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Le Lemming

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : 7 juin 2024




Étymologie :


Étymol. et Hist. [1678 lemmer d'apr. Pt Rob.] 1701 lemmer (Fur.) ; 1759 lemmar, ou leming ([F.A. Aubert de La Chesnaye des Bois] Dict. raisonné et universel des animaux, II 609 b ds R. Ling. rom. t. 45, 1981, p. 503). Mot norvégien.


Lire également la définition du nom lemming afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Croyance populaire :


Selon Opale Coutant et al. auteurs de "Pourquoi observe-t-on une phase de déclin tous les 4 ans chez les lemmings?." (mémoire scolaire, 2015 [très mal écrit]) :


Le suicide de masse pendant les périodes de migration : Cette hypothèse est le plus grand mythe de l’histoire des lemmings. C’est une croyance populaire et une légende urbaine.

Tout d’abord, cette légende est née en 1555, par Olaüs Magnus archevêque et écrivain, dans le livre « Historia de gentibus septentrionalibus », concernant les pays scandinaves. Dans ce livre, il est écrit que les lemmings tombaient du ciel. Cette histoire fut admise ensuite par Lemius et Wormius. Puis, Koshkina en 1962, émit l’hypothèse de la migration (mouvement variant l’été et l’hiver).

Ce mythe s’est répandu par des bandes dessinées, des documentaires, un jeu vidéo et même par des expressions de la langue. En effet, ce mythe a été représenté par Carl Barks (illustrateur Disney) via une bande dessinée « The Lemming with the locket » inspiré d’un article : l’American Mercury (1953), montrant des lemmings se jetant en masse d’une falaise.

Si ce mythe s’est autant répandu, c’est notamment à cause du film documentaire Walt Disney « Le Désert de l’Arctique » (White Wilderness) en 1958. Dans ce documentaire on pouvait voir de très nombreux lemmings sauter d’une falaise. Dans le documentaire, il était énoncé une « scène de migration massive ». Voici le lien YouTube montrant les lemmings sautant de la falaise : https://www.youtube.com/watch?v=xMZlr5Gf9yY . Ce documentaire a remporté l’oscar du meilleur film documentaire !

Or, une équipe de journaliste de Radio-Canada a démontré à travers leur documentaire « Cruel Camera » que l’équipe du film « Le désert de l’arctique » avait capturé des milliers de lemmings pour les affoler en les poussant vers une falaise. Ils ont donc tué plusieurs milliers de lemmings pour perpétuer le mythe. Ce film a été pointé du doigts pour cruauté envers les animaux.

Ce mythe a été représenté également dans un jeu vidéo de réflexion populaire nommé « Lemmings » édité en 1991 et développé par le studio écossais DMA Design. Ce jeu consiste en une course de lemmings dont le but est d’être le premier à jeter ses lemmings par la falaise. Puis, il y a également une expression chez les anglophones « Don’t be a lemming ! », qui veut dire une personne qui ne pense pas par elle-même.

[...]

D’après Serge Aron (directeur de recherche à l’université de Bruxelles en service évolution biologique et écologique), le suicide est contraire au principe fondamental de la sélection naturelle, car les êtres vivants doivent survivre pour pouvoir transmettre leurs gènes à leur descendance. En 2003, Brigitte Sabard et Olivier Gilg, 2 scientifiques, ont étudié le cycle de prolifération et de disparition des lemmings et ont pu démentir le mythe du suicide collectif chez les lemmings. La phase de déclin des lemmings tous les 4 ans n’est probablement pas dû au suicide des lemmings pendant leur migration. La croyance du suicide collectif des Lemmings n’a été corroborée par aucune observation authentique.

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Symbolisme :


Jean-Luc Lambert, auteur de "Courants religieux du monde russe et russisé (xviiie‑xxie siècle). Interactions religieuses en Russie : christianisation et transformations religieuses chez les Ougriens de l’Ob. (In : Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses. Résumé des conférences et travaux, 2008, no 115, p. 343-349) évoque la signification du lemming pourles Samoyèdes :


D’une manière comparable, les âmes des rennes morts sont figurées par des lemmings pour les Samoyèdes, ce qui ouvre de nouvelles voies de recherche concernant tant les représentations de l’âme que celles de ces animaux de petite taille qui inspirent souvent la peur en Sibérie.

