Autres noms : Lanceur de chapeau
Mycologie :
Selon Guillaume Capus, auteur de L'œuf chez les plantes et les animaux. (Éditions Hachette, 1885) :
Quelques Champignons de la famille des Moisissures (Mucorinées) nous offrent, au moment de la dissémination de leurs spores, un spectacle des plus curieux.
Ainsi le Pilobolus cristallinus, moisissure fréquente sur les déjections des herbivores, développe sur son mycélium des sporanges globuleux dont la membrane extérieure, pareille à un chapeau, se colore en noir. La cloison qui sépare la cavité du sporange du pédicelle se soulève à l'intérieur du sporange et y forme une columelle. Au moment de la maturité, le sporange, par une tension excessive due à une forte absorption d'eau, se détache avec sa columelle du pédicelle et, très vivement, est projeté en l'air. La force de projection est parfois telle, que le sporange est lancé à plus d'un mètre de hauteur ou de distance. On peut s'en convaincre en plaçant au-dessus d'une culture de cette Moisissure une cloche haute de 80 à 90 centimètres. Les sporanges, lancés contre les parois, y restent attachés et forment autant de petits points noirs visibles à l'œil nu. On peut même, en appliquant l'oreille contre les parois de la cloche, entendre un fin crépitement dû à la violence du choc au moment où le sporange frappe l'obstacle.
C'est ainsi que le Pilobolus cristallinus assure, par la dissémination au loin de ses spores, l'avenir de sa progéniture, car lui-même a épuisé, durant son existence, la richesse de son milieu nutritif.
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La rédaction de Gentside propose un article très clair sur le Pilobolus, publié le 21 septembre 2014, qui revient sur le mode de dissémination de ce champignon :
Le Pilobolus, un champignon qui dégaine ses spores plus vite que n'importe quelle espèce
Les champignons Pilobolus sont des étranges organismes qui se développent dans les excréments d’herbivores et expulsent leurs spores à toutes vitesse pour les disperser dans la nature.
Véritables écosystèmes, les bouses et le fumier recèlent d’une grande variété d’organismes. Parmi ceux-ci, se trouvent les Pilobolus, des champignons coprophiles assez inhabituels. Il en existe plusieurs espèces regroupées au sein d’un même genre. Au sein de celui-ci, toutes ont en commun leur mode de dissémination particulier.
Pour mieux comprendre ce mécanisme, il convient tout d’abord d’étudier l’anatomie de ces organismes. Les Pilobolus développent en effet des fructifications qui s’élèvent au-dessus du substrat en se tournant vers le soleil. Chacune d’entre elles se compose d’une tige transparente surmontée par un sporange.
Des spores expulsés jusqu’à 25 mètres par seconde : Le sporange se présente sous la forme d’une vésicule gonflée, semblable à un ballon. Un chapeau noir, contenant les spores, couronne le sporange, lié à celui-ci de manière irrégulière. Lorsque le champignon arrive à maturité, une cassure se produit au niveau de cette jonction et les chapeaux morts sont expulsés à des vitesses pouvant aller jusqu’à 25 mètres par seconde (soit 90 kilomètres par heure).
A dire comme ça, ce n'est pas si impressionnant. Néanmoins en terme d'accélération, la performance est un record. En effet, pour atteindre cette vitesse, le champignon met seulement quelques microsecondes, soit des millionièmes de seconde. Si on ramène ces données à l'échelle humaine, cela équivaudrait à projeter une personne à près de 100 fois la vitesse du son. Puissant.
Une nouvelle vidéo rend compte de cet incroyable phénomène. La séquence a été enregistrée au ralenti de manière à pouvoir visualiser l’expulsion des spores.
Recommencer un cycle de vie : Projetés loin de leur substrat initial, ces spores vont se fixer à des brins d’herbes ou autres plantes en attendant qu’un herbivore ne les absorbe. Après avoir été mangés, les résidus sont finalement relâchés et dispersés dans les excréments de l’animal où ils débutent un nouveau cycle de vie. Malin le champignon.
