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La Pierre de foudre



Étymologie :

  • AÉROLITHE, subst. masc.

Étymol. et hist. − 1834 (Land. : Aérolithe... pierre tombée du ciel). Composé des éléments aéro-* et -lithe (-lite*).

Étymol. et Hist. 1822 (Béclard, Chomel, Cloquet, Orfila, Nouv. dict. de méd.) Dér. de météore*; suff. -ite*.


Lire aussi la définition du nom aérolithe et celle de météorite pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Pierre à tonnerre ; Pierre de tonnerre ;

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Symbolisme :


Voici l'article de Léopold Cadière, "Les pierres de foudre." (paru In : Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 2, 1902. pp. 284-285) :


LES PIERRES DE FOUDRE


Les pierres de foudre (dá sám sét, dá thàm thét, dá sét, cái sám sét) naissent spontanément dans le sol, trois mois et dix jours après que la foudre est tombée à un endroit. Chaque fois donc que la foudre tombe, une pierre de foudre est produite dans les environs. Mais le hasard ne la fera peut-être découvrir que longtemps après. D'après une autre version, les pierres de foudre remontent à la surface ou près de la surface du sol (noi) trois mois et dix jours après que la foudre est tombée : le moment de leur production serait peut-être le moment où la foudre tombe ; en tout cas, c'est à ce moment que commencerait leur formation.

On trouve assez abondamment de ces pierres de foudre dans le Nord de la province du Quàng Tri, dans les deux régions dites Bât do, la Terre Rouge, et Bdi Trfri, le Ciel. Dans les villages de la province du Quàng-binh, où j'ai pu prendre des informations, les pierres de foudre, bien que connues, sont en petit nombre, et il ne parait pas qu'elles aient été trouvées dans ces villages même.

Les pierres de foudre ont une grande efficacité pour préserver de la foudre ou des suites funestes de la foudre. En temps d'orage, il suffit de mettre une pierre de foudre dans la grande corbeille (nong, nông) où l'on élève les vers à soie, pour préserver ces petites bêtes de l'influence pernicieuse de la foudre. Dans d'autres maisons, on râpe un peu une pierre de foudre et on projette en soufflant (phun) la poudre ainsi obtenue sur les corbeilles de la magnanerie. Un temps orageux est aussi funeste à ceux qui sont atteints de la variole ; on leur pose donc sur la poitrine une pierre de foudre, ou on leur projette en soufflant de la poudre de ces pierres sur les éruptions causées par la maladie. A Во khè, dans le Quang binh, on prétend même que la pierre de foudre, simplement gardée dans la maison, préserve les petits enfants des influences néfastes de la foudre : il n'ont pas ces mouvements nerveux que cause ordinairement le bruit du tonnerre.

Il y a deux espèces de pierres de foudre : les unes sont en silex, les autres en cuivre (dóng) ou en une substance rappelant la fonte (gang, peut-être en bronze) ; ces dernières sont plus rares, mais leur pouvoir est plus grand : on en fait des colliers que l'on met au cou des enfants nés au moment où la foudre tombe dans les environs ( thièn loi giàng). Cet enfant est en effet condamné à être frappé tôt ou tard de la foudre ; mais en ponant au cou un collier de pierre de foudre, il est censé avoir déjà été frappé et est préservé de toute atteinte plus dangereuse.

Que sont ces pierres de foudre ? Ce sont des silex taillés, dont se servaient les premiers habitants de la côte orientale de la presqu'île indo-chinoise à une époque qu'on ne saurait encore préciser. Ces silex se divisent en général en deux parties : le corps même de l'instrument, et la queue ou tenon plus étroit, qui servait à maintenir le silex dans le manche : c'est la forme bien connue dite « indo-chinoise ». Dans un seul des spécimens que j'ai recueillis, il n'y a pas de tenon, mais on remarque du côté de la tète de la hache (si toutefois cet instrument est vraiment une hache), un collet creusé seulement d'un côté, où l'on voit d'une manière très sensible l'usure produite par la corde qui retenait la hache du manche ou par le manche lui-même.

