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Le Lactaire poivré

Dernière mise à jour : 13 mai




Étymologie :


  • LACTAIRE, adj. et subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. 1610 fig. « qui produit du lait » (Flor. Raemond, Naissance de l'hérésie, 544 ds Delb. Notes : « Cette mere Eglise..., c'est la colonne lactaire ou tous bons enfants chretiens viennent pour succer le dous lait de sa sainte doctrine ») ; 1704 colonne lactaire « colonne à Rome, au pied de laquelle on exposait les enfants abandonnés » (Trév.) ; 2. 1800 « qui a du lait » (Boiste) ; 3. 1816 « champignon » (A. P. de Candolle, Essai sur les propriétés médicales des plantes, 332-3 ds Quem. DDL t. 12). Empr. au lat. lactarius « qui a rapport au lait ».


Lire également la définition de lactaire pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Lactarius piperatus - Agaric poivré - Aburon - Auburon - Bolet fol - Camparol lacté - Camparol laitié - Chavane - Chavanes - Eauburon - Fifrelin - Lactaire des charbonniers - Laiteux poivré - Laitiron - Laitirou - Lamburon - Lateron - Latheron - Lathiron - Latyron - Montpellier - Pebré - Pébré - Pebretta - Pibri - Pinin - Poivré - Poivrette - Prevat - Prévat - Roussette - Sabadelle - Sanghin blanc - Tathyron - Vache-blanche (Vosges) -

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Mycologie :


Dans son Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) Charles Richon nous propose une description du Lactarius piperatus :


Chapeau ferme, déprimé au centre, puis infondi buliforme, lisse, assez régulier d'ordinaire, d'un blanc luisant ; stipe solide, plein, très court, de même couleur ; lamelles arquées-décurrentes, étroites, rapprochées, anastomosées-dichotomes, blanches ; spores sub-sphériques, verruqueuses échinulées, blanches.

Lait blanc, fixe, abondant, de saveur âcre ; odeur nulle.

Été, automne.

Dans les bois, les forêts, les chemins herbeux des parcs, etc.

Espèce signalée comme comestible, mais dont une forte cuisson peut à peine chasser l'âcreté, sans la rendre moins indigeste.

 

Selon Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de Champignons (collection Terra curiosa, Éditions Plume de carottes, 2013), "une fois séché et réduit en poudre, on peut utiliser ce lactaire comme du poivre.


Des mycologues perplexes : Comme la plupart des lactaires, l'auburon laisse couler un lait blanc à la moindre blessure. Parfois très abondant dans les bois, on a pu dire de lui qu'il se développe "comme pousse toute mauvaise herbe, avec la furie du mal" ! Sa chair et son lait sont en effet piquants, comme du poivre ou du piment, ce qui le rend pratiquement immangeable. Il était pourtant couramment consommé en Allemagne, en Russie et dans certaines régions de France. Les mycologues étaient donc perplexes à son égard. Certains d'entre eux, peut-être par simple prudence vis-à-vis de leurs lecteurs, le présentaient comme un "poison dangereux". Aujourd'hui encore, la FAO hésite à trancher : "De nombreux rapports affirment qu'il est comestible et le confirment comme aliment en Turquie, cependant il est signalé comme vénéneux en Chine." En réalité, même s'il est loin d'être délicieux, il perd une bonne partie de son âcreté à la cuisson.


Herbe à verrues : La chélidoine, l'héliotrope et bien d'autres plantes sont qualifiées d'herbe aux verrues, mais jamais un mot sur le lactaire poivré. Pourtant, autrefois, les paysans du Languedoc appliquaient le lait du lactaire poivré sur les verrues pour les sécher.


Du lait et de la chitine : Son lait paraissait de nature à fournir une médication intéressante. Ainsi, des médecins l'ont préconisé, adouci par du sirop de guimauve, contre les calculs de la vessie et la tuberculose. Comme l'affirmait en 1810 Henri Braconnot (1780-1855), directeur du Jardin des Plantes, "il est permis à tout esprit raisonnable de douter de l'efficacité d'un pareil moyen" !

Ce chimiste avait extrait du champignon une substance blanche et fade qui lui rappelait le spermaceti des cachalots : "Voilà donc le blanc de baleine ou l'adipocire, qui jusqu'à présent n'avait été trouvé que dans la tête des cétacés, et qui parait faire partie constituante des champignons." Il avait aussi isolé une autre substance, la fongine, qui lui semblait propre à ce règne. Ce composé est en effet très important puisque il est le principal constituant de leurs membranes cellulaires, aujourd'hui appelé chitine.