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Selon Francis Martin, auteur d'un ouvrage intitulé Sous la forêt. Pour survivre il faut des alliés. (Éditions HumenSciences, 2019) :
Parmi tous ces coprophiles, l'un s'est rendu célèbre par ses performances sportives. Les Anglais l'appellent le « lanceur de chapeau ». Membre de la classe des Mucoromycotina, Pilobolus se complaît sur les bouses d'éléphant et d'autres herbivores. Depuis leur sommet, il catapulte à plus de deux mètres et demie son sporange (petit habitacle protégeant plus de 30 000 spores) avec une accélération voisine de 16 mètres par seconde. Ce spectacle s produit quand l'humidité est idéale : la goutte d'eau de la cavité sur laquelle repose le sporange se libère alors brutalement. Les spores ainsi catapultées par ce canon à eau s'accrochent aux brins d'herbe poussant loin des bouses, où elles sont ingérées par le premier herbivore qui passe, transitent par son tractus digestif et terminent leur périple dans la bouse - un milieu nauséabond, mais riche, où elles vont germer. Pilobolus n'est pas le seul mycète à jeter ses spores aussi loin, mais il est particulièrement efficace. Lors de votre prochaine promenade à travers un pâturage, souvenez-vous que chacune des bouses que vous évitez est un petit écosystème, avec sa succession de champignons décomposeurs t d'insectes coprophages. Il est d'abord colonisé par les zygomycètes (comme Pilobolus), puis par les ascomycètes (comme Ascobolus et Podospora), et enfin, par les basidiomycètes (comme les Coprins et les Psilocybes).
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Symbolisme :
Mireille Arguel dans un article intitulé "Le corps du danseur : création d'un instrument et instrument d'une création." (In : Bulletin de psychologie, tome 46 n°411, 1993. Psychologie de l'art. Tome II. pp. 554-557) présente la spécificité du groupe de danse Pilobolus :
Ainsi du chorégraphe qui travaille le corps comme matière expressive et/ou formelle, au chorégraphe qui travaille sur la matière espace et temps en utilisant le graphisme du corps — matériau de base au même titre que les éclairages, la vidéo, etc... — se produit un changement de matière chorégraphique. Si dans le premier cas, l’attention du chorégraphe et du spectateur est centré sur le corps support technique et expressif, dans le second cas, l’intérêt est déplacé sur l’autour du corps, l’espace que sculptent les danseurs et qui représente le champ du virtuel, des possibles, laissant ainsi la porte ouverte aux imaginaires. D’une certaine façon, il s’agit dans le second cas d’un détournement de sens par rapport à la représentation du corps dansant que peuvent avoir les spectateurs : en effet ceux-ci viennent pour regarder, admirer les danseurs et accessoirement apprécier les chorégraphies comme sculpture du temps et de l’espace, le danseur représentant pour eux la matière essentielle et existentielle de la danse.
Dans le cas du groupe Pilobolus, les danseurs s’agglutinent dans une mouvance de formes et de volumes et c’est le « collectif corps » qui devient matière chorégraphique, et l’intérêt du spectateur est centré sur cette structure en mouvement.
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Sur le site de la Compagnie de danse Pilobolus, on peut lire une rapide explication du choix de ce nom (la traduction approximative est de mon fait) :
Historique : Le groupe Pilobolus est né au Collège Dartmouth dans le New Hampshire en 1971. Moses Pendleton, étudiant en littérature anglaise et skieur de fond ; Jonathan Wolken, étudiant en philosophie et escrimeur ; et Steve Johnson, étudiant en médecine et perchiste étaient inscrits à un cours de composition de danse proposé par Alison Becker Chase. Dans ce cours, ils créèrent leur première chorégraphie, qu'ils intitulèrent “Pilobolus” — et c'est ainsi qu'est née une tradition de danse qui allie magie et mouvement.
Pilobolus crystallinus est un champignon phototropique (qui aime la lumière). Il est communément appelé "le lanceur de chapeau". Quand elles sont éjectées, ses spores accélèrent de 0 à 45 mph en un millimètre et adhèrent à l'endroit où elles atterrissent. Le père de Jonathan Wolken étudiait le champignon pilobolus dans son laboratoire de biologie quand le groupe se forma. Le nom était approprié, et il est donc resté.
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