Tous ces silex sont polis sur tous leurs côtés, mais on remarque sur tous des inégalités accusant nettement qu'ils ont été primitivement dégrossis par éclat. Les uns sont en silex bleuté, les autres en silex blanchâtre. Ils n'étaient tranchants que d'un seul côté opposé à la queue ou tenon, mais l'arête tranchante qui parait avoir été toujours plus ou moins arquée n'est visible que dans quelques spécimens et à de rares endroits ; ailleurs elle a été déformée par les grattages successifs que les Annamites ont fait subir à la pierre pour la réduire en poudre : les Annamites en effet grattent ordinairement ces pierres du côté de l'arête tranchante.

Le corps de l'instrument a les côtés tantôt amincis comme l'arête tranchante, tantôt coupés à pans droits. Les deux faces sont ordinairement convexes plus ou moins irrégulièrement ; tantôt l'une est convexe, l'autre plane, ou bien elles sont formées de divers plans se recoupant par des arêtes irrégulières mais adoucies. Le tenon est tantôt régulièrement rectangulaire, tantôt l'angle de jonction avec le corps de l'instrument est plus ou moins adouci.

Les Annamites comparent ces instruments à un fer de hache (lirô- riu) et c'est l'usage qu'ils ont eu sans doute primitivement. Le spécimen qui n'a pas de tenon distinct montre clairement qu'on s'en servait comme de la hache ordinaire, c'est-à-dire le plan de l'instrument étant vertical. Quelques Annamites m'ont dit cependant qu'on pouvait se servir des autres comme d'une doloire, mais c'est peu probable. Il faut remarquer que ces haches, contrairement aux haches annamites actuelles, où le manche vertical (chuèn riu) entre dans le fer de la hache, pénétraient elles-mêmes dans le manche où elles étaient maintenues par le tenon.

Je n'ai pu me procurer ni voir de haches en cuivre ou en bronze. On m'a dit que leur côté tranchant était très arqué, et qu'elles avaient une certaine ressemblance avec les haches françaises. Il ne sera pas sans intérêt de dire quelques mots de la région où on trouve ces silex plus abondamment. Le Ciel, ou Bai Troi est une région assez élevée, très fertile, qui se rattache aux grandes montagnes d'Annam et envoie plusieurs éperons dans la plaine de rizière qui la sépare de la grande dune et de la mer. La Terre Rouge, ou Bât Во, est une succession de petits mamelons formés de la même terre rouge légère que l'on remarque au Ciel, et qui viennent finir brusquement au cap Lay, en annamite Troc Voi. Ces deux régions, aujourd'hui encore très fertiles, ont dû être peuplées fort anciennement, alors qu'une grande partie de l'Annam actuel était encore couverte de marécages incultes. Les pierres de foudre sont les derniers vestiges de cette civilisation primitive.

Si j'en juge par ce que j'ai pu voir autour de moi, tous les Annamites connaissent les pierres de foudre : mais dans certaines régions on en trouve beaucoup en fouillant la terre, et chaque pierre que possède telle ou telle famille, a pour ainsi dire son histoire : on sait dans quel champ elle a été trouvée, quel arbre fut frappé de la foudre. Dans d'autres endroits au contraire, les pierres de foudre sont rares, on se les transmet de père en fils sans savoir leur origine. Il serait intéressant de déterminer dans tout l'Annam quelles parties renferment en grand nombre des pierres de foudre et furent par conséquent habitées par les hommes des époques préhistoriques."

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Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982),


L'aérolithe est "considéré comme une théophanie et un message du ciel. C'est comme une étincelle du feu céleste, une graine de divinité, descendue sur la terre. Selon les croyances primitives, les astres étaient en effet des divinités ; les parcelles qu'elles détachaient d'elle-mêmes étaient comme des semences. L'aérolithe remplit une mission analogue à celle de l'ange : mettre en communication le ciel et la terre. L'aérolithe est le symbole d'une vie supérieure, qui se rappelle à l'homme comme une vocation ou qui se communique à qui."

 

D'après Le Livre des superstitions, Mythes, légendes et croyances (Éditions Robert Laffont, 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani,


Les aérolithes, qui sont généralement appelées "pierre à tonnerre" (on pensait qu'elles tombaient avec les orages), protègent de la foudre : on en faisait également des colliers pour mettre les enfants à l'abri des maux d'yeux (Berry). Ces météorites préservent également des effets du mauvais œil.

Selon une croyance indienne, les âmes, dont la durée de leur séjour au ciel dépend des charités qu'elles ont faites sur terre, tombent alors sous forme d'aérolithes.

