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L'Esprit de la Montagne

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • il y a 4 heures
  • 5 min de lecture




Symbolisme :


Nicolas Ellison dans un article intitulé "Symbolisme sylvestre et rapports d’altérité dans une danse rituelle totonaque" (Annales de la Fondation Fyssen, Fondation Fyssen, 2007) évoque l'esprit de la montagne :


Deux ou trois personnages supplémentaires forment cette danse : un garçon, qui porte un masque de chien et est censé suivre en permanence l’un des danseurs qui est « le chasseur » (et porte éventuellement un fusil de chasse) et, normalement un, ou parfois deux, bouffons ou payasos. Ce clown cérémoniel, aussi appelé Kgamana (« le Joueur ») en totonaque, porte aussi un masque en bois qui se caractérise par une houppette de crins au milieu du front et des sortes de volutes peintes sur le visage.

[...]

Le bouffon, appelé kgamana en totonaque, c'est-à-dire « le Joueur », est le chef de la danse, « lui n’avait pas peur, il était farouche (bravo, xaluko), il jouait, sautillait beaucoup, montait même sur le dos des cerfs et des jaguars ». Il était riche et « possédait de l’or et différents métaux cachés dans la montagne ». Il commande aussi les marionnettes en bois Tsinkon : « dans les temps anciens les Tsinkon étaient vivants, il s’agit de vieux dieux de la montagne, de la forêt, comme des saints et le bouffon était leur dieu ». Xalhtulh rejoint donc en cela la notion selon laquelle les éléments en bois et les personnages de la danse sont en fait des esprits de la forêt ou d’anciens dieux.

La danse est donc une condensation de tous ces récits, celui de l’origine du maïs et son extraction par le pivert, celui de la transition de la chasse à l’agriculture et celui de l’apprentissage de la danse elle-même soit auprès des métis, soit auprès des esprits de la forêt en tant qu’ancêtres de l’époque des nomades (non christianisés, mais cet aspect n’est pas particulièrement souligné) ou en tant que divinités de la montagne-forêt.


Note : En fait la forêt non cultivée est symboliquement socialisée en ce qu’elle relève, pour les Totonaques, de la tutelle du Maître des Arbres Kiwi Kgolo’ et des différents esprits chtoniens associés aux ancêtre antédiluviens. Il ne s’agit donc pas d’un espace sauvage au sens strict, puisqu’une souveraineté y est bien exercée (voir Ellison 2007). Parmi les Nahuas de Cuetzalan, proches voisins des Totonaques méridionaux, l’esprit Tepeyolo, « cœur ou esprit de la montagne », aussi appelé Juan del Monte en espagnol tout comme Kiwi Kgolo’ l’est chez les Totonaques, occupe un rôle semblable à ce dernier (Aramoni 1990 : 161).

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Symbolisme celte :


Paul Sébillot, auteur du Folklore de France, Vol. 1. Le ciel et la terre (1904-1906) mentionne un Esprit de la Montagne dans les Alpes :


 Plusieurs endroits des Alpes vaudoises ont, dit un écrivain du commencement du siècle dernier, ce qu'on appelle l'Esprit ou le Génie de la montagne ; c'est lui qui forme et qui dissipe les tempêtes, qui conserve les sources et les fontaines, qui garde les mines d'or et les cavernes de cristaux, qui chasse avec un bruit effrayant à travers les précipices, et qui maltraite quelquefois les hommes quand ils osent escalader les rochers sur lesquels il a établi son empire, ou poursuivre les animaux qui lui appartiennent. Un vieux pâtre des Ormonts, que Bridel trouva dans un chalet voisin du glacier de Pillon, lui raconta l'histoire suivante : Un jeune berger quittait souvent les troupeaux de son père, pour aller à la chasse du chamois sur les pointes nébuleuses des Alpes voisines ; en vain ses parents le lui avaient défendu ; il se livrait avec passion à ce dangereux plaisir. Un soir qu'il était au milieu des plus horribles précipices, il fut surpris par une violente tempête ; la neige et la grêle lui tirent perdre sa route et il s'étendit sur un rocher, pris de peur, de fatigue, de froid et de faim. Tout à coup l'esprit de la montagne s'approcha de lui dans un tourbillon, et lui cria d'une voix menaçante : « Téméraire ! qui t'a permis devenir tuer les troupeaux qui m'appartiennent ? Je ne vais pas chasser les vaches de ton père : pourquoi viens-tu chasser mes chamois ? Je veux bien te pardonner encore cette fois ; mais n'y reviens pas. » Alors il fit cesser l'ouragan, il remit le chasseur dans le sentier de son chalet, et dès ce jour le jeune berger ne quitta plus son troupeau.