 



Symbolisme astrologique :


Gabriel, le créateur du Site Zooastro.com propose de trouver son animal astral en fonction de la position du Soleil et de la Lune dans notre thème :


Les Rongeurs correspondent au signe du Capricorne. Le Capricorne est un signe de Terre Cardinal marquant le début de l’Hiver. Le natif du Capricorne cherche classiquement à concrétiser une ambition plus large que lui-même. S’il peut paraitre dur et buté, il a toujours à l’esprit le bien commun, la protection des siens, un goût pour les œuvres collectives. Il aime sédentariser son auditoire dans un lieu protecteur ou dans une culture partagée, et en cela, c’est un animal politique. Humble et endurant, il sait résister à toutes les pressions.

Le Capricorne est collectif. Après le Sagittaire (les Carnivores), qui a rassemblé autour de lui, et dicté un but à atteindre, il appartient au Capricorne de donner au groupe une structure stable et protectrice. D’apparence plus humble, le Capricorne est tout aussi ambitieux.

Dans le monde animal, les Rongeurs sont les meilleurs candidats pour transcrire fidèlement le symbolisme du signe du Capricorne :


Les Rongeurs, des protecteurs : Comme tous les Mammifères, les Rongeurs apportent à leurs petits des soins parentaux importants. La phase d’allaitement implique généralement la construction d’un nid protecteur, et la constitution de réserves de nourriture. les Rongeurs typiques jouent donc la sécurité et la prudence avant tout. Cette humilité ne les a pas empêchés de proliférer, et ils forment le plus grand ordre de mammifères aujourd’hui.

On retrouve là les caractéristiques du 10ème signe du Zodiaque : « Renoncer pour mieux dominer » est la devise du Rongeur. La structuration sociale où chacun a sa place et son rôle est son obsession. Le Rongeur fait passer la raison et le collectif avant tout. Sa patience et son sang-froid n’ont d’égal que son endurance.


Le Lemming ou l’Élan collectif : Les Rongeurs sont attirés par une forme de vie austère et dure. Ils échafaudent des plans ambitieux. Leur désir de constructions durables vise à abriter une famille, ou un groupe auquel ils tiennent beaucoup. Lents mais réfléchis, solides et équilibrés, secs et rigides, ils se réalisent dans la construction de structure sociale. Ils resserrent le lien qui les unissent de longue date à leur culture, leur civilisation.

Mais ce Rongeur-là aime aussi tout ce qui peut l’aider à se sentir responsable et connecté à un groupe. Il a une âme de leader énergique tournée vers les autres, parfois un peu carnassière. Mais à travers ses morsures, il a toujours à l’esprit un idéal supérieur, une recherche de record, un goût pour relever les défis collectifs. Il aime mettre son auditoire dans le droit chemin et disqualifier des adversaires, comme le ferait un champion. Ce besoin de se nourrir de ce qu’il y a de plus lointain et de plus haut est certainement son point sensible.


Les particularités du Lemming : Le Lemming met sa sensibilité enthousiaste et expansive au service d’une volonté constructive et sérieuse. Il recherche la sécurité, et a un besoin de dépenser son énergie. Ces deux tendances tournées vers les autres font bon ménage. Il parvient à fédérer un certain nombre de personne autour d’un projet commun.

