Autres noms : Hura crepitans ; Arbre à sable ; Arbre dauphin ; Arbre paresseux ; Assacou ; Bois diable ; Pet du diable ; Sablier des Antilles ; Sablier élastique.
Botanique :
Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque les différents modes de communication chez les animaux et chez les plantes :
Dans la famille de l'épurge, un arbre très courant en Afrique a été affublé du qualificatif de crepitans qui exprime son aptitude à jouer les mitraillettes. A la tombée du jour, lorsque la température baisse, ces arbres crépitent en effet allégrement, ce qui n'éloigne pourtant pas ceux qui aiment se reposer à leur ombre ; car le tronc est hérissé d'épines, donc particulièrement infréquentable pour les serpents qui dit-on, ne grimpent jamais dans le feuillage de ces arbres, souvent plantés dans les villages. Quant aux ressorts qui animent ses fruits, passés maitres dans l'art de la balistique végétale, ils commencent à être entrevus...
De fines observations ont en effet permis d'élucider les mécanismes « actifs » mis en œuvre par certains fruits pour disséminer leurs graines. Ceux-ci tiennent généralement à la présence, à l'intérieur de ces fruits, de longues fibres cellulosiques dont les membranes, d'épaisseur inégale, se gonflent ou se dégonflent en fonction du degré d'humidité de l'air. il en résulte de fortes tensions qui provoquent la rupture brutale des parois du fruit avec éjection des graines, ou encore des torsions qui permettent aux fruits ou aux graines de ramper littéralement sur le sol, voire même de s'y enraciner.
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Utilisations :
Son latex, introduit dans l’eau anesthésie les poissons qui sont ainsi péchés plus facilement. Les carpelles séchés sont sculptés en petits dauphins à l’Ile de la Réunion. Hura crepitans est utilisé pour son bois et aussi comme plante médicinale, malgré la toxicité de sa sève.
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Symbolisme :
Selon J. Tournon et U. Reategui, auteurs d'un article intitulé "Aspects de la médecine traditionnelle et des plantes médicinales des Shipibo-Conibo de l'Ucayali" (In : Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 30ᵉ année, bulletin n°3-4, Juillet-décembre 1983. pp. 249-265) :
Le monde végétal des Shipibo-Conibo se divise en rao et raoma (ma est le suffixe de négation) suivant que la plante a ou n'a pas de coshi. Ils peuvent préciser si une plante est médicinale ou vénéneuse avec les qualificatifs jacon (bon) ou jaconma (pas bon), ainsi une plante médicinale sera rao jacon et un poison rao jaconma. Mais ils sont bien conscients de l'arbitraire de ce qualificatif, un rao pouvant être jacon ou jaconma suivant l'usage et la dose. L'essentiel est donc l'existence du coshi et non son caractère positif ou négatif. Ainsi l'ana (Hura crepitans, « catahua ») a un pouvoir très fort qui peut être utilisé pour soigner l'uta (Leishmania brasiliensis), pour stupéfier les poissons ou pour empoisonner son ennemi.
Dans le monde des Shipibo-Conibo tout être vivant, animal ou végétal, des sites, lieux et accidents topographiques comme les maya (méandres, tourbillons), mana (collines, hauteurs) ont un yoshin esprit (traduit par les missionnaires par diable ou démon). Ainsi rao aussi bien que raoma ont un yoshin, mais les premières se distinguent des secondes en ayant un yoshin coshi, un esprit qui a un pouvoir. Ainsi l'ana (Hura crépitons) a un yoshin coshi, c'est un rao, mais le tahua (Gynerium sagitatum) a un yoshin coshima, c'est un raoma. Dans le monde des Shipibo-Conibo les yoshin ne sont pas seulement un concept mais peuvent être opératoires.
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Littérature :
Selon Michèle Constans, auteure de « Essentiel paysage » : l’herbier imaginaire d’Aimé Césaire. (Cybergeo : European Journal of Geography, 2013.
Tour à tour bienfaisante ou destructrice, très souvent brusque et violente, elle marque fortement le réel martiniquais. C’est elle qui détermine les saisons et les plus importantes variations de la végétation. Son absence est « carême », la saison sèche. Ses excès accompagnent les tempêtes tropicales et les cyclones. Elle donne naissance, chez Césaire, à de nombreuses images visuelles et sonores : la dense verticalité des « hautes futaies de la pluie souveraine, » (Poésie p. 134), des soleils mouillés : « Pavoisez soleils/ à travers les rayures mille et une/ au ciel de la terre de la pluie notre volonté » ; des éclats sonores : « Pluie je vois tes cheveux qui sont une explosion continuelle d’un feu d’artifice de hura crepitans » (Ferrements p. 105) continuité des cheveux, éclatement des graines, « crepitans », pluie crépitante. Pluie violente et oblique, tempête, rafales, une pluie qui piège et emprisonne. : « à travers les pluvieuses mitraillades de l’ombre/ à travers le trémail virevoltant du ciel ». On pourrait dire qu’il pleut « des hallebardes », « des cordes », mais le fracas des gouttes, mais l’oblique strié du vent et le noir et blanc des paysages de pluie, qui l’entendrait dans ces images usées ?
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« Pluie je vois tes cheveux qui sont une explosion continuelle d’un feu d’artifice de hura crepitans » (Ferrements p. 105) Le son du mot et le feu d’artifice pour voir et entendre dans le crépitement de la pluie celui des graines de l’arbre que l’on appelle sablier. Les graines sont enfermées entre deux petites valves courbées ligneuses jusqu'au début de la saison des pluies ; une fois au contact de l'eau, elles volent littéralement en éclats se disséminant sur de grandes distances, avec ce bruit très particulier qui définit l'espèce, crepitans. Le suc très toxique est utilisé pour la chasse et la pêche. N’est-il pas question également du tronc épineux, image visuelle de l’impact de la pluie à la surface de l’eau ou sur la route ?
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