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L'Orobanche




Étymologie :


  • OROBANCHE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1546 (Rabelais, Tiers Livre, éd. M. A. Screech, chap. 51, p. 338, 12). Empr. du lat. orobanche « id. », du gr. ο ρ ο β α ́ γ χ η « id. », « plante parasite qui étouffe la vesce », v. aussi André Bot., comp. de ο ρ ο β ο ς v. orobe et α γ χ ω « serrer, étouffer ».


Lire également la définition du nom orobanche afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Selon François Couplan, auteur de Les plantes et leurs noms : Histoires insolites (Éditions ) :


Orobanche est le nom générique de certaines plantes parasites. Il désignait ces plantes en latin et en grec (orobagkê) et provient du grec orobos, sorte de vesce, et agkô, étrangler, étouffer, par référence au parasitisme de ces plantes. De très nombreuses espèces ont été répertoriées. Plusieurs d'entre elles portent le nom de la plante que l'orobanche est censé parasiter, tels l'orobanche de la germandrée, Orobanche teucrii, l'orobanche du genêt, Orobanche rapum-genistae, etc.


Autres noms : Orobanche major - Asperge bâtarde -

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Botanique :


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Usages traditionnels :


Alfred Chabert dans De l'emploi populaire des plantes sauvages en Savoie (in Bulletin de l'Herbier Boissier, Vol. III, nʻ5-6-7, sous la direction de Eugène Autran, Genève, 1895) évoque un emploi de l'orobanche :


Aphrodisiaques : L'Orobanche Laserpitii sileris en fleurs pilé et mêlé aux aliments des ruminants est, m'ont dit des paysans qui l'arrachaient sur le Mont Arpetta, un excellent aphrodisiaque pour ces animaux. Il n'agirait pas sur les autres, tels que moutons, chiens, etc.

 

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Etant tout jeune, j'ai vu recueillir sur les coteaux des Charmettes, non loin de la maison de Jean-Jacques Rousseau, l'Orobanche rapum non fleuri, par un paysan qui m'assura que la partie renflée de la tige pelée et cuite dans de l'eau salée était un mets excellent. Séduit par son discours, j'en pris aussi et l'apportai triomphalement à la maison où l'on se moqua de moi, même la cuisinière qui se refusa à la préparer. Bien longtemps après, sur les escarpements du mont Granier, des hommes qui récoltaient l'Orobanche laserpilii non fleuri m'assurèrent que c'était pour le manger. Je n'ai pas contrôlé leur assertion ; mais comme les Arabes mangent dans les mêmes conditions la partie renflée de la tige du Phelipoea lutea, je ne serai pas étonné que celle de certains Orobanche contint aussi des substances nutritives.

[...]

Quand les grands chefs arabes en Algérie ont des relations suivies avec un médecin français, ils lui demandent le moyen de ranimer leur virilité défaillante. Dans nos campagnes, les paysans n'y songent guère, sauf dans les cas très rares de mariages disproportionnés, et encore dans ces cas, le vin leur paraît le meilleur remède. Pourtant quelques-uns reconnaissent avoir ouï parler de plantes qui rendent à l'homme sa vigueur de jeunesse ; ces plantes, ce sont les Orobanche de haute taille. A ma dernière ascension sur le Granier, je rencontrai sur les escarpements qui dominent l'Arpettaz, un paysan aisé es environs de Valence, ayant dépassé la cinquantaine, et sa jeune femme, pimpante et fort jolie, qui faisaient ample provision de l'Orobanche laserpitii. A mon observation qu'ils allaient détruire cette plante rare, la femme se mit à rire et le mari me répondit que, marié depuis trois ans, on lui avait certainement jeté un sort avant ses noces, car il était toujours resté froid et inerte depuis lors. L'année précédente, il était allé en pèlerinage demander à Notre-Dame de la Salette de lui rendre ses forces. « Elle n'a pas compris, Monsieur. Ce n'est pas étonnant, une sainte vierge ! J'aurais dû m'adresser à un saint. Alors on m'a conseillé de venir prendre de cette plante ; j'en boirai de la tisane ; on dit qu'elle est si bonne pour les bêtes à cornes ! »

[...]

