Étymologie :
Étymol. et Hist. 1783 (Encyclop. méthod. ds DG, sans attest.) ; 1791 (Valm., s.v. foin. Foin ou canche). Orig. inc. (FEW t. 21, s.v. graminées, p. 173b) ; peut-être à rapprocher de ganne « sorte de graminée qui vient dans les bois » (Lar. 19e) et du norm. guinche (FEW, loc. cit.), ganche (agn. gance d'orig. inc. ; xiiie s. ds DEAF), « herbe sèche des forêts » (FEW t. 21, s.v. benoîte, p. 187b).
Lire également la définition du nom canche afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Avenella flexuosa - Aïra flexueuse - Barbe de chèvre (Wallonie) - Canche des montagnes - Canche flexible - Canche flexueuse - Deschampsie flexueuse - Foin tortueux -
Deschampsia cespitosa - Barbe de chèvre (Wallonie) - Canche cespiteuse - Canche gazonnée -
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Botanique :
Henri Frochot, Jean-François Picard et Philippe Dreyfus, auteurs d'un article intitulé "La végétation herbacée, obstacle aux plantations". (Revue forestière française, 1986, 38 (3), pp. 271-279) cherchent un remède au problème que pose la canche flexueuse aux forestiers :
La Canche flexueuse (Deschampsia flexuosa L.) est connue pour les problèmes qu'elle peut poser lors de la régénération des peuplements. Jarvis (1964) a montré qu'elle renfermait des inhibiteurs thermostables vis-à-vis du Chêne sessile. Schretzenmayer (1969) met en avant la compétition qu'elle exerce vis-à-vis des semis pour l'eau, mais parle également de substances allélopathiques qui diminuent la croissance des semis de Chêne et de Hêtre. Le Tacon et al (19iG) ont mis en évidence la compétition entre Canche et semis de Hêtre (0,9 semis au m²dans la Canche, 39 semis au m²sans Canche). Peer (1976), dans une expérience en pot, met en évidence un effet défavorable de la Canche et du Calamagrostis sur la croissance du semis d'Épicéa (alors que la Ronce et le Framboisier sont sans effet). Enfin, Bredemeier (1985) montre que la Canche se maintient mieux que les autres espèces du tapis herbacé quand le couvert se ferme.
Au début des années 70, en forêt domaniale de Darney (Vosges), Le Tacon et Oswald avaient mis en place une expérience de fertilisation de peuplement adulte dans une hêtraie à Canche flexueuse. Aucun relevé systématique de flore n'y avait été fait à l'époque mais, une dizaine d'années plus tard, on avait observé dans certains traitements une régression de la Canche au profit de la Luzule blanchâtre, parallèlement à une transformation du type d'humus (du moder au mull acide).
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Cette expérience confirme :
— la rapidité de l'action de l'herbicide par rapport aux autres traitements envisagés, mais le tapis de Canche se reconstitue : au bout de 4 années, le recouvrement de la Canche atteint près de la moitié de ce qu'il était au départ (seulement 10 % dans le cas des deux autres traitements). L'efficacité de ce traitement semble renforcée par l'application de l'amendement calcaire ou de l'amendement + fertilisation.
— l'effet à plus long terme des amendements : dans notre expérience, le recouvrement de la Canche est, au bout de quatre années, comparable à celui du témoin avec herbicide ; mais sa régression s'est faite plus progressivement.
À l'issue de cette expérience, on peut poser le problème de l'utilisation des herbicides pour lutter contre la Canche : nécessaires si on a besoin d'un résultat rapide, on voit qu'on peut, quand le temps presse moins, leur substituer l'amendement, solution plus « écologique » qui peut se montrer aussi efficace et probablement plus durable . Se pose tout de même le problème de la rentabilité de ce type d'investissement, le coût du transport et de l'épandage du calcaire broyé étant nettement plus élevé que celui de l'herbicide.
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Usages traditionnels :
D'après Alexis, guide dans les montagnes du Sancy, un dicton populaire est rattaché à la canche flexueuse :
« Canche flexueuse ; Sieste crapuleuse. » en raison du doux tapis que fait cette plante sous les mélèzes et qui est une invitation coquine au "repos".
Des savoirs anciens aux pratiques contemporaines, il y a heureusement un fil qui se tend comme le montre Damien Sans, dans "La nécessité du pays. L’empaysement comme démarche préalable à une action paysagère ?." (In : Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, 2023, no 28) :
La canche flexueuse, élément médial
La molinie, qui constitue l’essentiel de l’alimentation des brebis dans les tourbières, est peu prisée par ces dernières et oblige les bergers à faire des détours dans les plantations (généralement sans l’accord du propriétaire) afin de varier leur régime alimentaire avec de la canche flexueuse qui représente un fourrage excellent. Il y a depuis les années 1980 une déconnexion complète entre agriculture et forêt sur le plateau (en particulier à cause de la spécialisation du métier de forestier et de sa mécanisation poussée) (Morsel et Garambois, 2021). Les propriétaires forestiers sont, de plus, très méfiants et redoutent les dégâts des brebis sur leurs plantations et cette méfiance se surimpose à un passé mutuel particulièrement conflictuel (Decoq et al., 2016).
J’avais remarqué, au cours de mes randonnées, les qualités esthétiques de la canche dans les jeunes plantations de Douglas, mais elle a aussi la particularité de former un tapis dense en sous-bois qui restreint énormément la régénération naturelle des peuplements de résineux.
Ainsi, la canche flexueuse se trouve à la jonction des problématiques du territoire (forestières, agricoles et touristiques), sur leur ligne de tension, non pas comme une solution miracle, mais comme une possibilité d’action. Il est alors possible, à partir de cette petite graminée, d’envisager le développement d’un sylvopastoralisme sur le plateau. Il permettrait de recréer des liens entre forestiers et éleveurs, de trouver un mode de gestion commun qui puisse changer la physionomie des plantations et modifier les logiques d’exploitation. C’est précisément un rôle dans lequel être paysagiste prendrait, pour moi, tout son sens, c’est-à-dire participer à une action qui façonnerait le pays et donc ses paysages aux côtés des agriculteurs, des éleveurs et des forestiers.
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