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Le Corbeau (suite)


Ce post est la suite de celui commencé en 2016 et que vosu pouvez lire ici.



Symbolisme celte :


Paul Leutrat dans La Sorcellerie lyonnaise (Editions Robert Laffont, collection Les portes de l'étrange, 1977) revient sur la fondation de Lyon :

Le premier symbole de la cité aussi va dans ce sens. Lorsque les Celtes arrivèrent, ils ne firent qu'emprunter aux Ligures, occupants néolithiques du sol, le dieu Lug, représenté par un corbeau, qui donnera son nom à notre ville. Or, ce corbeau est un messager de la mort, il remplit des fonctions prophétiques, en même temps, il représente le principe de la création, mais lié à la crainte du malheur ; il est proche des ténèbres et il symbolise la lutte entre les pensées claires et les pensées sombres ; il est le signe de la contradiction et aussi celui de la solitude, de l'isolement volontaire. Oiseau féminin donc, selon ces divers sens, et qui sont les mêmes de la Grèce à l'Irlande. Or, c'est un vol de corbeaux, qu'il ait eu lieu ou non le 10 octobre 43, qui a présidé à la naissance de Lyon, et l'oiseau noir en sera l'emblème avant le lion : il figure encore sur un médaillon du IIIe siècle trouvé à Orange et représentant le génie de la ville. Et le poète a peut-être raison qui résume tout le destin de Lyon à partir de la présence du sombre corvidé. « Ce que j'appréciais d'abord en elle, c'est qu'avant de prendre le nom d'un fauve, changeant le I en grecque, elle fut la Ville du Corbeau. Il n'est point besoin pour justifier cela de vouloir copier Rome, ainsi que firent quelques auteurs. Renvoyant Atepomaros et Moromos au pays des légendes, je me contentai de saluer l'animal que chante Poe et ridiculise Corman. Car lui seul suffisait, hors de toute présence humaine, pour donner le branle à mon imagination et c'était encore les cris des freux que j'entendais lorsque je retournais au proche et lointain pays de mon enfance, alors qu'aux crépuscules d'automne s'élevaient, toutes droites dans le ciel, les fumées des brocs de pommes de terre, précédant celles des buissons des prés et que, dans l'air mélancolique, tournoyaient en longs vols, répétant leurs appels, les noirs corbeaux déjà confondus avec le soir. Je les écoutais et rêvais, et j'avais pité d'eux, lorsque je les rencontrais, cloués aux portails des grandes, en compagnie des oreillards et des hulottes. Et pourtant le corbeau, pour ne parler que de lui, bien que messager des ténèbres, n'était-il pas celui de la lumière ? Si rien ne nous autorise à en fait l'attribut du dieu celte, il a pu y avoir rencontre au sommet de cette colline fourvoyée et j'imagine Lug s'étendant ses longs bras vers ces plaines basses qui verraient plus tard se dresser usines et cités comme s'il voulait embrasser tout le paysage à lui consacré, tandis que, perché sur son épaule droite, sentencieux, l'animal approuvait le geste magique. Et s'il poussait toujours le même cri de détresse, n'était-ce pas parce qu'il savait ce que réserve la terre et que la sagesse non plus n'est pas de notre onde, lui qui la possédait toute. Qu'on en fit donc le messager de la mort, je voulais bien, mais à partir du moment seulement où celle-ci devenait libération, et non plus punition. Cet oiseau des couchers, paradoxalement, était celui des aurores, l'emblème d'une cité où, au bout des allées sombres, gravis les obscurs escaliers, on pénétrait en une pièce chaude et claire ; y brillaient les rayons de la vérité aux pages des vieux ouvrages comme au cœur de ses propres méditations. Je serais allé, s'il avait fallu, jusqu'au pays du Nord, pour y rencontrer les deux frères corbeaux Munnin et Hugin, la mémoire et l'esprit, et leurs compagnons les deux loups. Puis je serais revenu ici et j'aurais prouvé que la ville demeure sous le signe de l'humble, honni et bénéfique oiseau noir. Mais le voyage fut inutile et mon adaptation rapide. Même si, les premiers jours de printemps, venu du grand parc voisin, c'était le chant d'un merle que j'entendais. Le règne de Lug dura on ne sait combien de temps, et puis il y avait deux mille années, les fils de la Louve étaient venus du sud, avaient planté leurs enseignes et construit là où nichait l'oiseau noir.

