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Le Teinturier

Dernière mise à jour : 3 avr. 2022




Étymologie :

  • TEINTURIER, -IÈRE, subst.

Étymol. et Hist. 1. 1174-1200 « celui qui exerce l'art de teindre » en la maison d'un tainturier (Renart, éd. M. Roques, 2293) ; 1669 adj. maîtres teinturiers (Réglem. sur les manufact., août, art. 2 ds Littré) ; 2. 1853 « personne dont le métier est d'entretenir les vêtements (nettoyage, dégraissage, repassage et aussi teinture) » une cravate de soie à porter chez le teinturier (Champfl., Avent. MlleMariette, p. 277). Dér. de teinture*; suff. -ier*.


Lire également la définition du nom teinturier afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Phytolacca americana ; Épinard de Cayenne ; Épinard des Indes ; Faux vin ; Herbe à la laque ; Laque ; Phytolaque américaine ; Plante à encre rouge ; Raisin d'Amérique ; Vigne de Judée.

Phytolacca decander ; Épinard de Virginie ; Herbe à la laque ; Morelle en grappes ; Pocan ; Raisin d'Amérique ; Raisin des corbeaux ;

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Botanique :


Selon Victoria Hammiche, Rachida Merad, and Mohamed Azzouz, auteurs de Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Paris : Springer, 2013) :


Malgré son apparence, Phytolacca americana n'est pas un arbuste mais une plante herbacée qui se maintient, parfois, pendant plusieurs saisons. En automne, les parties extérieures sèchent complètement et finissent par disparaitre puis, vers avril-mai, la souche qui ressemble a un énorme navet, émet des tiges parfois lignifiées de 1,5m à 2m. C'est une plante grande et vigoureuse, très spectaculaire avec ses tiges multiples, « lie de yin », terminées par des grappes de fruits qui lui ont valu Ie nom vernaculaire de « raisin d'Amérique ». Les feuilles pointues à pétiole court, à bord ondulé, sont légèrement asymétriques et peuvent atteindre 30 cm sur 10 cm. Les petites fleurs blanches ou rosées, ne dépassant pas 3 mm, possèdent, en général, dix étamines, ce que traduit Ie qualificatif d'espèce « decandra » ; elles donnent des fruits réunis en longues grappes denses, opposées aux feuilles. D'abord semblables a de petits potirons jaunâtres à 10 lobes, les fruits se transforment, des la fin de l'été, en baies de la taille d'un gros pois, noires, luisantes, lisses, légèrement aplaties, charnues, remplies d'un suc violet fonce contenant une dizaine de petites graines comprimées, subréniformes.

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Usages traditionnels :


Selon Roger Sillans, auteur d'un article intitulé "Sur quelques plantes médicinales de l'Afrique centrale." (In : Revue internationale de botanique appliquée et d'agriculture tropicale, 31ᵉ année, bulletin n°345-346, Juillet-août 1951. pp. 407-427) :

Phytolacca dodecandra L'Herit. Phytolacacées. (Nzama, lissongo).

Liane subligneuse utilisée contre l'herpès circiné et la gale. Froisser les feuilles légèrement chauffées et frotter les parties malades. Les feuilles fraîches sont aussi employées contre la gale au Bas Congo (Gillet et Paque).

 

Selon Jane Cobbi, auteure de "Yamagobo : trois légumes japonais au carrefour de l'ethnobotanique et de l'ethnolinguistique." (In : Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 29ᵉ année, bulletin n°2, Avril-juin 1982. pp. 179-183) :


Mais on consomme aussi les feuilles d'une autre plante également appelée yama-gobô, le Phytolacca esculenta Van Houtt. Cette espèce, cultivée depuis une cinquantaine d'années dans la région, est également désignée par le terme : tô-no-gobô, nom vernaculaire probablement adopté, dit-on, pour éviter les risques de confusion avec l'espèce sauvage déjà citée. Pour cette appellation, deux explications m'ont été fournies par les habitants de la région : il s'agit soit de « bardane de Chine », tô s'appliquant normalement à la dynastie des Tang (2), mais étant repris dans de nombreux composés, en particulier des noms de plantes, pour indiquer leur origine chinoise. L'autre signification possible est « bardane en cône », ou « en stupa », car tô pourrait être la prononciation d'un autre caractère dont le premier sens est stupa, et qui permet souvent de désigner les objets de forme allongée : dans ce cas précis, il s'agirait de l'inflorescence en grappe, qui différencie nettement cette espèce de la bardane.

