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L'Oseille

Dernière mise à jour : 20 oct.




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. [Fin xies., mss xive s.] bot. judéo-fr. oiseles « rumex acetosa » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 746) ; mil. xiiie s. osile (Glossaire de Glasgow, 157a ds T.-L.) ; ca 1393 ozeille (Ménagier, éd. G. E. Bereton et J. M. Ferrier, p. 120, l. 3 et 10) ; 2. 1866 la faire à l'oseille (Delvau, p. 145 : L'expression [...] n'a que cinq ou six ans) ; selon Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s., 1894, p. 200, Vous me la faites à l'oseille était le titre d'une chanson de 1840 ; 3. [1876 d'apr. Esn.] 1878 « argent » (Larch.). Du lat. pop. acidula, adj. fém. substantivé de acidulus «aigrelet», att. dans des gloses tardives, o- résultant du lat. oxalis «oseille», autrefois plus étendu, et dont subsistent encore des formes dans le sud de la France et en fr.-prov. avec le fr. salette parallèlement à d'autres types comme vinette, aigreto, surelle (v. FEW t. 24, pp. 105b-107a). L'orig. de la faire à l'oseille (2) reste obscure (les affirmations de Delvau, loc. cit. et Larch. 1872 selon lesquels cette expr. serait née vers 1860-66 à propos d'omelette à l'oseille sont invérifiables et sont infirmées par Virmaitre). L'orig. de 3 est aussi inconnue, le rapport entre l'oseille et la notion d'argent semble anc. (cf. l'attest. de vinette, autre nom de l'oseille chez Berolde de Verville en 1610 : Moyens de parvenir, éd. Ch. Royer, t. 2, p. 47 : La jeune mariée [...] ne faisoit gueres d'estat de messire Jan ; principalement ayant eu l'argent qu'elle pretendoit, c'estoit autant de vinette cueillie).


Lire également la définition du nom oseille afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Rumex acetosa - Oseille - Oseille commune - Oseille des jardins - Oseille domestique - Patience - Patience oseille - Rumex - Suralle (Wallonie) - Surelle -

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Expression populaire :


Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expressions populaires bien connues :


La faire à l'oseille : « Se moquer de quelqu'un, le duper », dit H. France vers 1907 : « Vous me la faites à l'oseille. » Alfred Delvau disait en 1866 : « Jouer un tour désagréable à quelqu'un - dans l'argot des vaudevillistes. » Il ajoutait dans son Dictionnaire de la langue verte une anecdote qui, selon lui, aurait donné naissance à l'expression, laquelle « sort d'une petite gargote de cabotins de la rue de Malte, derrière le boulevard su Temple, et n'a que cinq ou six ans. La maîtresse de cette gargote servait souvent à ses habitués des œufs à l'oseille, où il y avait souvent plus d'oseille que d'œufs. Un jour elle servit une omelette - sans œufs. "Ah ! cette fois tu nous la fais trop à l'oseille", s'écria un cabotin. Le mot circula dans l'établissement puis dans le quartier ; il est aujourd'hui dans la circulation générale. »

S'il est fort possible que cette soirée à l'auberge ait réellement eut lieu, il n'est guère probable qu'elle soit seule à l'origine du mot. Tout au plus a-t-elle pu lancer sa diffusion dans le milieu des comédiens, gens de tout temps facétieux par vocation, et communicatifs par métier ; à cet égard le témoignage de Delvau, qui situe le début de la locution en 1860 ou 1861, est important.