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D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Le corbeau apparaît très souvent dans les légendes celtiques où il joue un rôle prophétique. Le nom de Lyon, Lugdunum, a été ainsi interprété par le Pseudo-Plutarque, se fondant certainement sur des traditions gauloises, en colline du corbeau, et non plus en colline de Lug parce qu'un vol de corbeaux aurait indiqué aux fondateurs l'emplacement où devait se bâtir la ville. En Irlande, la déesse de la guerre, Bodb, porte le nom de la corneille. Le corbeau joue par ailleurs un rôle fondamental dans le récit gallois intitulé Breudwyt Ronabwy, Le Songe de Ronabwy : les corbeaux d'Owein, après avoir été massacrés par les soldats d'Arthur, réagissent violemment et taillent à leur tour en pièces les soldats. Le corbeau est encore très pris en considération par le folklore. Il était un animal sacré chez les Gaulois."

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Selon Philip et Stephanie Carr-Gomm dans L'Oracle des druides, Comment utiliser les animaux sacrés de la tradition druidique (édition originale 1994, traduction française Guy Trédaniel Éditeur 2006), les mots clefs associés au corbeau (bran) sont :

Guérison - Initiation - Protection.


La carte représente un corbeau en hiver, perché sur les branches dénudées d'un hêtre. L'arbre pousse sur l'ancienne colline Blanche où la tête de Bran le Béni fut enterrée. C'est ici que plus tard fut érigée la Tour de Londres.

Le corbeau nous offre l'initiation, la protection et le don de prophétie. Par initiation, nous entendons aussi bien les cérémonies formelles qu'une initiation aux mystères d'un nouveau poste ou métier. Cet oiseau est le signe que quelque chose meurt en donnant naissance à quelque chose de nouveau. Grâce au corbeau, nous pouvons atteindre une guérison profonde en pratiquant ce qu'on peut appeler la "réconciliation des contraires" pour résoudre les conflits enfouis dans notre inconscient ou issus de notre passé.


Renversée, la carte vous invite à prendre conscience des forces de destruction qui vous entourent, dans votre vie personnelle et dans le monde. Bien sûr, nous préférerions tous que la destruction n'existe pas, mais elle est nécessaire à la construction et la création. Le corbeau évoque des aspects obscurs de la vie que nous comprenons difficilement. Nous devons parfois passer par des périodes de désintégration et d'obscurité pour renaître à la lumière d'un jour nouveau et la plupart du temps, notre peur de l'obscurité est pire que ce qui s'y cache. Cette carte signifie que nous devons, avec la protection de la déesse, lutter contre notre instinct de destruction, peut-être enterré en nous depuis des années. Il est possible que nous soyons prêts à réconcilier en nous les contraires et à comprendre que l'obscurité contient la lumière et inversement.

Le Corbeau dans la Tradition

J'étais un jour le corbeau à la parole prophétique

Taliesin

Pendant la seconde guerre mondiale, la Tour de Londres fut détruite sous les bombardements et les corbeaux qui l’habitaient depuis des siècles s'envolèrent. Winston Churchill, initié au druidisme depuis 1908, ordonna immédiatement qu'on les remplace par de jeunes corbeaux qu'on fit venir du nord du pays de Galles et de l’Écosse. Une lecture rapide des contes et légendes parlant du corbeau donnerait à penser que c'est un oiseau de mauvais augure, annonçant la guerre, la mort et la destruction. Mais pour comprendre la réaction de Churchill, nous devons analyser le conte de Bran le Béni. Dans ce conte, le Géant Bran, dont le nom signifie "corbeau" ou "corneille", demande qu'on lui coupe la tête pour l'enterrer au sommet de la Colline Blanche dans la direction de la France. La tête se chargera de protéger le royaume tant qu'elle restera enterrée à cet endroit. Plus tard, lors de la construction de Londres et de la Tour, le pouvoir totémique de la tête du dieu-corbeau protégeant le royaume, fut transféré aux corbeaux vivant dans la Tour. De même que Londres (Caer Llundain), Lyon, en France, eut le corbeau pour totem et les deux villes sont dédiées au dieu Lugh, ou Lud, associé lui-même à cet oiseau. Avant la seconde bataille de Magh Tuiredh, des corbeaux avertirent Lugh, le dieu de la lumière, de l'approche des Fomoriens, ses ennemis. Beowulf, un récit épique en ancien anglais, décrit le corbeau comme l'oiseau du matin, de la joie et de la lumière, aidant Beowulf à remporter la victoire. On dit aussi traditionnellement qu'Arthur serait transformé en corbeau à sa mort et pour cette raison, les habitants du Somerset soulevaient toujours leur chapeau en signe de respect en croisant un corbeau.

Le corbeau avertit les forces de la lumière des menaces et il effraie leurs ennemis : les Celtes portaient l'image d'un corbeau sur leurs armures et on a retrouvé en Roumanie un casque de guerre étonnant : il est surmonté d'une grande silhouette de corbeau dont les ailes, montées sur des charnières, devaient battre lorsque le guerrier courait à l'attaque, effrayant les ennemis ou les distrayant au moment fatal.


