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Le Gaillet




Étymologie :

  • GAILLET, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1786 (Encyclop. méthod. Bot.). Croisement de caille-lait* et du lat. des botanistes gallium 1694, Tournefort Bot. t. 1, p. 93 ; xvie s. galium Mattirolo, Illustr. del primo vol. dell' erbario di Ul. Aldrovandi [1522-1607] ds Roll. Flore t. 6, p. 248 [d'où le fr. galium 1561, Mathiolus sur Dioscoride, p. 418 ds IGLF : Le galium a pris son nom de ce qu'il sert de presure à cailler le laict]; lat. médiév. gal(l)ium (Diefenbach, Glossarium latino-germanicum mediae et infimae aetatis d'apr. Roll. Flore, loc. cit.); lat. de l'époque imp. galion (TLL s.v., 1678, 74), transcr. du gr. γ α ́ λ ι ο ν, v. aussi André Bot.


Lire également la définition du nom gaillet pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Galium aparine ; Accroche-cu ; Aspertule ; Asprelle ; Bassemain ; Capille à teigneux ; Colle de Mardi Gras ; Courante ; Epuces ; Gaillet accrochant ; Gaillet gratteron ; Gleton ; Glëttron ; Grafignon ; Granëtons ; Grap'toupte ; Gratiron ; Gratons ; Gratteron ; Gratte-langue ; Grattes ; Grépala ; Gripes ; Grotorou ; Guirlande ; Herbe à gratter ; Herbe à la pourrie ; Herbe collante ; Hérissons ; Laparion ; Lapourdié ; Pëss'ron ; Petit Glouteron ; Petit peignot ; Pince-oiseaux ; Pique-langue ; Plaquante herbe ; Prend-main ; Queue de la mariée ; Riboulo ; Robe ; Rude ; Rûle ; Saigne-langue ; Saigne-nez ; Sparine ; Teigne ; Tenancière ; Traînasse ; Traîne-queue ;

Galium saxatile ; Gaillet des rochers ; Gaillet du Hartz ;

Galium verum : Caille-lait ; Caille-lait jaune ; Caillet jaune ; Gaillet vrai.

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Botanique :


D'après Lionel Hignard et Alain Pontoppidan, auteurs de Les Plantes qui puent, qui pètent, qui piquent (Gulf Stream Éditeur, 2008) :

"La colle de Mardi gras, ou gratteron, pousse partout où le sol est un peu sec, et où il ne fait pas trop chaud. C'est une plante mole, à la tige carrée revêtue de minuscules poils rugueux. Les fruits sont de petites boules vertes groupées par deux, qui collent autant que la tige et les feuilles. Impossible de se promener parmi les gratterons sans en emporter quelques échantillons.


Pourquoi fait-elle ça ? La colle de Mardi gras est bien trop mole pour rester debout toute seule... Alors elle s'agrippe aux autres plantes plus solides qu'elle, et devient même si envahissante qu'elle finit par les étouffer.


Du gaillet pour le fromage : Un autre gaillet, le gaillet jaune, est utilisé pour faire cailler le lait, en lui donnant en même temps une légère teinte jaune et un parfum agréable. Il suffit de faire infuser une petite poignée de fleurs, dans le lait tiède, pour le faire prendre. Le Chester, fromage anglais, est traditionnellement fabriqué à partir de lait caillé avec du gaillet jaune.


Café gratteron : Les petits fruits ronds du gratteron peuvent servir à faire une boisson proche du café. Récolter les fruits à la fin de l'été, quand ils commencent à brunir, et les faire griller sur une poêle, ou dans le four. Moudre les grains, infuser la poudre dix minutes dans l'eau bouillante, et filtrer. C'est presque comme du vrai café ! "

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Les teintures végétales ne pouvant supporter la concurrence des teintures chimiques dont le prix est bien moindre, les plantes tinctoriales ont cessé d'être cultivées, et on en récolte plus guère celles qui croissent dans nos vallées et sur nos montagnes. Je me souviens d'avoir vu dans mon enfance arracher, pour la teinture, l'épine-vinette et l'Asperula cynanchica ; aujourd'hui personne n'y songe. L'énumération que je fais des plantes tinctoriales spontanées en Savoie n'a donc qu'un intérêt historique. [...]