Il y a dans cette personnalité le même type d’espoir vis à vis d’un groupe ou d’une construction sociale, qu’au moment de l’inauguration d’un nouveau bâtiment. L’œuvre sociale désirée par le Lemming répond à un besoin collectif. Une fois l’œuvre achevée, s’ouvre la perspective très stimulante de son exploitation, le choix d’une politique, d’une direction collective. Cet enthousiasme ne va donc pas sans un certain idéalisme naïf qui auto-congratule le groupe. C’est que le Lemming cherche avant tout une cohésion sociale à travers des sujets aussi divers que la culture, la politique, la philosophie, la spiritualité le voyage…

Un sujet assez vaste pour qu’il ne concerne pas directement le Lemming, mais qu’il intéresse largement autour de lui. Très efficace, le Lemming sait créer autour de sa personne un effet d’entraînement qu’il n’est pas forcément en mesure de maîtriser dans la durée. Ayant obtenu la confiance du groupe qu’il a fédéré, il se pourrait qu’il ne parvienne plus à diriger le mouvement collectif dans son emballement. De plus, à force de regarder trop loin ou trop haut, il risque de ne pas voir certains esprits plus tortueux tout près de lui, qui pourraient en profiter pour le piéger…


Les pouvoirs du Lemming : Le Lemming sait comme personne créer un élan collectif, et une synergie de groupe incroyable en vue d’une réalisation commune. Son sens élevé des responsabilités lui permet de créer une formidable cohésion sociale.

Le natif du Lemming aura tout intérêt à choisir une activité qui exalte son désir de construction sociale, où il pourra assouvir cette soif d’animation sociale. Il saura donner une structuration concrète à des élans collectifs, et inscrire dans le marbre des passions collectives. Il pourra être reconnu comme autorité culturelle, politique, religieuse ou philosophique, en fonction de ce que sa société valorise, ou toute carrière artistique où il s’agit de proposer à son groupe une sécurité sociale basée sur des valeurs de progrès. Quel que soit le domaine qu’il choisira, il y cherchera à assumer des responsabilités.


Ex : Montesquieu, Matisse, Anthony Hopkins, Kevin Costner, Jeff Bezos

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Mythologie :


Vladimir Randa, auteur de "Animaux symboliques: la part de l'expérience naturaliste dans l'imaginaire Inuit= Symbolic animals and naturalist experience among the Inuit". (In : Le symbolisme des animaux : L'animal, clef de voûte de la relation entre l'homme et la nature ?, IRD Éditions, 2007) explique les mythes inuits relatifs au lemming :


[...] 2. Animaux “tombés du ciel” : Deuxième catégorie des animaux nés hors normes, les animaux “tombés du ciel”. Les informations à leur sujet, notamment sur les circonstances de leur apparition, sont plus rares et moins précises. Leur lieu d’origine reste indéterminé, d’aucuns parlent de la “lune” taqqirmiqqai, d’autres de l’espace (silatuinnarulungmi, silainnarmi “quelque part dans l’espace”). Le terme, non spécifique, pour désigner le processus de descente sur terre est kataktut (“ils tombent de haut en bas”). Les animaux évoqués – lemming (rongeur), caribou (ruminant) et renard (carnivore) – appartiennent à la catégorie des “animaux terrestres” uumajuit nunamiutait.

Rappelons que, jadis, dans les chants poétiques, le lemming à collier (Dicrostonyx torquatus Pallas, Muridae) était qualifié de qilangmiutaq “habitant de la voûte céleste” car, expliquaient les Inuit, les lemmings blancs [i.e. en pelage d’hiver] tombent du ciel lors des tempêtes de neige (1) (Jenness 1928 : 66 ; Rasmussen 1941 : 38). La réalité de ce phénomène ne fait pas de doute pour les Inuit pour qui il relève du domaine de l’expérience. Un homme aussi estimé pour ses connaissances naturalistes qu’Emile Imaruittuq (comm. pers.) a évoqué devant moi les lemmings tombés du ciel dont il avait un jour repéré les traces sur la neige :


avinngaup kataktuviniup tumikulunginnik takulauqsimajunga… « ... j’ai vu les petites traces d’un lemming tombé du ciel... »


En atterrissant, ces animaux (lemming, caribou) (2) “décrivent des cercles” uijjaaramik : si ceux-ci deviennent de plus en plus grands, l’animal grandit également et reste en vie. Dans le cas contraire, il rapetisse et finit par mourir (3). Les traces imprimées dans la neige constituent pour les Inuit la preuve que ce phénomène existe. Notons que le processus d’agrandissement ou de réduction des animaux tombés du ciel est symétrique à celui des animaux nés d’un œuf et qui, après avoir “éclos”, grandissent également.