"Noir est le corbeau et rapide la flèche de l'arc" Triades


On raconte que les déesses irlandaises de la guerre, Badbh et Morrigan, apparaissaient souvent sur les champs de bataille sous forme de corbeaux, causant la peur et la panique parmi les guerriers - la traduction exacte du nom de leur animal-totem est "corneille mantelée" ou "corneille noire"". Il est certain que cet oiseau et son proche parlent le corbeau, deux nécrophages, devaient être attirés par les champs de bataille. Leur présence signifiait aux deux armées que personne ne sort vainqueur d'une guerre sinon la mort.

Oiseau représentant les caractéristiques divines de la mort, le corbeau ou la corneille symbolise la force de destruction et le catabolisme, nécessaires pour que la vie, la création et l'anabolisme se perpétuent. En raison de notre peur de la mort et des effusions de sang, ainsi que des caractéristiques du corbeau et de la corneille, l'ambiguïté que nous entretenons avec ces aspects naturels mais douloureux de la vie se retrouve dans la tradition qui entoure le corbeau. La peur et le rejet dont le corbeau est l'objet ne sont pas uniquement liés à son association avec la mort mais aussi avec la déesse : des femmes-corbeaux sont mentionnées dans la littérature celtique et arthurienne et il est clair que "les connaissances du corbeau" dont bénéficient les druides venaient d'un don offert aux ovates et aux devins par la déesse pour leur permettre de voir l'avenir et le passé, à travers le voile de la mort.

Oiseau de la mort et de l'Autre Monde, le corbeau était enterré au fond des tombes avec les ailes déployées, comme à Danebury dans le Hampshire. Il y remplissait un rôle de messager entre les deux mondes.


Le Corbeau, oiseau de guérison

Capable de passer d'un monde à l'autre, le corbeau symbolise le processus de guérison provenant d'une confrontation radicale avec l'inconscient, l'ombre et les aspects les plus sombres et les plus dangereux de la psyché. Le lien entre le corbeau et la mort est également un lien avec la profondeur, la psychologie des profondeurs et la force évolutive contenue dans l'initiation qui marque la mort plus ou moins radicale de notre ancienne personnalité et la naissance d'un nouveau Soi.

Ce lien entre le corbeau et la guérison explique qu'on ait représenté l'oiseau dans certains sanctuaires miraculeux du monde celte ainsi que dans l'iconographie romano-celtique où il accompagne les divinités bienfaisantes. Il est d'autant plus fort que le corbeau est l'oiseau des prophéties et de la divination, faisant partie intégrale de l'art du guérisseur. Le corbeau voyageait jusqu'au recoins les plus sombres du Monde des Profondeurs, pour en rapporter des visions et des conseils à l'usage du malade et du guérisseur.

On a depuis des siècles utilisé le corbeau pour rendre des oracles ; les druides irlandais se fiaient à son vol et à ses cris et on disait encore en 1694 dans le Herefordshire qu'un corbeau chuchotait toujours une prophétie trois fois."

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Selon Thierry Jolif, auteur de B. A.- BA Mythologie celtique (Éditions Pardès, 2000), "les corbeaux apparaissent aussi dans le récit mythique des la fondation de Lugdunum, où leur vol est interprété comme un signe favorable. cette histoire semble lier les corbeaux au dieu Lugus, dans son aspect solaire. Il existe un autre texte qui fait mention d'une curieuse pratique juridique. il s'agit d'un texte de Strabon :


"Il y a encore quelque chose de plus fabuleux dans les récits d'Artémidore : c'est l'histoire des corbeaux. Il raconte qu'il y a sur la côte de l'Océan un port dit "des deux corbeaux", qu'on y voyait en effet deux corbeaux ayant l'aile droite blanchâtre, que ceux qui avaient quelque contestation venaient en cet endroit et plaçaient sur un lieu élevé une planche avec des gâteaux dessus, chacun ayant à part les siens, que les oiseaux s'abattant sur ces gâteaux mangeaient les uns et dispersaient les autres, que celui-là était vainqueur, dont les gâteaux avaient été dispersés."


Sans vouloir démesurément extrapoler, nous proposerons à titre de comparaison un passage de la Mundaka Upanishad :


"Deux compagnons aux ailes splendides, ensemble éternellement, perchent sur le même arbre.

L'un se nourrit de fruit délectable. L'autre, sans manger le regarde."


