Étymologie :
OIGNON, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. a) Bot. ca 1190 unniun (Gl. a. fr. ds T.-L.) ; mil. xiiie s. oinun (Gloss. Glasgow, 156b, ibid.) ; ca 1265 oingnun (Voc. plantes, ms. Harley, 978, 139b, ibid.) ; 1690 flûte à l'oignon (Fur.) ; 1694 flûte d'oignon (Corneille) ; b) loc. 1551 vestu comme un oignon (anonyme, Response de la dame au jeune fils de Paris, 50 ds Œuvres de Cl. Marot, éd. G. Guiffrey, t. 3, p.679) ; 1595 [date d'éd.] il y a de l'oignon « il y a quelque mauvaise affaire là-dessous » (La Taille, Singeries de la Ligue, p. 25) ; 1802 (Henrion, Les Amours de la halle, 31 ds Quem. DDL t. 15) ; 1611 se mettre en rang d'oignon « s'agréger à une compagnie où l'on n'a pas sa place » (Cotgr.) ; 1690 (Fur. : on dit qu'un homme se met en rang d'oignons, quand il se place en un rang où il y a des gens de plus grande condition que luy) ; 1654 en rang d'oignons « rangées sur une même ligne (personnes) » (Scarron, Virgile travesti, livre 5 ds Œuvres, éd. 1786, t. 4, p. 310) ; 1855 aux petits oignons (Al. Arnault et L. Judicis, Les Cosaques ds Rigaud, Dict. arg. mod., 1881) ; 1901 c'est pas mon oignon (Bruant, s.v. affaire) ; 1922 c'est pas tes oignons (Tharaud, Randonnée Samba Diouf, p. 119) ; 1948 occupe-toi/mêle-toi de tes oignons (Cendrars, Bourlinguer, p. 173 et p. 216) ; 2. a) 1538 « racine bulbeuse de certaines plantes » (Est.) ; b) 1611 oignon du pied «éminence du gros orteil» (Cotgr.) ; 1701 oignon « callosité douloureuse qui vient aux pieds » (Fur.) ; c) 1834 « montre » (chans. pop. ds Esn.) ; d) 1883 oignon brûlé «anus» (G. Macé, ibid.) ; 1890 oignon « id. » (d'apr. Esn.). Du lat. unionem, acc. de unio « sorte d'oignon qui n'a pas de caïeux » (Columelle) mais surtout att. à l'époque impériale dans le sens métaph. de « grosse perle », terme dial. en face du terme cour. caepa (d'où l'a. fr. cive* et l'a. prov. ceba, cf. encore ciboule) et qu'on rattache à unus « un » parce qu'à la différence de l'ail, il a un tubercule unique.
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Allium cepa - Ognon -
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Expression populaire : Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expressions populaires bien connues :
Occupe-toi de tes oignons : De la même eau est cette expression familière sans être vraiment triviale, qui renvoie quelqu'un avec brusquerie aux affaires qui le regardent. « Mêlez-vous de vos affaires » est l'équivalent en style… d'affaires ! La formule ne se conjugue guère qu'à l'impératif, principalement à la deuxième personne du singulier. « Occupez-vous de vos oignons » reste possible, bien entendu, mais un tantinet insolite, tant les « oignons » vont avec le tutoiement. Quant à « qu'il s'occupe de ses oignons », c'est une injonction en usage avec une tierce personne. Bien entendu on voit des oignons, en tresse, ou en lamelles ; et comme ce légume ne réclame pas une attention particulière, la locution se trouve dotée d'un relent d'absurde qui plaît.
En fait ogne (ou oigne) et son dérivé ognon désignent les pieds en langue triviale. L'étymologie est ogne ou onglye selon Esnault, désignant les ongles, des pieds ou des mains, et la corne des pieds fourchus. Même si le calendrier n'est pas conscient, « occupe-toi de tes oignons » c'est seulement « occupe-toi de tes pieds » (les pieds sont particulièrement en danger dans un atelier), lui-même équivalent ou euphémisme de « occupe-toi de tes fesses » (souvent en danger aussi chez les gêneurs).
