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  • Photo du rédacteurAnne

Le Suricate




Étymologie :


  • SURICATE, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1765 surikate (Buffon, Hist. nat., t. 13, p. 72) ; 1829 suricate (Boiste Hist nat.). Mot indigène d'Afrique du Sud.


Lire également la définition du nom suricate afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Suricata suricatta ; Sentinelle du désert ;

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Zoologie :


Selon Géraldine Grimaud, auteure de "L'enseignement, l'apprentissage, le didactique: approche comparative." (Biennale internationale de l'éducation, de la formation et des pratiques professionnelles., Juillet 2012, Paris, France) :


La dernière étude considérée comme une preuve empirique solide d’enseignement dans le monde animal concerne des suricates (Thornton & McAuliffe 2006). Les deux zoologues rapportent que des adultes suricates appelés les « helpers » permettent aux jeunes du groupe (pas nécessairement leurs propres descendants, ce qui est très rare dans le monde animal) d’apprendre à chasser. Pour ce faire, ils apportent aux petits des scorpions (une de leurs proies habituelles) soit mortes, soit rendues inoffensives, soit intactes et ce, en fonction de leur âge. Les adultes fournissent ainsi aux petits des occasions d’apprendre à chasser et à tuer la proie (ils facilitent l’apprentissage) sans que cela ne soit dangereux pour les plus jeunes. Enfin, si les petits ne réagissent pas lorsque l’adulte amène la proie, alors, celle-ci leur est reproposée jusqu’à ce qu’il s’en saisisse effectivement.

Si ces trois recherches constituent selon (Thornton & Raihani 2010) des preuves solides d’enseignement dans des espèces non humaines, d’autres ne partagent pas ce point du vue (Csibra & Gergely 2006). [...] Enfin, ils épinglent également la recherche sur les suricates affirmant que si les adultes permettent bien au petit d’apprendre une connaissance généralisable, le processus n’est pas, contrairement à l’enseignement, social du début à la fin. Les adultes facilitent et permettent une rencontre avec la proie mais, au final « this skill is achieved by individual, not social learning »

[...]

Il est temps maintenant de revenir sur le cas des enseignants suricates. Les zoologues Thornton & McAuliffe (2006) qualifiaient d’enseignement la situation dans laquelle un suricate expérimenté apportait des scorpions plus ou moins vivants aux jeunes du groupe pour que ceux-ci apprennent à chasser. Pour les psychologues, Csibra et Gergely (2006), si cette situation permettait aux petits d’acquérir une connaissance généralisable (comme c’est le cas dans une situation d’enseignement), elle n’était pas sociale du début à la fin car l’apprentissage chez le petit résultait d’une interaction avec l’environnement et non avec le professeur. Ce phénomène, tel qu’il est décrit, relève-t-il de l’enseignement ? du didactique ?

La didactique se préoccupe des situations sociales dans lesquelles quelque instance fait quelque chose pour que quelque autre instance apprenne quelque chose, un quelque chose qui est nommé par les didacticiens : des objets, des savoirs, des œuvres, des praxéologies… La chasse aux scorpions, chez les suricates, est-elle un objet, un savoir, une œuvre, une praxéologie ? Pour répondre à cette question, je m’appuierai sur la terminologie de Chevallard en utilisant le bloc praxis de ses praxéologies à savoir : type de tâche et technique (pour un développement sur le concept de praxéologies, se référer à Chevallard, 1999). Chez l’homme, toute activité se laisse décrire en termes de type de tâche : résoudre une équation du premier degré, couper une fleur, nouer ses chaussures… sont différents types de tâche. Et pour réaliser un type de tâche, les êtres humains recourent à une technique. Chez Chevallard, le terme de technique est à entendre au sens de Mauss (2010), c'est-à-dire au sens de manière de faire efficace et traditionnelle.

Les types de tâches proposés aux écoliers d’un âge donné diffèrent selon le groupe social humain dont il est question, ils diffèrent selon les cultures. Et parfois même, pour un type de tâche similaire : poser une division par exemple, plusieurs techniques co-existent et varient selon que l’opération soit réalisée par un écolier français ou chinois (Million-Fauré, 2010).

Les deux techniques sont efficaces et elles sont différentes et situées culturellement, elles sont « traditionnelles et efficaces ». Le type de tâche et/ou la technique employée par les suricates sont-ils culturellement situés et varient-ils d’un groupe social à l’autre traduisant ainsi un rapport social spécial au monde ? Bien que Thornton & al. (2010) avancent le terme de « traditions » pour qualifier certains comportements de suricates, il n’existe pas, à notre connaissance, d’articles attestant de types de tâches et/ou de techniques qui diffèrent selon les groupes sociaux de suricates. Autrement dit, au vu des données dont nous disposons, nous pouvons affirmer que chasser le scorpion est un type de tâche nécessitant une technique et que celle-ci est partagée par tous les individus de l’espèce et non par les individus d’un groupe social donné. Aussi, les techniques professorales des suricates adultes qui permettent au petit d’apprendre à chasser, qui accompagnent, accélèrent ou permettent le développement du jeune constituent des techniques d’enseignement permettant l’acquisition de pratiques sociales partagées, de traditions non variantes mais pas des techniques didactiques parce qu’elles ne concernent pas l’apprentissage d’objets, de savoirs, d’œuvres, de praxéologies qui ont à voir avec la culture. A ce titre, et tant qu’il n’aura pas été démontré que les suricates possédaient des répertoires comportementaux variant et/ou des techniques qui diffèrent selon les groupes, nous ne considèrerons pas ces situations comme un objet d’étude pour la didactique comparée.

