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Photo du rédacteurAnne

La Nigelle

Dernière mise à jour : 4 oct.




Étymologie :


  • NIGELLE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1538 (Est., s.v. melanthium). Empr. au b. lat. nigella (nielle 1*).


Lire également la définition du nom nigelle afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Nigella arvensis - Araignée - Boutet - Fleur de Sainte-Catherine - Nielle sauvage - Nigelle des champs - Poivrette commune -

Nigella damascena - Barbe-de-Capucin - Belle-aux-cheveux-dénoués - Cheveux-de-Vénus - Diable-dans-le-buisson - Nigelle des dames -

Nigella sativa - Cumin noir - Maine - Nigelle cultivée - Nigelle romaine - Toute-épice -

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Botanique :


Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque les différents modes de communication chez les animaux et chez les plantes :


Quittons les étamines et progressons dans notre voyage au centre de la fleur. Là se trouve l'organe femelle, une boite gonflée par les futures graines. Au-dessus, un mât plus ou moins long, terminé par un organe récepteur, le stigmate. L'ensemble évoque les antennes de télévision qui ratissent les ondes comme le stigmate ratisse les grains de pollen. Mais qu'arrive-t-il, demandera-t-on, si le stigmate est situé au-dessus des étamines, si bien que le pollen ne peut l'atteindre directement ? La fécondation directe sera-t-elle encore possible ou bien faudra-t-il avoir recours à la fécondation croisée entre deux fleurs différentes par l'intermédiaire d'un insecte ?

Tel est le dilemme que doit résoudre la nigelle de Damas qui répond au doux noms contradictoires de « cheveux-de-Vénus » et de « diable-dans-le-buisson »... Plus explicite est son troisième nom vernaculaire « Belle-aux-cheveux-dénoués ». Avec les « cœur-de-Marie », les « désespoirs-du-peintre », les ancolies et quelques campanules à très grosses fleurs, la nigelle faisait partie des jardins de curé d'autrefois. Les cheveux-de-Vénus ou cheveux-dénoués évoquent les sépales buissonnants que la fleur entretient à grands frais autour de sa belle corolle bleue. Mais laissons la parole à Maeterlinck qui avait un faible pour elle :

« A la naissance de la fleur, les cinq pistils extrêmement longs se tiennent étroitement groupés au centre de la couronne d'azur comme cinq reines vêtues de robe verte, altières, inaccessibles. Autour d'elles se pressent sans espoir la foule innombrable de leurs amants, les étamines, qui n'arrivent pas à la hauteur de leurs genoux. Alors, au sein de ce palais de turquoises et de saphirs, dans le bonheur des jours d'été, commence le drame sans paroles et sans dénouement que l'on puisse prévoir, de l'attente impuissante, inutile, immobile. Les heures s'écoulent, qui sont des années de la fleur. L'éclat de celle-ci se ternit, les pétales se détachent et l'orgueil des grandes reines, sous le poids de la vie, semble enfin s'infléchir. A un moment donné, comme si elles obéissaient au mot d'ordre secret et irrésistible de l'amour qui juge l'épreuve suffisante, d'un mouvement concerté et symétrique comparable aux harmonieuses paraboles d'un quintuple jet d'eau qui retombe dans sa vasque, toutes ensemble se penchent à la renverse et viennent gracieusement cueillir aux lèvres de leurs humbles amants la poudre d'or du baiser nuptial... »

En quelque sorte des noces d'or chez ces jolies plantes annuelles pour qui un jour correspond à l'une de nos années !

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Simon Klein, auteur de La Vie sexuelle des fleurs (Éditions E/P/A, 2022) explique les spécificités de la reproduction florale :


Nigelle de Damas : on n'est jamais mieux servi que par soi-même...


La Nigelle de Damas est bien connue des jardiniers, pou es fleurs bleues, blanches ou roses, aux nombreux pétales en étoile autour de sa couronne d'étamines encerclant quatre ovaires aux longs styles qui sortent du centre. Au Moyen Orient et en Asie, la nigelle cultivée (Nigella sativa) est bien connue pour ses graines utilisées comme épice (c'est le cumin noir). Une autre espèce accompagne les agriculteurs, c'est la nigelle des champs (Nigella arvensis).

Ces fleurs comptent principalement sur les abeilles, les bourdons et autres insectes pollinisateurs pour venir les visiter et les polliniser, mais si rien ne vient, elles savent aussi se débrouiller...

La fleur est discrète, mais semble se détacher de son environnement par sa forme, la couleur bleue de ses pétales et ses étamines nombreuses. Les insectes sont invités à venir se régaler de nectar et à être, en même temps, poudrés de pollen, comme dans une grande partie des cas lorsque les fleurs en viennent à réclamer l'aide des insectes pour la pollinisation. Néanmoins, il faut encore le trouver, ce nectar ! Car bien souvent il est caché au fond de la fleur, pour échapper aux prédateurs qui ne jouent pas le jeu de la pollinisation. Comment retrouver du nectar, lorsqu'il est caché ? Et qu'est-ce qui ressemble plus à du nectar que du nectar ? Des chercheurs ont pu montrer qu'afin de guider les abeilles dans leur quête, les nigelles possèdent, à leur base, de fausses gouttes de nectar, balisant l'entrée vers le nectar caché ! En effet, il y a entre chaque pétale, deux protubérances brillantes, émettant même des ultraviolets - facilement discernables par les hyménoptères - et qui ressemble à deux petites gouttes de nectar ; ces protubérances sont appelées des pseudo-nectaires.