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Botanique :
Jean-Marie Pelt, auteur de Des légumes (Librairie Arthème Fayard, 1993) nous en apprend davantage sur l'histoire et les propriétés de l'oignon :
Comme l'ail, l'oignon appartient à la famille des liliacées. Et pourtant, quelle différence entre les fleurs d'oignon et celles de tulipe, prototype de la famille ! Tandis que cette dernière est en grande tenue et ne produit qu'une fleur, les fleurs de l'oignon sont minuscules ; mais la quantité compense ici la qualité. Ces fleurs innombrables se déploient en une belle ombelle parfaitement sphérique. L'oignon possède donc le fleur type des liliacées, produite en modèle réduit et en série. On y retrouve toujours l'architecture classique de cette famille où les fleurs sont construites sur le « type 3 », avec 3 + 3 pièces colorées, 3 + 3 étamines, et un pistil formé de 3 pièces et de 3 loges. Mais la fleur qui se déploie dans la tulipe en prenant ses aises se rétrécit ici à l'extrême et s'agglomère à des centaines de consœurs pour faire du volume. Le botaniste amateur aura du mal à comprendre que deux plantes aussi différentes puissent appartenir à la même famille botanique ; mais, de fait, elles ont bien la même architecture florale. Et c'est sur les types d'architectures florales qu'on été fondées les classifications botaniques.
L'oignon est une plante bisannuelle dont la tige très contractée donne naissance, en dessous, à des racines nombreuses, blanchâtres et peu ramifiées et, au-dessus, à des feuilles dont la base charnue, renflée et embrassante, forme le bulbe. En général, l'oignon forme son bulbe durant la première année de végétation, puis il en épuise les réserves la seconde année pour sa floraison et sa fructification ; ensuite, il périt entièrement, bulbe compris. Mais l'oignon est très proche parente de l'ail et, comme pour ce dernier, il arrive quelquefois que, en leu et place de fleurs, les inflorescences portent des bulbilles ; il arrive même parfois, dans certaines variétés, que de nombreux caïeux entourent le bulbe. L'oignon a donc un triple mode de reproduction : la reproduction sexuée par ses fleurs et, potentiellement, une double reproduction végétative par son bulbe dans tous les cas, parfois par ses caïeux et ses bulbilles.
L'oignon est originaire d'Asie occidentale ; on le récolte encore à l'état sauvage au Pakistan, en Afghanistan et en Iran. Les Sumériens le cultivaient déjà il y a 6 000 ans. Puis, d'Asie, l'oignon passe en Égypte où il est présent dans de nombreuses découvertes archéologiques vieilles de 3 000 ans avant notre ère. Des fresques funéraires le représentent souvent à côté d'une botte d'ail, parmi les plantes rituelles accompagnant les morts au royaume des ténèbres. Et il est certain qu'il faisait partie de l'alimentation des ouvriers qui construisaient les pyramides. Les Hébreux errant dans le désert du Sinaï regrettaient les aulx et les oignons du pays d'Égypte : « - Les Israélites recommencent à se plaindre. Qui nous donnera de la viande ? disent-ils. Qu'il était bon, en Égypte, le poisson que nous mangions pour rien Ah ! les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l'ail d'autrefois ! A présent, nous n'avons plus de force et rien à avaler, rien que de la manne » (Nombres, 11/4-6).