En 2010, Chevallard précise sa définition du didactique comme toute situation sociale dans laquelle quelque instance (personne ou institution) manifeste une intention de faire quelque chose pour que quelque instance rencontre quelque œuvre (je souligne)». Pour décrire ces phénomènes, la didactique a adopté une position anthropologique permettant d’articuler les dimensions collectives et individuelles permettant à un individu d’entrer dans une culture en s’appropriant les œuvres culturelles idoines. Ces œuvres, qui permettent de résoudre une catégorie de problèmes, constituent une production propre à un groupe social, traduisent une certaine vision du monde et véhiculent des rapports sociaux de groupe : elles possèdent une sémioticité. Si les sociétés de suricates ne semblent pas (au vu des données publiées) « posséder » d’œuvres culturelles, ce phénomène, que l’on qualifie d’anthropologique, ne semble pourtant pas être l’apanage des seules sociétés humaines.

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Dans Le Langage des animaux (Marabout, 2020) de Kartsen Brensing on apprend que les suricates disposent d'une grammaire, certes rudimentaire, mais très efficace :


Les suricates connaissent un cri pour les ennemis qui viennent du ciel et un autre pour ceux qui viennent du sol. Quand le cri « Ennemis au sol ! » retentit, tous détalent dans leurs terriers, aussi vite qu'ils le peuvent. Si on annonce un prédateur rôdant dans les airs, ils se mettent à couvert et cherchent à repérer la menace au-dessus de leur tête. Les deux cris existent chacun en trois catégories. La première équivaut à une mise en garde et signifie : « Il y a un prédateur quelque part dans le coin. » La deuxième correspond à un avertissement pressant et veut dire : « Faites attention, il peut se lancer à tout moment. » La dernière catégorie enfin, s'applique à une menace imminente et constitue un véritable signal d'alarme : « Partez d'ici tout de suite ! » On peut parler de six vocables indépendants ou de deux vocables avec adverbes - on aurait alors les prémisses d'une grammaire.

Il existe en outre des cris de panique non spécifiques, des cris qui initient un mouvement ciblé et des cris qui servent à appeler du renfort, mais aussi des cris pour des suricates étrangers qui pénétreraient sur le territoire et des cris qui jouent un rôle dans la vie sociale. On compte aujourd'hui une vingtaine de cris spécifiques.

De surcroît, il est intéressant de remarquer que les drongos brillants (Dicurus absimilis), une espèce d'oiseaux africaine, imitent les cris d'alarme des suricates pour se régaler de leur butin une fois que ceux-ci se sont tous enfuis dans leurs terriers. Il semblerait que des réalisateurs de documentaires animaliers se servent également des cris de ralliement des suricates pour gagner un peu plus vite leur confiance.

A l'inverse des chiens de prairie, les sentinelles chez les suricates sont désignées de manière arbitraire, et ces animaux ne semblent pas reconnaître les autres à la voix.

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Symbolisme :


Dans l'article « Recensions », (Revue d'éthique et de théologie morale, vol. 229, no. 2, 2004, pp. 127-138), Pascal Marin rend compte d'une lecture de Jean-Marc Ferry qui met en avant le symbolisme de Guetteur du suricate :


Les Grammaires de l’intelligence [Jean-Marc Ferry, Les Grammaires de l’intelligence, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Passages », 2004, 210 p.] ne s’attachent-elles pas à l’inverse à estomper toutes les différences qui travaillent le langage, à les enjamber dans une série d’identifications illusoires sous le mode du « quasi » et du « comme » ? « Signaux ayant pour fonction de donner l’alarme, d u moins dans la mesure où cette fonction est quasi institutionnelle. Tel est le cas chez certaines espèces animales telles que le babouin, la marmotte, le suricate et d’autres encore, dont l’organisation en colonies requiert une spécialisation dans la fonction « responsable » du guetteur. Ainsi en va-t-il chez le suricate, sorte de mangouste dont l’éthologie, malgré l’éloignement génétique, offre certains traits de similitude troublante avec l’homme. Les signaux d’alarme prennent chez ces espèces une valeur quasiment symbolique, car ils fonctionnent comme des conventions sociales » (p. 97, mots soulignés par nous)

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Dans L'Animal en nous : De Darwin à Platon. Petit traité d'ethno-éthologie pratique. (Albin Michel, 2016), Michel Odoul dresse des portraits synthétiques de certains animaux, qui lui rappellent alors des êtres humains, plus ou moins connus :


Vivant en communauté d'une vingtaine d'individus, le suricate est un petit animal curieux, dans tous les sens du terme et sans arrêt sur le qui-vive. Animé, vif, voire agité, il cherche en permanence sa nourriture en fouillant le sol avec ses petites pattes griffues.


Son comportement dans le groupe : Faux joyeux, anxieux et nerveux

Ce qui le nourrit : Insectes et tubercules

Ce qui le stresse : Les aigles et tout ce qui vole haut

Ce qui l'insupporte : L'inactivité

Ce qui lui fait peur : L'espace

Ce qui le rassure : La vigilance des autres

Ce qui lui importe : Le groupe

Ce qui s'exprime chez lui : L'agitation

Ce qui l'occupe : Les terriers

Les parties du corps importantes : Ses oreilles et son arrière-train.


"Alors Pierre, à qui cet animal te fait-il penser ?"

[...]

François Hollande.

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