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La Bourse des nains




Étymologie :


Bulgaria (de bulga, mot gaulois, signifiant bourse de cuir)


Autres noms : Bulgaria inquinans -  Bouton de guêtre - Bulgaria salissant - Bulgarie noire - Bulgarie salissante - Pézize noire - Pézize salissante -



Expression française :


Il ne manque pas un bouton de guêtre | Canal Académies (canalacademies.com, 2009), Une allusion historique, par Jean-Claude Bologne :


Si l’on ne porte plus de guêtres, l’expression "il ne manque pas un bouton de guêtre" reste vivante pour désigner, mais avec un brin d’ironie, que tous les détails sont prêts. Découvrez, avec l’historien Jean-Claude Bologne, l’origine historique de cette allusion qui remonte à la guerre de 1870 et s’utilise de nos jours notamment par les économistes !

L’origine de l’expression n’est pas réjouissante. En 1870, lors de la déclaration de guerre de la France à la Prusse, chacun a eu le temps de se préparer : la tension entre les deux pays est constante depuis au moins quatre ans. Le 15 juillet, lorsque les chambres votent la mobilisation, les pacifistes se montrent réticents. « Vous n’êtes pas prêts », avertit Adolphe Thiers. « Nous sommes prêts et archiprêts, rétorque le maréchal Le Bœuf, ministre de la guerre. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats. » On connaît la suite : un mois et demi plus tard, l’empire français capitule. Tous les boutons de guêtres étaient en place, mais il manquait les munitions.

Cet accessoire aujourd’hui désuet consiste en pièces de cuir ou de toile qui couvraient le dessus du pied et le mollet, et que l’on attachait aux souliers au moyen de minuscules boutons. Les guêtres viennent d’un mot francique désignant le cou-de-pied, et ne doivent donc pas être confondues avec les jambières, qui couvrent la jambe et s’arrêtent à la cheville. On parle cependant de guêtres pour les protections des jambes des chevaux.

Les boutons de guêtre sont utiles, mais peuvent paraître un accessoire dérisoire en cas de conflit. Aussi raille-t-on par cette expression l’importance accordée à des détails au détriment de l’essentiel, et une confiance abusive dans le succès d’une entreprise.

La confiance du maréchal Le Bœuf était certes excessive. L’a-t-il exprimée d’une manière aussi naïve ? Le mot nous est rapporté un quart de siècle plus tard par le général Du Barail, héros de la guerre de 1870 et successeur de Le Bœuf sous la IIIe République. Il était bien placé pour témoigner de la diffusion de ce mot dans les couloirs de l’Assemblée. Il est étonnant cependant qu’aucun journaliste ne l’ait rapporté sur le moment même. L’expression quoi qu’il en soit est entrée dans la langue, et a survécu à la disparition des guêtres.

Ainsi, en annonçant que l’armée mondiale de la régulation est en marche, un journaliste de Marianne, en août 2009, précise qu’il ne lui manque pas un bouton de guêtre. Il faisait allusion aux réformes promises dans les marchés financiers : dans la crise que nous traversons, non seulement une crise économique, mais une crise de confiance dans nos institutions financières, tout est prêt pour relever le défi et rendre confiance aux petits investisseurs. L’ironie du propos ne vous aura pas échappé : en même temps, il nous laisse entendre qu’il ne croit pas une seconde à l’efficacité des mesures prises.


[N.B. Un autre champignon est surnommé "bouton de guêtre, il s'agit du Marasmus oreades.]

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Mycologie :


François Simon Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) en propose la description suivante :


Nom vulgaire : Pezize noire.


Le Bulgaria inquinans se distingue facilement des Pezizes proprement dites par sa consistance gélatineuse, élastique et épaisse ; sa couleur, d'un brun noirâtre en dessus et en dessous, ou noirâtre seulement en dessus et rouillée en dessous. Elle est sessile, en forme de cône renversé et tronqué, rarement large de plus de 3 centimètres. La face supérieure lisse, d'abord creusée en soucoupe, s'aplatit avec l'âge, et finit même quelquefois par devenir convexe ; l'inférieure est peluchée et rugueuse.

Elle croît , au printemps et surtout en automne, dans les temps humides, sur les bois morts, principalement sur les troncs de chênes coupés et exposés à l'air. Chair fauve, saveur désagréable.

 

Sur le site Picturemushroom, on peut lire les précisions suivantes, avec une comparaison intéressante du point de vue symbolique :


La bulgarie salissante est appelée ainsi pour sa capacité à tacher les doigts de noir, caractéristique différenciant ce champignon de ses semblables. Sa chair gélatineuse prend un aspect luisant lorsqu’elle regorge d’eau. Certains comparent ce champignon à un bonbon en réglisse, mais ne vous détrompez pas, il a été reporté comme étant toxique.

 

Selon Marius Chadefaud, auteur de Biologie des champignons. (FeniXX, 1944) :


Grossesse et avortements. Mais revenons à l'asque lui-même. Il est enceint de huit jeunes spores, parfois 16, ou 32, ou 64..., qi grossissent et mûrissent dans son sein, et auxquelles son épiplasme sert de placenta nourricier.

Or, il arrive qu'une partie de ces spores avortent. [...)

Dans certains cas, l'avortement est incomplet. Ainsi, chez la Pézize noire Bulgaria inquinans, si commune sur les troncs des chênes abattus, en forêt, quatre des spores, sans avorter tout à fait, sont frappées d'infantilisme. Elles demeurent petites et incolores, tandis que les quatre autres grossissent, brunissent et arrivent seules à maturité. Les spores infantilisées ne dégénèrent pas ; elles germent aussi bien que les autres, et même plus vite, sans doute parce qu'elles ne sont pas au même degré à l'état de vie ralentie. Ce phénomène de l'infantilisation d'une fraction déterminée des spores (généralement 4 sur 8) se retrouve chez un assez grand nombre d'autres espcèes.