Fifrelins : En Suisse allemande, le lactaire poivré se nommait pfifferling, de pfeffer, le poivre. Mais le mot signifiait également "pas grand-chose", par exemple dans l'expression das ist keinen Pfifferling wert, "ça ne vaut rien". On raconte que les soldats du régiment des Suisses de Versailles auraient popularisé cette formule en francisant le pfifferling en fifrelin, rappelant ainsi la valeur dérisoire de ce champignon !


Empirisme : A la fin du XVIIIe siècle, le docteur André Dufresnoy, médecin de l'hôpital militaire de Valenciennes, produisait l'opiat antituberculeux de Lepecq de la Clôture à partir du lactaire poivré. Il y ajoutait de la conserve de roses, du blanc de baleine, des yeux d'écrevisses, de la fleur de soufre, avec un peu de miel de Narbonne pour le goût.

Selon le docteur Jean Louis Alibert, médecin à l'hôpital Saint-Louis, "le nom absurde de cette recette annonce assez qu'elle est l'ouvrage de l'empirisme".

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Vertus thérapeutiques :


 Joseph Roques, auteur d'une Histoire des champignons comestibles et vénéneux (Fortin, Masson et Cie Libraires-Éditeurs, 1841) mentionne un usage médicinal de ce champignon :


L'agaric poivré contient un principe gélatineux, et une liqueur laiteuse qui devient concrète et se dissout parfaitement dans l'alcool ; la teinture qui en résulte est d'une belle couleur d'or. D'après l'analyse de M. Braconnot, ce champignon fournit de l'albumine, de l'adipocire, des cristaux de sucre, de l'acétate de potasse, etc. Le docteur Dufresnoy, à qui nous devons des observations intéressantes sur les propriétés de quelques végétaux, assure l'avoir donné avec succès dans le premier degré de la phthisie pulmonaire.


 

Dans Les Champignons, Histoire, description, culture, usages des espèces comestibles, vénéneuses, suspectes... (J. Rothschild Éditeur, 1876) F. S Cordier précise un autre usage du Lactaire poivré :


L'Agaric poivré, Agaricus acris, Bull. (Lactarius piperatus, Fr.), a été d'usage en médecine. Son suc laiteux, pris avec le sirop de guimauve passait pour provoquer l'excrétion de l'urine et briser les calculs.

La même propriété était attribuée à l'Agaric zoné, Ag. (Lactarius) zonarius, Fr., autre lactaire. Vaillant dit que le suc de ce champignon, pris avec le sirop de guimauve, brise le calcul, d'après une expérience certaine, en même temps qu'il provoque l'urine. Il dit aussi que par le frottement il fait disparaître les verrues.

Au rapport de MM. Noulet et Dassier, les paysans du Languedoc emploient aujourd'hui encore cet Agaric pour cautériser ces excroissances. Son suc agit à la manière du lait de la chélidoine et du réveil-matin. [...]

Pour en revenir à l'Agaric poivré, ce champignon aurait guéri la phthisie pulmonaire, lorsque déjà cette maladie était accompagnée de fièvre hectique et de vomique du poumon. M. Dufresnoy le réduisait en poudre, après l'avoir lavé, puis desséché dans un four : il en composait ensuite un opiat ou électuaire de la manière suivante :

Conserve de roses.  15 grammes

Blanc de baleine.

Yeux d'écrevisses. } 8 grammes

Fleurs de soufre lessivé.

Agaric pulvérisé. 12 grammes.


Miel de Narbonne, quantité suffisante pour composer un électuaire dont on faisait prendre deux grammes et demi, trois fois par jour, délayé dans une infusion de mille- feuille sucrée.

L'Agaricus (Lactarius) torminosus, Fr., était quelquefois substitué à l'Agaric poivré : on l'ajoutait à l'électuaire, mais à la quantité d'un gramme cinquante centigrammes seulement. Le quinquina aussi y était quelquefois ajouté, à la dose d'un gramme, et l'opium à celle de vingt centigrammes.

Le Pecq de Cloture faisait usage de ce même électuaire dans les mêmes circonstances. Cette préparation, délaissée aujourd'hui, pourrait être essayée de nouveau dans les cas de catarrhes chroniques et de phthisie non trop avancée.

