Étymologie :
BRONZE, subst. masc.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1511 (Contrat cité dans les œuvres de J. Le Maire, IV, 415, éd. Stecher dans Hug.) ; 1541 bronze (Amadis, II, 1, ibid.) ; 2. 1663 fig. de bronze « dur, insensible » (Molière, L'Étourdi, III, 12 dans Littré) ; 3. 1694 « objet d'art en bronze » (Ac.) ; emploi adj. av. 1857 « qui a la couleur du bronze » (E. Sue dans Lar. 19e : une épaisse redingote bronze) ; adj. substantivé « id. » (Lar. 19e : un plumage d'un beau bronze). Empr. à l'ital. bronzo attesté dans Batt., au sens 1 dep. la 2e moitié du xiiie s. (Giacomino da Verona), au sens 2 dep. la 1re moitié du xvie s. (Aretino) et au sens 3 vers 1450 (Vita di Filippo di ser Brunellesco). Les formes médiév. relevées en Italie du nord (1314, Plaisance bronzium dans Du Cange t. 1, p. 757b ; 1313, Trévisse, brundum, 1339 Venise, bronzio, 1335 Bologne, bronzum dans DEI) permettent de supposer un lat. médiév. *brundium d'orig. obsc. ; ce dernier type a été rapproché du lat. Brindisi, Brundisium, Brundusium, Brindes, cité fameuse pour la fabrication du bronze, cf. Pline, Hist. nat., 1. XXXIII, ch. IX, § 45 cité par Bertholet dans Journal des Savants, 1888, p. 677 : Specula optima apud majores querunt Brundusina, stanno et aere mixtis [il s'agit de la fabrication de miroirs de bronze] ; le mot aurait été véhiculé par le gr. médiév. β ρ ο ν τ η σ ι ́ ο ν « bronze » (xie s. [date de composition viii-ixe s.] Manuel byzantin de chimie ms. 299 Bibl. de Saint-Marc à Venise cité par le même, loc. cit.) ; cf. la forme abrégée Brunda en lat. tardif dans TLL s.v., 2210, 68 et le mot cuivre*, de formation analogue. Cependant l'évolution phonét. n'est pas claire ; du gr. tardif (l'ital. serait alors un byzantinisme formé dans l'Exarchat de Ravenne, ce qui concorderait avec les formes médiév. relevées dans l'Italie du nord) β ρ ο ν τ ε ι ̃ ο ν « instrument servant à imiter les bruits de tonnerre sur la scène » (iie s., Pollianus dans Liddell-Scott), instrument constitué, d'apr. DEI, par un vase de cuivre dans lequel on agitait des pierres; ce gr. est dér. de β ρ ο ν τ η ́ « tonnerre ».
AIRAIN, subst. masc.
Étymol. ET HIST. − Mil. xiie s. araim « alliage de cuivre et d'étain » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, 106, 16 ds T.-L. : contribla les portes d'araim [contrivit portas aereas]) ; xiie s. arain « id. » (Ronc. 78 ds Littré : Sonent buisines d'arain et de metal). Dér. du b. lat. aeramen (« id. » dep. iiie s., Comm., Apol., 750 ds TLL s.v., 1053, 10) devenu régulièrement *ē̖rame puis *arame par assimilation régressive d'où arain, Fouché t. 2, p. 453 ; forme étymologisante aerin, airin (D'Aubigné ds Hug.).
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Symbolisme :
Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982),
L'airain est un "alliage de différents métaux, principalement étain et argent avec le cuivre, l'airain est symboliquement issu du mariage des contraires, ces métaux étant associés les uns avec la lune et l'eau, l'autre avec le soleil et le feu. D'où l'ambivalence, et le caractère violemment conflictuel des deux faces de son symbolisme. Métal éminemment sonore, il est tout d'abord une voix, d'un côté celle du canon, de l'autre celle de la cloche, voix contraires s'il en est, mais toutes deux terribles et puissantes.
Hésiode décrit en termes effrayants la troisième race des hommes, la race de bronze, caractérisée par sa démesure : Et Zeus, père des dieux, créa une troisième race d'hommes périssables, race de bronze, bien différentes de la race d'argent, fille des frênes, terrible et puissante. Ceux-là ne songeaient qu'aux travaux gémissants d'Arès et aux œuvres de démesure. Ils ne mangeaient pas le pain : leur cœur était comme l'acier rigide ; ils terrifiaient. Puissante était leur force, invincibles les bras qui s'attachaient contre l'épaule à leur corps vigoureux. Leurs armes étaient de bronze, de bronze leurs maisons, avec le bronze ils labouraient, car le fer noir n'existait pas. Ils succombèrent, eux, sous leurs propres bras et partirent pour le séjour moisi de l'Hadès frissonnant, sans laisser de nom sur la terre. Le noir trépas les prit, pour effrayants qu'ils fussent, et ils quittèrent l'éclatante lumière du soleil. (Les Travaux et les jours, traduction de Paul Mazon, les Belles-Lettres, Paris 1928, p. 90). Métal des œuvres de force et de violence, dans la mythologie d'Hésiode, il l'est encore dans la philosophie de l'évolution développée par Lucrèce : ce bronze dont la résistance se prête mieux aux violents efforts (De la Nature des choses, 1270).
