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Le Silène (plante)

Dernière mise à jour : 10 nov.




Étymologie :


  • SILÈNE, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. 1765 bot. subst. masc. (Encyclop.) ; 2. 1791 « nom d'un papillon, du genre satyre », « nom d'un macaque » (Valm.). Du lat. sc. mod. silene, silenus « id. », du lat. Silenus « Silène, demi-dieu ventru, fils de Pan, père nourricier et compagnon de Bacchus », parce que la fleur a un calice gonflé comme le ventre de Silène.


Lire également la définition du nom silène afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Silene vulgaris - Pavot d'Héraklès -

Silene latifolia - Compagnon blanc - Lychnis à grosses graines - Silène à larges feuilles -

Silene noctifolia - Silène de nuit -

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Botanique :


Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description du Silène enflé :


Nom scientifique : Le nom lat. SILENE semble être un emprunt du latin des botanistes, mais l’étymon reste obscur (FEW, XI : 611), tandis que son spécificateur, l’adjectif lat. VULGĀRIS « commun » indique qu’il s’agit d’une espèce très répandue (OLD : 2121). 7.45.2


Description botanique : Le silène a des tiges dressées et minces qui peuvent atteindre jusqu’à 60 cm ; les feuilles basales sont vertes, opposées et ovoïdes, presque dépourvues de pétiole. Les inflorescences se développent à cymes bipares dont la pointe est occupée par les fleurs typiques à « bubbolini », celles dont les calices sont enflés, en forme de petits ballons, de couleur marron et qui se terminent par la corolle florale blanche. La période de la floraison va de mai à octobre (Pignatti, 1982, I : 246).

 

Simon Klein, auteur de La Vie sexuelle des fleurs (Éditions E/P/A, 2022) explique les spécificités de la reproduction florale :


Silène : A tout vent !


Présentes dans différents habitats, des lisières de forêt jusqu'aux falaises de la côte, en passant par nos jardins, les silènes sont très répandus. Ces plantes font appel à différents types de pollinisation, qui impliquent tout le temps des insectes ; mais ont comme point commun de comporter un renflement à la base de la fleur, créé par le calice (l'ensemble des sépales) soudé. C'est ce renflement qui leur a valu l'appellation de silène, en référence à un satyre de la culture gréco-romaine, dont le nom fut repris à partir de la Renaissance pour qualifier un bon vivant. Silène, dans la mythologie, est le père adoptif de Dionysos, son précepteur en quelque sorte - mais il lui a surtout transmis l'art de boire ! Dans les écrits de l'Antiquité, Silène est décrit comme un homme hirsute au nez cramoisi et aplati dans un visage aux joues bien rouges mangées par la barbe, traînant négligemment son embonpoint sur un âne à travers les villages des mortels et dont l'ivrognerie légendaire lui a valu quelques aventures. Ainsi, son ventre élargi, telle une outre à vin, a pu être l'inspiration pour nommer nos petites fleurs qui arborent, elles aussi, un ventre rebondi !

Il semblerait que ce trait anatomique, commun à toutes les espèces de silènes, soit un facteur de défense contre les malfrats de la pollinisation : ces bourdons ou ces xylocopes qui n'hésitent pas à cambrioler la base des fleurs pour aller chercher le nectar qu'ils ne peuvent atteindre autrement, car leur langue est trop courte. Avec leurs mâchoires, ils percent un trou et retirent le nectar ; la fleur ne peut donc plus attirer d'autres pollinisateurs et n'entre pas dans le grand jeu de la pollinisation. Mais chez les silènes, rien n'y fait : en perçant l'outre à la base de la fleur, les bourdons ne peuvent pas atteindre le nectar.


Stratagème : Ainsi la pollinisation des silènes est surtout l'affaire des papillons, de jour comme de nuit : nombre de silènes ont des fleurs blanches, produites à moindre coût et facilement discernables de nuit, mais comme chez le chèvrefeuille, il s'en dégage des odeurs suaves à la fin de la journée, qui attirent les papillons de nuit et les sphinx (c'est le cas du silène enflé, par exemple).

Pour éviter l'autofécondation, de nombreuses espèces de silène ont recouru à la séparation des sexes, avec des fleurs mâles et des fleurs femelles sur deux pieds différents.