Cependant, ce phytolaque est le plus souvent désigné par yama-gobô, et c'est encore sous ce terme qu'on le trouve dans les flores générales du Japon, comme celle de Makino, où il est précisé que ce nom est dû à la ressemblance de ses feuilles avec celles de la bardane-gobô. Ces feuilles sont consommées ici comme l'épinard, c'est-à-dire simplement ébouillantées, puis égouttées et assaisonnées d'un peu de sauce de soja. De plus, c'est, dit-on, une plante médicinale considérée comme remède de l'hypertension et des maladies du cœur. Son odeur qualifiée de « médicamenteuse » la protège des insectes, dit-on encore, et cette même odeur déconcerte un peu ceux qui en mangent pour la première fois, « mais quand on s'y habitue, on finit par en aimer le goût », précisent certains informateurs. Cependant, sa racine, vénéneuse, n'est pas comestible.

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Selon C. Busser, auteur de "Baies, fruits et pseudo-fruits toxiques utilisés en médecine populaire ou en phytothérapie" (in Phytothérapie Numéro 1 : 31–3, 2007), le Phytolaque [Phytolacca decandra L. (= Phytolacca americana L.) Phytolaccaceae] est une :


Plante originaire de l’est des États-Unis. Les Indiens puis les colons utilisèrent toutes les parties de la plante à visée purgative, ou en les mêlant a` du lard comme antirhumatismal en onguent.

Les principales indications de la racine en médecine populaire sont : rhumatisme chronique, laryngite, et par voie externe l’acné. Les jeunes pousses blanchies étaient consommées. Les fruits étaient utilisés pour colorer des vins rouges (certains bordeaux au XIXe siècle).

Les laboratoires homéopathiques français préparent une teinture mère à base de la plante entière fraîche y compris les fruits mûrs. Ils sont indiqués dans le traitement de pharyngites, angines, laryngites, à dose homéopathique ou en teinture mère en gargarisme (de 20 gouttes à 1 cuillerée à café´ par verre). Cette teinture mère présente une certaine toxicité, si toutefois, au-delà du gargarisme, elle venait à être absorbée par le patient.


Toxicologie : De nombreux saponosides présents dans la racine et les graines semblent reliés à la toxicité. De plus, des lectines présentes dans les feuilles et les graines sont connues pour leur action mitogène induisant la prolifération de lymphocytes T et B, et doués de propriétés antivirales sur les virus de l’herpès, de la poliomyélite et de l’influenza.

L’ingestion de fruits provoque une diarrhée et des douleurs abdominales sans corrélation nette entre les troubles et la quantité´ ingérée.

La racine provoque une sensation de brûlure au niveau de la bouche et de la gorge, avec hypersalivation, soif intense, suivie de nausée, vomissements, diarrhée et, dans les cas graves, hypotension et tachycardie. L’ingestion de feuilles crues induit des troubles similaires avec perturbation nette de l’ECG. Ce tableau clinique évoque les pathogénésies homéopathiques, fondés entre autres sur la toxicologie.

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Victoria Hammiche, Rachida Merad, et Mohamed Azzouz, auteurs de Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Paris : Springer, 2013) rapportent des usages de cette plante américaine :


Usages traditionnels : Son fruit charnu fournissait une teinture violette très appréciée pour les tissages et pour colorer les vins de qualité inférieure d'où Ie nom fréquent de Teinturier. Elle a été détrônée par la garance dont la solidité de la teinture devint légendaire tant pour Ie rouge des uniformes de l'armée française que pour celui des « chechias ».