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Usages traditionnels :


François Simon Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) témoigne de la comestibilité de la pézize noire :


Les soldats de l'armée d'occupation russe cantonnés en Lorraine en 1816 et 1817 faisaient de cette plante une assez grande consommation. Elle est donc comestible, mais peu recherchée à cause de sa couleur noire. Elle produit abondamment une poussière qui tache le linge et les doigts, et que l'on pourrait employer comme substitut de la sépia, dans la peinture à l'aquarelle ; délayée, elle donne à l'eau une couleur vineuse.

 

Charles Gérard confirme la comestibilité de ce champignon dans L’Ancienne Alsace à table. Étude historique et archéologique sur l’alimentation, les mœurs et les usages épulaires de l’ancienne province d’Alsace (Berger-Levrault et Cie, 1877) :


Je ne parlerai point des espèces méprisées, ni de celles qu’une terreur salutaire tient éloignées de nos cuisines. Mais je dois remarquer que parmi les premières figure un champignon que les soldats russes mangeaient couramment dans nos pays pendant l’occupation de 1816 à 1818 : c’est la pezize noire (Bulgaria inquinans) qui croît en abondance sur les troncs de chênes récemment abattus. Le docteur Mougeot rapporte ce fait, qui ne m’étonne plus depuis que je sais que les Russes ont trouvé le moyen de manger le lactaire meurtrier (Agaricus necator) dont le nom seul fait reculer d’effroi. Nos paysans cauteleux ne s’exposeront jamais à pareil danger.

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Mythologie :


Sur le site du Petit Journal, édition de Dublin, Robin Gremmel propose un article (publié le 12 juin 2023, mis à jour le 24 mars 2024) sur le lutin irlandais qui explicite son lien avec les bourses de cuir :


Le Leprechaun : tout savoir sur cet être mythologique irlandais


Le Leprechaun, que l'on peut assimiler à un lutin ou un farfadet, est une créature mythologique irlandaise. C'est un humanoïde de petite taille (environ 75 cm) habillé d'une veste verte ou rouge qui comporte sept rangées de sept boutons. On le représente souvent sous l'apparence d'un vieux monsieur barbu dont les principales activités sont de fabriquer des chaussures, faire des farces et compter ses pièces d'or.

En effet, le Leprechaun n'est pas la seule créature mythologique irlandaise et il en profite car il est grassement rémunéré par les fées pour leur fabriquer des chaussures de danse (tout est toujours logique dans les mythes et légendes). Le petit bonhomme est connu pour enterrer son trésor au pied des arcs-en-ciel.


Le Leprechaun : Un être mythologique. L'origine des Leprechauns est expliquée dans le Lebor Gabála Érenn, plus connu en anglais sous le nom de The Book of Invasions. Cet ouvrage est un recueil de poèmes et de récits mythologiques contant l'histoire irlandaise de la création du monde jusqu'au Moyen-Age. Il est expliqué que les Leprechauns sont des descendants des Tuatha Dé Dannan, peuple de créatures fantastiques ayant tenté d'envahir l'Irlande à l'aide de leurs druides aux redoutables pouvoirs magiques. Mais, repoussés par le peuple Gaélique, un accord fut passé pour laisser aux Tuatha Dé Dannan la moitié enfouie du monde (sous terre autrement dit) quand l'autre moitié, plus aérée celle-ci, fut laissée au peuple Gaélique. On pourrait croire que les ancêtres des Leprechauns se sont fait avoir, mais les petits bonhommes se sont finalement très bien accommodé des souterrains en y construisant des terriers confortables qui leur permettent de compter leur or en paix.


Le caractère ambigu du Leprechaun : Cependant, sous ses airs sympathiques, ce petit être mystérieux cache une ambigüité qui impose la méfiance. Tout d'abord la légende nous rappelle bien que le Leprechaun est le descendant d'un peuple d'envahisseurs. Ensuite, s'il aime jouer de la musique et danser, le lutin irlandais est aussi connu pour son sale caractère, son asociabilité et surtout, sa roublardise. En effet le petit être est un adepte des farces et des tours de passe-passe. Par exemple, il se balade toujours avec deux bourses en cuir dans lesquelles se trouvent une pièce magique de un shilling qui retourne dans la bourse à chaque fois qu'elle est utilisée (fourbe mais pratique) et une pièce d'or qui lui sert à se sortir des mauvaises passes (l'ancêtre du pot de vin en quelque sorte).

Car effectivement il arrive que le Leprechaun se fasse attraper, et si vous le lui demandez, il sera obligé de vous dire où se cache son trésor. En effet, malgré son caractère sournois, le farfadet irlandais ne ment jamais. Cependant prenez garde, car si vous détournez le regard ne serait-ce qu'un instant, il disparaîtra. C'est ce caractère bipolaire entre honnêteté et fourberie qui pose question car les mythes délivrent toujours une morale. Est-ce que l'on doit comprendre la légende de façon négative et en retirer qu'il faut toujours se méfier des autres, spécifiquement sur des questions d'argent ? Ou est-ce que l'on doit interpréter le mythe de façon positive en concluant qu'il faut savoir ruser pour se sortir d'un mauvais pas, tout en conservant une certaine honnêteté (le Leprechaun ne ment jamais) ? Si la ruse est souvent vue comme une qualité (la mythologie grecque y a bien contribué avec l'Odyssée), la frontière est mince entre l'habileté et la fourberie, notamment avec le Leprechaun ? [...]

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