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Le Râle

Dernière mise à jour : 25 juin




Étymologie :


Étymol. et Hist. Fin xiie s. rasle (Richeut, éd. I. C. Lecompte, 413 ds Rom. R. t. 4, p. 278) ; ca 1300 raalle (Macé de La Charité, Bible, éd. P. E. R. Verhuyck, II, 6493 : Li raalles est uns oyseaux [lat. Larus]); 1476 rale (Comptes du roi René, éd. G. Arnaud d'Agnel, t. 1, p. 153). Prob. issu de râler* doublet de racler*, à cause du cri de cet oiseau, cf. l'a. prov. rascla « id. » fin xiiie-déb. xive s. (Frère Philippe, Les Merveilles de l'Irlande, éd. J. Ulrich, 1892, p. 19, ligne 17), de rasclar « racler » ibid. V. aussi Dauzat ds Fr. mod. t. 17, pp. 163-164.


Lire également la définition du nom râle afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Crex crex - Roi caille -

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Croyances populaires :


Selon Pierre Gradoz, auteur de "À propos de la collection d’oiseaux du Musée d’histoire naturelle et d’ethnographie de Colmar." In : (Bulletin de la Société d'histoire naturelle et d'ethnographie de Colmar, Vol. 70, 2011 : pp. 35-47) :


Le Râle des genêts - Crex crex - Wiesenralle, Wachtelkönig - Corncrake.


Au début des années 1950, par les tièdes soirées de juin, j’allais avec quelques camarades, écouter les « crex-crex » des Râles des genêts - Crex crex - dans le Ried de Colmar. Debout dans une prairie à l’herbe dense, nous frottions une petite palette de bois sur les dents d’un peigne en corne. Le bruit ainsi produit attirait les râles. Nous suivions alors leurs déplacements grâce aux ondulations des herbes dans lesquelles ils se rapprochaient de nous et, bien qu’ils arrivent parfois à moins de deux mètres de nous, il nous était rare de les voir tant ils se fondaient dans l’épaisse végétation…

Aujourd’hui les prairies des rieds aux fleurs multicolores ont disparu et les râles avec elles.

L’inventaire départemental des oiseaux du Haut-Rhin de 1800-1804, recense 1 Râle des genêts « Rallus crex » sous le numéro 105 et indique qu’ « il arrive au pays vers le 20 de germinal et niche dans les endroits les plus herbus de nos prairies » et que « sur la fin de l’automne il fréquente les roseaux des marais et repart peu après avec les cailles. » Son départ en migration coïncidant avec celui des cailles est à l’origine de la légende qui voulait qu’il guide les cailles lors des voyages migratoires. De cette croyance populaire lui vient son surnom de « Roi des cailles ».

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Littérature :


Clément Kabs, auteur d'un article intitulé "Comment les oiseaux s’appellent-ils ? Observation, nomination et cohabitation chez Kathleen Jamie." (in : L'Entre-Deux, n°3 : Les oiseaux, de l'animal au symbole, juin 2018) étudie comment l'autrice écossaise décrit le râle des genêts :


Un autre cas particulier à rapprocher du précédent est celui du râle des genêts (crex crex). Un ornithologue du XIXe siècle fait la remarque suivante :


Few persons can have spent the summer months in the country, and enjoyed their evenings in the open air, without having grown familiar with the note of the Corn Crake ; yet, strange to say, among those who have heard it on numberless occasions, not one in a hundred (leaving sportsmen out of the account) have ever seen one alive.

« Landrail or corn-crake, crex pratensis, » p. 228 : « Peu de gens auront passé les mois d’été à la campagne, et auront profité de leurs soirées en plein air, qui ne se seront accoutumés à la note familière du râle des genêts ; pourtant, et c’est étrange, parmi ceux qui l’ont entendu à de nombreuses reprises, pas un sur cent (si l’on excepte les chasseurs de ce compte) ne l’auront vu vivant »

(Charles Alexander JOHNS (1811-1874), British Birds in their Haunts, Londres, Routledge, 1862 (1909))


John Clare, poète romantique anglais, en dit ceci dans un poème éponyme :


Tis like a fancy everywhere

A sort of living doubt

We know tis something but it neer

Will blab the secret out […]


Tis still a minutes length or more

Till dogs are off and gone

Then sings and louder than before

But keeps the secret on


Yet accident will often meet

The nest within its way

And weeders when they weed the wheat

Discover where they lay


And mowers on the meadow lea

Chance on their noisy guest

And wonder what the bird can be

That lays without a nest.