Métal sacré, l'airain fut employé pour les instruments du culte depuis l'antiquité jusqu'au bouddhisme et au christianisme. Chez les Hébreux, le serpent d'airain surmonte les étendards (Nombres, 21, 9) et un seul regard vers son image préserve de la mort par la piqûre du serpent brûlant ; il sera exposé dans le temple, comme un symbole de la protection divine ; chez eux encore, les quatre coins de l'autel des holocaustes seront couverts de cornes d'airain : le criminel qui les saisissait était à l'abri du châtiment. D'airain, les vases qui tintaient au vent dans les bois sacrés de Zeus à Dodone ; d'airain , le palais d'Héphaïstos, les portes des temples, le toit du temple de Vesta, la première statue romaine de Cérès, les coupes des libations sacrées ; d'airain, la voûte du ciel, pour les Égyptiens (Je vais vers le ciel, je traverse le firmament d'airain, dit une formule du Livre des morts). D'airain, chez les Romains, le rasoir qui coupe les cheveux des prêtres et la charrue qui trace les limites d'un camp ou d'une nouvelle ville. Ce métal dur était symbole d'incorruptibilité et d'immortalité, ainsi que d'inflexible justice ; si la voûte du ciel est d'airain, c'est qu'elle est impénétrable comme ce métal, et c'est aussi que ce métal est lié aux puissances ouraniennes les plus transcendantes, celles dont la voix résonne comme le tonnerre, inspirant aux hommes un sentiment fait de respect et d'épouvante.
Tout ange est terrible, disait Rilke, et c'est bien à la manière de cet ange que l'airain est terrible. Il n'est pour s'en rendre compte que d'entendre sonner quelque part le gros bourdon d'une cathédrale.
C'est bien la résonance exceptionnelle de cet alliage qui fait que Fama, la déesse de la Renommée l'a choisi comme matériau pour construire son palais, au sommet d'une montagne.
Là encore apparaît la dualité du symbole. Car Fama, dans son palais qui envoie en les amplifiant les paroles qui lui parviennent, vit entourée de la Crédulité, de l'Erreur, de la Fausse Joie, de la Terreur, de la Sédition, des Faux Bruits.
Duel et donc ambivalent aussi le symbole contenu dans la légende de la biche au pied d'airain, comme celui de la sandale d'Empédocle, également d'airain. Il se peut que le métal symbolise dans ce cas une séparation de la condition terrestre et de la corruption. Si l'Etna, dans le cratère duquel le philosophe se serait plongé, rejeta sa sandale de bronze, c'est considéraient les Anciens, pour que sa doctrine reste sur terre immarcescible, tandis que son auteur était admis dans la société des dieux. Sa doctrine serait immortelle parmi les hommes, comme il l'était devenu parmi les dieux. Le pied d'airain de la biche est ambivalent : il peut signifier aussi bien la séparation de la terre corrompue grâce à ce métal dur et sacré que l'alourdissement de la biche, de nature légère et pure, par le poids des désirs terrestres ; d'un côté, sublimation de la nature ; de l'autre, dépravation. C'est le caractère bipolaire du symbole. Plus simplement, il souligne la fuite éperdue de la biche infatigable, se dérobant aux poursuites des chasseurs : course perpétuelle et sacrée de la vierge farouche.
Un grand nombre de mentions textuelles irlandaises concernent des armes, des outils ou des bijoux de bronze. Ce métal symbolise la force militaire, quoiqu'il indique aussi un état ancien de la civilisation matérielle (Âge de Bronze). Mais un problème est posé par le findruine ou "bronze blanc" dont on ne sait trop s'il désigne le laiton ou l'électron. Il est probable que les Irlandais l'ont appliqué, tantôt à l'un, tantôt à l'autre.
D'après la tradition grecque, c'est le premier roi de Chypre, Cinyros, venu probablement de Byblos, qui aurait inventé le travail du bronze.
Le palais de Fama, la déesse de la Renommée, est tout entier en bronze, est toujours ouvert et renvoie et renvoie les paroles qui lui parviennent en les amplifiant. Elle vit entourée de la Crédulité, de l'Erreur, de la Fausse Joie, de la Terreur, de la Sédition, des Faux Bruits et elle surveille, de son palais, le monde tout entier. Cette légende utilise la propriété bien connue du bronze, sa sonorité ; de là, son usage dans la fabrication des cloches.