Voici ce qu'en dit le docteur Coomaraswamy :


"Pour celui qui comprend, ces deux oiseaux sont un ; l'iconographie les représente, soit sous la forme d'un oiseau à deux têtes, soit sous la forme de deux oiseaux aux cous entrelacés. mais, de notre point de vue, il y a une grande différence entre la vie de celui qui regarde et de ceux qui participent à l'action. Le premier est sans entraves ; le second, écrasé par la nécessité de manger et de nicher, souffre de son manque de seigneurie (anîsha), jusqu'à ce qu'il aperçoive son Seigneur (îsha), et reconnaisse en Lui et dans Sa majesté son propre Soi, dont les ailes n'ont jamais été rognées."


Jusqu'à quel point la comparaison est-elle valable ? Nous ne pouvons l'étudier en détail ici. Néanmoins, il n'est pas improbable que nous nous trouvions, une fois encore, avec le texte de Strabon, en face d'une image symbolique, mal comprise, ou transmise tardivement. La coutume juridique peut dériver d'un ancien enseignement religieux." (pp. 95-96)


p. 85 : "Le nom d'Atepomaros apparaît dans un autre contexte qui est celui de la fondation de la cité de Lugdunum, "ville de Lugus". L'histoire est rapportée par le Pseudo-Plutarque en ces termes :


"Près de l'Arar se trouve le mont Lugdunus qui changea aussi de nom et pour la raison que voici : Momoros et Atepomaros, chassés par Seroneos, vinrent sur cette colline, d'après l'ordre d'un oracle, pour y bâtir une ville. On creusait des fossés pour les fondations quand, tout à coup, apparurent des corbeaux qui, volant ça et là, couvrirent les arbres des alentours. Momoros, qui était habile dans la science des augures, appela la ville nouvelle Lugdunum. Car, dans leur langue, le corbeau se nomme lougos et un lieu élevé dounon, ainsi que nous l'apprend Clitophon au livre treizième des Fondations."


Voici encore un mythe pris pour de l'histoire, mais, quoi qu'il en soit, Atepomaros n'est pas ici lié à une opération de médecine mais bel et bien à un acte de divination. Le corbeau est un oiseau divin par excellence ; néanmoins, pour l'Irlande, et sans doute pour la Gaule, presque tous les oiseaux sont divins. Si Atepomaros est bien un aspect de l'Apollon gaulois, il semble logique, par comparaison avec l'Apollon classique, qu'il ait eu d'étroits liens avec les oiseaux ; il est tout aussi logique que Lugus fut présent lors de la fondation d'une cité qui lui était consacrée. Par contre, le nom de Momoros, qui reste inexpliqué, ne nous apporte aucun renseignement complémentaire. Nous pouvons juste dégager du texte qu'il fut certainement un druide, et plus certainement un druide mythique sont le rôle fut sans doute celui d'intermédiaire entre le dieu et les fondateurs de la ville."

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Selon Divi Kervella dans Emblèmes et symboles des Bretons et des Celtes (2001),


"contrairement à ce que l'on pourrait croire, le corbeau (bran en breton) est très bien vu dans les sociétés celtiques traditionnelles. C'est un animal solaire et prophétique, guerrier et magique, qui accompagne Lugh, le dieu suprême.

De nombreux noms celtes comportent ce terme de Bran et étaient à l'origine des noms de guerriers.

Le roi Arthur n'est pas mort, il est seulement en "dormition" dans une île d'où ils reviendra un jour pour chasser l'occupant de toutes les Bretagnes. En attendant ce grand jour l'âme du grand roi a pris corps dans un corbeau, et, selon les légendes bretonnes et galloises, c'est sous cette forme qu'il parcourt son territoire. Dans les lois promulguées par le roi gallois Hoel Dda en 998 il est formellement interdit de tuer les corbeaux, l'âme d'Arthur pouvant s'y trouver. On peut également noter qu'en Bretagne continentale un îlot tout proche de l'île d'Aval - où selon la légende dort le roi suprême - s'appelle Enez ar Vran ("l'île du Corbeau"), cet îlot est reconnaissable entre tous grâce à une masse rocheuse caractéristique qui rappelle un donjon, d'où le nom de Kastell (château) qu'on lui donne. Le Gododdin, un texte brittonique archaïque originaire des anciens royaumes bretons du Hen Ogledd (le Vieux Nord - sud de l’Écosse et nord de l'Angleterre actuels), datant des alentours de l'an 600, montre un Arthur nourrisseur de corbeaux.

En Cornouailles insulaire ce rôle est dévolu au crave (Palores en cornique), un corvidé au plumage tout noir mais au bec et aux pattes rouges, élevé au rang de roi des corbeaux à l'île de Man où il porte le titre de "roi aux pieds rouges des corbeaux." Drôle d'oiseau d'ailleurs que ce crave qui ne maintient des effectifs en Europe occidentale que dans les contrées où l'on parle celte !