Les plantes employées par les habitants de nos montagnes pour soigner les animaux sont [...] comme aphrodisiaque, pour les veaux et les vaches, l'asperge bâtarde, Orobanche major, et les autres Orobanches de grande taille.

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Symbolisme :


Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms de l'orobanche crénelée :


Les formes lexicales arb. [nˈɛɣd], [nˈɛɣ] et [nˈɛɣ], attestées dans les communautés du Molise et des Pouilles septentrionales et considérées comme des emprunts au roman, ont pourtant une correspondance formelle avec les noms du brouillard dans les dialectes romans des environs : abr. et mol. nègghja, nègghjə, nèjjə, nèjə, nèja (DAM, III : 1277), sns. nègghjë (Pistillo & Littera, 2006 : 260), fog. negghie (DCDF : 89). Ces désignations romanes remontent toutes au lat. NĔBŬLA « brouillard » (FEW, VII : 69) qui est un mot polysémique qui indique aussi, parmi ses différentes significations, l’état d’une « plante qui a été abîmée par le brouillard » ou « les raisins qui poussent mal formés » parce qu’ils ont été abîmés par le brouillard ; de la même façon, les variétés de blés, les céréales surtout et les fruits peuvent être abîmés par ce même phénomène atmosphérique : ce dernier est donc censé être en mesure de procurer des dégâts considérables aux végétaux. Afin de mieux comprendre la relation sémantique liant un phénomène météorologique à un végétal, il est nécessaire de prendre en considération les croyances populaires. Les croyances populaires attestées dans différentes régions d’Europe témoignent du danger que représente le brouillard pour les cultures, mais aussi d’une relation étroite entre les animaux, le brouillard et les herbes, comme l’affirme Caprini (1983 : 62) dans son article portant sur l’étude des noms ang. fox « renard » et fog « brouillard ». Cet auteur démontre que le renard, le brouillard et une herbe hiémale particulière faisaient partie du même champ sémantique en raison de la corrélation établie entre eux par les croyances populaires (1983 : 62). En effet, dans le folklore germanique le brouillard est le résultat d’une activité menée par quelques animaux, notamment le loup, le lièvre, le renard et le chat : il s’agit d’une croyance préhistorique selon laquelle les êtres démoniaques, tels que les sorcières ou les lutins, prennent la forme d’animaux et provoquent les phénomènes météorologiques ou les dévastations des cultures (Riegler, 1981a : 323). Dans ce groupe de désignations de l’orobanche, le nom de cette espèce que nous avons collectée en Sicile (cfr. 4 ci-dessous) renvoie à un zoomorphisme, notamment la « louve » ; ceci démontre que « è la credenza che spiega il nome, quando questo la riflette immediatamente » (1) (Caprini, 1983 : 66) puisque le nom est la désignation abrégée du concept-croyance.


2- [spˈurc] spurqë est un nom primaire emprunté au cal. spúrchia, spórchia « hématurie, maladie vésiculaire des bovins » et spúrchiə « rouille des Graminacées » (NDDC : 680). Étant donné qu’il s’agit d’une plante nuisible, on peut associer les noms calabrais au lat. SPURCUS, -A, -UM « sale, impur » (DELL : 645 ; Trumper, 2010 : 391) en raison de l’effet négatif que produit la présence de la plante lorsqu’elle est mêlée aux autres végétaux. En outre, l’emploi métonymique du nom d’une maladie pour désigner une plante nuisible souligne encore plus ce caractère négatif et trouve aussi une correspondance dans les emplois de “galeˮ et “teigneˮ utilisés pour les phytonymes de l’arc alpin (Signorini, 2005 : 500).


3- [favˈaːrɛ] est un dérivé emprunté au cal. favara « orobanche » (NDDC : 260) < cal. fava « fève » (NDDC : 259) et qui désigne le caractère de parasite des fèves incarné par l’espèce d’orobanche ; en fait le rapport de parasitage que l’orobanche impose à la fève est bien exprimé par la morphologie dérivative du nom cal. favara d’où le suffixe it. -ara < lat. -ARIA, ce dernier employé pour la formation d’adjectifs de relation et adjectifs substantivés (Rohlfs, 1992). L’arb. favare désigne donc « (une plante) en rapport avec la fève » ou qui est en relation avec elle en raison du fait que l’orobanche en est un parasite.