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Le Dr Lucien-Marie Gautier, auteur de Les Champignons considérés dans leurs rapports avec la médecine, l'hygiène publique et privée, l'agriculture et l'industrie (Librairie J. B. Baillière et fils, 1884) mentionne également :


Plusieurs Lactaires ont été conseillés comme diurétiques contre la gravelle et même contre les calculs urinaires ; leur suc a été aussi vanté pour détruire les verrues, mais paraît aussi peu efficace que celui de la Chélidoine des murailles, préconisée dans le même but.

L'Agaricus piperatus, et l'Agaricus torminosus, ont été mis en usage, même de nos jours, contre la phtisie, sans aucun résultat avantageux d'ailleurs.


 

G. Becker auteur d'un guide des Champignons (Éditions Gründ, Paris, 1983, 319 p.) précise que en France, dans la région Est, les bûcherons consommaient le lactaire poivré cuit sur le grill afin de soigner la blennorragie.


 

Selon Christelle Francia, Françoise Fons, Patrick Poucheret et Sylvie Rapior, auteurs de l'article intitulé "Activités biologiques des champignons : Utilisations en médecine traditionnelle." (Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, 2007, 147 (4), pp. 77-88.), les qualités thérapeutiques du lactaire poivré sont les suivantes :


anti-infectieux et cicatrisant : En France (région Est), cuit sur le grill et consommé par les bûcherons pour

soigner la blennorragie. Référence : Becker (1983).

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Usages traditionnels :


Pierre Bulliard, auteur d'un Herbier de la France. (Vol. 1. Leblanc, 1809) mentionne différentes manières de consommer le lactaire poivré :


Usage. La variété de cet Agaric, qui a ses feuillets très multipliés et roux, est très connue, dans la plupart de nos provinces, sous les noms de LATYRON, de ROUSSETTE. Les habitans des campagnes en mangent, avec profusion, cuite sur le gril avec du beurre frais ou de l'huile d'olive, du poivre et du sel. Dans beaucoup d'endroits, voisins des grandes forêts, on s'en fait une ressource pour l'hiver ; on la confit dans du vinaigre, du sel, beaucoup de poivre et d'ail, à la manière des cornichons : ainsi préparée, les uns la font cuir avec d'autres alimens, les autres la mangent crue. Je ne sais si on a quelque raison de se défier des autres variétés de cette espèce, mais ce qu'il y a de certain, c'est que, dans plusieurs de nos campagnes où l'on fait une grande consommation de la variété dont nous venons de parler, on ne mange pas toutes les autres.

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Dans son Histoire des champignons comestibles et vénéneux (Fortin, Masson et Cie Libraires-Éditeurs, 1841) Joseph Roques offre des détails sur la comestibilité du Lactaire poivré, à partir de sa propre expérience :


L'agaric poivré a une chair blanche, cassante ; toutes ses parties contiennent un lait visqueux, abondant et très âcre, qui coule par gouttes aussitôt qu'on les blesse. Jean Bauhin avait autrefois éprouvé sur lui-même son action irritante. J'ai eu occasion de confirmer l'expérience de ce célèbre botaniste.

J'avais cueilli, vers la fin de l'été de 1816, un de ces champignons dans le bois d'Hellenvilliers (Eure), où ils abondent. J'essayai d'en mâcher un petit fragment, et j'avalai la salive imprégnée de son suc ; mais j'éprouvai bientôt après une sensation brûlante dans toutes les parties de la bouche. Depuis cette époque, j'ai encore dégusté plusieurs fois ce champignon cru, et les mêmes effets se sont renouvelés. Plenck nous dit qu'il irrite vivement les tuniques de l'estomac, provoque la cardialgie, et peut même donner la mort. Enhardi par l'exemple de Paulet, je l'ai pourtant mangé cuit sur le gril, avec de l'huile, du poivre et du sel. Il m'a paru moins délicat que les autres champignons ; mais, du reste, la digestion s'est faite sans le moindre embarras.

Il est constant que la cuisson et un assaisonnement convenable détruisent son âcreté, puisqu'on le mange en Allemagne, en Pologne, en Russie, et même en France. Dans certains pays, on le fait sécher après l'avoir coupé par tranches ; ailleurs, on le conserve dans des tonneaux avec du vinaigre et du sel.