En Petite Bretagne, le personnage de Gwinglanv/Merlin est accompagné de deux corbeaux. Le jour ils parcourent le monde et tous les soirs ils reviennent vers lui pour lui faire leur rapport.

La corneille, de son côté, est un des noms (Badhbh) de la déesse de la guerre dans la mythologie celtique. Elle peut prendre également l'aspect de cet oiseau.

Le corbeau est également donné comme emblème des navigateurs. On voyait le nom du corbeau dans le nom de grands navigateurs mythiques comme le Bran des récits irlandais qui voyagea jusqu'à l'Autre Monde ou encore du moine Brandan qui fit un voyage similaire. dans la mythologie brittonique le dieu de la mer, Ler, a pour fils Bran le Béni, et pour fille Branwenn, "corbeau blanc" - ce dernier nom est une autre appellation du goéland. Les anciens navigateurs utilisaient des corbeaux pour se repérer. En effet, quand on les relâchait en pleine mer, ils se dirigeaient automatiquement vers la terre la plus proche.

En Bretagne, le corbeau est l'emblème du Groupe ornithologique breton."

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Selon Gilles Wurtz, auteur de Chamanisme celtique, Animaux sauvages et mythiques de nos terres (Éditions Véga 2014),


"Le corbeau est fidèle, pour la vie. Chaque couple s'arroge un territoire qu'il défend.

C'est un oiseau très intelligent : on sait aujourd'hui qu'il a de l'intuition et qu'il peut résoudre des problèmes d'une certaine complexité. Il se sert d'outils, il a réussi le test du miroir et il est également capable d'imitation. Il peut imiter des comportements, des gestes mais aussi des sons de son environnement, et même la voix humaine.

C'est chez les corbeaux que l'on retrouve aussi une des organisations sociales les plus évoluées parmi les oiseaux.

Le corbeau a une certaine conscience de la mort : on a observé des corbeaux qui venaient près d'un congénère mort et y restaient quelques instants en silence avant de s'en aller. Difficile de ne pas voir dans cette attitude un recueillement et un adieu.


Applications chamaniques celtiques de jadis : Le cas du corbeau est révélateur. Si saint Benoît avait un corbeau comme compagnon familier, aujourd'hui, cet oiseau a tout sauf une image positive.

Les Celtes affectionnaient particulièrement le corbeau et lui vouaient un profond respect.

Jadis, il était effectivement lié à la mort, et il avait un rôle bénéfique. Lors de rites funéraires, lorsque les officiants et les participants apercevaient ou entendaient des corbeaux, c'était un excellent présage : l'essence de la Source - l'âme et l'esprit - qui venait de quitter le défunt était prise en charge par les corbeaux qui la conduisaient à la Source. Cet animal était pour nos ancêtres un passeur. Ils l'invoquaient donc durant les rites funéraires et le priaient pour qu'il prenne en charge l'essence du défunt et la guide vers la lumière. En échange, ils lui faisaient des offrandes.

Aujourd'hui, le corbeau a bien mauvaise réputation par chez nous. Sa fonction a été dénaturée et il s'en est retrouvé diabolisé. Certes, il demeure associé à la mort, mas avec une connotation de mauvais augure uniquement.


Applications chamaniques celtiques de nos jours : Grâce à la pratique chamanique celtique, il est possible de faire un travail d'accompagnement d'un défunt pour que son essence rejoigne la lumière de la Source. Il s'agit d'une manière de prier pour une personne roche décédée, afin de l'aider et de l'encourager à aller dans la lumière de la Source. Cette prière, en communion avec l'esprit du corbeau, est directement adressée au défunt. La personne qui prie invite le corbeau à guider le défunt vers la lumière de la Source. Elle peut le rassurer en lui expliquant que l'esprit du corbeau est là pour l'aider à continuer jusqu'à la lumière de la Source. Cela peut apaiser le défunt s'il a peur, il sait ainsi qu'il n'est pas seul, que l'esprit du corbeau le soutient, le guide et le réconforte.

C'est là un petit rituel chamanique très puissant, très bénéfique pour le défunt et pour celui ou celle qui prie. Car ce rituel ne peut avoir d'effet que si la personne qui prie est dans une bienveillance totale. Pour cela, elle doit faire son deuil, elle doit accepter la mort et toutes ses conséquences sur la suite de sa propre vie. Ce petit rituel peut se faire aussi longtemps que l'on en ressent le besoin.


Mot-clef : Le passeur."

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Symbolisme alchimique :


Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


Jamsthaler,Viatorium Spagyricum - Nigredo, 1623.