4- [ʁˈup] est un nom emprunté du sic. lupa « orobanche » (VS, II : 558) qui est un nom polysémique qui signifie aussi « louve ; boulimie, faim insatiable » et « brouillard très épais en provenance de la mer et qui est nuisible aux plantes » (VS, II : 558). L’emploi de ce zoonyme, en particulier, et sa relation sémantique avec le brouillard que l’on retrouve aussi dans le dialecte sicilien, nous confirment le fait que les désignations de cette espèce peuvent être rapportées aux croyances populaires dont on a parlées ci-dessus. Par conséquent, ce zoonyme est indiqué pour désigner une plante nuisible telle que l’orobanche en raison du transfert métaphorique du trait « féroce, famélique » typique du loup en tant qu’animal prédateur sur l’orobanche qui attaque et dévaste, avec la même agressivité, les champs de légumineuses en détruisant les fruits.

[...]

Les propriétés nuisibles de l’orobanche se traduisent par l’image « brouillard » concernant les phénomènes atmosphériques ou par celle d’« hématurie » concernant les noms de maladies.

[...]

Le troisième groupement important de motivations tiré de notre corpus concerne les zoomorphismes, qui sont ces désignations où la plante est représentée par un animal, c’est-à-dire qu’elle est « animalisée » et ces désignations représentent la phase de développement onomasiologique la plus ancienne tout comme celle dans laquelle le végétal est conçu comme « plante-parent ». Les représentations zoomorphiques renvoient donc toutes aux animaux totémiques sacrés tels que cerf, bœuf, loup, renard, serpent, cheval/jument, milan, chien, etc. Dans ce groupement motivationnel, le zoonyme peut apparaître seul ou avec un spécificateur. L’image « louve » désigne l’orobanche crénelée et renvoie aux propriétés extrêmement nuisibles de cette plante parasite.

[...]

Les propriétés très nuisibles de l’orobanche se traduisent par les images du « brouillard » et avec le nom de l’« hématurie » renvoient à un trouble grave de l’appareil urinaire.


Notes : 1) C’est la croyance qui explique le nom, lorsque celui-ci la reflète immédiatement (N.T.).

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


OROBANCHE. — Herbe aphrodisiaque et génésique, sur laquelle nous trouvons dans Porta, Phytognonomica, ces renseignements : « Orobanche est herba quam cynomorion appellavit antiquitas, a canini genitalis similitudine ; non mala neque inconcinna similitudine, si plantam contempletur aliquis, quae a radice surgens, nudo, glabro, singularique caule, in summo foliorum confert et inter ea émergentes habet flores simul et quasi in glomum collectis. Cyprii thersitem appellant, quod fere tota thyrsus sit, id est, plane scapus rectus, qua forma caninum genitale, in summo galericulo tectum, quis confitebitur. Sunt qui hane toram volant, quoniam certo constat, quum primum vaccae hanc herbam gustaverint tauros ab eis requiri. » On y voyait aussi une tête de taureau, et la forme d’une olive ; on croyait que cette herbe avait des grandes vertus fécondantes.


[Traduction possible : L'Orobanche est une herbe que les anciens appelaient cynomorion, à cause de sa ressemblance avec les organes génitaux d'un chien ; Ce n'est pas une similitude mauvaise ou gênante, si l'on contemple une plante qui, s'élevant de la racine, porte une tige nue, glabre, singulière, au sommet des feuilles, et a parmi elles des fleurs émergentes ensemble et comme rassemblées en Un groupe. Les Chypriotes l'appellent thersite, car il s'agit presque entièrement d'un thyrse, c'est-à-dire d'une tige parfaitement droite, en forme d'organe génital canin, recouvert à son sommet d'un capuchon gaulois.  Certains disent que cette plante est recherchée, car il est certain que lorsque les vaches goûtent pour la première fois cette herbe, elles ont besoin de taureaux.]

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