Un Alsacien, cantinier de la vieille armée, et sa femme avaient ramassé dans la forêt de Gonart une grande quantité de ces champignons laiteux. Je les rencontrai dans un petit vallon où ils étaient occupés à les éplucher. « Mais vous avez cueilli des champignons malfaisants ? dis-je à ce vieux militaire. Vous vous trompez, Monsieur, tout le monde les mange en Alsace, et j'en ai cent fois régalé mes camarades en Allemagne. Nous les mangions fricassés dans la poële avec du beurre, de l'huile ou de la graisse, et nous buvions un petit verre d'eau-de-vie après. Ma femme, qui est Dauphinoise, craignait d'abord d'en manger ; maintenant elle n'aime que ces champignons. En avez-vous quelquefois offert aux habitants de Buc ou de Jouy ? Est-ce qu'on connaît les bons champignons dans ce pays-là ? - Mais que pensez-vous de ceux-ci ? lui dis-je, en lui montrant quelques chanterelles que je venais de cueillir. Oh ! ceux-là je ne les ramasse point, il en faudrait plusieurs centaines pour en faire un plat, tandis que deux ou trois de ces gros champignons suffisent pour nourrir un homme pendant vingt-quatre heures. - Eh bien ! je vous conseille pourtant, avant de les fricasser, de les faire bouillir un peu dans l'eau, ou bien de les mettre pendant quelques minutes sur le gril, et de les presser ensuite dans un linge afin d'en exprimer le lait qui est très âcre. Voilà la vraie manière de les apprêter, et c'est celle que j'emploie moi-même ; car je mange aussi quelquefois de ces champignons laiteux. »

Il me remercia très poliment, et me souhaita le bonjour en me disant : J'étais autrefois cantinier, je suis maintenant cardeur de matelas dans les campagnes. Lorsque je manque d'ouvrage je vis de champignons ; malheureusement il n'y en a pas toute l'année.

Voilà donc une espèce qui est âcre et même malfaisante dans son état de crudité, mais qui, préparée d'une manière convenable, offre un aliment substantiel à l'ouvrier et aux pauvres habitants des campagnes.

Micheli signale comme comestible un champignon tout blanc et rempli d'un suc laiteux, fungus esculentus, piperatus, totus albus, lacteo succo turgens. Il l'appelle lattajuolo bianco, buono. On le vend au marché de Florence.

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François Simon Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) mentionne un usage inattendu du lactaire poivré :


D'après les analyses chimiques de Braconnot, on peut retirer de l'Agaric poivré et des autres Agarics de la section des Lactaires une matière grasse analogue à la cire, et qu'à la rigueur on pourrait convertir en bougies diaphanes. Reste à savoir quel serait le prix de revient de ces bougies.

[...]

La cuisson détruisant en grande partie son âcreté, on le mange dans beaucoup de contrées ; ce n'est cependant jamais un aliment très agréable. En Lorraine, les bûcherons et les charbonniers en font un fréquent usage. En Russie, la consommation en est considérable. Les vaches le mangent avec avidité, mais il rend leur lait et leur beurre nauséeux. En Piémont, on le fait macérer dans l'eau salée.


 

Selon Charles Veuillot, auteur d'un article intitulé "Compte-rendu mycologique de l'excursion du 19 juin à Bourgoin et Maubec." (In : Annales de la Société botanique de Lyon, tome 9, Mémoires–Comptes-rendus des séances – 1880-1881. 1882. pp. 365-367) :


Le Lactaire poivré passe pour vénéneux étant cru ; il est comestible lorsqu'il est cuit ; mais nous engageons les gourmets à le laisser consommer aux charbonniers et aux paysans des Vosges, où cette substance plus ou moins alimentaire jouit d'une certaine faveur.

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Charles Richon, auteur d'un Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) rend compte d'usages de nos ancêtres (pas si lointains) :


Jean Bauhin nous apprend que les bûcherons ne manquaient pas de se faire une nourriture avec ce Champignon, grillé sur des charbons ardents et saupoudré de sel . Paulet dit qu'on le mange de temps immémorial en Allemagne, en Angleterre, en Russie, dans plusieurs parties de la France, et on n'a jamais observé qu'il ait causé des accidents. Il avoue que ce n'est point un mets délicat, qu'il est même un peu amer, lourd sur l'estomac, et qu'à moins d'y être fait, on ne le trouve point agréable et on le supporte difficilement ; mais que c'est souvent un régal pour les pauvres gens et que, lorsqu'il est bien cuit, et qu'on en mange modérément, il n'incommode point.

