut, le propriétaire d'une récolte sur pied met un bâton garni de paille au milieu pour en interdire l'accès aux chasseurs ; pendant les manœuvres, des bouchons de paille attachés à des poteaux bien en vue indiquent qu'il n'autorise pas les soldats à fouler son champ.

La paille a constitué autrefois un emblème de défaveur qui était usité au religieux et au civil : A l'église Sainte Marine en la Cité on amenait l'homme et la femme qui avaient forfait à leur honneur, et ils étaient épousés par le curé avec un anneau de paille. Autrefois en Basse-Bretagne, les banqueroutiers étaient promenés dans leur paroisse avec une ceinture de paille autour des reins

Cette plante sert aussi à interroger le sort ; dans un livre du XIVe siècle trois dames qui se disputent un cavalier disent : Nous en jouerons au court festu à laquelle il demourra, On tirait à la courte-paille quand on mettait la décision de quelque chose au hasard. On trouve une curieuse application juridique de cet usage au XVIIe siècle : dans un jugement rendu au siège... le 24 septembre 1644, le juge dit que : la preuve des faits estant impossible, nous avons d'office pris deux courtes pailles ou bûchettes entre nos mains, enjoint aux parties de tirer l'une d'icelles, avec déclaration que celle des parties qui tirera la plus grande des bûchettes gagneroît sa cause. Cet usage appliqué à des choses de moindre importance subsite toujours.

Au XVIIe siècle, quand deux personnes s'étaient brouillées, on disait qu'elles avaient rompu la paille :


Pour couper tout chemin à nous rapatrier

II faut rompre la paille. Une paille rompue

Rend entre gens d'honneur une affaire conclue.


En plusieurs pays, les enfants avant d'en venir aux mains, placent sur leur épaule un fétu de paille et défient leur adversaire d'y toucher.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de la paille :

Automne - Novembre.

UNE PAILLE ENTIÈRE - UNION.

UNE PAILLE BRISÉE - RUPTURE.

L'usage de briser une paille, pour exprimer que tous les serments sont rompus, remonte aux premiers temps de la monarchie ; on peut même dire qu'il a une origine presque royale. Les vieux chroniqueurs racontent qu'en 922, Charles le Simple, se voyant abandonné des principaux seigneurs de sa cour, eut l'imprudence de convoquer l'assemblée du champ de mai, à Soissons. Il y cherchait des amis, il n'y trouva que des factieux dont sa faiblesse accroissait l'audace. Les uns lui reprochent son indolence, ses prodigalités et sa confiance aveugle dans son ministre Haganon ; les autres s'élèvent contre le déshonneur de ses concessions à Raoul, chef des Normands. Environné de leur foule séditieuse, il prie, il promet, il croit leur échapper par de nouvelles faiblesses, mais en vain. Dès qu'ils le voient sans courage, leur audace n'a plus de bornes : ils osent déclarer qu'il a cessé d'être leur roi. A ces mots, qu'ils prononcent avec toutes les marques de la violence, et qu'ils accompagnent de menaces, ils s'avancent au pied du trône, brisent des pailles qu'ils tiennent dans leurs mains, les jettent brusquement à terre, et se retirent après avoir exprimé, par cette action, qu'ils rompaient avec lui.

Cet exemple est le plus ancien de ce genre qui nous soit parvenu ; mais il prouve que, depuis longtemps, cette manière de rompre un serment devait être en usage, puisque les grands vassaux ne crurent pas nécessaire d'ajouter à leur action une seule parole qui pût servir à l'expliquer : ils étaient donc sûrs d'être entendus, et ils le furent.

Il y a loin de cette scène terrible à la scène si comique du Dépit amoureux de Molière. Cependant l'une est l'origine de l'autre : elles prennent au moins leur source dans le même usage populaire ; il n'y a que la différence du temps. Ce qui servait jadis à détrôner un roi, à bouleverser une nation, ne peut plus servir aujourd'hui qu'à désoler un cœur.

Heureux les amants dont les ruptures se terminent comme les révolutions du bon vieux temps !

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Paille brisée - Rupture.

Autrefois les amoureux brisaient une paille pour montrer que tout était rompu entre eux.

Dans le Dépit amoureux de Molière , Gros-René dit à Marinette en lui présentant une paille :


Pour couper tout chemin à nous rapatrier

Il faut rompre la paille. Une paille rompue

Rend entre gens d'honneur une affaire conclue

Romps, voilà le moyen de ne s'en plus dédire.

Rompons-nous

Ou ne rompons-nous pas ?