Utilisations thérapeutiques : Les seules utilisations thérapeutiques connues sont homéopathiques : teinture mère de Phytolaque associée à celles d'Erysimum et de Grindelia, à utiliser en gargarismes pour éviter les maux de gorge et l'enrouement liés à l'arrêt du tabac ; teinture mère de Phytolaque associée à celle de Souci et en bains de bouche pour apaiser l'inflammation de la muqueuse buccale et pour les problèmes dentaires.


Phytochimie : La composition chimique est dominée par la présence de saponosides et de lectines dans tous les organes. Des phytolaccosides, saponosides et genine triterpénique pentacyclique, ont été mis en évidence dans la racine ; des composes de ce type, dont la genine est voisine de la phytolaccagenine de la racine, sont présents dans les fruits (acide jaligonique) et les graines. Sur la côte Est-algérienne, la place centrale de Cherchell- l'antique Césarée - offre un spectacle saisissant, avec ses dizaines de bellombra gigantesques dont les protubérances du tronc sont utilisées par les promeneurs en guise de sièges.

La feuille, la graine et la racine renferment des lectines.

La racine et les fruits immatures renferment des phytolaccaines ; dans les racines, on trouve un phytostérol : l'alpha-spinasterol.

II existe des composés flavoniques (kaempferol et quercetine), des acides phénols libres dans la feuille et les dérivés anthocyaniques qui colorent en rouge les tiges et les fruits.

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Sophie Polydor, dans son Étude des pratiques vétérinaires traditionnelles des peuples ixil au Guatemala. (2017. Thèse de doctorat), s'attache quant à elle à recenser les utilisations relatives au traitement des animaux :

[...]

Aucune des familles enquêtées ne traite ses volailles avec un antiparasitaire externe à base de plantes. Ces antiparasitaires sont exclusivement réservés aux porcs et aux petits ruminants. Les shampoings sont préparés à base de plantes traditionnelles connues pour être utilisées comme savon par les ancêtres mayas. Il s'agit du phytolaque ou du savonnier. Les préparations de shampoings sont nombreuses. Le plus souvent, les fruits du phytolaque sont mélangés dans de l’eau froide, parfois mélangés avec les fruits de la lampourde d’Orient (Xanthium strumarium), de la cendre végétale ou encore du savon conventionnel. Une éleveuse baigne son cheval avec une décoction de phytolaque et de chilacayote (Cucurbita ficifolia). Les fruits du phytolaque (Phytolacca icosandra) sont aussi mélangés avec les racines de l’oreille d’éléphant (Xanthosoma robustum), des feuilles de tabac et la résine du pin (Pinus sp.), toujours en décoction.

[...]

Usages et activités citées et non documentées :

  • Substitut du savon au Guatemala et teinture (fruits mûres) (Standley, Steyermark 1946)

  • Utilisé dans le traitement de mammites bovines aux Etats-Unis (Standley, Steyermark 1946)

  • Les fruits sont utilisés comme savon pour laver les vêtements, ils ont une activité mollusquicide et spermicide (Hernández-villegas et al. 2012).

  • Les feuilles et racines sont utilisées pour de nombreuses affections chez les humains et les animaux : vers, gale, pellicules, démangeaisons, maux de tête, rhumatismes, irritations cutanées, douleurs d'estomac et parasites intestinaux des enfants (Ascasris sp.) (Hernándezvillegas et al. 2012).

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Symbolisme :


Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


PHYTOLACCA - BONS CONSEILS.

Le bois attaché avec art dans le fondement d'un édifice ne rompt jamais, ainsi le cœur qui repose sur un bon conseil.

Ecclésiastes : XX, 19.

De même que les parfums et les essences flattent l'odorat, ainsi les bons conseils de l'amitié réjouissent l'âme.

- Proverbes : XXVII, 9.-

Cette plante, originaire de l'Amérique septentrionale, croit aujourd'hui naturellement en Espagne, en Portugal, en Italie, en Suisse et en France. Toutes ses parties sont imprégnées d'un principe irritant, à peine sensible, lorsqu'elle est jeune, mais qui devient très vénéneux lorsqu'elle a acquis son entier développement. Suivant quelques naturalistes voyageurs, les jeunes pousses n'ont presque point d'âcreté ; on les mange cuites, en guise d'asperges, à la Jamaïque et dans l'Amérique septentrionale. Comme le suc des fruits est d'un très beau pourpre, on dit qu'en Portugal et dans les provinces méridionales on s'en sert pour colorer les vins.