Teinture rouge : racine du gratteron, Galium aparine ;

[...]

Fabrication du beurre et des fromages : Les Gaillets, surtout le jaune, Galium verum, étaient employés partout pour faire cailler le lait ; à Beaufort, on préfère se servir d'une macération faite à froid pendant longtemps des fleurs de caillet jaune et de chardon et des sommités fleuries du serpolet. Cette macération se conserve dans des bouteilles.

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Pour empêcher que la femme enceinte qui a eu une envie pendant sa grossesse ne la transmette à sa progéniture, le conjurateur qui doit être né au mois, de mai frotte les parties les plus ordinairement visibles de son corps avec une herbe appelée en breton anviez (Gallium saxatile) et il récite une conjuration où il interpelle le mal redouté.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette plante :


GRATERON - RUDESSE. L'âpre et rude Grateron, qui ne présente ni beauté, ni utilité, est sans cesse banni de nos champs, dans lesquels il revient sans cesse.

 

Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


GRATERON - RUDESSE.

Une douce parole apaise la colère et une parole dure provoque la fureur.-

Proverbes. XV, 1.

Le grateron caille-lait est une plante annuelle et indigène qui croit particulièrement dans les haies, les buissons et aux lieux incultes depuis le midi jusque dans le nord. Ses tiges et ses feuilles sont âpres, rudes et hérissées de petites épines crochues au moyen desquelles il s'accroche à tout ce qui le touche. Il n'a aucune bonne qualité qui puisse lui faire pardonner sa rudesse et qui compense les incommodités qu'il nous occasionne, d'où il résulte qu'on l'a banni des jardins. Quelques personnes ont prétendu que ses graines torréfiées acquéraient une odeur et une saveur analogues à celles du café, mais elles sont si faibles qu'elles ont été abandonnées. Cette plante avait été autrefois employée comme incisive, apéritive, etc., qualités imaginaires qui n'ont pu tromper qu'une confiance aveugle. Il ne reste donc au grateron que ses racines qui comme beaucoup d'autres rubiacées, donnent une couleur rouge. On ne cultive cette plante que dans les jardins botaniques où on la sème au printemps.

DE L'AFFABILITÉ.

Nous pouvons nous faire une assez triste idée de la rudesse et nous convaincre des soins avec lesquels nous devons l'éviter par les considérations que nous allons faire sur la qualité qui lui est opposée, c'est-à-dire sur l'affabilité. On désigne sous le nom d'affabilité ce sentiment des convenances qu'observe habituellement l'homme affable et qui fait que dans ses relations avec ses inférieurs par la naissance, le rang ou la fortune, il se montre toujours ayant le sourire sur les lèvres, avec de bienveillantes paroles et toutes les formes d'un homme poli, prévenant et cordial.

On ne saurait croire combien cette vertu est rare aujourd'hui dans le monde ; et si elle nous parait plus commune qu'elle ne l'est réellement, c'est que nous confondons avec bien des gens pas plus malins que nous, l'affabilité réelle, qui est le partage des personnes bien nées, et une sorte de dissimulation, dont se servent les individus haut placés par leur position sociale, à l'égard de ceux qui leur demandent des faveurs ou des services, ou même vis-à-vis de celui qui leur réclame une chose loyalement et légitimement méritée.

L'affabilité doit être particulièrement la qualité des grands et des hommes en place, et plus on est élevé par son rang ou sa naissance au-dessus des autres, plus on doit avoir de douceur et d'affabilité. Le maire d'une petite ville de France chargé de haranguer le roi en lui présentant les clefs, lui dit : « Sire, la joie que nous avons en voyant votre majesté est si grande que..... » Il fut alors si interdit, qu'il rappela en vain sa mémoire ; il répéta en bégayant les dernières paroles qu'il venait de prononcer. « Qui , lui dit le prince d'un ton de bonté, la joie que vous avez est si grande que vous ne pouvez l'exprimer. »

Mais si l'affabilité est de devoir dans un grand, dans un homme qui est en place, elle est aussi bien plus propre à lui concilier l'estime et l'amour que sa dignité même ou son rang. L'éclat qui brille autour de sa personne nous offusque trop pour ne pas nous déplaire, et l'élévation où il est placé humilie trop notre amour-propre pour que nous ne cherchions pas dans ses défauts et dans ses fautes de quoi justifier notre en vie. Mais si les charmes de l'affabilité tempèrent les rayons de gloire qui nous éblouissent, si la douceur des manières fait en quel que sorte descendre jusqu'à nous celui qui semblait si élevé au-dessus de la condition commune, il désarme la jalousie, fait taire la haine et attire à lui tous les cœurs.