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Paille a les caractéristiques suivantes :


En France, la Paille a constitué autrefois, et pendant de longs siècles, un emblème de défaveur et de flétrissure sociale. L'origine de cette tradition est certainement chrétienne : plusieurs auteurs ecclésiastiques parlent en effet de la Paille (le déchet) comme symbole de ce qui est réprouvé, par opposition au Bien, au Juste, symbolisés par le bon grain. De nombreuses locutions populaires, parfaitement laïques, ont conservé ce ton par la suite : homme de Paille = homme sans valeur propre que d'autres utilisent à leur profit ; feu de Paille = empressement qui dure aussi peu que durerait un feu fait avec quelques brins de Paille ; croix de Paille = croix sur laquelle on ne peut Jurer. Être sur la Paille. Mourir sur la Paille. Mettre quelqu'un sur la Paille. Être à l'aise comme un rat en Paille, etc. Cet aspect péjoratif n'existe pas dans les pays protestants. En Angleterre, et par extension aux États-Unis, la Paille a généralement excellente réputation : les bonnes fées aiment venir y nicher et la Paille attire la chance.


Utilisation rituelle : Dans beaucoup de localités du midi de la France, quand un mari se laissait dominer ou battre par sa femme, voici comment étaient traités les protagonistes : « J'arrive dans ce village et le trouve tout en émoi. Curieux d'en connaître la cause, je m'approche et découvre un bien étrange spectacle : la rue principale est Jonchée de Paille hachée ; un homme et une femme, à califourchon sur un âne, dos à dos, avancent piteusement sur toute cette Paille, escortés par une bande de paysans poussant de grands cris. La femme est affublée d'un tricorne d'homme; le bonhomme porte un tablier de femme et tient dans une main une casserole, dans l'autre un balai ; derrière eux marchent en chantant et en criant des gens qui arborent au bout de leurs fourches des bonnets de coton, des Jupons, des nippes de toute sorte. Une grosse commère lance de tous côtés des projectiles. Je veux m'avancer pour voir, pour m'informer, et me voilà assailli à mon tour par les projectiles de la virago ; ce sont des légumes gâtés, des trognons de choux, et même des paquets de fumier qui, se brisant, s'étalant sur moi me mettent des pieds à la tête dans le plus pitoyable état. Je bats promptement en retraite et regagne au plus vite mon auberge où je procède, avec mon domestique, au nettoyage de mes habits.

« L'aubergiste me donne enfin l'explication de la scène de carnaval dont je viens d'être témoin. C'est chez nous une ancienne coutume, me dit-il; quand dans un ménage la femme est le maître, et le benêt de mari n'ose pas lui tenir tête, tout le village leur fait un charivari de Paille ; et il en sera ainsi jusqu'à ce que les femmes cessent de crier trop haut, ou que les hommes aient le courage de les faire taire. Si vous voulez en savoir davantage, ajouta l'aubergiste, adressez-vous à notre curé. Il doit connaître l'origine de cette coutume, car c'est un savant homme.

En Bretagne, on conduisait derrière l'église l'homme et la femme qui avaient eu des relations sexuelles hors du mariage ; et là, en plein air, le curé les mariait avec un anneau de Paille. Dans le Dauphiné, les veuves dont on jugeait la conduite trop joyeuse étaient promenées dans leur paroisse avec une ceinture de Paille autour des reins.

Cette tradition d'humiliation par la Paille est évidemment très ancienne, comme nous le montre cet épisode de la croisade contre les albigeois : Simon de Montfort vint mettre le siège devant Carcassonne où le vicomte de Béziers s'était barricadé avec les quelques troupes qu'il avait réussi à sauver après le désastre de sa ville. Le roi Pierre d'Aragon, suzerain et parent du vicomte assiégé, accourut pour négocier et tenter de lui obtenir un accommodement. Tout ce qu'il obtint des croisés, c'est que le vicomte sortirait par une poterne convenue d'avance, avec ses bagages, mais que tous les autres se rendraient à discrétion. Le vicomte s'y refusa ; toutefois huit jours n'étaient pas écoulés qu'il se constitua lui-même prisonnier et otage, à condition que tous les siens eussent la vie sauve et sortiraient de Carcassonne en chemise et en braie (c'était le costume des valets de l'armée), la taille entourée d'une ceinture de Paille. La convention fut exécutée le jour de l'Assomption, 15 août 1209.


Utilisation magique : Les Anglo-Saxons en bourrent les coussins : la Paille attire de bonnes influences sur la maison. Un talisman populaire consiste en un fer à cheval très usé (il est précisé que le métal doit être brillant et fortement limé par l'usage), entouré de Paille et cousu à l'intérieur d'un sac qu'on suspend au-dessus du lit.

Les femmes d'Europe centrale fabriquaient des poupées magiques avec des brins de Paille. Certaines de ces représentations sont bénéfiques, mais pas toutes.