RÉFLEXION.

Il y a de l'esprit à savoir choisir un bon conseil, aussi bien qu'à agir de soi-même. Les plus judicieux ont moins de peine à consulter les sentiments des autres, et c'est une sorte d'habileté de savoir se mettre sous la bonne conduite d'autrui.

(Mme DE LA SABLIERE.)

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Phytolaque (Phytolacca decander) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Mars

Élément : Feu

Pouvoirs : Désensorcellements ; Courage ;Divination.

Parties toxiques : Toute la plante, et plus particulièrement les racines et les baies.


Le Phytolaque décandre est un joli arbrisseau originaire du sud des Etats-Unis; il a été acclimaté en Europe dès le XVIIe siècle. Aujourd'hui on le rencontre surtout dans les jardins comme plante ornementale. Pendant longtemps, on a extrait de ses racines un puissant vomitif qui était commercialisé sous le nom de méchoacan. Les baies du Phytolaque américain donnent une belle teinture rouge violacé dont se servaient les trafiquants pour falsifier les vins. Leur consommation n'est pas mortelle, mais périodiquement on signale des cas d'empoisonnements sérieux, avec maux de ventre aigus, vomissements, délire, etc.


Utilisation magique : Cueillis à la nouvelle lune, les « raisins » du Phytolaque opposent traditionnellement une puissante barrière aux ensorcellements de toutes sortes. Lorsque le sort est jeté par un sorcier, la protection peut être considérée comme absolue : soit le sort est retourné à son voyageur, soit il est dévié par un effet de ricochet et va se perdre dans la nature où il demeure sans pouvoir. Selon une ancienne croyance du Massachusetts, toutefois, certaines sorcières particulièrement haut placées dans la « sulfureuse hiérarchie » se jouent du Phytolaque et sont même parvenues à s'en servir. Il ne faut cependant pas s'inquiéter outre mesure : même dans le Salem de l'époque héroïque, de telles femmes ne couraient pas les rues...

Version moderne : lorsqu'un paysan redoute la mauvais œil, il répand du vin de Phytolaque autour de sa maison, et aussi autour de ses étables, de ses champs. On peut en ajouter à l'eau de son bain ; dilués, les sucs sont sans danger.

Ce même « vin » tiré des baies a longtemps servi d'encre magique ; les magiciens espagnols le mélangeaient avec du sang d'alouette.

Pour retrouver un objet égaré, une vieille tradition des colons anglais d'Amérique donne la recette suivante : il faut broyer finement du marc séché de Phytolaque, mélanger cette poudre avec des boutons d'hortensias, de la racine de violette, sept brins de paille et une couleuvre. On pile le tout au mortier et on répand cette farine autour du lieu où l'objet perdu a été vu pour la dernière fois. Son propriétaire ne tardera pas à le voir réapparaître, souvent en un endroit totalement inattendu.

Les chamans indiens plaçaient, sur des points calculés d'avance, plusieurs raisins de Phytolaque entre deux peaux de bêtes ; puis ils dansaient sur ces peaux. Les augures étaient interprétés par les dessins qu'avaient fait les baies en s'écrasant.

Selon une croyance amérindienne, ces raisins donnent de la vaillance et de l'endurance.

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque ainsi le Raisin d'Amérique :

25 septembre

(La Bastide)


Rouge vineux vif, la tige du phytolaque, colonne d'un univers de songe dans les broussailles inexplorées ; pourpre-violet, marginés de vert et de noir d'encre, les grains bizarre de ce raisin d'Amérique ; violet-rouge et jaunâtres, ses feuilles à la découpe longue et molle.

Je suis botaniste au Nouveau Monde, un continent dans l'œil, à l'heure de la découverte immense - avant la catastrophe industrielle. Audubon et Thoreau marchent avec moi dans l'émerveillement vierge de la Nouvelle-Angleterre.

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