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Le Maceron




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1562 (Du Pinet, Pline, XIX, 12 ds Gdf. Compl.). Empr. à l'ital. macerone (attesté dep. le xvie s., au fig., Il Pataffio ds Batt.), altération, due à l'infl. de maceria « ruines » (cette plante poussant souvent dans les ruines), du lat. macedonicum (petroselinum) « persil de Macédoine ». Voir FEW t. 6, 1, p. 3.


Lire également la définition de macéron afin d'amorcer la réflexion symbolique;


Autres noms : Smyrnium olusatrum - Chou noir (ainsi nommé pour la couleur de sa racine noire extérieurement consommée comme celle du panais) - Cotchu - Gros persil de cheval - Maceron potager - Persil de cheval - Persil de Macédoine -




Botanique :


Dans Le dictionnaire des arts et des sciences. (Vol. 2. Chez Jean-Baptiste Coignard..., Denys Mariette..., Jacques Rollin..., Jean-Baptiste Delespine..., 1731), Thomas Corneille décrit le maceron :


MACERON. f. m. Plante, qui, selon Dioscoride, croît en abondance au Mont Amanus, & dont la tige est semblable à l'ache. Ses feuilles qui sont plus larges, roides , grassettes, & qui penchent contre terre, ont une odeur aromatique, jointe à une certaine acrimonie agréable. Elles sont de couleur pâle tirant sur le roux, & les bouquets qu'on voit au-dessus des branches, sont faits en rond comme ceux d'aneth. Sa graine est semblable à celle du chou, ronde, noire, forte, & de goût de myrrhe, en sorte que l'on peut prendre aisément l'une pour l'autre. Sa racine qui est odorante & forte, pique le goût, chatouille la gorge, & est molle, tendre & pleine de jus. Son écorce est noire au-dehors, & verte ou blanchâtre au-dedans. Le Maceron croît parmi les pierres, aux lieux fangeux, & sur les côteaux. Les Grecs l'ont appelé "...", à cause que sa graine à l'odeur de "..." qui veut dire, myrrhe. Sa racine prise en breuvage apaise la toux, & est bonne aux morsures des Serpents. Sa racine est un remède pour les accidents des reins, de la ratte & de la vellie, & prise aussi en breuvage, elle est propre aux sciatiques, & pour dissiper les ventosités de l'estomac. Galien dit qu'on appelle le Maceron Hipposelinon sauvage , qui est une espèce d'ache & de persil, & que ceux de Cilicie appellent aussi Persil , celui qui croît au Mont Amanus. Il ajoute qu'il y a un autre Smyrnium plus fort que le Smyrnium commun, & qui n'a point tant d'acrimonie que le persil ; qu'ainsi il est propre à appliquer fur les ulcères , parce qu'il dessèche sans douleur, & résout toutes duretés & tumeurs, étant du reste de propriété semblable à l'ache & au persil.




Vertus médicinales :


Saliha Smail-Iggui, autrice d'une Etude du lexique kabyle des plantes approche ethnolinguistique. (Thèse de doctorat. Université Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou, 2020) rapporte quelques usages traditionnels fondés sur les vertus médicinales du Maceron :


Le Maceron est commun dans toute l’Algérie, il est fréquent dans les lieux frais, les forêts et les haies. (Quezel & Santa, 1962-1963)


Les feuilles en décoction sont indiquées contre les hémorragies des premiers mois de la grossesse. La racine est comestible (condiment) avant d’être détrônée par le céleri-rave, elle est apéritive et dépurative. Le fruit est stomachique et les jeunes pousses peuvent être mangées en légume. Le Maceron est donné aux vaches, chèvres et brebis pour la stimulation de la production laitière.

 

Selon Mylène Pradel-Baquerre, autrice de Ps.-Apulée," Herbier", introduction, traduction et commentaire. (Thèse de doctorat. Université Paul Valéry-Montpellier III, 2013) :


LE MACERON : Les Grecs l'appellent smirnion ou ipposelinon ou selinon agrion, les Italiens holysatrum, les Egyptiens denterobon.

1. Pour une douleur de la vessie et la rétention d'urine.

Le maceron écrasé est donné en boisson dans du vin doux, cela corrige efficacement la strangurie.


Interpolation de Dioscoride, III, 67.