Les Égyptiens étaient allés jusqu'à réserver à l'oignon et à l'ail les honneurs destinés aux immortels. Ainsi déifié, l'oignon était devenu sacré, au point qu'il n'était plus licite au peuple d'y porter une dent sacrilège. Les prêtres de Péluse invoquaient, pour justifier cette prohibition, que l'oignon fait pleurer t excite la faim et la soif ; pour cette raison, il ne pouvait donc ni servir les jours de fête où les pleurs ne conviennent pas, ni les jours de jeûne où il est interdit de manger et de boire. Pline confirme cette étrange déification, indiquant que les Égyptiens juraient par l'ail et par l'oignon, ainsi qu'ils avaient coutume de le faire par les noms de leurs dieux. Plus tard, es apologistes chrétiens, pour les besoins de leur argumentaire et de leurs polémiques avec les païens, ont consacré de bonne foi l'opinion que les Égyptiens adoraient l'oignon.
Les grecs n'appréciaient pas l'odeur que l'oignon donnait à l'haleine, ce qui n'empêcha pas Rome d'en faire d'abondantes cultures. Sa consommation était réservée aux classes populaires, comme on le voit dans une scène du Pœnulus de Plaute dans laquelle Anthimonide qualifie Hannon de - gueux plus bourré d'ail et d'oignons que tous les forçats des galères de Rome -. L'oignon , comme l'ail, était réputé donner force et ardeur aux soldats.
Le Moyen Âge lui fit honneur et une table bien servie comportait toujours un plat d'oignons ; comme disait le proverbe, - si tu te trouves sans chapon, sois content de pain et d'oignon -.
Le bulbe d'oignon contient de 10% à 40% de fructosane, de 10% à 15% de sucre réducteur et un peu de saccharose. On y a caractérisé également des composés polyphénoliques du type des flavonoïdes, connus pour leurs propriétés diurétiques. L'odeur est due à une essence fortement lacrymogène de nature sulfurée, comme celle de l'ail.
C'est à ces corps que l'oignon doit son goût et ses vertus : parmi celles-ci, les propriétés diurétiques doivent être signalées en tout premier lieu, car elles sont incontestables et puissantes. Il présente également des propriétés hypoglycémiantes susceptibles de faire tomber le taux de glucose sanguin. Enfin, le jus et l'essence d'oignon sont fortement bactériostatiques à l'état frais, qualité partagée avec l'ail et qui résulte de l'étroite parenté de leur composition chimique.
L'oignon contient outre de la provitamine A, des vitamines B1, B2 et une forte proportion de vitamine C, surtout dans les feuilles, trois fois plus riches que le bulbe. Comme il se stocke facilement, il représente une des sources hivernales de vitamine C les plus accessibles.
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Vertus médicinales :
Dans Des hommes et des plantes (Éditions Opéra Mundi, 1970), son autobiographie, Maurice Mésségué évoque le savoir ancestral de son père sur lequel il a construit ses connaissances :
Il est parfois très difficile de déterminer quel sera le diurétique le plus efficace pour le malade. Certaines plantes ont des propriétés très complexes qui peuvent en doubler l'action ou la contrarier, tel est le cas de l'oignon. La liste de ses propriétés est longue : diurétique, stimulant, antiscorbutique, expectorant, antiseptique, résolutif, antirhumatismal. Excellent pour la constipation et les fermentations intestinales, les engelures, les plaies, les panaris, il a l'air d'être, vraiment, une panacée que l'on peut employer sans danger. C'est faux, le Docteur J. F Cazin (Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes) le déconseillait aux tempéraments sanguins ou bilieux, aux personnes sujettes aux hémorragies, et dans les affections dartreuses. Certains hépatiques ne le supportent pas. Des travaux relativement récents ont prouvé que si sa haute teneur en soufre le rendait efficace contre les rhumatismes, il pouvait devenir nocif pour des hépatiques allergiques au soufre.
Ce soir-là, l'oignon a fait partie de mes doutes. Suffisamment puissant comme diurétique, on l'a vu débloquer les reins de malades atteints d'urémie ; excellent pour les douleurs rhumatismales, il pouvait voir son efficacité disparaître et même devenir dangereux si le foie du Président [Edouard Herriot] ne le supportait pas.
Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102, 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :
onyon, m. / ounyon, m. / = oignon = Allium cepa.
On utilise le jus : sur la peau en cas de piqûre d'abeille, mélangé à du sucre pour soulager la toux, mélangé à de l'huile chaude contre les maux d'oreille.
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Ana M. Cabo-González, autrice de « Quand les propriétés des plantes défiaient l’entendement », (Annales islamologiques, 51 | 2017, pp. 39-51) s'intéresse notamment aux propriétés merveilleuses des plantes :
Mais une des propriétés les plus importantes est celle associée à la virilité, comprenons la puissance sexuelle ; ce groupe comprend toutes ces plantes, dont les vertus sont aphrodisiaques et stimulantes de l’appétit sexuel. On y retrouve un nombre extraordinaire de légumes.
Ainsi, selon Avicenne, la noix de coco (nārǧīl, Cocos nucifera L.) est un aphrodisiaque (Al-Qazwīnī, El Libro de las plantas, p. 122.). On retrouve dans ce groupe un nombre infini de plantes comme le persil, le poivre, le poireau, le navet, l’oignon, la camomille, les asperges, les racines de grenadiers sauvages ( Ibn al-ʿAwwām, Libro de agricultura, II, p. 306, 319, 324.), etc. Encore, aujourd’hui on croit aux vertus aphrodisiaques de beaucoup de ces fruits et on les utilise.
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Croyances populaires :
Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :
OGNON. L'école de Salerne attribuait à cette plante la propriété de faire repousser les cheveux. Il fallait se frotter le crâne avec son jus.
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
Aux environs de Metz, quelques personnes répandent de la braise de ce feu sur les oignons afin de les faire devenir plus beaux ; au XVII' siècle, un tison des Brandons procurait le même résultat.
[...] En Picardie les oignons [plantés le jour du Vendredi saint] sont préservés de la sécheresse et des insectes.
[...] Dans la Gironde. on ne plante pas les oignons à la mer montante, car ils monteraient aussi pour fleurir ; si on les repique quand elle descend, leur bulbe sera plus beau. En Poitou, les oignons plantés en jeune lune cornent.
[...] Des conséquences fâcheuses se produisent parfois quand on n'observe pas l'espèce de tabou traditionnel dont certaines espèces sont l'objet. Suivant la croyance girondine, un oignon entamé laissé sur la table porte malheur.
[...] A Liège pour faire souffrir un amant volage, on met dans la cheminée un oignon percé de treize épingles, et on allume une chandelle dans laquelle on en a enfoncé un pareil nombre. La personne visée dépérit au fur et à mesure que l'oignon se dessèche ou que la chandelle brûle.
[...] L'oignon est employé dans l'est de la France pour connaître la température de l'année qui va commencer. Dans les Vosges, on prend six oignons,, et la veille de Noël, dès qu'on entend sonner la messe de minuit, on coupe chaque oignon en deux, après l'avoir pelé, et l'on creuse chaque moitié en lui donnant l'apparence d'une petite écuelle. On les aligne ensuite sur un meuble, en donnant à la première moitié le nom de janvier, à la seconde celui de février et ainsi de suite. Au fur et à mesure qu'on les dénomme, on dépose au fond de chacune une pincée de sel. Pendant huit jours entiers, il est défendu d'y toucher, après ce délai on regarde si le sel s'est conservé sec dans une écuelle, le mois auquel elle se rapporte sera sec ; si le sel est humide ou fondu, le mois correspondant sera mouillé ou même menacé d'un véritable déluge. En Franche-Comté, où le procédé est le même, on a la réponse en examinant ces petits godets au retour de la messe de minuit. Dans le canton de Lauterbourg (Alsace), la nuit de Noël, les gens tracent douze anneaux dans un grand oignon et sèment du sel dans les douze ouvertures qui représentent chacune un mois ; c'est le jour des Rois que l'on a la réponse ; les ouvertures où le sel est resté entier indiquent des mois secs, celles où il s'est fondu, des mois mouillés, Dans la Meuse, la consultation est identique, sauf que les grains de sel sont déposés sur douze pelures d'oignons.
