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L'Argile




Étymologie :


ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1190 argille (Herman. Bible, B.N. 1444, fo35 vods Gdf. Compl.) ; xive s. argile (G. Briton, Voc. lat.-fr., éd. E.-A. Escallier ds T.-L.). Du lat. argilla, aussi argila « terre glaise » (iers. av. J. C., Varron, De lingua latina, 5, 158 ds TLL s.v., 530, 16), empr. au gr. α ́ ρ γ ι λ(λ)ο ς « id. ». La forme a. fr. ardille (Renart ds T.-L.) s'explique selon Fouché p. 843, par le fait qu'au stade ardyīla [d prépalatal] le y a pu se fondre dans l'i suivant avant le passage de [dy] à [d'žy].


Lire également la définition du nom argile afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Minéralogie :


Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) décrit l'opale à partir du groupe auquel elle appartient :


IIIe GROUPE : oxydes

B) Oxydes d'aluminium

Nous venons de voir que la silice ou oxyde de silicium donne une très grande quantité de pierres précieuses. Un autre oxyde, l'alumine pure ou oxyde d'aluminium — qui est aussi le principal élément constitutif de la vulgaire argile — en donne bien moins, mais elles sont d'une grande valeur : ce sont le rubis, le saphir, la topaze orientale et l'améthyste orientale. Il faut nous hâter d'ajouter que cette alumine est cristallisée, ce qui est la cause de la distance énorme qui sépare la si commune terre glaise de ces fastueuses pierres précieuses.

Les minéralogistes appellent d'un nom unique : corindon, tous les minéraux constitués par de l'alumine cristallisée à peu près pure, et sans tenir compte de la couleur de ces minéraux.

Le corindon incolore porte le nom de saphir blanc ; le rouge cramoisi est le rubis oriental ; le bleu d'azur, le saphir oriental ; le violet, l'améthyste orientale ; le jaune, la topaze orientale.

Le corindon parfaitement incolore ou saphir blanc possède un éclat assez vif qui le fait ressembler au diamant. Cependant, la dureté supérieure de ce dernier permet de le distinguer, Le rubis vrai ou rubis oriental est la pierre la plus estimée après le diamant et même, lorsqu'il atteint un certain poids (trois carats), sa valeur dépasse de beaucoup celle du premier. Le rubis a une couleur variant du rosé pâle au carmin foncé et qui est produite par l'oxyde de chrome. Le plus estimé est celui qui présente la couleur dite « sang de pigeon » (rouge vif). Les principaux producteurs de rubis oriental sont la Birmanie, la Thaïlande, Ceylan et la Tanzanie. A la suite du rubis oriental, il faut placer deux autres pierres que l'on confond souvent avec lui mais qui en diffèrent par une valeur moindre et une composition chimique autre : le rubis spinelle et le rubis balais.

Le rubis spinelle est un oxyde d'aluminium et de magnésium. Il est moins riche en couleur que le rubis vrai et tire plutôt sur le rouge ponceau. On l'appelle aussi rubis occidental.

Le rubis balais est une spinelle de couleur rosé violacé. Il prend le nom de rubicelle quand il est rouge-orange.

Les meilleures spinelles viennent de Ceylan, de Birmanie et des Indes.

Le saphir oriental est formé par du corindon bleu. Sa coloration est due à l'oxyde de chrome. Les joailliers appellent saphir mâle celui qui est indigo foncé et saphir femelle celui qui est bleu pâle. Le plus estimé est celui qui présente la couleur bleu de roi. Les mines de saphir sont plus nombreuses que celles de rubis : Ceylan, la Birmanie, la Thaïlande et l'Australie sont les premiers pays producteurs.

La topaze orientale est le corindon jaune et l'améthyste orientale le corindon violet. Elles se distinguent de leurs homonymes occidentaux par leur densité qui est plus grande (neuf au lieu de sept et huit)

Citons enfin le cymophane (composé de sesquioxyde d'aluminium et de protoxyde de glucine) connu dans le commerce des pierreries sous les noms de chrysobéryl et de chrysolite orientale. Lorsque cette pierre jaune ou d'un vert jaunâtre est taillée et polie, elle présente à sa surface un étrange reflet laiteux et bleuâtre qui paraît suivre les mouvements que l'on fait exécuter à la gemme.