[...]

3. “Les pénétrants” putuuqtiit : K. Rasmussen (1931 : 312) est le premier à avoir mentionné le terme putuuqti (putu “trou, ouverture” ; -uq- “action transitoire” ; -ti “celui qui”) le traduisant par “the penetrating one”. Ce terme servait à désigner, dit-il, dans le langage métaphorique des chamanes nattilingmiut (Arctique central canadien), trois petits mammifères : l’“hermine” (Mustela erminea L., Mustelidae) tiriaq, le “lemming” (Lemmus et Dicrostonyx, Muridae) avinngaq et le “spermophile” (Citellus parryii Richardson, Sciuridae) siksik. Il ne fait pas de commentaire sur cette association a priori énigmatique dont toutefois des informations d’ordre ethnographique et linguistique permettent de saisir la logique.

La catégorie putuuqtiit, car il s’agit bien d’une catégorie, réunit un carnivore (hermine) et deux de ses proies (lemming, spermophile). Dans cette construction, la relation de prédation n’est présente qu’implicitement, l’hermine ayant l’habitude de poursuivre ses proies dans leurs terriers. C’est un même rapport à l’espace qui les rapproche, une même façon de se mouvoir et de se frayer un passage quelle que soit la matière, terre, végétation, neige ou roche, ou bien corps d’êtres vivants. Voici comment les choses se présentent : Aussi bien le lemming que le spermophile creusent des galeries sous terre ou dans la neige, raison pour laquelle ils sont considérés comme tisimiutait (“habitants d’un terrier, d’une tanière”). Bien qu’elle-même ne construise pas de terrier, l’hermine s’installe volontiers dans celui des autres animaux.

[...]

Le lemming (4) dont l’une des caractéristiques est de creuser des tunnels dans le sol (dans la végétation) ou dans la neige. “Excellent excavateur” aggalajualuungmat, il projette la neige en l’air avec une telle vigueur que cela ressemble au jet de vapeur expulsé par la “baleine boréale” (Baleana mysticetus L., Balaenidae) arviq, commentent les Inuit. Dans un chant, le lemming prend la forme d’un humain et tente de capturer, au moyen d’un collet... un spermophile (Rasmussen 1931 : 352), dernier membre du trio des “pénétrants”. [...]

L’idée que l’hermine, le lemming et le spermophile forment une catégorie à part, est confortée par le fait que, dans la tradition orale, ces animaux sont systématiquement évoqués dans les mêmes séquences, comme en témoignent les extraits tirés des ouvrages de K. Rasmussen.

Dans le conte The old woman who enticed the animals to her house, parmi les animaux invoqués par une vieille femme laissée à son sort en compagnie de sa petite-fille, se présentent des hordes de lemmings suivis d’hermines.

Il en est de même dans une variante du même conte The one who summoned the animals of the hunt : … tamakkua avinngakulukkut tiriakulukkut unuqtualuullutik… “… ceux-là petits lemmings et petites hermines sont très nombreux…” (1930b : 34).

Dans le mythe de l’origine du Soleil et de la Lune, un épisode relate les combats entre animaux d’une même espèce dans lequel lemmings, hermines et spermophiles sont mentionnés les uns à la suite des autres (Rasmussen 1931 : 525).

Les mêmes animaux se trouvaient jadis impliqués dans les gestes de la vie quotidienne :


« When a mother takes her child on her lap to tend to it she must never lay it direct upon her own clothing ; she must lay it on the skin of marmots, ermines, lemmings or a piece of wolf skin » (Rasmussen 1931 : 259).


Les propriétés intrinsèques de ces peaux n’étaient vraisemblablement pas la seule raison de leur utilisation dans les soins prodigués aux jeunes enfants. Tout ce qui vient d’être dit sur les animaux dits “pénétrants”, notamment l’idée qu’ils (hermine et lemming) peuvent envahir le corps des humains et des animaux, n’est pas sans conséquences sur les attitudes et les sentiments qu’ils suscitent, à savoir la peur (kappianaqtuq “(ce) qui provoque la peur”) et la répulsion (quinaqtuq “il déteste, a du dégoût, de l’aversion”46. La phobie de la pénétration se double d’une peur de la dévoration. Les exemples qui suivent ne datent pas tous d’hier.