Autrement dit si l'oseille est sure - c'est-à-dire aigre, sa qualité évidente - la blague n'est pas sûre du tout. Et voilà le jeu de mots : Ce n'est pas aussi sûr que l'oseille semble avoir été un calembour en marche depuis longtemps, Jules Choux donnait un peu plus tard (1881) : « Avoir mangé de l'oseille, être de mauvaise humeur, parler ou répondre avec aigreur. » La locution à l'oseille, (certainement par antiphrase et contrepied de sûr - certain-) servait à repousser une facétie un peu trop incroyable ; cela à cette époque précise, parmi le joli monde à la mode, les "lions du jour", ainsi que le confirme Paul de Kock : « Comment, c'est à nous que tu demandes des nouvelles de ta blonde… Ah ! elle est bonne, celle-là ! - Je la trouve à l'oseille, dit M. Détraque en riant aux éclats. Puis il reprend : A l'oseille, cela se dit maintenant dans la jeunesse dorée, quand on veut parler d'une bonne charge on dit : elle est à l'oseille ! » (La Grappe de Groseille, 1865.)

Par ailleurs la faire à... qui réfère à l'écriture d'une scène de vaudeville, ou à son interprétation, plutôt qu'à une recette de cuisine, était au même moment une formulation dans le vent. Delvau donne lui-même : « la faire à la raideur, la faire à la dignité, à la bonhomie, à la méchanceté, etc. » Il est donc assez vraisemblable qu'un groupe de comédiens attablés ait combiné les deux façons de dire pour forger un nouveau calembour irrésistible : la faire à l'oseille appliqué à une omelette, justement un peu incroyable… Et que la cocasserie du mot ait valu, dan ce milieu expressif, une notoriété durable à la locution ! - Aujourd'hui, société du spectacle aidant, on se la joue - ce qui revient presque au même : « Tu nous la joues, là ! »...

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Botanique :


Selon Jean-Marie Pelt, auteur d'un ouvrage intitulé Des Légumes (Éditions Fayard, 1993) :

L'oseille occupe une place discrète dans le monde des légumes - une discrétion qui cadre mal, cependant, avec le goût acidulé si tranché de ses feuilles. De ce point de vue, l'oseille est un mets relevé.

Très proche de l'oseille sauvage qui pousse dans tous les terrains vagues, l'oseille des jardins était connue des Anciens, même si elle joua toujours un rôle effacé dans l'alimentation.

L'oseille est tout à fait reconnaissable à ses feuilles en forme de fer de lande, dites sagittées ou hastées. La coloration rougeâtre des pétioles est due à la présence d'anthocyanes. Ainsi que l'épinard, l'oseille est une espèce dioïque : il y a des pieds mâles et des pieds femelles. Comme toutes les plantes peu modifiées par l'homme, elle présente une bonne résistance aux maladies - car elle est sans doute, de tous les légumes, celui qui a été le moins modifié et qui conserve le plus de caractères de la plante sauvage dont elle provient - et aux parasites.

L'oseille doit sa saveur acidulée à la présence d'oxalate de potassium. Mais si c'est à l'oxalate qu'elle doit cette saveur, c'est à l'oxalate aussi qu'elle doit sa nocivité pour les arthritiques, les goutteux, les lithiasiques, chez qui elle est contre-indiquée. La propension de certains sujets à faire des calculs est, en effet, « largement encouragée » par les oxalates de potassium qui favorisent la formation de calculs. Mais peut-être a-t-on quelque peu exagéré cette nocivité, car l'oseille est en réalité un aliment banal et peu dangereux. Quel enfant n'a pas brouté des feuilles d'oseille de son jardin avec délectation ?

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de l'Oseille :


Propriétés Physiques et Chimiques. Les feuilles sont inodores ; elles sont agréablement sures au goût ; les racines sont rougeâtres , longues, ligneuses, inodores , d'une saveur amère et astringente. Les feuilles sont très riches en suroxalate de potasse ; elles servent à préparer le sel d'oseille. Elles contiennent en outre de l'acide tartrique, du mucilage, de la fécule, etc. -


Usages Médicaux. L'oseille est réfrigérante et diurétique ; c'est un bon aliment dans le scorbut ; on la donne alors fraîche en salade. Le jus des feuilles forme avec l'eau une boisson agréable, acidule, usitée quelquefois dans les fièvres. On a vu ces feuilles à haute dose produire des effets vénéneux ; on les a accusées aussi de former des calculs d'oxalate de chaux. (Magendie, Laugier). Le suc dépuré a été employé dans les affections scorbutiques, les fièvres intermittentes et le purpura (Dubois). L'oseille entre dans le bouillon aux herbes. Les racines sont légèrement diurétiques. A l'extérieur, les feuilles d'oseille sont maturatives et résolutives.