[...]

Dans les orages qui éclataient sur les hauteurs du Mont-Blanc, la superstition populaire vit l'œuvre d'esprits infernaux, suscités par la colère divine pour punir les gens du voisinage du relâchement de leurs mœurs. Certaines années, les esprits des montagnes faisaient avancer les glaciers jusqu'auprès des habitations dont ils menaçaient les murs, en même temps qu'ils envahissaient les terres cultivées. Alors on avait recours aux prières de l'église. Vers la fin du XVIIe siècle, Jean d'Arenthon, évêque de Genève, étant en tournée pastorale à Chamonix, s'avança jusqu'au pied des glaciers, et les exorcisa selon les formules rituelles. On assure que les mauvais esprits n'ont plus osé reparaître depuis cette époque.

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Arts visuels :


Lika Guillemot publie un article intitulé "L'Esprit de la Montagne" (site Ateliers Médicis, 14 juin 2021) pour expliciter l'intention de la performance :


Journal du projet Danser la Forêt

Performance : Biño Sauitzvy


Les montagnes, dans différentes cosmogonies et mythes, sont des lieux où se manifestent les divinités.


Les montagnes sont elles-mêmes des divinités. Et, en tant que manifestation et incarnation animiste, la montagne est un esprit ou une entité qui fait le lien entre le ciel, la terre et l'enfer. La montagne est là en tant que signe et manifestation de la quiétude, de ce qui ne bouge pas, de ce qui simplement « est », au-delà des volontés, des inquiétudes, des temporalités humaines. La montagne, c'est où Zarathoustra se réfugie pour échapper à la corruption des villes, des agglomérations humaines et ses théâtres des vanités, corruptions, vices, illusions, stupidités, orgueils, jeux de pouvoir, enfin, de tout ce qui l'éloigne de la puissance sauvage, animale et divine de l'humain.

Néanmoins, l'ascension et la quête de l'au-delà sont elles-mêmes une quête humaine, une vocation spirituelle de l'homme qui cherche et qui se cherche, ce qu'explique la multitude des symboles liés à la montagne. La montagne est ainsi un lieu de révélation spirituelle et de transformation.

Nombre de montagnes sacrées sont des lieux et des endroits de puissance, et la puissance est, notamment pour ceux qui ne sont pas encore prêts, considérée comme dangereuse, car confondue avec le pouvoir. Foucault, dans ses écrits, distingue assez clairement la puissance du pouvoir. D'où l'énorme soin et respect que les anciens, certaines cultures animistes et certains peuples autochtones nous enseignent par rapport à la montagne.

La puissance d'une montagne peut être à la fois naturelle et surnaturelle, ce qui revient au même pour certains peuples non occidentaux. On y vient pour se charger de puissances guérissantes pour soigner et restituer la santé et l'équilibre physique, mentale et spirituel des siens, de son peuple.

À Mayotte, île montagneuse où on descend et on monte, un vieillard autochtone m'a dit en me voyant courir et passer à plusieurs reprises devant lui : « Toi, tu montes et tu descends. Moi, je suis là, je ne bouge plus ! ». J'ai entendu avec mon cœur la voix de ce Zarathoustra mahorais.

La performance/action L'esprit de la montagne cherche ainsi à faire corps avec la montagne, à l'incarner par l'embodiment et l'expérience de l'artiste corporel. Néanmoins, ici la montagne n'est pas une entité isolée d'un ensemble. Elle est la mère-terre, sous un autre aspect et forme. Sa couleur et composition rouge nous prouve que faire corps avec cette montagne, c'est aussi rentrer dans la terre, dans la matrice, dans la mère nourricière.

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