[...] Dans les Hautes-Alpes, on orne d'oignons le mai planté devant la porte d'un amant éconduit en Franche-Comté, une glane d'oignons signifie amour trompé.
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Symbolisme :
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie.
Oignon - Larmes - Pleurs.
Cette plante si connue appartient à la famille des lis ; sa fleur en forme de grosse ombelle ronde est fort belle, mais toutes ses parties exhalent une odeur pénétrante et piquante qui arrache les larmes des yeux.
Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,
"Cette plante alliacée jouit d'une telle réputation qu'une secte s'est consacrée à son culte. Sa forme bulbeuse, ses enveloppes successives, sa forte odeur sont autant de thèmes qui ont prêté à des interprétations symboliques. Râmakrishna compare la structure feuilletée du bulbe, qui n'aboutit à aucun noyau, à la structure même de l'ego, que l'expérience spirituelle épluche couche par couche, jusqu'à la vacuité ; rien ne fait plus obstacle, dès lors, à l'Esprit universel, à la fusion en Brahman. Au plan magique, les Égyptiens se protégeaient de certaines maladies avec des tiges d'oignons ; les Latins, selon Plutarque, s'interdisaient le bulbe, car il était censé croître, quand la lune décroît ; quant à l'odeur, elle provoquait un sentiment de puissance vitale. Des vertus aphrodisiaques lui sont également prêtées, tant pour sa composition chimique que pour ses suggestions imaginatives."
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Édouard Grimard, auteur de L'esprit des plantes, silhouettes végétales. (Éditions Mame, 1875) propose sa propre vision des plantes :
Cette plante est cultivée depuis l'enfance de la civilisation ; aussi l'on ne sait de quel pays elle est originaire. Il est cependant probable qu'elle vient de l'Inde, et qu'elle a été transportée en Égypte, puis en Grèce, d'où elle a passé en Italie et s'est propagée dans le reste de l'Europe. C'est l'Oignon que les Hébreux regrettaient si amèrement dans le désert, et qui dans toute l'Égypte était adoré comme une divinité. Toutefois Pline ajoute fort malicieusement, à ce sujet, que c'est probablement pour obliger le peuple à s'en abstenir que l'on plaça l'Oignon au rang des dieux.
De la cuisine , où il figure en toutes circonstances , l'usage de l'Oignon s'est étendu jusqu'au domaine médical. Son suc passe pour un résolutif efficace, et ses tissus servent à la préparation de tisanes pectorales.
L’Échalote, fréquemment employée aussi, est originaire de la Palestine, des environs d'Ascalon ; de là son vieux nom d'Escaloigne, dont celui d'Échalote n'est évidemment qu'une altération. Cette Liliacée, apportée en France à l'issue de la dernière croisade, est aujourd'hui acclimatée dans toute l'Europe. L'Échalote d'Espagne, dont la fleur est chargée de petits bulbes appelés Rocamboles, est également fort répandue.
Le Poireau, qui paraît être originaire des montagnes de l'Europe et surtout de la Suisse, est cultivé depuis une longue série de siècles, puisque Néron s'en nourrissait exclusivement certains jours, afin de se donner une voix plus suave.
L'Ail Moly, qui se pare de belles fleurs jaunes, est cultivé comme plante d'ornement.
L'Ail magique, enfin, autrefois fort célèbre, était employé dans les enchantements. Assez de cuisine comme cela ; revenons, non plus précisément à des Liliacées, mais à des plantes non moins belles, et qui appartiennent à des familles tellement voisines, que certains auteurs les ont souvent confondues avec elles.
