Étymologie :
VÉTIVER, VÉTYVER, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. 1824 vétyr-ver « sorte de plante graminée » (Raymond) ; 2. 1837 « parfum de la racine de cette plante » (Balzac, C. Birotteau, p. 54 : il admire des danseuses dans une chauderie en respirant du vétiver). Empr. au tamoul vettivern « sorte d'herbe » (FEW t. 20, p. 113).
Lire également la définition du nom vétiver afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Chrysopogon zizanioides ; Chiendent des Indes ; Chiendent odorant ; Véti ; Vétivert ;
Botanique :
Selon Lauren Valverde, qui propose une "Etude de la ripisylve de la Nam Khan au Laos : inventaire, usages traditionnels et possibilités d’utilisation en génie végétal." (Mémoire de master, 2008) :
Originaire de l’Inde, le vétiver Vetiveria zizanioides fut traditionnellement utilisé comme haies de contour protégeant les rizières, ainsi que dans la fabrication d’huiles essentielles. Dans les années 80, la Banque Mondiale conduisit plusieurs projets de recherche en Inde, visant au développement systématique de la « Vetiver Grass Technology » (VGT), plus connue sous le nom de « Vetiver system » (VS). Depuis, cette méthode s’est mondialement répandue pour répondre à moindre coûts à différents problèmes environnementaux, tels l’érosion des pentes et des berges, et le traitement des eaux usées et polluées.
Le vétiver est une herbe vivace touffue, rêche et glabre. C’est un « reproducteur timide » considéré comme étant stérile en dehors de son habitat naturel de marécages. Ce n’est donc pas une plante invasive. Il est dépourvu de rhizomes et de stolons et se reproduit par ramification des racines ou par bouturages. La plante se développe en massifs à partir d’une racine ‘’spongieuse’’ fortement ramifiée, avec des tiges dressées hautes de 0.5 à 1,5m. Le système racinaire spongieux de la plante s’enroule au sol en dessous de la plante jusqu’à une profondeur atteignant 3 mètres.
La liste des avantages qu’on lui attribut est longue. A la fois xérophite et hydrophyte, V. zizanioides peut résister à des sécheresses extrêmes de même qu’à de longues périodes de submersion. Il possède un éventail exceptionnellement large de pH, et semble pouvoir se développer dans n’importe quel type de sol sans tenir compte du degré de fertilité. La forte huile aromatique qu’elle contient rend l’herbe insipide auprès des rongeurs et autres insectes (description issue d’un rapport de la Banque Mondiale paru en 2000 traitant de la protection contre l’érosion grâce au Vétiver).
Pour être efficace en tant que méthode de conservation des sols, le système végétatif doit former une haie. Afin d’obtenir les meilleurs résultats, les divisions racinaires du vétiver ou boutures devraient être plantées en double ou en triple rangée afin de pouvoir former des haies parallèles. Une fois la haie fixée, elle ne s’use ni ne requiert un entretien supplémentaire si ce n’est un élagage de temps à autre. En plus de son utilisation comme élément de conservation des sols et de l’humidité, le vétiver sert de fourrage, de chaume, de paillis, de litière à bétail, de brise-vent, de protection des accotements et de balayettes.
Les exemples de son utilisation sont nombreux de par le monde. En Australie, en Chine, en Thaïlande, le vétiver a été utilisé pour diminuer les concentrations en phosphates, nitrates, sel et métaux lourds présents dans les eaux usées. Le Vetiver System s’est également révélé être une méthode rentable pour stabiliser et revégétaliser les pentes karstiques en Chine ; pour stabiliser les berges au Vietnam et en Chine ; pour protéger les plages du Sénégal ; pour stabiliser les polders au Bangladesh ; et pour prévenir les inondations en Australie (U. C. Lavania, 2004).
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Vertus médicinales :
Jean-Pierre Nicolas, dans "Plantes médicinales du Nord de Madagascar." (Ethnobotanique Antakarana et informations scientifiques. Jardins du Monde. 150p, 2003.) nous donne les renseignements suivants :
Principaux constituants chimiques : racine : huile essentielle riche en sesquiterpènes (vétivone, vétivérol), hétérosides cardiotoniques, tanins, flavonoïdes.
Propriétés Pharmacologiques : antispasmodique gastro-intestinal, sédatif léger.
Nous recommandons la plante pour le soin des insomnies et de la nervosité sous forme de décoction à 25 grammes de racine par litre d’eau, à boire dans la journée ou une tasse avant le coucher.
Toxicologie : La plante ne présente pas de toxicité aux doses thérapeutiques.
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Usages traditionnels :
Marc-Alexandre Tareau, auteur de "Les pharmacopées métissées de Guyane : ethnobotanique d’une phytothérapie en mouvement." (Biologie végétale. Université de Guyane, 2019) nous apprend que :
Chez les Créoles, plusieurs recettes de lotions protectrices [contre les mauvais esprits] ont également été relevées :
« Rasin vétivè a, lò ou parfumé ou kò ké li, a roun mennen vini. I ka fè lachans a monté asou to. Menm bagaj osi pou rasin mannyòk chapel ya [Les racines de vétivè (Chrysopogon zizanioides), quand tu te parfumes avec c’est un mennen vini (un « charme »). Ça fait venir la chance sur toi. C’est la même chose aussi pour les racines de mannyòk chapel (Entada polyphylla]. »
Femme d’origine créole guyanaise, 72 ans, Sinnamary.