"Les alchimistes ont toujours associé la phase de la putréfaction et la matière au noir au corbeau. Ils appellent cette dernière Tête du corbeau : elle est lépreuse, et il faut la blanchir, "en la lavant sept fois dans les eaux du Jourdain". Ce sont les inhibitions, sublimations, cohobations ou digestions de la matière, qui se font d'elles-mêmes sous le seul régime du feu. Ainsi se justifie la représentation qui fréquente du noir volatile dans les planches des anciens traités de Sciences hermétiques."

 

D'après Patrick Rivière, auteur de L'Alchimie, science et mystique (Éditions De Vecchi, nouvelle édition augmentée 2013),


"Les Latins le nommaient Phoebeius ales, l'oiseau d'Apollon ou du Soleil. Il désigne très souvent la putréfaction des matières utilisées, en raison de sa couleur d'un noir très intense. Mais, plus subtilement parfois, il est fait allusion à la tête de corbeau (ou du beau corps) - qu'il convient de trancher en opérant la séparation du Mercure - des Philosophes à la fin du Premier Œuvre alchimique. Cette terre déshéritée en apparence, mais très féconde en réalité, se sépare du métal fondu par un simple coup de maillet asséné à la lingotière."

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Symbolisme onirique :


Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),


Ce n'est pas sans raison que la Bible montre Noé, au terme du déluge, confiant à l'oiseau noir, le corbeau, et à l'oiseau blanc, la colombe, la mission d'observation du retrait des eaux. C'est la colombe qui rapporte la bonne nouvelle. Le corbeau était-il déjà, à cette époque, l'oiseau de mauvais augure, de mauvais présage ? Ou cet épisode de la Genèse a-t-il contribué à établir sa réputation négative ? En Inde aussi, le corbeau est le messager de la mort. Les observations recueillies à travers l'étude des rêves ne laissent place à aucun doute : le corbeau est le prototype de l'oiseau noir. La superposition est telle que la traduction séparée des deux images conduirait fatalement à des répétitions abusives. Les corrélations dégagées, relativement peu nombreuses, se répartissent, pour les trois quart d'entre elles sur quatre familles de symboles : les animaux, le corps, les éléments, les personnages. Compagnon habituel de la sorcière, de la Mort, du diable, des vers... le corbeau imaginaire paraît bien disposé à tout faire pour justifier son image d'oiseau maléfique.

La lecture des rêves dans lesquels il apparaît désoriente dans un premier temps la recherche. Des chaînes très spécifiques d’images liées au corbeau se reproduisent d'un patient à l'autre avec assez d'insistance pour imposer la certitude d'un sens latent. Mais la structure de ces scénarios repose sur une trame tellement embrouillée qu'elle paraît défier toute approche du sens. Certes, on y décèle aisément l'idée de la mort, celles de l'hermaphrodisme, du narcissisme, de la castration... mais aucun cheminement logique ne semble aboutir à une interprétation sûre. Une seule clef nous a paru susceptible d'ouvrir un champ de traduction offrant des bases solides : c'est la référence à l'alchimie. Ces rêves, exprimés par des patients dont les scénarios sont habituellement faciles à traduire, mettent en œuvre des images qui correspondent aux figurations des phases du processus alchimique de transformation et qu'aucune autre approche ne permet pas bien de comprendre. Plus que n'importe quel autre peut-être, un rêve éveillé de ce type doit être regardé comme le creuset où sont en œuvre de multiples archétypes, agents actifs de transformation au service d'une dynamique insaisissable.

Des centaines d'écrits alchimistes n'ont pu réaliser une description homogène du Grand Œuvre. L'effort d'élucidation psychologique ne parvient pas encore non plus à établir des lois d'organisation des images concernant certaines phases décisives de la métamorphose. Jusqu'à présent, ce sont les travaux de C. G. Jung qui ont projeté sur ces processus l'éclairage le plus net. Bien du chemin reste à parcourir pour atteindre une connaissance satisfaisante de ce mystérieux cheminement. A ce stade de l'étude du corbeau imaginaire, il est utile d’exposer quelques extraits de rêves. Maryse, au cours de sa trente-troisième séance, vient d'évoquer « une chèvre dont le ventre s'ouvre... ses boyaux tombent... en fait c'est elle-même, reliée à son propre ventre... avec elle, un cornet d'or est tombé... ça fait maintenant un grand tas d'or... » Maryse poursuit : « … Ah non !... C'est Maître Corbeau... perché là-haut sur un pic... et c'est maintenant un aigle qui vient dans son nid... un aigle très beau... c'est une femelle... elle protège ses œufs... l'un d'eux éclot... il en sort un petit canard, en fait c'est moi ! Je suis un canard tout jaune... […] Maintenant, le canard est mort... il y a de l'orage... l'aigle, c'est un mâle maintenant... j'ai vu aussi un ange, dans le ciel... »