Dans le conte How the snow bunting and the ptarmigan were made, une vieille femme, pour effrayer sa petite-fille qui refuse de dormir, évoque le spectacle d’une horde de petits lemmings “sans poils” miqquqanngittualuit jaillissant d’une cavité et s’approchant d’elles. Cette image est tellement insupportable à la petite fille qu’elle se transforme en “plectrophane des neiges” (Plectrophenax nivalis L., Emberizidae) qupanuarjuk et s’envole (Rasmussen 1929 : 164-165). La vieille femme, les yeux rougis par le chagrin, se transforme en “lagopède” (Lagopus spp., Phasianidae) aqiggiq. [...]

Alors que le lemming est souvent adopté comme “animal de compagnie” tiguaq, l’hermine ne l’est jamais : non seulement en raison de sa “très forte odeur” tipikiq incommodante mais également en raison de sa réputation de “pénétrante”. Ces adoptions (tiguaq “enfant adoptif”, qu’il soit humain ou animal, de tigu- “prendre avec la main, saisir”) sont habituellement le fait des enfants. Leurs mères ont beaucoup de mal à s’en accommoder. Je n’ai pas eu connaissance d’adoption d’un spermophile.

Le sentiment de répulsion et de frayeur est si fort qu’il abolit chez certains toute capacité de discernement et d’autocontrôle : un chasseur d’âge mûr me confia qu’un jour il se vit approcher par une personne dissimulant dans sa main un lemming. Il saisit aussitôt sa carabine et la mit en joue, prêt à faire feu si elle avançait d’un pas. Une autre fois, dans des conditions similaires, il faillit casser la jambe d’un mauvais plaisantin avec une grosse pierre. Il décrivait les symptômes qu’il a ressentis comme une sorte de bourdonnement d’oreilles. On aurait tort de croire qu’il s’agit d’un cas marginal. [...]

L’attitude des Inuit à l’égard de cette catégorie particulière n’est pas figée, elle évolue au cours de leur vie. À l’inverse des adultes proches d’un état de panique en raison des références multiples à l’imaginaire collectif traditionnel qui font partie de leur éducation, les enfants sont plus intrigués qu’effrayés, signe que les sentiments négatifs s’acquièrent progressivement au cours du processus de socialisation.


Note : 1) Selon K. Rasmussen (1929 : 113), cela en faisait, à côté d'autres animaux tel l'ours polaire, des auxiliaires prisés par les chamanes : « In addition to the bear, there is also another animal possessing qualities which may be of importance to the shamans. This is the lemming. It is said that the white lemmings fell down from heaven. They therefore possess an altogether peculiar knowledge of the diseases of mankind, and the causes of death. An angakkua derived from the lemmings is therefore considered especially valuable. » Dans un récit recueilli chez les Inuit Caribou, les lemmings désignent, dans leur propre langage, le ciel comme naarhuaciaq [naarjuaqtiaq ? “le très gros ventre”], terme que K. Rasmussen (1930a : 84) traduit par “the sky's round belly” (naaq “abdomen”) : est-ce une allusion au ciel réservoir d'animaux, notamment de lemmings ? B. Saladin d'Anglure (1990 : 88) rapporte l'histoire de l'enfant d'un couple de nains gigantisés, tués par un géant. L'orphelin dénommé Naarjuk devint silaup inua “maître du temps, de l'univers” : « Lorsqu'il est contrarié par les infractions aux règles sociales dont se rendent coupables les humains, sa couche se délace dans le ciel et un vent violent s'en échappe. »

2) 1 Est également mentionné le “renard arctique” (Alopex lagopus L., Canidae) tiriganiaq.