Trajan était bien convaincu de cette vérité. Ses favoris, le voyant recevoir tout le monde avec beaucoup d'affabilité, lui représentaient qu'il oubliait la majesté de l'empire. « Je veux, répondit-il, que mon peuple trouve en moi un empereur tel que je désirerais en voir un si j'étais homme privé.

L'affabilité, ainsi que le remarque Massillon, est comme le caractère inséparable et la plus sûre marque de la grandeur. Les descendants de ces races illustres et anciennes, auxquelles personne ne dispute la supériorité du nom et l'antiquité de l'origine, ne portent point sur leur front l'orgueil de leur naissance ! ils la laisserait ignorer, si elle pouvait l'être. On ne sent leur élévation que par leur noble simplicité ; ils se rendent encore plus respectables, en ne souffrant qu'avec peine le respect qui leur est dû ; et parmi tant de titres qui les distinguent, la patience et l'affabilité sont la seule distinction qu'ils affectent. La fausse grandeur au contraire est farouche et inaccessible, comme si elle craignait que, vue de trop près, elle ne perdit beaucoup de ce qu'elle paraît être.

O vous donc qui êtes jaloux de l'amour des hommes, aimez à vous rendre humains et accessibles : montrez à tous cet air simple et noble de bonté qui attire les cœurs. Faites qu'au sortir de votre entretien on goûte toujours le plaisir d'être charmé de vous et d'être content de soi-même.


RÉFLEXION.

Soyez doux, complaisants, d'un caractère affable :

On est toujours aimé quand on est sans humeur ;

L'esprit ne suffit pas, enfants, pour être aimable ;

Il faut y joindre encore l'indulgente douceur.

(MOREL-VINDÉ, Morale de l'Enfance.)

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Caille-lait ou Gaillet - Importunité.

On trouve dans les champs plusieurs espèces de caille-lait dont les deux plus communes sont : l'une à fleurs jaunes, l'autre à fleurs blanches. C'est à tort qu'on lui donne la propriété de cailler le lait. Cette plante est vivace et, avec ses racines, on obtient une couleur semblable à celle que donne la garance.

 

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Gaillet tricorne (Galium aparine) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Pouvoirs : Amour ; Maléfices.


Utilisation rituelle : Un bouquet d'accroche-cul mis sur le rebord de fenêtre d'une fille indique symboliquement qu'elle est souvent demandée en mariage, mais qu'elle fait la difficile et refuse constamment.


Utilisation magique : Aux États-Unis, le gratteron entre dans les charmes d'amour; avant d'aller rendre visite à leur belle, les jeunes paysans utilisaient comme eau de toilette le jus frais du Gaillet à trois cornes, dans le but de mettre «en mal d'amour» la jeune fille qu'ils courtisaient. Mais si l'on remonte plus loin dans le passé, on retrouve mieux les traditions de la vieille Europe : les puritains faisaient porter, à même la peau, une ceinture d'herbe à gratter aux femmes qui s'étaient mal tenues en public.

En France, le Gaillet est associé à la sexualité, mais avec une nette odeur de soufre. Si une fillette aime à jouer à la mariée en s'habillant de guirlandes de gratons, cela lui portera malheur plus tard : ou bien elle mourra avant d'être mariée ; ou, si elle vit, elle ne se mariera pas en blanc, c'est-à-dire qu'elle attendra un enfant, si elle ne l'a pas déjà eu (Naintré, Vienne).

Si on se sert de la racine de cette plante pour teindre en rouge les œufs de Pâques, il risque de sortir de chaque œuf un sorcier (Vendée).

Pour savoir si une fille est pucelle, faites-lui manger laparion : « si elle n'est pucelle elle pissera tantost ».