Le vingt-deuxième scénario de Jérôme résonne comme un écho de ces images : « … Une sorcière... près de la momie... maintenant je suis un jeune chef indien... je suis androgyne... j'ai le ventre ballonné par ce que je suis enceinte... le chef indien... c'est mon père... c'est mon mari [rire]... j'accouche d'un... sexe masculin :... […] Maintenant, je suis Osiris... je suis un dieu-aigle égyptien... mais ses pieds sont palmés... des palmes de canard !... Jaunes... c'est ridicule !... Il va vers ne nuée d'or... le jeune chef indien fait couler du métal... de l'argent et de l'or... maintenant, Osiris est un corbeau qui va la tête basse, plumes basses... » D'autres rêves montrent des enchaînements de même nature, aussi désordonnées en apparence, aussi constants dans les évocations. Hermès-Mercurius, l'agent transformant des alchimistes, possède la double nature, qui le rattache à ce qui est le plus bas, la matière primordiale et à ce qui est le plus haut, la pierre philosophale. « A la fois dieu chtonien de révélation et esprit du vif-argent, écrit C. G. Jung, Hermès-Mercurius est représenté sous les traits d'un hermaphrodite, les pieds posés sur le soleil et la lune, en rapport avec l'or et l'argent. »

Un regard orienté par la volonté d'interprétation psychanalytique n'aura aucune difficulté à déceler, dans les séquences exposées, des dispositions narcissiques (l'or et l'auto-enfantement), des tendances homosexuelles liées au rapport aux images parentales (les pieds palmés, le père-mari, l'affirmation d'androgynie). Pourtant, considérés chacun dans sa totalité, ces rêves très longs n'autorisent pas à donner à l'une de ces orientations une valeur dominante. Bien d'autres symboles, au contraire, viennent compléter la série des images en correspondance avec l'univers alchimiste. L'aigle, c'est le mercure, dans sa signification du stade le plus élevé, du but à atteindre, de l'or solaire. Le corbeau, c'est le mercure représentant la matière originelle, la materia prima, la nigredo, l’œuvre au noir : le commencement du processus de transformation. Une corrélation constante apparaît dans les rêves avec le corbeau : le couple de couleurs noir et jaune. Chaque patient trouve des images différentes, parfois profondément originales, pour exprimer ce rapprochement du noir et du jaune auprès du corbeau. Le jaune, la citrinitas, était à l'origine le troisième stade du processus alchimique. S'il a peu à peu disparu des écrits postérieurs au XIVe siècle, il semble resté très présent, en tant qu'archétype inscrit dans la psyché collective contemporaine. L'aigle, le corbeau, le canard, le phœnix, le vautour, sont, du point de vue de l’œuvre, interchangeables dans la représentation de l'élément aérien, de l'esprit de renaissance qui préside à l'accomplissement. Cela jette sur la relation étroite que l'on observe entre le corbeau et la mort une lumière nouvelle, lumière qui s'étend jusqu'au baiser de mort auquel je fais référence dans l'article relatif au bec. La première phase de l’œuvre, la nigredo, consiste à agir sur la matière originelle, la matière « vile », pour la transformer progressivement jusqu'au but ultime : la pierre philosophale. On ne peut que suivre C. G. Jung lorsqu'il voit dans ce cheminement une projection de la réalisation du processus d'individuation.

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Le corbeau est un indice de début d'un cycle de transformation profonde. La première phase de l’œuvre alchimique, c'est la décomposition (solutio, separatio, divisio, putrefactio), donc la mort de ce qui était. L'aigle ou son synonyme le phœnix renaîtront des cendres de cette disparition. Une brève séquence d'un autre rêve de Maryse illustrera cette affirmation : « … un vent fort secoue les branches... il me vient un souvenir : un corbeau était venu droit sur moi... il tombait... il est allé mourir dans l'herbe à côté de moi !... Là... je vois une branche morte... un oiseau qui fonce dans l'air, qui s'élève... c'est un grand oiseau rouge... c'est le phœnix... » Maryse n'avait, à l'époque où elle fit ce rêve, aucune connaissance du sens de ces symboles. Le grand oiseau rouge, le phœnix, est une image rare dans le rêve éveillé. Sa présence, à l’instant précis où revient le souvenir du corbeau mort est un témoignage saisissant de la relation alchimie-inconscient. Après de telles images, il nous semble tout à fait vain de nous interroger sur le caractère positif ou négatif du corbeau imaginaire ! Il peut bien accompagner la Mort dans ses œuvres de dissolution, la sorcière dans ses pratiques ténébreuses, la foudre dans sa brutalité destructrice... ces forces-là ne menacent pas l'être ! Elles sont des agents d'activation d'un processus de renaissance. Le corbeau, l'oiseau noir, n'est peut-être alors un oiseau de mauvais présage que pour celui dont les résistances à la transformation sont encore intactes, qui se crispe sur la défense de l'image figée qu'il se fait de lui-même et qu'il apprécie comme la seule cohérence possible.