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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Oignon (Allium cepa) a les caractéristiques suivantes :
Genre : Masculin
Planète : Mars
Élément : Feu
Divinité : Isis
Pouvoirs : Divination ; Forces vitales.
Utilisation rituelle : On vouait un culte à l'Oignon dans plusieurs cités de l'Égypte pharaonique. Chez les Ouzbeks des plateaux du Turkestan, on prêtait serment sur un Oignon.
Utilisation magique : Pour savoir le temps qu'il fera dans les douze mois de l'année, on se sert, la nuit de Noël, de douze couches enlevées à la chair de l'Oignon. On retourne ces couches qui forment chacune une petite coupelle, et on les charge de gros sel. Chacune correspond à un mois de l'année. Selon que le sel fond plus ou moins vite dans chaque morceau d'Oignon, il fera plus ou moins sec dans le mois correspondant.
De plusieurs compagnons de travail (par exemple des domestiques d'une même ferme), celui qui tous les matins à jeun, à l'insu des autres, mange un Oignon cru, celui-là non seulement a le profit de sa propre nourriture, mais il soutire à ses compagnons le profit qu'ils devraient logiquement retirer de la leur. Il prospère alors que les autres dépérissent. « Il mange leur vigueur », comme disent les paysans.
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
Dès la plus haute Antiquité, l'oignon, dont la forte odeur était censée provoquer « un sentiment de puissance vitale », rendait courageux et forts les guerriers qui en mangeaient. En plus de son arôme, « sa forme bulbeuse » et « ses enveloppes successives » contribuaient à en faire une plante mystérieuse. Les Chaldéens composaient des recettes magiques à base de cette plante, tandis que les Égyptiens, qui croyaient que l'oignon abritait des dieux et qui en ont fait parfois le symbole d'Isis, attribuaient à sa tige le pouvoir de les protéger des maladies. De l'oignon fut même retrouvé entre les mains de momies. Comme cette plante est la seule à pousser au décroît de la lune, les Romains, eux, n'en mangeaient pas le bulbe.
Au Moyen Âge, l'oignon ne perdit ni ses vertus médicinales - on soutenait en particulier qu'en accrocher un dans une pièce attirait à lui toutes les maladies et que son jus frotté sur un crâne chauve faisait repousser les cheveux - ni sa réputation de plante quasi sacrée. Selon Pierre de Lancre, dans son Tableau de l'inconstance, les sorciers jetaient des sorts sur tous les végétaux d'un jardin et d'un potager, à l'exception de l'oignon, dans la croyance que le dieu qui y résidait avait autant de pouvoir que le diable.
Dans une brochure rédigée au XIXe siècle, l'« apôtre Jupille » écrivait : « L'oignon est l'œil de l'homme. dieu a laissé à l'oignon une sensibilité si touchante pour nous que, quand nous l'épluchons, il nous fait verser des larmes comme pour nous dire combien il en dut verser avant de se réduire au point où nous le voyons ».
Aujourd'hui encore, nous relevons dans un ouvrage récent le procédé suivant contre l'appendicite : « En attendant le médecin, mettre sur les reins du malade un cataplasme fait d'oignons et de chou cru coupé en morceaux. » Une moitié d'oignon frottée sur une verrue puis enterrée la fait disparaître ; des rondelles placées autour du cou luttent contre l'enrouement et, en cataplasme sur les pieds d'un malade pendant huit jours, des oignons hachés guérissent la typhoïde. La superstition rejoint ici la science dans la mesure où des recherches ont montré qu'une moitié d'oignon fraîchement coupée attire les microbes.
Selon une superstition anglaise, se passer sur le corps du jus d'oignon protège de la douleur : « Pendant longtemps, les écoliers ont affirmé que frotter un oignon sur la fesse droite empêchait de recevoir des coups de canne. Mieux encore, si l'oignon était frotté directement sur la canne, elle casserait net dès le premier coup ». Dans le même ordre d'idées, Albert le Grand signale que « pour empêcher une arquebuse de tirer droit, il faut la frotter avec du jus d'oignon par les bouts ».