Il a une racine blanche, bénéfique pour l'estomac, peu vigoureuse, une tige souple portant comme des traces d'écriture, que les Grecs appellent « lettres », des feuilles rougeâtres et larges, un feuillage qui ressemble à celui du libanotis, des graines noires, allongées, âcres, à mastiquer longtemps et à l'odeur similaire à celle de l'encens, dotées de vertus diurétiques.

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Usages traditionnels :


Auguste Chevalier rend compte de L' « Archéologie de l'Alimentation » de F. Gidon.. (In : Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale, 18ᵉ année, bulletin n°197, janvier 1938. pp. 30-33) :


A propos de ces plantes redevenues sauvages, M. Gidon fait remarquer « qu'elles n'ont aujourd'hui, eu général, qu'une saveur désagréable et forte, ou un peu nauséeuse, mal en rapport avec l'ancien usage qu'on leur connaît. Des différences de ce genre, entre l'ancienne forme cultivée d'une plante et sa forme sauvage actuelle, constituent une première difficulté parmi celles auxquelles on se heurte lorsqu'on se demande « à quoi pouvait servir tel ou tel ancien légume ».

Mais ces plantes ont pu varier et perdre les qualités que la culture leur avait données. En outre, on connaît mal certains artifices qui rendaient plus comestibles certains légumes un peu primitifs. C'est ainsi qu'à l'époque on le Maceron [Smyrnium] était de consommation courante, on tenait ses racines en cave ou en silo, ce qui avait peut-être pour but de les mûrir et d'en diminuer l'âcreté.

Gidon rapporte qu'en ensemençant des graines de Maceron sauvage, dans un jardin « il a obtenu des plants dont les racines étaient mangeables en petite quantité, mais qui en grande quantité, auraient été indigestes et dont le goût tie céleri se compliquait d'un élément aromatique rappelant l'odeur de boue. »

 

Dans les Quatre saisons du jardinage, (1984, n° 27), on trouve un véritable plaidoyer en faveur du maceron écrit par Claude-Charles Mathon :


LE MACERON.EXCELLENTE POTAGÈRE OUBLIÉE

Plaidoyer pour la renaissance d'un légume chargé d'histoire et de saveur


Le maceron appartient à un groupe d'ombellifères potagères abondamment cultivées jadis, aujourd'hui totalement ou partiellement oubliées au bénéfice d'une seule d'entre elles : le céleri, ou ache des Italiens, forme améliorée de l'Ache des marais (Apium graveolens L.), dont le représentant cultivé à l'époque carolingienne et au Moyen Âge différait peu de la plante sauvage...

Charlemagne - me suis-je laissé dire - raffolait de la racine crue du maceron, telle quelle, après l'avoir pelée. Je la préfère râpée avec une mayonnaise douce (pas trop de moutarde afin de ne pas masquer une subtile odeur de citronnelle) voire avec une crème fraîche un peu épaisse. Faites-en des frites, faites-en des beignets, etc. : c'est tout bon, vraiment très bon !

Mais parlez-moi des bouquets de jeunes filles coupées au ras du collet, en fin d'hiver, cuits à l'eau, égouttés et accompagnés d'une béchamel relevée d'une pincée de muscade : c'est un régal d'une finesse somptueuse. On consomme aussi les jeunes pousses comme des asperges, ou en salade avec huile et vinaigre, ou encore comme des épinards. Les pétioles charnus se mangent comme les côtes de bettes ou de céleri. Et, bien sûr, les feuilles encore tendres font la soupe, tandis que les feuilles plus âgées parfument le pot-au-feu.

Ne vous précipitez pas chez les grainetiers. Voici près de trois siècles que la culture de cette plante, pourtant remarquable, est pratiquement abandonnée...

Le maceron (Smyrnium olusatrum) est une puissante ombellifère bisannuelle de plus d'un mètre de haut (elle atteint parfois deux mètres), à grosse tige creuse cylindrique, à feuilles découpées en trois lobes, plus individualisés à la base de la plante qu'à sa partie supérieure. La racine est pivotante, en fuseau ou longuement tronconique, ramifiée ou non, épaisse, charnue et moelleuse, recouverte d'une fine peau noire...

Le souvenir de la culture et de la consommation du maceron a disparu des mémoires et, bien souvent, lorsque je montre cette plante, les cultivateurs effrayés me répondent : cigüe ! Mais il faut toujours se rappeler la racine pivotante à peau noire et les feuilles à trois lobes plus ou moins incisés. Aucune confusion n'est possible avec la grande cigüe (Conium maculatum L.), qui accompagne parfois les peuplements de maceron : la grande cigüe présente des feuilles très finement découpées et, très souvent tachetée de rouge. La racine est sans rapport avec celle du maceron.