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Lithothérapie :


Selon Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) :


Thérapeutique par l'argile : L'emploi médicamenteux de l'argile est, de nos jours, fort à la mode. Les naturopathes la considèrent comme un énergique agent naturel de régénération physique. « Cet élément vivant, dit Evelyn de Smedt, transmet à l'homme de puissantes vertus. Par son action antiseptique, elle entrave la prolifération des microbes ou bactéries pathogènes de tous les corps parasitaires et favorise la reconstitution cellulaire. D'autre part, l'argile a la propriété de se diriger là où se trouve le mal. Absorbée, elle se rend automatiquement vers le foyer morbide, s'y fixe, puis entraîne les agents nocifs dans son évacuation. Placée sur le corps, elle supprime les mauvaises odeurs, retire admirablement les impuretés. L'argile, en stimulant la radioactivité, rétablit l'équilibre et protège l'organisme des radiations ionisantes dangereuses (1). »

Selon d'autres auteurs, l'argile neutralise les acides du métabolisme humain, reminéralise l'organisme, stimule l'activité des glandes endoctrines, améliore la numération globulaire du sang et a un puissant pouvoir cicatrisant.

Mais ce n'est là qu'une redécouverte. Les pharmacopées d'autrefois vantent les propriétés de l'argile. Ses diverses variétés étaient alors nommées : lithomarge, moelle de pierre, terres bolaires.

Le célèbre bol d'arménie était de l'argile colorée naturellement en rouge par de l'oxyde de fer. On le présentait chez les apothicaires en masse compacte et desséchée. Mis en poudre et dissous dans de l'eau, il prenait alors le nom de Bol d'Arménie préparé. On l'employait comme dessiccatif, fortifiant, hémostatique, astringent. On l'importa d'abord de Perse et d'Arménie, d'où son nom, puis on le tira des environs de Blois et de Saumur.

Les anciens médecins employaient encore une foule de terres bolaires telles la Terre sigillée ou Terre scellée de Lemnos, substance argileuse rosée, ainsi nommée à cause de sa forme en petites boules aplaties portant un sceau, et de ce qu'on la tirait de l'île de Lemnos.

Le Bol blanc, qui provenait de Turquie, était une marne (2) desséchée. Le Bol de Bohême ou de Hongrie ne différait pas de la terre sigillée. La ferre cimolée était aussi une sorte « de bol d'Arménie » tantôt blanc, tantôt rougeâtre.

A la fin du siècle dernier, les pharmaciens préparaient encore des billes argileuses sur lesquelles ils imprimaient en creux les lettres T. S., initiales de terre sigillée.

Depuis des temps immémoriaux, les Chinois ont employé l'argile, qu'ils appellent Pé-Ché-Tsé, comme médicament.

Certaines peuplades primitives appelées géophages — notamment en Amérique du Sud — faisaient entrer, comme farine, une argile blanche phosphatée dans leur alimentation.

De nos jours encore, la médecine la plus classique utilise couramment une variété d'argile, l'attapulgite, comme pansement gastro-intestinal.

Outre ses incontestables propriétés objectives, le traitement par l'argile ne peut qu'être valorisé par la forte composante archétypique mise en jeu par cette matière.

Gaston Bachelard a très subtilement fait remarquer qu'« aux bains de boue d'Acqui, Michelet [ainsi qu'il le rapporte dans La Montagne'} va retrouver une santé première. C'est vraiment un retour à la mère ; une soumission confiante aux puissances matérielles de la terre maternelle. Tous les grands rêveurs terrestres aiment la terre ainsi, ils vénèrent l'argile comme la matière de l'être. Blake parle aussi de l'argile maternelle : "The matron Clay." Henry Thoreau dit également [dans Désobéir] : "Je pénètre dans un marais comme en un lieu sacré... C'est là qu'est la force, la moelle de la Nature." Il propose de vénérer "la boue, rouillée du sang de maints marais" (3) »


Notes : 1) Evelyn de Smedt, Techniques du bien-être, Paris, 1975, p. 190.

2) La marne est un mélange naturel d'argile et de calcaire.

3) ) Gaston Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté, Paris, 1948, p. 131.

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Symbolisme :


Jean Bouffartigue, auteur d'un article intitulé "Le corps d'argile : quelques aspects de la représentation de l'homme dans l'Antiquité grecque". (In : Revue des Sciences Religieuses, tome 70, fascicule 2, 1996. pp. 204-223) étudie les liens entre les symboliques grecques et chrétiennes :


[...] Dans la tradition grecque ancienne, l'homme d'argile est souvent désigné comme la créature de Prométhée. Le mythe de la création de l'homme par Prométhée est bien attesté dans la tradition hellénique, bien qu'il ne se soit nullement imposé parmi les diverses anthropogonies qui lui faisaient concurrence. [...]