Une petite espèce de silène a retenu l'attention de scientifiques gallois pour un comportement particulier qui lui permettrait de tier son épingle du jeu dans la compétition pour la pollinisation : c'est l'espèce maritime (Silene maritima). Ils ont mis en évidence l'intérêt du vent qui ferait bouger les fleurs de silène selon un rythme particulier qui permettrait d'attirer plusieurs insectes pollinisateurs. les fleurs, portées par de fin des petites tiges (les pétioles), ni trop courtes, ni trop longues, dansent dans le vent en un mouvement incitant les insectes à venir, comme un reste supportable lorsque le polinisateur se pose sur la fleur ; il peut ainsi rester assez longtemps pour à la fois profiter du nectar et du pollen et que la fleur puisse, passivement, fixer quelques grains de pollen sur son corps. L'insecte (comme la mouche éristale opiniâtre) peut alors s'envoler, jusqu'à trouver un autre groupe de fleurs blanches dansant dans les embruns, s'en approcher, puis aller puiser du nectar à l'aide de sa trompe, déposant, par la même occasion, quelques grains de pollen sur une autre fleur de silène maritime.

En revanche, les chercheurs ont pu vérifier qu'un pétiole trop court qui limitait le mouvement des fleurs, n'était pas assez attractif pour les pollinisateurs, et de même, un pétiole trop long n'était pas efficace, car le mouvement de la fleur étant trop important, les insectes ne pouvaient pas la polliniser efficacement.

Ainsi, à danser au gré du vent de la grande bleue, le petit silène blanc optimise sa reproduction !

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Utilisations taditionnelles :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot nous apprend que :


En Vendée ils emploient en guise de petites toupies les capsules non mûres de la fleur des compagnons blancs, ils les manœuvrent en faisant rouler le pédoncule entre leurs doigts de là vient le nom de sabot.

 

Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes du Silène enflé :


Propriétés et utilisation : Dans la médecine populaire sarde, les puissantes propriétés anti-inflammatoires du silène sont très exploitées pour traiter les rhumatismes et les inflammations (Atzei, 2003 : 58), mais on connaît aussi ses vertus réminéralisatrice (Guarrera, 2006 : 195). Dans l’alimentation humaine, les jeunes parties aériennes sont consommées comme tous les autres légumes, notamment crues en salade, cuites, en omelettes, dans les soupes, les risottos et frites avec de l’huile, de l’ail et du piment (Nebel et al., 2006 : 338 ; Atzei, 2003 : 58 ; Guarrera, 2006 : 195). En revanche, l’emploi ludique que les enfants font des fleurs de cette espèce est connu sur tout le territoire italien comme en témoignent les noms onomatopéiques du silène motivés par l’éclatement produit lorsqu’on fait éclater, sur la paume de la main ou sur le front, les fleurs enflées : lig. erba s-cioppettina « herbe qui éclate », piém. s-ciop « éclatement », lom. s-ciopì « éclatement », ven. s-ciochèt « éclatement », fri. sclopìtt « éclatement », sar. erba sonajola « herbe sonnante », erba de sonaiòlus, erba ‘e sonagiòlus « herbe d’hochet » (Penzig, 1924 : 458). La tradition de ce jeu d’enfants, consistant à faire éclater l’un des organes floraux de la plante sous forme enflée, est liée surtout au coquelicot dont on fait éclater les capsules (cfr. § 7.42) ; l’éclatement qui se produit a donné sa motivation aux noms de cette espèce dans le sud de l’Italie, notamment dans les Pouilles schiattaròla (Penzig, 1924 : 335) et sckatëlònë (Pistillo & Littera, 2006 : 421) et en Basilicate scattaròle (Penzig, 1924 : 335) « ce qui éclate ».


Analyse lexico-sémantique des désignations :

1- Le premier groupe de désignations est formé de trois noms ayant une partie ou un élément du signifiant en commun : [baθˈiʃteʎ] bathishtel, [bˈaθez] bathez et [bˈaθza ˈuʎkut] bathëza ulkut, d’où ressort une base bath- > arb., alb. bathë « fève ». À partir de cette base lexicale, a été formé bathishtel par dérivation : bath- « fève » + -isht- le suffixe pour la formation de noms collectifs (Xhuvani et al., 1962 : 248) indiquant le lieu où l’on peut trouver une grande quantité de référents indiqué par la base lexicale « fève » + -el le suffixe diminutif (Xhuvani et al., 1962 : 221). Ce dérivé peut donc se traduire comme « ensemble de petites fèves ».

