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Le Farfadet




Étymologie :

  • FARFADET, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1542 (Rabelais, Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, chap. VII, p. 39, var. : L'Histoire des Farfadetz). Empr. au prov. farfadet « lutin » (Languedoc et Quercy d'apr. Mistral), issu du croisement de fadet (v. ce mot) avec un autre mot qui pourrait être : − soit l'ital. farfarello « id. », d'abord nom d'un démon dans l'Enfer de Dante (XXI-123 ds Batt.), ce mot étant peut-être à rapprocher de l'ar. farfār « bavard, frivole » (v. Bl. _ -W.5et DEI), − soit une particule d'orig. inc. exprimant le renforcement (cf. farfouiller ; v. Guir. Étymol., p. 16).


Lire également la définition du nom farfadet afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Croyances populaires :


Selon Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur du Dictionnaire infernal, ou bibliothèque universelle, sur les êtres, les personnages, les livres, les faits et les choses : qui tiennent aux apparitions, à la magie, au commerce de l'enfer, aux divinations, aux sciences secrètes, aux grimoires, aux prodiges, aux erreurs et aux préjugés, aux traditions et aux contes populaires, aux superstitions diverses, et généralement à toutes les croyants merveilleuses, surprenantes, mystérieuses et surnaturelles. (Tome troisième. La librairie universelle de P. Mongie aîné, 1826) :


FARFADETS. Esprits ou lutins ou démons familiers, que les personnes simples croient voir ou entendre la nuit. Quelques-uns se montrent sous des figures d'animaux, le plus grand nombre reste invisible. Ils rendent généralement de bons offices. Des voyageurs crédules ont prétendu que les Indes étaient pleines de ces esprits bons ou mauvais, et qu'ils avaient un commerce habituel avec les hommes du pays. Voici l'histoire d'un farfadet :

« En l'année 1221, vers le temps des vendanges, le cuisinier d'un monastère de Citeaux chargea deux domestiques de garder les vignes pendant la nuit. Un soir, l'un de ces deux valets, ayant grande envie de dormir, appela le diable à haute voix, et promit de le bien payer, s'il voulait lui garder la vigne à sa place. Il achevait à peine ces mots , qu'un farfadet parut.

« Me voici » prêt, dit-il à celui qui l'avait demandé. Que me donneras-tu si je remplis bien ta charge ?

— Je te donnerai un bon panier de raisin, répondit le valet ; mais à condition que tu veilleras soigneusement aux vignes jusqu'au matin, et que tu tordras le cou à tous ceux qui viendront y marauder. »

Le lutin accepta l'offre, et le domestique rentra à la maison pour s'y reposer. Le cuisinier, qui était encore debout, lui demanda pourquoi il avait quitté la vigne ?

« Mon compagnon la garde, répondit- il, et il la gardera bien.

— Va , va , reprit le cuisinier , qui n'en savait pas davantage , ton compagnon peut avoir besoin de toi. »

Le valet n'osa répliquer, et sortit ; mais il se garda bien de reparaître dans la vigne. Il appela l'autre valet, lui conta le procédé dont il s'était avisé ; et tous deux, se reposant sur la bonne garde du diable, ils entrèrent dans une petite grotte qui était auprès de la vigne, et s'y endormirent. Les choses se passèrent aussi bien qu'on pouvait l'espérer ; le diable fut fidèle à son poste jusqu'au matin. Alors on lui donna le panier de raisin qu'on lui avait promis, il le prit avec délicatesse, et l'emporta avec reconnaissance. La chronique ne dit pas qu'il ait tordu le cou à personne.

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Esprits follets, proches des lutins, les farfadets (de « fadet » et de « fado », fée ; appelés farfadelli en Italie), qui ont été souvent assimilés, à tort, aux fées, se font voir ou entendre la nuit ; s'ils restent la plupart du temps invisibles, certains se montrent parfois, notamment sous une apparence animale ; d'autres prennent l'apparence d'un tourbillon qui bouleverse les récoltes. Quoique fort malicieux (ils frisent et emmêlent les crinières des chevaux laissés dans les prairies ; les farfadets passent en général pour plutôt bienveillants et serviables. On raconte qu'en 1221, à l'époque des vendanges, deux hommes furent chargés, la nuit, de garder les vignes du monastère de Cîteaux. Un soir, l'un d'eux, tombant de sommeil, appela le diable à haute voix, promettant de le payer s'il veillait à sa place. C'est un farfadet qui se présenta et qui prit la garde jusqu'au lendemain, en échange d'un panier de raisins.

Gare toutefois à ceux qui importunent des farfadets : ils sont capables de jouer les pires tours. Dans la vallée de l'Égray (aux environs de Germond, Deux-Sèvres), qui était considérée comme le domaine des farfadets, les femmes, à la fin du siècle dernier, se réunissaient pour filer dans des cavernes ou dans des carrières ; les farfadets, s'estimant dérangés, brouillaient les fils des tricots, égaraient les aiguilles, soufflaient sur les bougies : « Un soir, alors que les fileuses revenaient au village, elles furent effrayées par un vacarme épouvantable ; un chariot aux roues grinçantes, traîné par des farfadets, remontait la pente avec une rapidité vertigineuse. Une des fileuses eut l'idée de faire son signe de croix, et aussitôt chariot et farfadet disparurent. les hommes se rendirent dès le lendemain matin au même endroit. Ils ne trouvèrent aucune trace de chariot ».