Le Rumex acetosella, L., (Patience petite oseille) et le Rumex scutatus, L. (Patience à écusson) jouissent des mêmes propriétés ; on en extrait aussi du suroxalate de potasse. Le Rumex sanguineus, L. (Patience sanguine) est plutôt astringent.

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Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève dans les traditions liées à la petite enfance :

Pour faire aller à la selle les tout petits enfants, on leur introduit dans l'anus une tige d'oseille trempée dans l'huile. D'autres leur mettent de petits morceaux de savon. [Je ne sais pas d'où mon père, qui n'est pas breton, tenait cette dernière pratique mais je l'ai expérimentée dans l'enfance... avec succès il faut le reconnaître.]

 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


En Franche-Comté les repas faits le Vendredi saint avec des herbes telles que des épinards, de l'oseille, etc. garantissent de la gale.

 

Christiane Dunoyer, auteure de "Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires dans l’aire alpin" paru dans la revue En montagne, (Actes du Colloque "Alimentation traditionnelle en montagne", 17 - 19 octobre 2004), p. 147 nous précise que :


Dans le sud des Alpes, il y avait deux grands moments dans la médecine préventive familiale : la cure de printemps avec des plantes amères pour “ purger” le foie, “ renouveler” le sang (germandrée petit-chêne, petite centaurée, racines de bardane, la camomille, romaine et la grande camomille, le marrube blanc, etc.), et la cure d’automne, avec des plantes diurétiques, pour prévenir des froids de l’hiver (feuilles de frêne élevé, verge d’or, bruyères et callune, …). Les vieux se souviennent encore des boissons amères, qu’enfants, leurs mères les obligeaient d’avaler avant même de se lever. Cette pratique était plus rare dans les Alpes du Nord. On utilisait cependant en cure dépurative la pensée sauvage, les racines d’oseille et de gentiane, la grande camomille, les génépis, les feuilles de noyer, etc.

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Usages traditionnels :


Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102,‎ 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :


fole forte, f. pl. = « feuilles fortes » / èrba forta, f. = « herbe forte » / fo, m. = « fort » / = oseille = Rumex scutatus, Rumex Acetosa : consommation des tiges et des feuilles.

barbaou, m. / barbaöü, m. / barbô, m. / = oseille = R.umex Acetosa.

apî, m. / lapï, m. / = oseille = Rumex alpinus (aussi Rumex obtusifolius) : les racines de Rumex alpinus sont dépuratives ; on en écrasait dans la saumure pour donner une teinte ocre au fromage.

 




Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Parfumer avec de l'oseille les repas de vendredi saint préserve de la gale (Franche-Comté). Un breuvage de semence d'oseille qui a été cueillie par un main virginale, assoupit "l'ardeur des reins".

Selon une légende, "de la sueur du diable est née une oseille que les moutons ne broutent jamais ; on l'appelle l'oseille du curé [petite oseille] ; on n'a jamais pu la détruire.

 

Ketevan Djachy, auteur d'un article intitulé "Le concept «argent» en argot et l’analyse étymologique de ses dénominations." paru in Revista académica liLETRAd , n°3, 2017, pp. 33-42 :


Le procédé sémantique de la métaphore est largement employé afin de former les unités argotiques désignant le concept « argent ». Exemples : blé-le symbole de la richesse pour les paysans ; oseille - c’est une herbe qui remplaçait le sel, au XVIème siècle lourdement imposé ; radis-utilisé à la place de sou. On en servait en raison de leur prix peu élevé et parce qu’ils stimulaient la soif […].

Pour les procédés formels, on peut citer le verlan : genar-argent ; zeillo-oseille ; vélos-lové(s) ; neutu-thune. Pour désigner l’argent, on se sert également de la suffixation argotique : monnaille-monnaie.

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