Une tradition, commune à beaucoup de régions, veut que les fées viennent hiberner dans les greniers pleins de Paille.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


La paille fut longtemps considérée en France comme « un emblème de défaveur et de flétrissure sociale », probablement pour des raisons religieuses, plusieurs textes ecclésiastiques l'ayant opposée au bon grain, symbole du Bien. De nombreuses expressions rappellent sa signification négative, « homme de paille », « feu de paille », « être sur la paille », etc. A l'inverse, les pays protestants n'ont aucun préjugé sur la question ; en Angleterre et aux Etats-Unis, la paille jouit d'une très bonne réputation, elle porte bonheur et « les bonnes fées aiment venir y nicher ».

Attention aux fétus de paille placés en croix par terre : ils annoncent malheur et mort à qui les rencontre. On retrouve d'ailleurs les croix de paille dans des rites funéraires du nord de la France (Somme, Pas-de-Calais), où elles étaient accrochées sur le mur extérieur d'une maison où quelqu'un venait de mourir.

Toutefois, des croix de paille placées volontairement ont valeur d'amulette : à la porte d'une maison ou d'un appartement, elles empêchent le diable d'entrer, à chaque coin d'un lit, elles protègent des cauchemars et des angoisses nocturnes. Placées sur le nez, elles en arrêtent les saignements. L'association paille / sang existait déjà au XVIIe siècle, où pour empêcher le sang de couler, on jetait au sol un fétu en répétant :


Herbe qui de Dieu es créée,

Montre la vertu que Dieu t'a donnée.


La paille possède d'autres vertus magiques. Dans le Doubs, on guérit les dartres en effleurant la partie malade avec trois bouts de paille, de la grandeur d'une allumette, prélevés à la partie inférieure du blé. L'opération s'achève par un signe de croix et en jetant la paille par-dessus l'épaule droite. Les Languedociens frottent les verrues avec un nœud de paille alors que les Irlandais se contentent d'en nouer un brin.

Au XVIIIe siècle, ceux qui s'étaient égarés utilisaient la paille pour retrouver leur chemin, en la lançant en l'air et en se dirigeant dans la direction où elle retombait. Dans les Landes, en passer un brin sur la bouche d'une personne fait connaître ses pensées les plus intimes et dans le Maine, retourner la paille de ses sabots arrêtait net les chiens dans leur course. De plus, placer une paille remplie de vif-argent près de son lit permet d'annuler le maléfice de l'aiguillette.

L'usage, considéré comme païen, très courant dans toute l'Europe moyenâgeuse et encore signalé au siècle dernier, d'entourer les arbres fruitiers de ceintures de paille avait pour objet de les protéger des intempéries et de favoriser leur production de fruits. Cette opération s'effectuait certains jours de fête, celui du Carnaval en Limousin, de la Saint-Jean en Touraine et dans le Loiret, la veille ou la nuit de Noël en Bretagne, Haut-Rhin, Wallonie, Grande-Bretagne et Italie, à la Toussaint en Alsace. En Corrèze, la veille de Noël, on marquait d'une ceinture de paille les arbres improductifs susceptibles d'être abattus. Ceux-ci sensibles à la menace ne manquaient pas de produire l'été suivant de beaux fruits.

Chez les Anglo-Saxons, les coussins bourrés de paille attirent la chance ; on en entoure également un vieux fer cheval très usé ; cette amulette, très populaire, est alors cousus dans un sac et suspendue au-dessus du lit. Les poupées de paille artisanales confectionnées avec les gerbes des dernières moissons et la rencontre d'un homme portant un chapeau de paille portent bonheur comme de se trouver sur la route derrière un véhicule transportant de la paille, dit-on en Angleterre. Le vœu que l'on formulera alors se réalisera, à condition de ne pas dépasser le véhicule car le laisser derrière soi annonce de grands malheurs. En France, on déconseillerait plutôt d'y prendre un brin de paille, qui attirerait un désastre. Pour les Belges, en trouver chez soi présage une visite.

En Russie, la paille était considérée comme quasi sacrée puisqu'elle avait constitué la couche de l'enfant Jésus à sa naissance, d'où la coutume, la veille de Noël, de recouvrir le sol des chambres de paille, dans laquelle se rouleront les jeunes gens « pour pouvoir récolter [des] sacs d'avoine et de pommes de terre aussi grands qu'eux ». Les Russes en glissaient également sous le bétail, notamment les agneaux, et en répandaient dans les jardins, croyant ainsi s'assurer une abondance de fruits et de légumes. Dans les Carpathes notamment, la paille était brûlée le 26 décembre, « en souvenir de ce que la Vierge Marie, fuyant en Egypte, brûla aussi pour en faire disparaître la trace la paille de la crèche où Jésus-Christ avait été couché ». Le feu de paille avait également pour objet de protéger la maison des mauvais esprits. Dans d'autres régions, on remisait soigneusement celle qui avait été répandue dans la chambre, avec interdiction d'y toucher car cette paille-là était la cible favorite des sorciers et du diable.

En Hollande, rêver de paille est signe de mort tandis qu'en Chine, les couronnes de paille sont censées « empêcher le Chien Céleste de venir dévorer les âmes ».

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