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Selon le site https://www.bruno-mignot.com :


"Les pierres que l'on appelle "pierres de foudre ou pierres de tonnerre" (Sokpé), sont faites en roche claire ou transluscide. La perforation centrale est faite à l'aide d'un bâton et de sable mouillé.

Ces pierres ont une fonction magique ou médicinale associée à la puissance de la foudre.

Bien que leur utilisation comme monnaie soit controversée, leur présence dans des caches laisse penser qu'elles aient pu être au moins pendant un temps, associées à un usage monétaire.

  • Ethnie : Ewe / Ehwe

  • Pays d'origine : Togo

  • Zone de collecte : Togo, Lomé​

 

Jean Boulnois écrit dans Le Caducée et la symbolique dravidienne indo-méditerranéenne, (Éditions , 1939 ; p. 110-111] :


« Par le monde entier, quelle que soit la race, les haches polies et taillées ont été considérées comme des pierres à foudre, des pierres « tombées du Ciel », des céraunies. La question est trop connue pour que nous ayons besoin d'insister. Nous nous contenterons d'ajouter que les Tamouls actuels considèrent ces haches comme des pierres tombées du Ciel et qu'utilisent leurs ancêtres... Éminemment sacrées, les Dravidiens actuels les placent sous des dolmens et les vénèrent. En s'adressant à l'outil comme à la pierre du dolmen, la femme tamoule de Salem demande la postérité. Elle croit que des germes d'enfants détenus par les Ancêtres et contenus dans ces objets peuvent se communiquer à elle, comme un mana fécondant. »

C'est exactement la croyance des anciennes Bretonnes qui se frottaient à des menhirs fécondants les nuits de Pleine Lune. Le culte est universel.

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D'après Annie Pazzogna, auteure de Totem, animaux, arbres et pierres, mes frères, Enseignement des Indiens de Plaines, (Le Mercure Dauphinois, 2008, 2012 et 2015), les pierres de foudre sont assimilées au moins en partie aux pierres rondes. Voici ce qu'elle raconte :


"Lorsque la Femme Bisonne Blanche apporta la Pipe originelle, elle tenait dans sa main une pierre ronde couverte de sept cercles.

Il est retrouvé, entre autres, en Australie ou en Amérique du Nord dans le Dakota, des énormes billes qui sont une altération chimique des roches du magma. Elles sont cultuelles pour les Natifs.

Petite ou grosse, sans commencement ni fin, la pierre ronde demande de l'attention, car voyageuse, elle peut disparaître sans façon. Minuscule, elle est souvent portée à même le corps dans une petite bourse de peau environnée de sauge. Elle est protection. Une légende conte qu'en contemplation constante de la Lune et du Soleil, la pierre finit par prendre leur forme.

Les pierres sculptées par le vent ou la nature des eaux ou encore œuvre de Wakinyan l'éclair agglomérant la matière, et les météorites, peuvent être investies d'un pouvoir spirituel protecteur appelé "Sicun", donné lors d'un rituel. Il est un des quatre cent cinq esprits de toutes choses que Grand-Père Fools Crow nomment Esprits Pierres, qui aident l'humanité en son entièreté.

Ces esprits sont remerciées par la confection de sachets tabac reliés par un fil continu tobacco ties qui sont parfois mis en boule dans les cérémonies de nuit. L'essence de la plante est alors recueillie par ces protecteurs.

Lien entre la matière et le spirituel, la pierre n'est donc pas immuable. Présente, elle es le support qui intervient, dans la nuit salutaire, lors des célébrations de soins Yuwipi et Olowanpi. Son Sicun donne l'information demandée par l'homme-médecine, qui sera spécifique pour chaque malade. Lors de la cérémonie Yuwipi, l'intercesseur, les mains liées dans le dos, est enroulé dans une couverture qui sera ligaturée par sept nœuds particuliers. Il est posé à plat ventre sir le sol non loin du tertre confectionné avec la terre sacrée poussée en surface par Taupe, animal ayant la connaissance.

La cohésion des participants est nécessaire pour que le rituel se déroule de façon à ce que les esprits ne soient pas dérangés et viennent "délier ce qui a été lié" de façon visible et dissimulée.

Les crécelles remplies de petites pierres rondes et translucides, remontées du ventre de la terre sablonneuse par Fourmi, entrent en action : elles voltigent en tous sens, frappant qui doit l'être, dans la rumeur des éclairs.