3) Les changements d'échelle interviennent fréquemment dans la perception qu'ont les Inuit des êtres qui peuplent l'espace. La taille est perçue plus comme une relation entre l'observateur et la chose observée que comme un état inhérent à celle-ci. La tradition orale mais également les récits des Inuit contemporains fourmillent d'histoires sur les nains capables de prendre la taille d'un humain ou d'animaux changeant d'échelle de grandeur : ainsi, un animal perçu par des humains comme un lemming apparaît aux nains comme un caribou ; un ours est un pou pour un géant ; les poux d’un géant sont perçus par des humains comme des lemmings, etc.

4) Le terme avinngaq englobe deux espèces de lemming, le “lemming brun” (Lemmus sibiricus Kerr, Muridae) nommé kajuji (“celui qui est marron, brun, blond”), désignation en référence à la couleur de son pelage, et le “lemming variable” (Dicrostonyx torquatus Pallas, Muridae) appelé amiq&aq, à Igloolik, de couleur grise qui, l'hiver, tourne au blanc (cf. qilangmiutaq).

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Littérature :


Jean Nimis, auteur d'un article intitulé "Lemmings : le récit de science-fiction et le « vice de forme »". (ReS Futurae. Revue d’études sur la science-fiction, 2020, no 16) met en évidence le mythème du suicide des lemmings et ses significations dans deux œuvres littéraires :


[...] « The Year of the Jackpot » (« Une année faste ») de Robert Heinlein et « Verso Occidente » (« Vers l’ouest ») de Primo Levi constituent ainsi un binôme appréciable pour voir comment la mise en œuvre de l’imagination peut produire des visions du monde qui, dans leur dysphorie, restent porteuses d’un message éthique en plus qu’il soit poétique. Il s’agira donc, à partir des trames narratives respectives et des personnages qui y interviennent, de considérer comment un élément devient un motif (la migration des lemmings) et est utilisé par deux écrivains pour exprimer des visions du monde que l’on peut voir converger en dépit de leurs spécificités respectives. [... )

Primo Levi livre un récit qui « ne fait pas science-fiction » (il n’y a pas ici d’allusion à des extra-terrestres ou autres éléments de ce genre), mais plutôt « fiction spéculative » (l’expression que préférait justement Heinlein). Le problème de cette fiction réside en fait dans un élément biologique : le mystère des comportements suicidaires des lemmings. Tout à fait dans la veine des récits pour lesquels Primo Levi est passé maître, le texte est nerveux, précis et concis. [....] « Vers l’ouest » est le récit (par un narrateur extradiégétique, apparemment omniscient) des recherches de deux jeunes biologistes, Anna et Walter, sur un phénomène de migrations suicidaires de lemmings ayant pris une ampleur inédite en Norvège. L’étude de ce comportement autodestructeur amène les deux médecins à constater qu’une tribu amazonienne, les Arunde, est elle aussi confrontée à un « taux énorme de suicides ». Un de leurs collègues découvre que l’attitude tant des animaux que de la tribu semble due au manque d’une substance dans le corps et qu’un remède consisterait en un alcool, le « facteur L ». À la fin du récit, submergé par la ruée de lemmings qui courent à leur mort, Walter succombe en ayant tenté de pulvériser sur eux le produit censé les sauver ; dans le même temps parvient à Anna un message de la tribu à laquelle ils avaient envoyé le remède et dans lequel le chef dit que son peuple préfère « […] la liberté à la drogue, et la mort à l’illusion » (Levi, 1994b [1971], p. 251).

[...] Breen explique qu’au cours de l’enquête qui l’occupe à propos des phénomènes bizarres qui s’amplifient dans le pays et dans le monde, il en est venu à conclure que le sort de l’humanité semble se rapprocher de celui des lemmings « […] qui se lancent périodiquement dans une migration de la mort, jusqu’à la mer où [ils] se noient par millions, par centaines de millions » (Heinlein, 2011, p. 190). [...]