En Vendée, à Saint-Philibert-du-Pont-Charrault, une femme du hameau de la Louette (près duquel on signalait une « grotte des Farfadets ») était souvent visitée par ces créatures, considérées comme les enfants de la fée Mélusine ; assis sur des tabourets, ils se réchauffaient devant l'âtre. Persuadée qu'il s'agissait de démons, la fermière chauffa un jour les tabourets : les farfadets s'y brûlèrent et ne revinrent plus. Quelques temps plus tard, la fermière eut un petit-fils que Mélusine substitua par un de ses farfadets :


Au bout de trois ans, elle s'aperçut que de grands poils couvraient le corps de l'enfant, qu'il demeurait muet et ne riait jamais. Redoutant un sortilège, elle voulut en avoir le cœur net. Elle déposa, à côté de la cheminée, deux douzaines d'œufs tous cassés en deux, contenant une petite bûchette, puis elle se cacha pour voir ce qui arriverait quand le drôle se réveillerait. A sept heures, le marmot ouvrit l'œil, descendit de son berceau, puis s'intéressa à ce qui était près du foyer. La mère entendit ces paroles : « Je m'aperçois que tout ce qui arrive est plus fort que de prendre des grives et depuis 300 ans que je vis, jamais je n'ai tant vu, je crois, de petits pots et de petites cuillères... ».


Les farfadets ont été mis à l'honneur par une de leurs victimes, A. V. C. Bertiguier de Terre-Neuve du Thym, qui publia (à compte d'auteur) Les Farfadets, ou Tous les démons ne sont pas de l'autre monde (Paris, 1821). Cet ouvrage en trois volumes, dans lequel l'auteur raconte les vexations que ces esprits, prenant forme humaine, lui ont infligées pendant plus de vingt ans, débute par une dédicace à tous les empereurs, rois, princes souverains : « Réunissez vos efforts aux miens, pur détruire l'influence des démons, sorciers et farfadets qui désolent les malheureux habitants de vos États [...] Ah ! il y a déjà longtemps que les persécutions diaboliques des Farfadets auraient eu un terme sur la terre si quelques-uns de vos sujets avaient eu le courage de les dévoiler. »

Né à Carpentras en 1776, Berthiguier fut, dit-il, envoûté en 1796 : depuis, les farfadets, qu'il tenait pour des démons et des agents de Belzébuth, ne cessaient de le tourmenter ; il avait des visions affreuses, entendait des cris de bêtes, se croyait frôlé par des ailes de corbeau et prétendait subir des attouchements indécents. Pour se débarrasser des démons, qui le suivaient dans les rues de Paris où il vécut, il chercha à les emprisonner dans des bouteilles, dévalisa toutes les boucheries de son quartier en prenant des cœurs de bœuf ou de veau, et toutes les merceries d'aiguilles et d'épingles, pour les piquer dedans : il exigea même qu'à sa mort (survenue en 1852), on remplit d'aiguilles son cercueil.

Pour Bertiguier, qui s'intitula le « Fléau des farfadets », les farfadets étaient capables de rendre les hommes impuissants, se glissaient « entre la jarretière et la culotte » des femmes et faisaient pire encore :


Ces coquins vont la nuit surprendre les les dames, ils entrent invisiblement dans leur lit, les endorment par l'effet du magnétisme, et par l'opération farfadéenne, elles mettent au monde un enfant bâtard ou adultérin [...]. Les veuves et les demoiselles sont exposées au même danger : elles vivent tranquilles dans leur manoir ou chez leurs parents ; personne ne s'approche d'elles et pourtant leur ventre grossit sans savoir à quoi en attribuer la cause. Les unes sont traitées comme hydropiques par les médecins ignorants, les autres croient avoir des obstructions et ce n'est qu'après neuf mois de souffrances qu'elles mettent au monde le fruit du plaisir farfadéen. C'est en vain qu'elles veulent se disculper, personne ne veut croire à leur justification. La femme mariée se voit abandonnée par l'époux auquel elle n'a jamais cessé d'être fidèle ; la veuve ne peut plus se remarier ; la demoiselle est maltraitée par ses père et mère [...]. Lorsqu'on leur dit qu'une femme mariée dont l'époux est absent, qu'une veuve qui est en deuil depuis quinze mois, qu'une demoiselle qui approche de l'âge nubile viennent de mettre au monde un enfant sans la participation d'aucun homme, les incrédules refusent de croire à cette vérité, et s'éloignent de ces victimes farfadérisées en s'écriant : « Elles voudraient nous faire croire que cela leur a poussé comme une verrue pousse sur le nez ! ». Ah ! mon Dieu ! que je suis indigné quand j'entends de pareils propos et qu'il ne m'est pas permis de les réfuter !


Il prétendait même entretenir une correspondance avec des démons. Lucifer lui envoya une lettre de menace pour qu'il ne publiât pas son ouvrage :


Monsieur Bertiguier,

Si je prends la peine de vous écrire, c'est d'après les ordres de Belzébuth et du conseil de ses ministres. Nous avons déjà écrit une lettre à laquelle vous n'avez pas fait de réponse. Vous voulez la joindre à votre Mémoire : mais tremblez, si vous avez le malheur de le mettre au jour, nous sommes cent dix qui avons juré votre perte. Vous avez fait mourir quinze de nos conjurés par le moyen de la piqûre ; je vous prie de vous décider à vous mettre de notre côté avec vos collègues, ou bien sans quoi c'est fait d'eux et de vous. bous n'aurez qu'à choisir la place que vous voulez employer dans notre société, ainsi que ceux qui travaillent avec vous à nous persécuter et nous empêcher nos travaux. Demain, nous allons en députation de trente chez vous, pour avoir une réponse décisive ; si cela ne suffit pas, nous irons à cinq cents vous assiéger.

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