Dans le silence et l'obscurité, l'homme sacré peut converser avec les pierres sans rite particulier. Un véritable dialogue s'instaure, qui est monologue pour l'assistant, dans une atmosphère pulsante, bleutée.

"Pour devenir Homme des Pierres, il faut rêver et faire une cérémonie Yuwipi de quatre jours pendant quatre années. Une pour chaque Direction."

La Pierre de foudre est parfois posée et roulée sur le patient, afin que le pouvoir spirituel qui l'investit œuvre physiquement. "Je suis la pierre sacrée, je suis la pierre du centre du monde. Je vais te pénétrer et lorsque je te quitterai, il n'y aura plus de souffrance en toi."

La régénération de la Pierre de foudre peut s'effectuer dans la Hutte à Sudation, lorsque les participants sont sortis. La pierre qui n'a ni commencement ni fin est reliée à Araignée.


Récapitulatif : Pierre de foudre ; Roulée ; Météorite

Protection ; Soin ; Lien entre matière et spirituel."

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Symbolisme celte :


Selon Valéry Raydon, auteur de Le Mythe de la Crau, Archéologie d'une pensée religieuse celtique, (Éditions du Cénacle de France, 2013) p. 56-58,


"Les armes offertes ici à Héraklès [l'auteur a rappelé dans les pages précédentes l'argument du mythe tel qu'il nous a été transmis notamment par le biais d'Eschyle, à savoir qu'Héraklès, alors qu'il se rendait au jardin des Hespérides pour y cueillir les pommes d'or aurait été attaqué par les Ligures contre lesquels il se serait défendu grâce à une pluie de pierres tombées du ciel et envoyées par son père pour le sauver de ses assaillants] sont décrites par Eschyle comme des "pierres rondes" ayant vocation à servir de projectiles dans la lutte contre l'armée lygienne : ces pierres sont conceptualisées en tant qu'armes de jet et représentent donc de véritables balles de fronde. Ce mythe étiologique coordonne l'apparition de ces projectiles de pierres sur la scène du monde à la formation de la Crau. Et il attribue l'invention de ces pierres de bataille à Zeus, le dieu de l'orage qui préside au panthéon grec ; elles ont une origine céleste et sont conçues à partir de l'orage lui-même : ce sont les nuées rassemblées par Zeus qui produisent les pierres au lieu de déverser la pluie et les éclairs habituels. [...] Parler de ces balles produites par l'orage en termes de "pierres de foudre" ne serait pas ici inapproprié.

Ce récit livre une conception mythique de la balle de fronde qui est conforme à celle des Celtes insulaires d'Irlande qui attribuent à ce type d'armement une semblable nature orageuse et un propriétaire divin équivalent. : la balle de fronde, appelée lia làimhe "pierre de main" et dotée d'une forme ronde qui lui vaut d'être comparée à un globe (ccaoib) ou à une pomme (ubhuill), constitue l'un des deux attributs canoniques du dieu souverain céleste du panthéon irlandais, Lugh ; la balle de Lugh est considérée comme la première du genre et une glose du Livre de Leinster fait même du dieu l'inventeur de cette arme. Les fragments de la théologie lugienne à disposition mettent largement en évidence une homologie structurelle cette balle de fronde et l'autre arme de jet en possession de ce dieu, la lance ou le javelot pentadental(e) au pouvoir fulgurant. Toutes deux sont investies de semblables qualités de magie druidique et combinent dans leur essence poison et feu rouge irradiant. Cet armement de jet double lugien à la puissance ignée et vénéneuse réapparaît entre les mains du héros Cuchulainn - hypostase épique du dieu Lugh que les épopées irlandaises considèrent à la fois comme le fils de Lugh et le dieu lui-même auto-engendré - où il est clairement investi de la puissance de l'orage : le javelot du plus grand héros de l'Ulster et d'Irlande est défini comme un "javelot-foudre" (gae-bulga) tandis que sa fronde lui sert à accomplir "le jeu du tonnerre" (torandchless). Il y a application d'un même schéma pour les deux armes du souverain cosmique et de son avatar épique leur conférant le pouvoir de l'orage : la lance et la balle de fronde de Lugh paraissent être la forme dédoublée prise par la foudre dont est muni le dieu de l'orage dans l'ancienne théologie indo-européenne et qu'on retrouve aux matins de Zeus en Grèce, de Jupiter à Rome, ou d'Indra dans l'Inde védique."

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