« Ou ka kité an ti patjé wasin vétivè dégonmé an dlo. Apwé ou pé sèvi sa kon losyon parfimaj. I bon tou si ou ni lanmaraj anlè’w. Sé menm mannyè a nou ka sevi wasi mannyòk chapel la tou [Tu laisses un petit paquet de racines de vétiver (Chrysopogon zizanioides) macérer dans de l’eau. Après tu peux t’en servir pour préparer une lotion. C’est très bon si tu es victime d’un lamaraj. Tu peux utiliser de la même façon les racines de mannyòk chapel (Entada polyphylla)]. »
Homme d’origine sainte-lucienne, 82 ans, Rémire-Montjoly.
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Symbolisme :
Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Editions Québec-Livres, 2013), présente ainsi le Vétiver (Vetiveria zizanioides) : "Il s'agit d'une herbe qui pousse aussi bien dans les pampas de l'Amérique du Sud et dans le sud des États-Unis qu'en Inde et en Chine.
Propriétés médicinales : Prise en infusion , cette herbe aide à perdre du poids en éliminant les graisses.
Genre : Féminin.
Déités : Aphrodite ; Rowan ; Jemanja ; Erzulie.
Propriétés magiques : Chance ; Amour ; Argent.
Applications :
SORTILÈGE ET SUPERSTITION
Pour être heureux au jeu et en amour, il suffit de faire brûler cet encens qui combine les deux influences bénéfiques.
BOUTEILLE DE CHANCE (pour attirer la chance vers vous)
Ce dont vous avez besoin :
sept chandelles vertes
de l'encens de vétiver
une bouteille ou un pot de verre de couleur verte
des symboles de chance (un vieux billet de loterie sur lequel vous inscrivez à l'encre verte : BILLET GAGNANT ; une patte de lapin, un fer à cheval ou simplement le chiffre 7 découpé dans un carton)
sept pièces de 1, 5 et 10 cents
du vétiver en herbe (ou en huile essentielle)
Rituel :
Allumez les chandelles, faites brûler l'encens, puis remplissez votre pot ou bouteille avec tous les symboles de chance sur lesquels vous avez mis la main ; ajoutez-y ensuite les pièces de monnaie, puis deux ou trois pincées de vétiver ; levez la bouteille vers le ciel et dites :
Dame chance, dame fortune, souris-moi
Laisse ton souffle entrer dans ma bouteille
Afin que partout la chance soit avec moi.
Fermez aussitôt la bouteille et scellez-la avec de la cire verte. Tous les jours, avant de sortir, agitez-la pour que la chance vous accompagne."
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Littérature :
Dans "La poétique historique transnationale de Joël Des Rosiers". (In : Québec Studies, 2004, vol. 37, pp. 79-89), Jean-Jacques Thomas s'intéresse plus particulièrement au recueil intitulé Vétiver :
[...] Je crois qu'une des raisons de l'apparition ici d'une narration historique tient au format même du recueil Vétiver et dans la symbolique du mot qui lui sert de titre. Le mot "vétiver" est présent dès le premier poème du premier recueil Métropolis Opéra ; on le retrouve mentionné ensuite dans toutes les œuvres. Sans aucun doute ce mot tient un rôle matriciel central dans la symbolique littéraire de Des Rosiers, mais dans cet essai je m'en tiendrai simplement au rôle de "vétiver" dans la poétique historique. Dans le recueil Vétiver le terme "vétiver" est à la fois fil rouge et marqueur thématique de début et de fin. Ainsi : l'enfant nouveau-né en 1951 dans la vile de Cayes apparaît "dans les langes immaculées sentant le vétiver" (1999, 17) et, à la fin du livre c'est la cène de la mort qui se joue où :
Le peuple du vétiver a veillé toute la nuit
... je vous donne quelques larmes
pour l'herbe amenée d'Orient
très noires prêtresses chargées de science
Satyavati Ghandhakali
Amantes couleur de la charité du cuivre
Jetteront sur ma cendre des parfums dravidiens (1999, 136)
Le volume Vétiver apparaît ainsi articulé sur un parcours, une errance de l'espace et du temps tracée dans les lieux géographiques et une chronologie familière qu'égrène chaque chapitre : "I. Cayes - la naissance ; II. A Vaïna illustre servante - la petite enfance ; III. Cayenne - la maturité ; IV. Basse-terre - la mort". En exergue au volume, le mot "vétiver" est intertextuellement attribué au poète (guadeloupéen) Saint-John Perse comme marque botanique indigène caractéristique des Antilles. Mais Des Rosiers "sauvage" renverse la valeur symbolique de la plante. Pour lui elle n'est plus nostalgie d'origine, elle devient symboliquement lié à l'errance ; C'est une plante errante, nomade, migrante ; elle est "l'herbe amenée d'Orient" (1999, 136), le "chiendent des Indes" (2000, 108 ; 1999, 136), "Herbe d'éternité en marche depuis l'Inde" (1999, 54), etc. Avant d'être parfum souvenir des Antilles et d'Haïti, le vétiver est parfum "dravidien" : de l'Inde. Plante aussi bien des Indes orientales que des Indes occidentales ("je n'ose pas nommer ce qui me porte aux Indes / l'Orient et l'Occident s'inversent dans les eaux" (1999, 118), elle n'est pas d'ici, elle est transportée, transplantée. Comme Des Rosiers. De plus, si ce sont bien ses racines, brûlées, ou distillées dans les alambics qui en font sa valeur en tant que parfum, ce sont les petites fleurs blanches des champs de vétiver qui, comme nous le dit Des Rosiers, font la beauté des décors de l'enfance et c'est la légèreté sensuelle du parfum qui donne au corps leur "charité charnelle". Escamotées les solides racines, le dangereux réalisme. Ce que retient du vétiver le texte poétique, ce sont les traces, les effluves, les effets donc qui seuls permettent l'amalgame, "cet éther ombres esseulées / épures un envol de syzygies" (2000, 79).
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