Tout comme ce premier nom, bathez est lui aussi un dérivé de la même base bath- « fève » + -ez le suffixe diminutif (Xhuvani et al., 1962 : 296), d’où résulte une « petite fève ». Et enfin, la troisième dénomination est un syntagme ayant comme premier élément bathëza « la petite fève » + le spécificateur représenté par le zoonyme ulkut « du loup ». Ces noms résultent tous motivés sur la base de la morphologie de la plante, en particulier de la forme des calices enflés qui renvoient à la forme enflée des fèves. En revanche, le dernier syntagme présente une deuxième motivation issue du spécificateur ulkut qui renvoie aux propriétés thérapeutiques de cette espèce botanique.


2- [poʧarˈac] poçaraq est un nom dérivé par suffixation de l’arb. poç- « pot » + -ar- pour la formation de noms dénominaux + -aq suffixe péjoratif (Xhuvani et al., 1962 : 205) ; ce « pot » qui en résulte trouve encore une fois sa motivation dans la forme des calices enflés typique du silène et qui renvoient à la forme enflée d’un pot.

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Steffen Guido Fleischhauer, Jürgen Guthmann et Roland Spiegelberger, auteurs de Plantes sauvages comestibles. (Éditions Ulmer, 2018) donne quelques idées de recettes traditionnelles :


Utilisations culinaires :

Feuilles :  En avril-mai, on trouve déjà les jeunes pousses et les premières feuilles ; les tiges encore tendres sont aussi consommées. On les cueille avec le bout des doigts et on les ajoute crues dans les salades, sur les tartines beurrées ou dans le fromage blanc et le beurre aux herbes. Les pousses et les feuilles sont plus douces si on les hache avant de les faire dégorger dans le sel ou si on les ébouillante. On prépare une farce savoureuse pour les tourtes et les gratins en les mélangeant à d’autres plantes sauvages et légumes. On peut aussi les ajouter à la purée de pomme de terre ou les cuisiner comme les épinards.


Goût : La plante a une saveur de petit pois et un goût âcre. Les feuilles gagnent en amertume à mesure que la saison avance.




Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


On tire des présages de l'éclatement des fleurs ou des feuilles Dans la Vienne, si on fait éclater sur le front d'un ami une fleur de compagnons blancs, celui-ci recevra un affront quelconque dans la journée. Au XVIe siècle on demandait aux feuilles des oracles amoureux :


De frais pavot une fueille nouvelle

Bien ne defant, que les mots a cecy...

Ha, lasse-moy ? Je suis, je suis perdue !

Dessus mon poing ceste fueille etandue

Las ! sous ma main frapante n'a dit mot.


[...] Aux environs de Dijon, quand un jeune homme fait claquer une fleur de compagnon blanc sur le front d'une jeune fille, c'est lui dire qu'il la choisit ; si elle ne l'aime pas, elle a soin de ne pas se laisser faire.

[...] Les pèlerins rapportent, comme souvenir de leur visite à des sanctuaires, généralement éloignés de leur demeure, des emblèmes empruntés à la flore champêtre : [...] ceux qui ont visité Sainl-Gildas en Penvenan en reviennent portant des fleurs de gazon d'Olympe (statire armoria,) dit aussi fleur de Saint-Gildas, ou une touffe de silène maritime.

[...] En Haute-Bretagne on fabrique aussi des sifflets avec des tiges de prêle, et dans divers pays avec le petit ballon qui soutient les pétales des compagnons blancs et des silènes, qui portent des noms conformes à cet emploi.

[...] Une amusette très répandue consiste à faire éclater avec bruit sur le front ou sur la main les fleurs du coquelicot arrangées d'une certaine façon beaucoup de noms y font allusion les compagnons blancs, les silènes enflés servent à des divertissements analogues.

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Symbolisme :


Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte les équivalences de l'Horloge de Flore :


Il est des fleurs qui s'ouvrent invariablement à la même heure ; les horticulteurs profitent de cette horloge naturelle pour régler leur temps, et les amoureux emploient ce moyen pour indiquer le moment où ils passeront sous les fenêtres de celle à qui ils offrent leurs vœux.