Prométhée (aidé d'Athéna dans certaines versions), a humecté de la terre, de l'argile (pêlos) le plus souvent, et y a modelé des formes humaines. Chez Lucien, la forme donnée à l'homme par Prométhée est l'effet d'une volonté réfléchie visant l'imitation de la forme divine. Seule la version d'Hérodien se préoccupe de l'opération particulière qui a fait de ces figures d'argile des vivants. Par ailleurs Eschyle, Aristophane et Hérondas semblent faire allusion au même mythe, sans mentionner Prométhée. [...]

Aristophane, notre deuxième témoin en date, prouve que le mythe était bien connu du public athénien lorsqu'il désigne les hommes comme des « figures d'argile », plasmata pêlou. [...]

Dans ce contexte, les deux mots référant au mythe ont leur signification. Le mot traduit par « figures » (plasmata) nie la substantialité de l'homme, qui n'est que fiction et simulacre, et le mot traduit par « argile » (pêlos) dévalorise encore cette image en dénonçant la bassesse du matériau humain. Car un Grec avait au moins deux raisons de tenir le pêlos pour un matériau peu estimable. En tant qu'argile de potier, le pêlos était de peu de prix et constitutif d'objets généralement communs et toujours fragiles. Mais en outre, à la différence du lexique français, le lexique grec, avec le nom pêlos, ne distinguait pas, dans la notion générale de terre trempée d'eau et devenue pâteuse, le cas des terres argileuses dont l'utilité était considérable, et celui des terres impropres à la céramique, lesquelles, une fois détrempées, ne donnaient que de la boue. Le terme spécifique keramos est la plupart du temps employé pour l'argile cuite et semble n'avoir désigné l'argile crue que dans le langage technique (6). La terre du potier est quelquefois désignée par l'expression pêlos keramikos. Mais dans l'immense majorité des cas l'argile du potier n'est pas désignée par une autre expression que la boue. Le pêlos est donc aussi cette matière dont les textes soulignent régulièrement deux propriétés malfaisantes : elle rend la marche difficile (elle constitue en particulier un obstacle redoutable aux opérations militaires), et elle salit. En dépit des textes médicaux qui décrivent ses applications thérapeutiques, le pêlos est à inscrire parmi les réalités détestables. Rappeler à l'homme qu'il est fait de pêlos revient donc à lui faire observer qu'il ne vaut pas grand chose et qu'il est fait d'une matière ignoble. [...]

L'insolent oiseau d'Aristophane est donc le seul, dans la tradition extra-chrétienne, à dénoncer la bassesse globale du matériau humain. Dans le reste de cette tradition, là où la bassesse est dénoncée, elle n'est imputée qu'au corps. Du reste, même quand il est spécifié que la nature argileuse ne concerne que le corps, la préoccupation peut encore être celle de l'égalité. Ainsi, selon Libanios, c'est parce que nos corps sont tous faits de la même argile (ek tou autou pêlou) qu'ils sont exposés aux mêmes maladies. Mais l'« argile prométhéenne » qui, lorsqu'elle symbolise la nature humaine, peut être exempte de connotation péjorative, tend à être lourdement dépréciée quand elle symbolise spécialement le corps. [...]

Les Anciens ne pouvaient guère se représenter un vase autrement que fait d'argile, et du reste un autre texte de Paul évoque des « vases de terre cuite » qui paraissent bien symboliser le corps : ostrakinois skeuesin. Nous verrons que le concept d'ostrakon a offert à la symbolique grecque un trait de liaison entre l'argile boueuse et la céramique rigide. [...]

 La Genèse dessinait un homme de terre (gê), de glaise ou de poussière (khous), dont la bassesse, à la suite des formules de Paul dans la Première Epître aux Corinthiens (26), s'interprétait dans une échelle métaphysique ou spirituelle. L'homme de pêlos évoqué par Job portait une signification morale dont les accents étaient très familiers aux Grecs. Les Pères ne s'arrêtèrent guère au glissement qui s'opère des mots et khous de la Genèse au pêlos de Job et se bornèrent à rapprocher les mots comme synonymes, voire interchangeables. [...]