Le maceron est une plante essentiellement littorale (sables surtout), des décombres (autour des habitations et des vieux châteaux et des bordures de haies). Il est rare ou manque dans la France continentale.

Il n'est pas particulièrement rare mais menacé en raison de l'urbanisation du littoral et de son assimilation erronée à la grande cigüe. Aussi ne faut-il en prélever des semences que dans les populations abondantes du littoral. Dans ces conditions, la culture du maceron devient un moyen non négligeable de préserver son existence et, de plus, d'une manière non artificielle, puisqu'il fut autrefois cultivé et qu'on le retrouve bien souvent comme "relique" échappée de cultures abandonnées depuis des siècles.

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Lizet Bernadette, Aymonin Gérard, Ballot Laurent, Bonvarlet Claude, Delfosse Emmanuel, Douineau Alain, Fradin Yann, Jakubyszyn Michel, Jarry Guy, Macé Bruno, Pauthier Yves, Précigout Guy, auteurs de "Le maceron et la mygale — Une enquête ethnobotanique sur les pratiques d'inventaire naturaliste à Paris." (In : Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 39ᵉ année, bulletin n°2, 1997. Sauvages dans la ville. De l'inventaire naturaliste à l'écologie urbaine. pp. 219-239) mentionnent le maceron en milieu urbain :


 À la hauteur du boulevard de Beauséjour et de la rue du Ranelagh, B.M. attire l'attention de son collègue sur une puissante Ombellifère vivant en colonie au pied des érables sycomores : Y. P. la reconnaît au premier coup d'oeil, et confirme son identité grâce aux grosses graines noires et aromatiques. C'est Smyrnium olusatrum L., une potagère oubliée, une plante d'origine "méditerranéo-atlantique et caucasienne", à laquelle les grandes flores de la France (H. COSTE, G. BONNIER) attribuent des noms vernaculaires multiples : maceron, maceron potager, gros persil de cheval, ou encore de Macédoine. L'ethnobotaniste Claude-Charles MATHON avait mené l'enquête dans la région de Noirmoutier en l'île, où elle pousse en rangs serrés, prenant l'apparence d'une monoculture... Pas le moindre souvenir culinaire chez les agriculteurs qui la connaissent pourtant bien, la désignant par le nom vernaculaire de cotchu, qui révèle la confusion avec la dangereuse ciguë (Conium maculatum L.), aux caractéristiques morphologiques pourtant fort distinctes (1).

Le maceron est la trouvaille de la journée des naturalistes de la Petite Ceinture. S'ils la connaissent bien en Bretagne, où elle abonde dans les fossés et jusque sur les falaises du bord de mer, leurs pérégrinations parisiennes - des friches de quartier à cette ancienne voie ferrée souvent parcourue, tout autour de la capitale - ne leur ont jamais offert le plaisir d'une telle rencontre.


Note : En revanche, l'enquête de terrain en Corse (région de la Balagne) a révélé des usages encore très présents dans les mémoires. La racine charnue du macerone était consommée, et les feuilles fraîches réunies en bouquet (mondu) permettaient de nettoyer le four en le parfumant, avant la cuisson du pain. G. MÉTAILIÉ, qui commente cette information recueillie en 1975, fait également remarquer que dans les cas d'utilisation de la racine, ce n'est pas tant la confusion avec la ciguë qui est à craindre, mais avec Œnanthe crocata L.

 

Mickaël Welfringer, auteur d'une thèse intitulée La Thériaque : analyse d'un contrepoison de l'Antiquité et héritage dans la pharmacie d'officine d'aujourd'hui (Université de Lorraine, 2017) mentionne l'usage du Macéron dans la Thériaque :


Le persil de Macédoine, macéron ou Smyrnium olusatrum L., famille des Apiacées, aussi appelé maceron est bien différent du persil commun. Cette plante herbacée pousse sur le pourtour méditerranéen et est consommé comme légume (feuilles et racines) ou condiment (graines de saveur poivrée). Ce légume ancien a été remplacé par le céleri au goût proche mais moins prononcé.

On utilise la semence de persil de Macédoine dans la Thériaque qui est un diurétique et résiste aux venins. (Charas, 1685) (Rigaud, Barthe, & Bouttes, 1689).

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