Les lemmings auxquels s’intéressent Walter et Anna sont ici de manière évidente une allégorie possible du destin de l’humanité, à une époque (les années 1950 et 1960) où la course aux armements est devenue, avec les bombes thermonucléaires, une menace pour la vie sur la planète15. En effet, la course à la mort « vers l’ouest » des lemmings est à considérer dans le contexte de la construction de l’équilibre de la terreur16 durant la Guerre froide : un équilibre qui, s’il venait à être mis en question, se solderait par une forme de suicide collectif. Nul besoin pour Primo Levi de gloser la métaphore qu’il propose car il la met en œuvre de manière dépouillée et précise : en deux occasions, au-dessus de la procession des lemmings qui se précipitent dans la mer, et au-dessus du territoire Arunde, la mort est représentée par des formations de rapaces qui tournent dans le ciel. Préférer la mort à l’illusion, comme le dit le chef arunde à la fin du récit, est une solution contre le vide existentiel proposé par le monde moderne, qui menace toute vie à un moment ou à un autre. [...]

Toutefois, il faut surtout voir dans les deux récits la présence de protagonistes qui ne sont au second plan qu’en apparence, en particulier chez Heinlein puisqu’ils n’apparaissent pas et ne sont qu’évoqués au détour du constat désabusé de Breen à propos du sens que prend le réseau de courbes statistiques de son tableau (« Ça veut dire que nous sommes des lemmings »). Ces lemmings dont il est question dans l’un et l’autre récit, et plus particulièrement dans celui de Levi où ils sont effectivement protagonistes, mettent en jeu un problème éthique.

[..]

Dans nos deux récits, in absentia chez Robert Heinlein, in praesentia chez Levi, les lemmings annoncent le « vice de forme » dans l’aventure de l’humanité et c’est celui-ci qui est donné comme perspective centrale dans les recueils respectifs. Ces petits animaux dont Anna a pitié36 sont le symptôme de « quelque chose qui ne va pas », et c’est dans la conversation entre Anna et Walter sur le sentiment d’inutilité dans la vie que se trouve le sens de tout le récit :


C’est la règle que chacun de nous, les êtres humains, mais aussi les animaux et … oui, même les plantes, tout ce qui est vivant, lutte pour vivre sans savoir pourquoi. Le pourquoi est inscrit dans chaque cellule […] les espèces dans lesquelles le message est gravé profondément et clairement survivent, les autres s’éteignent, se sont éteintes. […] entre ceux qui possèdent l’amour de la vie et ceux qui l’ont perdu, il n’existe pas de langage commun. Le même événement est décrit des deux côtés de deux façons qui n’ont rien en commun : les uns en retirent de la joie et les autres de la peine, chacun en tire une confirmation de sa propre vision du monde.

Ils ne peuvent avoir raison tous les deux.

Non. En général, tu le sais, et il faut avoir le courage de le dire, ce sont les autres qui ont raison.

Les lemmings ?

Disons-le comme cela : appelons-les lemmings.

Et nous ?

– Nous avons tort, et nous le savons, mais nous trouvons plus agréable de garder les yeux fermés. La vie n’a pas de but : la douleur l’emporte toujours sur la joie ; nous sommes tous des condamnés à mort auxquels le jour de l’exécution n’a pas été révélé ; nous sommes condamnés à assister à la fin des êtres qui nous sont les plus chers ; il y a des contreparties mais elles sont minces. Nous savons tout cela, cependant quelque chose nous protège, nous soutient et nous éloigne du naufrage. (Levi, 1994b, p. 242-243)


Les lemmings sont de fait l’illustration d’une fatalité inhérente, comme le montre la décision du peuple arunde dans le même récit de Primo Levi. Et dans celui de Robert Heinlein leur évocation est une illustration de ce qui est en train de se passer à l’échelle planétaire (en fait à celle du système solaire, comme on l’apprend à la fin). Dans les deux cas, l’humanité est lancée dans une course vers la mort [...]

On peut tabler sur le fait que, pour les deux écrivains, la « guerre froide », avec les déploiements d’arsenaux qui l’ont caractérisée, est un autre signe d’une « maladie de la civilisation » énoncée par Sigmund Freud et perçue par d’autres intellectuels (d’Italo Svevo à Stephan Zweig, Bertrand Russell ou Günther Anders, pour n’en citer que quelques-uns) au long du siècle. Même si les contextes diffèrent nettement, les deux récits sont en effet sous-tendus par l’idée d’une course à la mort collective dont les lemmings sont en quelque sorte l’archétype, un récit fondateur. Comme on a pu le voir, les titres respectifs, ironiques chacun à leur manière, font signe vers un destin fatal : le « jackpot » chez Heinlein, le « vice de forme » chez Levi.