« C’est comme une fantaisie venue de toutes parts, / Une sorte de doute vivant, / Nous savons qu’il est là mais que jamais / Il ne donnera son secret. / Il fait silence une minute ou plus / Jusqu’au départ des chiens / puis il chante, et plus fort qu’avant, / Mais il garde son secret. / Mais par accident parfois on rencontre / Son nid sur le chemin / Et ceux qui arrachent les herbes dans les blés/ Découvrent où ils nichent. / Et les faucheurs sur le pré / Tombent par hasard sur leur hôte bruyant, / Et se demandent quel est cet oiseau, qui niche sans nid ».(9 John CLARE (1793-1864), « The Landrail », John Clare : Poems Selected by Paul Farley, Londres, Faber & Faber, 2007, p. 45. «).


Ce poème à la fois étrange et domestique, Jamie l’a en tête quand elle va à la rencontre de cet animal difficile à observer dans Findings. Dans un chapitre éponyme dédié à l’oiseau, Kathleen Jamie passe une nuit à écouter, et à chercher à voir, des râles des genêts. Ils sont audibles, sans aucun doute, mais ne se révèlent que difficilement, et beaucoup plus tard :


I see no corncrake. Maybe it‟s just as well. In Shetland they held it was very bad luck, actually to clap eyes on the thing.

When later that day I do see one, it‟s scuttering away from the wheels of the car. Like the miniature roadrunner, a slender upright hen with hunched shoulders and strong, long, pinkish legs, it squeezes under a wire fence, and with relief vanishes among the irises, even as I brake. It‟s the colour of slipware and looks, in that glimpse, like an elegant ceramic water jug suddenly come to life. That‟s that. I do not punch the air.

« Je ne vois aucun râle des genêts. Et c’est peut être pas plus mal. Aux Shetland on pensait même que ça portait malheur, de poser les yeux sur l’affaire. Quand plus tard ce jour-là j’en vois un en effet, il s’en va cahin-caha de sous les roues de la voiture. Comme le petit géocoucou véloce, un oiseau fin, dressé, aux épaules tombantes, et des pattes longues, fortes, rosées, il se force un passage sous la clôture, et disparaît avec soulagement dans les iris, au moment même où je freine. Il est couleur d’engobe et, d’un coup d’œil, a l’air d’un joli broc en céramique qui aurait soudainement pris vie. Et puis c’est tout. Je n’en fais pas un plat ».

(Kathleen JAMIE, Findings, op. cit., p. 97).


Le moment tant attendu s’est enfin produit, et on voit bien le genre d’impression qu’il fait. Telle la Lady of Shalott à qui on avait interdit de regarder le monde, sauf dans son miroir, l’observatrice, pourtant avertie de la malédiction, sent bien qu’elle a perdu quelque chose, à voir l’oiseau.

Immédiatement après s’être rendu visible (par erreur ou par urgence, sans doute) l’oiseau disparaît à nouveau. La description donnée du râle en dit long par ailleurs, sur ce qui pourrait en quelque sorte justifier qu’on ne les voie pas. Là où le râle des genêts s’entend, toute possibilité existe pour une certaine idée de sa beauté. Oiseau hypnotique et opiniâtre, il perd beaucoup à être vu, parce qu’il est laid et mal conformé. Comparé à un pichet, au Bip Bip du cartoon (« Roadrunner » dans l’anglais original, pour l’animateur de cartoon comme pour l’ornithologue), l’oiseau aurait mieux fait, au fond, de ne pas se laisser voir.

Quand John Clare, tel que cité par Jamie, met en avant cette « sorte de doute vivant », il insiste sur cette invisibilité du râle. Chez Clare, en revanche, le râle vu ne déçoit pas tant qu’il rend perplexe : où niche-t-il, cet habitant des chaumes ? Comment vit-il ? Questions insolubles à première vue, qui descendent sur l’observateur comme une punition faite à sa curiosité.

p. 11.

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