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Littérature :


Dans Eugénie Grandet (1834), Honoré de Balzac brosse le portrait d'un avare de province particulièrement mesquin qui économise sur tous les produits de première nécessité :


- Faudra que j'aille à la boucherie.

- Pas du tout, tu nous feras du bouillon de volaille, les fermiers ne t'en laisseront pas chômer ! Mais je vais dire à Cornoiller de me tuer des corbeaux. Ce gibier-là donne le meilleur bouillon de la terre.

- C'est-y vrai, monsieur, que ça mange les morts ?

- Tu es bête, Nanon ! Ils mangent, comme tout le monde, ce qu'ils trouvent. Est-ce que nous ne vivons pas des morts ? Qu'est-ce donc que les successions ?"

 

Le Corbeau, (1845) d'Edgar Allan Poe, traduit par Baudelaire et Mallarmé.

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Les Corbeaux


Seigneur, quand froide est la prairie, Quand dans les hameaux abattus, Les longs angelus se sont tus Sur la nature défleurie, Faites s’abattre des grands cieux Les chers corbeaux délicieux.


Armée étrange aux cris sévères, Les vents froids attaquent vos nids ! Vous, le long des fleuves jaunis, Sur les routes aux vieux calvaires, Sur les fossés et sur les trous, Dispersez-vous, ralliez-vous !


Par milliers, sur les champs de France, Où dorment les morts d’avant-hier, Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver, Pour que chaque passant repense ! Sois donc le crieur du devoir, Ô notre funèbre oiseau noir !


Mais, saints du ciel, en haut du chêne, Mât perdu dans le soir charmé, Laissez les fauvettes de mai Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne, Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir, La défaite sans avenir.

Arthur Rimbaud, "Les Corbeaux" (1872) in Poésies.

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Jules Renard propose dans ses Histoires naturelles (1874) des historiettes qui mettent en scène les animaux les plus familiers de nos campagnes :

Le corbeau


I

L'accent grave sur le sillon.


II

« Quoi ? quoi ? Quoi ?

- Rien. »


III

Les corbeaux passent sous un ciel bleu et sans couture. Tout à coup l’un d’eux, qui est en tête, ralentit, et trace un grand cercle. Les autres tournent derrière lui. Ils semblent danser une ronde par ennui de la route, et faire des grâces avec leurs ailes tendues comme les plis d’une jupe.


... Un corbeau

Tout à l’heure annonçait malheur à quelque oiseau.

J’ai pris mon fusil et tué le corbeau.

Il ne s’était pas trompé.

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Dans Regain (1930) de Jean Giono, Panturle est un personnage en osmose complète avec sa terre d'Aubignane :


"Maintenant que voilà déjà six longs sillons alignés côte à côte, il y a au-dessus du champ une vapeur comme d'un brasier d'herbe. C'est monté dans le jour clair et ça s'est mis à luire dans le soleil comme une colonne de neige. Et ça a dit aux grands corbeaux qui dormaient en volant sur le vent du plateau : "C'est là qu'on laboure, il y a la vermine." Alors ils sont tous venus, d'abord l'un après l'autre en s'appelant à pleine gorge, puis par paquets, comme de grandes feuilles emportées par le vent. Ils sont là autour de Panturle, à flotter dans l'air épais comme des débris de bois autour d'une barque."

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque cet oiseau :

19 décembre

(Le Tremblay)

[...] Charbons éteints

Sur les bouleaux nus

Corbeaux freux

[...] 16 janvier

(La Turbie)


Deux grands corbeaux s'inscrivent dans le ciel net (queues en losanges, des doigts de plumes aux ailes). La lumière de la Méditerranée jette du plomb sur leur livrée ; la falaise grise répond à ces reflets subtils. Ils passent, immenses comme des aigles, silencieux comme des chevaliers noirs. Songe gothique.

Si les Bororos sont des araras, je suis un grand corbeau.

[...] 28 janvier

(Saint-Genix-sur-Guiers)

Bruegel a peint ces longs corbeaux sur les noyers de la plaine...

On éprouve une jouissance esthétique supérieure à saisir, dans une scène actuelle, ce qu'un artiste a vu ailleurs, à une autre époque,. Ces contrepoints d'émotion constituent la meilleure motivation qu'on puisse avoir de composer une toile, un texte ou de la musique. Lorsque je lis Bashô, je découvre ce que j'écrirais si j'égalais l'idéal de moi-même. Et c'est l'éternité.

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