L'oignon qu'on fait tremper dans un verre d'eau, en laissant la partie supérieure émergée, devient un « talisman végétal » efficace pour tout ce qui concerne le travail : « Si la plante bourgeonne, le souhait que l'on aura formulé lors du rituel, et touchant à un problème spécifique lié à l'activité professionnelle, aura toutes les chances d'être réalisé ».
L'oignon peut également tuer. Nous pénétrons là dans le domaine de la sorcellerie : pour se venger d'un amant infidèle, il suffit, dit-on, de placer dans la cheminée un oignon percé de treize épingles et de piquer de la même manière une chandelle. Au fur et à mesure que l'oignon sèche et que la chandelle brûle, le traître voit sa souffrance augmenter jusqu'à l'issue fatale.
Lorsque, parmi des compagnons de travail, « par exemple des domestiques d'une même ferme », l'un d'eux mange tous les matins un oignon cru, « celui-là non seulement a le profit de sa propre nourriture, mais il soutire à ses compagnons le profit qu'ils devraient logiquement retirer de la leur. Il prospère alors que les autres dépérissent. "Il mange leur vigueur" comme disent les paysans ».
Autrefois, l'oignon servait à connaître le sort des personnes chères. Cette divination, appelé cromniomancie, courante en France, en Angleterre et en Allemagne, consistait à poser sur un autel, la veille de Noël, des oignons sur lesquels étaient écrits les noms de ceux dont on s'inquiétait, en sachant que celui qui germerait le premier indiquerait une personne en très bonne santé. En écrivant sur chaque oignon, le nom de ses soupirants, une jeune fille pouvait également savoir lequel d'entre eux serait son futur mari. Les Américains utilisaient un procédé rappelant ce mode divinatoire : pour choisir entre deux personnes celle qui serait le futur conjoint, ils coupaient un oignon en deux, chaque moitié représentant une personne, celle qui germerait le mieux correspondant à l'heureux élu.
Pour connaître le temps qu'il fera dans l'année, il faut, la nuit de Noël, pendant ou juste après la messe de minuit, couper six oignons en deux (pelés ou non), les vider afin d'en faire douze écuelles pour les douze mois, et y déposer quelques grains de sel. au bout de huit jours, si le sel est sec, il annonce un mois sec ; humide ou fondu, un mois très humide. Une variante existe en Alsace, où, la nuit de Noël, on trace douze ouvertures circulaires dans un gros oignon, représentant chacune un mois de l'année, et dans lesquelles on place un peu de sel. Le Jour des Rois, l'examen de l'état du sel annonce le temps à venir. Dans la Meuse, le même oracle s'effectue sur douze pelures d'oignon. Plus simplement, on dit que lorsqu'un oignon a de nombreuses pelures (sept en Provence, trois dans d'autres régions) il annonce un hiver difficile.
Laisser sur une table un oignon entamé porte malheur et en brûler un « fait pleurer les anges » (Morbihan). Rêver que l'on mange des oignons est de mauvais augure si le dormeur est en bonne santé, mais signe de guérison s'il est malade. Les Anglais soutiennent que dormir avec un oignon sous son oreiller fait rêver de son futur soupirant.
On dit que les oignons doivent être plantée en jeune lune. En Picardie, semer ses oignons le vendredi saint les protège de la sécheresse et des insectes.
En conclusion, signalons l'existence d'une secte d'adorateurs de l'oignon, fondée en 1929 par François Thomas, dont le siège se trouve dans l'Oise, à Chamant et qui, d'après Pierre Boussel, comptait, il y a quelques années encore, quelques quatre mille membres : « Depuis la mort du frère Thomas la secte se trouve dirigée par le frère Auguste et la sœur Geneviève, installés à Chamant dans une maison rurale mais qui répandent la bonne parole dans toute la région parisienne en faisant connaître l'enseignement inclus dan le Petit Livre du Seigneur et en chantant des cantiques à la gloire du légume-divin ».