[...]

Nos deux histoires se terminant par une catastrophe qui se dessine de plus en plus clairement au fur et à mesure de leur (bref) déroulement, on voit que le dénouement de ces textes les rapproche, en ce que la course à la mort des lemmings ouvre à une transfictionnalité en devenant le récit fondateur d’un mythe. L’intérêt des deux textes considérés tient à l’exemplarité potentielle du mythème qu’ils contiennent, dans le cadre d’une production littéraire d’une époque donnée. [...]

Les lemmings de « Vers l’occident », auxquels il est aussi fait allusion deux fois dans « Une année faste », sont surtout connus en Scandinavie (où se déroulent la première et la dernière partie du récit de Levi) pour leurs migrations annuelles et leur comportement est devenu une sorte de mythe dans les études scientifiques50 et en littérature51. Ils apparaissent par exemple dans L’Année du lemming d’Alexandre Gromov (1997), mais Jean Giono avait déjà fait mention de leurs cousins proches, les bobacs, dans le journal Nice-Matin du 12 septembre 1964 sous le titre « Le suicide collectif des bobacs », et ces derniers sont ensuite évoqués dans un essai de René Barjavel intitulé La Faim du tigre (1966).

[...]

Dans les deux textes de Primo Levi et de Robert Heinlein l’évocation de la course à la mort des lemmings, image d’une fuite en avant inéluctable et prélude à une destinée fatale, se donne comme le reflet d’une époque où, bon an mal an, science et culture, après avoir progressé de pair durant un bout de temps, se sont ensuite perverties et ont fini par trébucher l’une sur l’autre (le chêne de Gœthe à Buchenwald et le dôme de Genbaku à Hiroshima pourraient être d’autres symboles de cette course à l’abîme). Les lemmings forment ainsi une ébauche de mythème et « Vers l’ouest » et « Une année faste » participent au développement du mythe de la fuite et de l’issue fatale d’une société. Pour le lecteur, la course des lemmings constitue dès lors un « universel d’imagination58 » ancré dans le temps et qui participe du mythe : la légende (legenda : « ce qui doit être lu », c’est-à-dire le fait qui doit être interprété) des lemmings suicidaires peut ainsi entrer dans le cadre d’une constellation de récits qui contribuent à élaborer un mythe liant humain et animal (dans un monde où ils sont condamnés à disparaître, pour le cas qui nous occupe59). Ce mythème constitue un pharmakon, ou, si l’on préfère, un scénario de catharsis, [...]

Si dans cette recherche d’un outil politique qui puisse faire « changer le monde », ou plus exactement les mentalités humaines, il y a nombre de romans de science-fiction qui servent la cause et illustrent la nécessité de rétablir un continuum entre l’humain et son mode d’habitation dans le monde, des récits comme « Vers l’ouest » et « Une année faste » jouent leur rôle grâce au potentiel éthique fourni par une expérience vive, communicable par le biais de la visibilité et de la rapidité qui constituent les atouts poïétiques de la forme brève. Le « vice de forme » que signale le mythe des lemmings suicidaires est à voir comme une représentation éthique des risques qu’encourt l’humain, un « sauvetage » poético-narratif en forme de parabole, toujours d’actualité et peut-être (en restant optimistes) en mesure de susciter une « honte prométhéenne ».

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Arts visuels :


Le lemming est le plus petit des mammifères vivant toute l'année dans un milieu glacial : l'Océan Arctique. Pour le réalisateur Dominik Moll, ce petit rongeur était un peu comme "le symbole du grain de sable qui commence à faire déraper la machine, un signe avant-coureur de l'étrangeté qui s'annonce. (...) Il est important parce qu'il prépare le terrain pour l'irruption de l'irrationnel dans un domaine a priori plus normal, celui du couple."


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