Mais c'est trop peu dire que la conscience d'être fait de boue invite à l'humilité. Pour le chrétien antique, cette conscience est aussi une source d'effroi lorsqu'il songe à la valeur symbolique que l'exégèse des Psaumes a assignée à la boue, image de la matière, mais aussi de la misère morale et du péché où l'homme est plongé. [...]

On se rappelle que dans la tradition « prométhéenne » les différences entre les hommes s'expliquaient par l'emploi d'argiles différentes. Dans la tradition issue de la Bible, l'argile reste unique et seule la libre volonté de l'artisan commande. [...]

Le pêlos n'en demeure pas moins affecté d'une certaine ambivalence. D'abord parce qu'il participe à une ambivalence qui le dépasse, Le pêlos n'en demeure pas moins affecté d'une certaine ambivalence. D'abord parce qu'il participe à une ambivalence qui le dépasse. [...] Il est ambivalent aussi parce que la matière qu'il est a reçu une forme. Si commune que soit cette argile, la perfection de l'artisan ne peut pas ne pas lui communiquer une perfection qui la transfigure et que les Pères conçoivent sous le registre de la beauté. [...]

Nous avons vu comment les Pères ont songé à établir l'identité entre la glaise-poussière et l'argile-boue, entre le khous et le pêlos. Entre le pêlos et l'ostrakon, c'est-à-dire l'argile et la terre cuite, ils ont mis en évidence une relation plus riche faite à la fois d'identité et de différence. [...]

Au iv* siècle, le sentiment de la relation entre le pêlos et l'ostrakon dans la symbolique du corps humain est acquis. Dès lors peut s'opérer un traitement allégorique de cette double métaphore. Il ne s'agit plus de penser que le corps humain peut être comparé à de l'argile crue ou cuite, mais de concevoir qu'il est symboliquement argile crue et cuite, parce que son statut est double. L'idée n'est pas ici celle de l'ambivalence étudiée plus haut, mais celle de la transformation dont le corps reçoit la grâce lors du salut. [...]

Mais le feu de l'Esprit peut effectuer une véritable transmutation. Le pêlos primitif est alors transformé en un matériau plus solide et plus précieux que la céramique. Il peut devenir de l'acier [voire de] l'or.

[...]

Ainsi s'est épanouie et déplacée, au long de l'Antiquité, la représentation du corps humain comme une masse d'argile. Argile molle et boueuse, ou dure et friable, mise en forme par une volonté intelligente, celle d'un statuaire ou celle d'un potier. Des siècles durant, l'homme antique a tenté, en l'assimilant à une matière des plus communes, de dévaloriser ce corps dont ses savants et ses artistes, par des voies différentes, lui proclamaient la perfection. Les chrétiens ont conservé la même attitude à l'égard du corps dégradé par le péché, mais ont bouleversé le paysage anthropologique en concevant un corps spirituel. Seul Jean Chrysostome a osé imaginer une argile transfigurée par une cuisson spirituelle. Il représente un des sommets, et peut-être le chant du cygne, de la symbolique du corps d'argile. Entre l'imagerie dans son traitement hellénique et la même dans son traitement chrétien, les ressemblances et affinités existent, mais les communications ne paraissent guère actives. Chaque lignée reste en grande partie imperméable à l'autre. Il est probable que les souvenirs prométhéens ont aidé les Grecs convertis à comprendre à apprécier les métaphores bibliques, mais il faut croire que celles-ci avaient un pouvoir de suggestion et d'édification que n'avait guère le vieux mythe grec. Un mythe n'est pas une Ecriture. S'il y eut pour les païens une Ecriture, c'est Platon qui l'a rédigée, imposant son sentiment d'un corps rigide et étouffant, terreux certes par son élément, mais d'une terre dure et sèche, un corps de pierre, coquille, prison ou tombeau.

 

Selon Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) :


L'ARGILE : Symbolise la substance primordiale indifférenciée.

En hébreu, l'adjectif Adôm, rouge et le substantif Adamah, terre, limon, sont, selon la Kabbale, en rapport avec le nom d'Adam. La Genèse nous montre Elohim modelant une statue d'argile rouge qu'il anime ensuite de son souffle, pour en faire le premier homme.

C'est aussi d'argile que Prométhée avait fait l'être humain originel auquel il conféra la vie avec le feu dérobé au ciel.

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