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Tony Goupil, dans un article intitulé "La Lune et ses relations avec les premiers botanistes" (LEJEUNIA, Revue de Botanique, Nouvelle série N° 191, Avril 2014) nous rappelle le lien de l'Oignon avec la Lune :
[...] Une autre citation de PLUTARQUE nous est parvenue à travers AULU-GELLE (Livre XX) : « L’oignon reverdit et germe quand la lune décline, au contraire il sèche quand elle augmente. Les prêtres égyptiens disent que la cause pour laquelle les gens de Péluse ne mangent pas d’oignon, c’est que seul de tous les légumes il a des alternances de diminution et d’augmentation contraires aux augmentations et aux pertes de la lune » (traduction de la collection des Belles Lettres).
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Symbolisme alimentaire :
Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :
Mythes et légendes :
D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
OIGNON. — D’après Athénée, ce légume était consacré à la déesse Latone, qui l’avait adopté, depuis qu’étant enceinte et ayant perdu l’appétit, un oignon le lui rendit. L’un de ses noms indiens est ushna, « le chaud ». Arthémidorus Daldianus, De Somnorium interpretatione (I, 69), prétend que l’oignon mangé en songe par une personne qui se porte bien, est de mauvais augure ; mangé en grande quantité, en songe bien entendu, par un malade, c’est un indice de guérison. L’oignon faisant pleurer, « si quis multas cepas edere sibi videatur et forte aegrotet, convalescet. Si vero paucas, morietur. Qui enim moriuntur, parum lacrymantur. » D’après Pline (XIX, 101), les anciens Égyptiens prêtaient serment par l’ail et par l’oignon : « Allium cepasque inter Deos in jurejurando habet Aegyptus. » Juvénal (XV, 9) s’est moqué de ces dieux :
O sanctas gentes, quibus haec nascuntur in hortis
Numina.
Prudentius, de même, au nom du christianisme (Contra Symm., II, 865) :
Sunt qui quadriviis brevioribus ire parati
Vilia Niliacis venerantur oluscula in hortis,
Porrum et cæpe Deos imponere nubibus ausi
Alliaque et Serapin coeli super astra locare.
Les prêtres, ainsi que les Pythagoriciens, s’abstenaient de l’oignon, non pas seulement parce qu’il pousse « decadente luna », mais aussi, sans doute, parce qu’il excite la sensualité. Que l’oignon dût être considéré comme une nourriture symbolique de la génération, nous serions portés à le présumer d’après l’usage nuptial des Thraces, mentionné par Athénée (IV, 131) : Iphicrates, en épousant la fille du roi Cotys, reçoit, parmi les autres cadeaux de noce, avec la jeune mariée, un pot de neige, un pot de lentilles et un pot d’oignons.
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Littérature :
Georges Sand, dans une pièce intitulée Le Diable aux champs (1869), met notamment en scène un jardinier-fleuriste amoureux de la dame de compagnie de sa maîtresse :
JENNY. — [...] … À propos, monsieur Florence, avez-vous pensé au bouquet de madame, à l’heure de son dîner ? Je n’y étais pas…
FLORENCE. — J’y ai pensé, et je le lui ai envoyé par mon confrère le potagiste, commis, il s’intitule.
JENNY. — Ah ! mon Dieu ! cela lui aura déplu, à madame ! Elle prétend que les bouquets de monsieur Cottin sentent toujours l’oignon !
FLORENCE. — Bah ! l’oignon est une senteur de haut goût qui doit être saine pour les femmes nerveuses.
JENNY. — Monsieur Florence, je ne vois qu’une chose à vous reprocher, c’est que vous parlez de madame un peu légèrement, et c’est injuste : vous ne la connaissez pas.
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