Onze heures = Le silène noctiflore.

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Mythologie :


Selon Julien-Bernard Chabot, auteur d'un article intitulé "L’essayiste « fictif » : autoportrait d’André Belleau en silène à lunettes." (in Voix et images, 2016, vol. 42, no 1, p. 53-65) :


[...] En réalité, si Belleau arrive à résoudre par ses autoreprésentations essayistiques le problème de la dissociation du personnage-écrivain qui s’imposait à ses réflexions dans Le romancier fictif, c’est grâce aux emprunts qu’il effectue à une longue tradition d’origine populaire, et qu’il connaît en profondeur pour y avoir consacré de nombreux travaux : le carnavalesque. Et il se trouve, justement, que la littérature carnavalesque compte parmi son répertoire de personnages une divinité bien connue, issue de la mythologie grecque et portant le nom de Silène, qui personnifie tant physiquement qu’intellectuellement la réunion antagoniste de la nature et de la culture, du comique populaire et du savoir le plus haut. Créature au corps mi-humain et mi-animal, Silène est un vieux satyre bedonnant dont l’illustre intelligence se dissimule sous une apparence grotesque. Belleau, qui le connaît bien, le présente en ces termes : « Père de Bacchus, Silène était traditionnellement représenté sous les traits d’un vieillard ivre, obèse et obscène. Il avait néanmoins enseigné à Bacchus la sagesse… La sagesse divine (1). » C’est dans la mesure où cet antagonisme recoupe celui de l’extériorité (repoussante) et de l’intériorité (attrayante) que le nom commun silène en est venu à désigner, outre un satyre devenu vieux, de petites boîtes ayant l’allure de figurines ; d’après Érasme, « fermées elles ne présentaient qu’une apparence risible et déformée de joueur de flûte, mais ouvertes elles montraient soudain une divinité (2) ». Ces petites boîtes jouent un rôle notoire dans le prologue de Gargantua, lors du passage qui recommande d’interpréter le livre « à plus hault sens », de façon à « rompre l’os » de la bouffonnerie pour en « sugcer la sustantificque mouelle (3) », selon un même principe opposant l’apparence et le contenu réel. Il semble ainsi que la figure du silène, à laquelle le Belleau des essais mimétiques s’apparente — au point de partager avec lui, comme on le verra bientôt, ivresse, obésité et obscénité —, permette de rassembler en un tout cohérent plusieurs des intérêts majeurs de l’essayiste, allant du statut de l’intellectuel-écrivain abordé dans Le romancier fictif à la carnavalisation de la littérature explorée dans Notre Rabelais.

[...]

Ainsi, grâce à la figure du silène qui, comme le dit Belleau lui-même, a la vertu de « maintenir les oppositions et de résorber la dualité » (NR, 23), on comprend mieux comment l’essayiste a réussi à concilier dans ses autoreprésentations la double exigence du savant et du populaire qui caractérise le conflit des codes typique de notre institution littéraire. [...] En authentique silène, s’il a su maintenir un équilibre aussi précaire sans jamais sacrifier l’intelligence ou verser dans le populisme, c’est parce que chez lui la panse va de pair avec la pensée, la nourrit et donne véritablement corps à l’écriture.


Notes : 1) André Belleau, Notre Rabelais, Montréal, Boréal, coll. « Papiers collés », 1990, p. 60.

2) Érasme, « Le silène d’Alcibiade », cité dans François Rabelais, Gargantua, traduction en français moderne de Marie-Madeleine Fragonard, Paris, Pocket, coll. « Pocket classiques », 2007, p. 467.

3) François Rabelais, « Gargantua », p. 52.

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque brièvement le silène :

22 mai

(Fontaine-la-Verte)


[...] Dans la prairie, sous la maison, j'arrête mes sens sur la silène (mélandre, compagnon) blanche Yin et Yang : calices enflés, rougeâtres et velus (mâles) ; corolles blanches, virginales (femelles). Le végétal poisse la main qui le touche. Son parfum marie l'âcre et le sucré. Mon oreille résonne encore du claquement de ses calices sur mes genoux d'enfant. Faut-il que je le goûte ?

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