D'après Hésiode, la race de bronze est terrible et puissante. L'un des derniers représentants sur terre de cette race de bronze aurait été Talos, personnage de la légende crétoise, tantôt être humain, tantôt mécanique de bronze, semblable à un robot, qui aurait été fabriqué, soit par Héphaïstos, soit par Dédale, l'ingénieur architecte du roi Minos. Ce Talos de bronze était une créature redoutable. Il était chargé par Minos d'empêcher les étrangers d'entrer en Crète et les habitants de l'île d'en sortir. Il bombardait les contrevenants d'énormes pierres, ou, pire encore, portant au rouge son corps de bronze, il poursuivait, étreignait et brûlait les coupables. C'est pour lui échapper que Dédale se serait enfui de l'île par la voie des airs. Mais, notation importante, Talos était invulnérable sur tout son corps, sauf au bas de la jambe, où se trouvait une petite veine, fermée par une cheville. ... Médée réussit, par ses enchantements, à déchirer cette veine, et Talos mourut. Et ce fut la fin de la race de bronze. Ce qui est ici remarquable, c'est cette vulnérabilité au bas de la jambe, comme Achille n'était vulnérable qu'au talon. C'est l'indice d'une faiblesse psychique et morale. Il est singulier que toute la puissance énergétique du robot de bronze se soit écoulée par ce canal, une fois qu'il eut été ouvert par la magicienne. Peut-on s'aventurer à dire que Talos symbolise l'énergie de mauvais aloi, de nature purement matérielle, l'énergie pervertie, entièrement soumise aux charmes de la magie, cette magie fût-elle celle de la science et de l'art d'un Dédale, d'un Héphaïstos, d'une Médée ?"
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D'après Le Livre des superstitions, Mythes, légendes et croyances (Éditions Robert Laffont, 1995, 2019, proposé par Éloïse Mozzani,
L'airain, ou bronze, est un alliage de métaux, en général étain et argent avec du cuivre : ainsi, "l'airain est symboliquement issu du mariage des contraires, ces métaux état associés les uns avec la lune et l'eau, l'autre avec le soleil et le feu. D'où l'ambivalence, et le caractère violemment conflictuel des dex faces de son symbolisme. Métal éminemment sonore, il est tout d'abord une voix, d'un côté celle du canon, de l'autre celle de la cloche, voix contraires s'il en est, mais toutes deux terribles et puissantes.
La "race de bronze", ou troisième race des hommes, décrite par Hésiode (Les Travaux et les Jours), se distingue par sa démesure :
Et Zeus, père des dieux, créa une troisième race d'hommes périssables, race de bronze, bien différente de la race d'argent, fille des frênes, terrible et puissante. Ceux-là ne songeaient qu'aux travaux gémissants d'Arès et aux œuvres de démesure. Ils ne mangeaient pas le pain : leur cœur était comme l'acier rigide ; ils terrifiaient. Puissante était leur force, invincibles les bras qui s'attachaient contre l'épaule à leur corps vigoureux. Leurs armes étaient de bronze, de bronze leurs maisons, avec le bronze ils labouraient, car le fer noir n'existait pas. Ils succombèrent, eux, sous leurs propres bras et partirent pour le séjour moisi de l'Hadès frissonnant, sans laisser de nom sur la terre. Le noir trépas les prit, pour effrayants qu'ils fussent, et ils quittèrent l'éclatante lumière du soleil.
D'après Homère, le seuil de l'enfer est en airain.
Dans l'Antiquité, l'airain, symbole d'incompatibilité, d'immortalité et d'inflexible justice, était un métal sacré. Pour les Égyptiens, la voûte du ciel était d'airain : "Je vais vers le ciel, je traverse le firmament d'airain", lit-on dans le Livre des morts. En Grèce, des vases d'airain "tintaient au vent dans les bois sacrés de Zeus à Dodone" et le palais d'Héphaïstos (dieu du Feu et des Métaux) était fait de ce métal. Médée cueillait les herbes magiques avec une faucille d'airain. Les prêtres romains se servaient de rasoirs de bronze tandis que la première statue de Cérès et le toit du temple de Vesta étaient encore d'airain, tout comme "la charrue qui tra[çait] les limites d'un camp ou d'une nouvelle ville".
Chrétiens et bouddhistes l'utilisaient également pour fabriquer les instruments de culte. Chez les Hébreux, le serpent d'airain érigé par Moïse sauvait la vie de ceux qui avaient été piqués par des "serpents brûlants" : " Et l’Éternel lui [Moïse] dit : "Fais-toi un serpent brûlant et place-le au haut d'une perche. Quiconque aura été mordu, qu'il le regarde, et il conservera la vie". Moïse fit donc un serpent d'airain et il le plaça au haut d'une perche ; et quand un homme avait été mordu par un serpent, s'il regardait le serpent d'airain, il était couverts de cornes d'airain : le criminel qui les saisissait était à l'abri du châtiment". Selon une tradition très ancienne, l'airain signale l présence des démons et les repousse. Au cours de la fête romaine Lémuria (en mai), consacrée à écarter les âmes des morts (lémures), chaque père de famille frappait sur de l'airain pour chasser les mauvais esprits.
Le son de l'airain avait une vertu prophylactique : "Des clochettes de ce métal furent employées non seulement dans les cérémonies de certains cultes comme des instruments de purification, mais encore portées en amulettes. On les voit fréquemment suspendues à des phallus".
Selon une tradition normande, on utilisait un vase d'airain pour la première traite d'une vache nouvellement acquise : ce métal protégeait des sortilèges et augmentait la production de lait.
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