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Selon une croyance du XVIe siècle, si une jeune fille mange du gratteron, appelé aussi "gratte-cul", et urine aussitôt, c'est la preuve qu'elle n'est plus vierge. Dans la Vienne, on croit que celle qui se compose une guirlande ou une couronne avec cette plante herbacée des prés à petites fleurs jaunes ou blanches attire le malheur : elle mourra jeune et célibataire ou deviendra mère célibataire.

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Selon Micheline Lebarbier, auteure d'un article intitulé "Des plantes adjuvants du Destin, entre amour et rivalité, dans deux villages du Nord de la Roumanie" (Huitième séminaire annuel d'ethnobotanique du domaine européen du Musée départemental ethnologique de Haute-Provence, Jeudi 22 et vendredi 23 octobre 2009) :


Le gaillet (ou caille-lait) (Galium verum)

Le gaillet, qui est à son apogée lors du solstice d’été, est une autre plante support de séduction pour les jeunes filles. I. Gaïta (2003) qui a enquêté sur cette plante (sânziene, drægaica) écrit que les jeunes filles du Maramures, une fois purifiées dans les eaux de la rivière, se parent de fleurs de gaillet qu’elles accrochent à leurs cheveux ou à leur corsage pour la fête de la saint Jean (p. 138). Plante liée aussi à la fertilité, elle est également un support de pratiques divinatoires pour savoir si le mariage aura lieu dans l’année :

« glisser du gaillet sous l’oreiller le 24 juin permettrait aux jeunes filles de rêver de celui qui leur est “promis” et parfois, même des circonstances exactes de leur mariage. Jeter une couronne de gaillet sur le toit de la maison permettrait de voir si le mariage est proche et si la propriétaire de la couronne jouira d’une longue vie. » (ibid.)

Dans les villages de l’enquête, les jeunes filles suspendaient un bouquet de gaillet à la fenêtre. Si le lendemain matin on retrouvait ce bouquet entouré d’un fil provenant soit d’une araignée, d’un cheveu ou encore de poils d’animaux qui s’y seraient accrochés, on considérait que le mariage aurait lieu dans l’année. Le « fil » accroché laissait entrevoir, de plus, la couleur des cheveux du futur mari. Ces messages symboliques étaient reçus comme étant l’œuvre de fées liées au gaillet, ils étaient aussi interprétés de la sorte dans d’autres régions des Carpates (cf. Gaïta, 2003).

Marika, une tradipraticienne de Breb de plus de 70 ans, grande connaisseuse de plantes, affirma également avoir confectionné autant de couronnes de gaillet qu’elle avait de petites-filles afin de leur « tresser » un avenir conjugal heureux et que les jeunes filles s’entouraient la taille de ceinture de gaillet, dont les feuilles collantes attachaient à elles les garçons, au cours de la danse traditionnelle du dimanche mentionnée ci-dessus.

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Littérature :


Dans Temps glaciaires (Éditions Flammarion, 2015), Fred Vargas confirme l'attachement du commissaire Adamsberg pour les herbes en général, et le gratteron en particulier :


Les trois hommes déambulaient dans l'allée sombre, Danglard suivait la ligne de graviers - pour ne pas endommager ses chaussures -, tandis qu'Adamsberg marchait sur le bas-côté, ne laissant jamais passer une opportunité de fouler de l'herbe. Une preuve, avait dit caustiquement le divisionnaire - qui estimait Adamsberg sans l'aimer -, que le commissaire n'avait jamais atteint un degré normal de civilisation. Depuis qu'on laissait pousser les mauvaises herbes sur les grilles des arbres à Paris, Adamsberg déviait souvent ses pas pour passer sur ces grilles, infimes espaces de sauvagerie. Parmi les herbes qu'il écrasait à cette heure, une plante déposait sur le bas de son pantalon de ces petites boules adhérentes qu'il fallait décoller une à une à la main. Il leva la jambe droite, nota dans l'obscurité une dizaine de graines accrochées au tissu, en arracha une. Elles venaient vite, elles étaient douées, elles ne lâchaient pas prose, alors qu'elles n'avaient même pas de pattes. Le nom de cette plante, qu'aucun enfant n'ignore, il l'avait oublié.

[...]

- Si, on saura, répliqua Adamsberg en foulant à dessein une nouvelle touffe de gratteron desséché.

Voilà, il l'avait retrouvé le nom de cette plante aux graines accrocheuses. Le gratteron.

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