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Le Balanzan

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • 23 juil. 2018
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 avr. 2024



Étymologie :


Autres noms : Faidherbia albida - Francais : Cadde - Wolof : Kad - Haoussa : Gao - Peulh : Tiaski, Tchaiki - Moore : Zanga, zaaga -




Botanique :


Françoise Héritier, dans un entretien avec Paul Pandolfi", Un parcours ethnologique Entretien avec Françoise Héritier N° 8 Printemps 2005." (Ethnologies comparées, 2005) évoque un paysage construit par la présence des balanzans :


Entre les deux régions, dans un paysage de brousse armée constituée majoritairement d’arbustes porteurs de piquants, avec quelques grands arbres épars, se trouvaient les villages samo. C’étaient aussi des villages compacts avec un habitat en argile séchée (banco), des maisons rectangulaires et une organisation dualiste assez visible sur le terrain. Mais c’étaient de gros villages avec une particularité étonnante : ils étaient entourés d’une zone pourvue d’une seule espèce arborée. On appelle cela un parc, ici un parc à balanzan, nom d’un arbre dont l’appellation savante est acacia albida. C’est un acacia qui a plusieurs particularités : il est anthropique, il se reproduit après être passé par l’appareil digestif des chèvres car les noyaux doivent être prédigérés, et surtout il perd ses feuilles à la saison des pluies et les garde à la saison sèche. Ce qui en fait, bien évidemment, un fourrage très précieux. C’est un paysage très particulier. On quittait une brousse très dense où on ne voyait rien à cinq mètres et on arrivait subitement dans un immense espace peuplé de ces magnifiques balanzans, on traversait le parc à balanzans sur plusieurs centaines de mètres et on débouchait sur les villages. C’était très beau, surprenant et complètement différent des types de présence au sol des Mossi ou des Pana.

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Proverbes et dictons :


D'après Pierre Diarra, auteur de Proverbe et philosophie : essai sur la pensée des Bwa du Mali. (KARTHALA Editions, 2002) :


Le « balanzan » dit qu'il ne va pas pousser en saison des pluies, car on déclarerait alors que c'est l'eau de pluie qui l'a fait pousser.


Nous sommes ici, plus que dans l'énoncé proverbial précédent, dans l'observation et la description. En effet, si nous sommes attentif au « balanzan » (Faidherbia albida) pendant quelques années, nous constatons qu'il n'a jamais de feuilles pendant la saison des pluies, c'est-à-dire entre le mois de juin et le mois d'octobre, contrairement aux autres arbres de cette savane aride, dont les autres espèces d'acacias. Dans cette région du Mali, il est très rare qu'il pleuve au cours des autres mois de l'année. Cependant, il est étonnant de voir le Faidherbia couvert de feuilles pendant la saison sèche. S'il parlait, il dirait qu'il pousse de lui-même ou qu'il préfère pousser pendant la saison sèche afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur les causes de sa feuillaison. Il est évident que le Faidherbia a besoin de l'eau de pluie ; les Bwa le savent. C'est d'ailleurs eux qui pensent ce que dit cet arbre. En mettant cette parole dans la « bouche » du Faidherbia, les Bwa semblent nous inviter à passer de l'observation à la réflexion qui comporte non seulement étonnement et désir de compréhension, mais aussi raisonnement et désir d'explication.

L'observation nous amène à la pensée et même à l'explication en sous-entendant des causes. Dire simplement que cet arbre porte des feuilles seulement quand il ne pleut pas ne semble pas être suffisant pour l'esprit. En effet, à la question « pourquoi est-ce ainsi ? », on pourrait répondre « c'est parce qu'il pleut », si bien sûr notre Faidherbia poussait en saison des pluies. Afin que personne ne puisse dire cela, l'arbre « s'organise » pour ne pas pousser en saison des pluies. Devons-nous dire que nous quittons le registre des causes pour nous tourner vers le registre des raisons ? Peut-être, s'il est vrai que le Faidherbia apparaît comme un arbre fier qui ne veut pas que les apparences trompent ceux qui l'observent ; il donne les raisons de son « agir », défie la pluie, comme s'il n'en avait pas vraiment besoin dans un contexte om toute la nature attend pendant de longs mois la pluie, source de vie. Le Faidherbia semble avoir une intention voire des pensées qu'il met en pratique en les expliquant. L'observation renvoie non seulement aux causes mais aussi aux motifs, aux intentions, aux raisons.

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Symbolisme :


Selon Youssouf T. Cissé, auteur d'une "Conférence de M. Youssouf Cissé." (In : École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 93, 1984-1985. 1984. pp. 77-81) :


Les conférences de l'année ont été consacrées à l'exposé de quatre récits initiatiques mandingues relatifs à l'origine de la vie. Ces récits, fort longs et complexes, sont enseignés au niveau du Komo, société d'initiation majeure que l'on rencontre partout dans le monde mandingue.

[...]

Auparavant, des animaux et des plantes « sacrés » descendus du ciel ou dont les « grains » ou germes, kisè, « signes en puissance » ou « signes puissants » existaient dans le cosmos depuis les origines, apparurent sur la Terre : ce sont l'escargot, le serpent, le caméléon, la mante religieuse, la tortue, le lombric et le scarabée sacré pour le règne animal, le figuier, le fromager, le balanzan (Acacia Faidherbia Albida), le sunsun (Diospyros Mespili Formis), le dyala (Khaya Senegalensis), etc., pour le règne végétal.

 

Pour Sophie Ékoué, auteure de Sagesses africaines (Hachette, 2016) :


"Acacia albida appelé balazaan (en bamanan), dont l'écorce sert en médecine traditionnelle comme antibiotique, est l'arbre mythique de la ville malienne de Ségou, "la ville des 4 444 balazans". Au bord du fleuve Niger, à Ségou, en pays bamanan, on ne peut imaginer qu'il y ait plus de 4 444 pieds de balanzans ; un de plus serait signe de trahison et de complot vis-à-vis de l'autorité suprême, du chef. Pour éviter le courroux des génies, il est déconseillé d'abattre un balazan."

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