Ainsi, aux premiers jours de la floraison, le pollen est mature, prêt à être déposé sur le dos des insectes, tandis que les pistils sont immatures. L'abeille sirotant son nectar se retrouve le dos ou la tête recouverts de pollen. Elle va continuer son voyage avant de rentrer à la colonie, amassant encore plus de nectar. Elle tombe sur une autre fleur de nigelle, se sert des pseudo-nectaires pour trouver le vrai nectar et, ce faisant, si tant est que la fleur de nigelle soit un peu plus âgée cette fois, dépose le pollen sur le stigmate. Ainsi est assurée la pollinisation croisée.

Mais il arrive que les abeilles viennent à manquer. Que la fin de l'été approche et qu'aucun animal ne soit venu déposer du pollen extérieur sur les stigmates d'une nigelle. Qu'à cela ne tienne... Même si ce n'est pas l'idéal, notre nigelle pourrait finir le travail toute seule et passer par l'autofécondation... En effet, au fur et à mesure que le temps passe, les nombreux pistils présents au centre de la fleur s'allongent, s'allongent, s'allongent et se courbent. Les voilà maintenant touchant presque les étamines ! Encore un petit effort, quelques jours seulement, et ce qui devait arriver arrive : les pistils ayant poussé tout l'été, les stigmates se trouvent maintenant physiquement en contact avec les étamines portant le pollen de la même fleur.

L'autofécondation est alors inévitable. Ainsi, les nigelles qui n'ont pu attirer d'abeilles seront quand même en mesure de produire des graines. Mais il faut savoir que, en règle générale, l'autofécondation est beaucoup moins viable sur le temps long, et une fleur autofécondée de nigelle produit d'une part beaucoup moins de graines, et d'autre part celles-ci donneront des fleurs avec de grandes probabilités de dégénérescence. Ceci étant dit, c'est sûrement mieux que de ne pas avoir de descendance.

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les vertus thérapeutiques de la Nigelle :


Propriétés Physiques et Usages Médicinaux :


Nigelle des prés : Les graines de cette plante, nommées graines bénites, graines noires, cumin noir, possèdent une odeur aromatique qui devient plus forte par l'écrasement et qui est comparable à celle du carvi et du cumin. Elles sont stimulantes et emménagogues. Leur saveur est âcre et piquante, analogue à celle du poivre. Elles peuvent être utilisées dans la médecine des campagnes.


Nigelle cultivée : Ces semences sont stimulantes, sialogues, errhines et emménagogues. Elles sont peu usitées en médecine ; on les emploie généralement comme condiment sous le nom de Toute-épice ; en Orient, on les mêle au pain.

 

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Symbolisme :


Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


NIGELLE (CHEVEUX DE VÉNUS) - LIENS D'AMOUR.

On trouve quelquefois la nigelle dans les champs ; elle est délicate et pâle. Introduite dans les parterres et cultivée avec soin , elle produit un effet charmant. « Sa fleur, d'un bleu tendre, simple ou double, est entourée d'une collerette de feuilles ou de filets verts qui la dépasse de plus d'un pouce. Avant de s'épanouir, elle penche languissamment la tête, on la dirait flétrie. »

 

Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte plusieurs exemples qui créent une forme de baromètre botanique :


Nigelle. - Quand la nigelle des champs penche sa tête, c'est que la chaleur va venir. Si on la voit se ranimer et renaître, c'est que l'air va reprendre sa fraîcheur.


L'autrice s'intéresse également aux caractéristiques des plantes qui permettent de définir un baromètre botanique :


Cheveux de Vénus - Sympathie.

Cette plante fleurit depuis le mois de juin jusqu'en septembre ; ses fleurs sont d'un beau bleu céleste, de nombreux filets verts les entourent, ils sont très fins et ont un peu l'apparence de cheveux : de là son nom . Elle est connue sous le nom de nigelle de Damas, par corruption nigelle des dames.

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque avec tendresse la Nigelle de Damas :

29 octobre

(Près de Peille)


Souvenir bleu pâle, lavé de vert, d'une fleur de mai-juin dans les rochers mouillés.

Nigelle, ô ma splendeur, dans ton architecture délirante, dans le ciel de tes pétales et le charbon de tes étamines, je lis l'unité de mon corps et du monde.

Des belles nigelles printanières ne restent plus à présent que des fruits secs - cloques brunes à cinq loges barbues, surmontées d'une étoile à cinq branches. Quand le vent tire une rafale, la capsule pleure des graines noires.

Nigelle de Damas, ancolie des Alpes, chicorée sauvage : voici mes trois plantes surhumaines, mes trois fleurs bleues, au sens que Novalis donnait à ces mots. Ce sont les objets purs de mes émerveillements et de mes quêtes, les êtres autour desquels ma vie s'organise - les contrepoints de ma chanson éphémère.

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