« Une seule goutte du suc de ce Champignon, dit Letellier, placée sur la langue, détermine, en quelques secondes, un picotement violent ; les papilles de cet organe deviennent saillantes et rouges, le gosier paraît éraillé, et cette sensation se prolonge souvent plus d'une heure ... La cuisson détruit plus complètement son âcreté que le lavage de sa chair pilée, répétée jusqu'à quatre fois. » Roques dit que, bien que peu satisfait d'avoir également éprouvé la sensation brûlante que produit dans la bouche la mastication d'un fragment de ce Champignon cru, enhardi par l'exemple de Paulet, il l'avait aussi mangé, cuit sur le gril, avec de l'huile, du poivre et du sel. Il ajoute qu'il lui avait paru moins délicat que les autres Champignons, mais que du reste la digestion s'était faite sans le moindre embarras. M. Barla dit qu'on n'est pas d'accord sur les propriétés de ce Champignon, mais qu'il peut affirmer qu'on le mange fréquemment dans les campagnes des environs de Nice, après l'avoir fait macérer dans l'eau pour lui enlever son goût âcre et piquant. M. Quélet nous paraît le caractériser nettement en disant qu'il se consomme en grand dans les Vosges, mais qu'âcre-poivré, il ne convient qu'aux palais peu chatouilleux. M. Louis Planchon dit que ce Champignon se vend sur le marché de Montpellier, et que s'il ne constitue pas un aliment bien agréable ni bien parfumé, il peut rendre par son abondance des services aux classes pauvres. Il y aura intérêt pour les amateurs à ne pas le confondre avec le Poivré moutonné dont les propriétés sont signalées comme pouvant être malfaisantes, probablement parce que l'action du feu ne réussit pas complètement à détruire l'âcrelé de son suc laiteux. Dans tous les cas, nous pourrons ajouter que le Poivré blanc constituerait, pour les estomacs délicats, un aliment indigeste.

 

En 1933, Julien Costantin, dans son Atlas des Champignons comestibles et vénéneux (Éditions Frédérique Patat, 2016) donne le Lactaire poivré comme comestible :


Malgré son extrême âcreté, ce Lactaire est comestible, il est consommé depuis longtemps dans les pays pauvres en Allemagne, en Angleterre, en Russie, dans les Vosges (M. Quélet), aux environs de Nice (M. Barla) ; il se vend sur les marchés de Montpellier, de Bourbonne-les-bains, d'Épinal. La cuisson sur le gril ou la macération dans l'eau lui font perdre son goût âcre. Il ne saurait être recommandé pour les estomacs délicats.

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Symbolisme :


D'après Pierre Leutaghi, auteur d'un article intitulé "Aux frontières (culturelles) du comestible" (Éditions Presses Universitaires de France | « Ethnologie française », 2004/3, Vol. 34 | pages 485 à 494) :

[...]

Les champignons lèvent aussi en territoire d’incertitudes, avec des frontières d’appréciations qui vaudraient d’être jalonnées, étrangères à l’engouement unificateur du IIIe millénaire. Des espèces aujourd’hui universellement appréciées n’étaient pas cueillies partout, loin s’en faut ; on les appréciait souvent davantage dans les villes que dans les campagnes qui les fournissaient. Malgré les manuels, les magazines, la pléthore de livres de recettes, les particularismes régionaux ont la vie dure ; des traces subsistent des anciennes méfiances, des anciennes répulsions. En Haute-Provence, les lactaires délicieux, les « pinins » (ils viennent surtout dans les pinèdes) font de longue date l’objet d’un ramassage obsessionnel. On les cuit au vinaigre avec des aromates et on les conserve à l’huile pour les manger en façon de hors-d’œuvre piquant. Dans les Landes, on les traitait plutôt à coups de pied, il y a peu. De tels exemples se voient partout, qui entrent dans la problématique de l’« écologie des savoirs ».

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Littérature :


Françoise Garbarini propose une nouvelle étonnante intitulée "Enquête ou les aventures de Mouchablé." (parue In : Chimères. Revue des schizoanalyses, N°1, printemps 1987. pp. 1-14) :


[...] Mouchablé s’interminabulait les gudulaires dans un claquemure, le même sac c’est nœud blême côté tige et toutes les épines désorientées vers l’ouest s’aversent. Feuilles ou bractées ?

Les écluses interrompent mobiles et piétinements, le chemin de hâlage sablonne leurs marchages mécaniques – PRESQUE –. Crinières guérilleuses et boules bleuvert, proie des hors-time flowers du chardon sec à foulon, tête ou capitule ? Et butiner le cuir-cuir des quatre saboteux qu’on harcèle – LE MONDE –. S’agglutiner aux gros-globes oculeux des bovines bretonneuses – C’EST BON – défaire son beurre – MEILLEUR –, C’EST : les chaleurs qui langent dans les conduits lactaires

LACTAIRE DÉLICIEUX

LACTAIRE POIVRÉ

LACTAIRE VÉNÉNEUX

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