La Vulnéraire
- Anne
- 24 sept. 2022
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 mars
Étymologie :
VULNÉRAIRE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. A. Adj. 1539 « qui guérit les blessures (médicaments, plantes) » (J. Canappe, 3e Livre de la Méthode Thérapeutique cité par Chauvelot ds Fr. mod. t. 19, p. 200) ; spéc. 1697 eau vulnéraire (J.-F. Regnard, Le Joueur, p. 214). B. Subst. 1. a) 1694 « médicament qu'on appliquait sur les plaies » (Ac.) ; spéc. 1765 vulneraires de suisse (Encyclop. t. 17) ; 1824 vulneraire Suisse (Nysten) ; b) 1891 p. ext. « cordial, vin » (Méténier, Lutte pour amour, p. 30) ; 2. 1694 subst. fém. bot. (Tournefort Bot. t. 1, p. 311). Empr. au lat. vulnerarius « relatif aux blessures », dér. de vulnerare « blesser ».
Lire également la définition du nom vulnéraire afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Anthyllis montana - Anthyllide des montagnes - Vulnéraire des montagnes -
Anthyllis vulneraria - Anthyllide vulnéraire - Crête de poulet (Savoie) - Thé des Alpes - Trèfle des sables - Trèfle jaune - Triolet - Vulnéraire -
*
*
M. Costagliola et B. Atiyeh, auteurs de "Vulnérologie : un néologisme pour magnifier le concept « plaies et cicatrisation »." (In : Annals of Burns and Fire Disasters, 2016, vol. 29, no 2, pp. 151) explicitent l'origine du nom scientifique de la crête-de-poulet :
« Blessure » se dit en latin « vulnus, vulneris », « vulnerare » est la traduction du verbe « blesser ». Cette racine vient du grec « oulé », plaie ou cicatrice qui a donné en latin « volnus » puis « vulnus ». « Vulneraris » rassemble tout ce qui est relatif aux blessures. Il a donné « vulnérable », que tout le monde connaît et « vulnéraire », moins connu. Ce dernier terme qualifie une action ou une substance qui concourt à guérir une plaie (Larousse). La vulnéraire (Anthyllis vulneraria) est une plante favorisant la cicatrisation. C’est une plante herbacée à fleurs jaunes et le dictionnaire des plantes médicinales du monde nous apprend qu’elle se développe sur les prés secs du littoral et des régions d’altitude moyenne, qu’elle affectionne le calcaire, les pelouses, les talus et les falaises marines. Elle est de la famille des papilionacées, dont l’aspect de la corolle rappelle un papillon avec ses 4 ailes et sa carène (5 pétales). Elle est du genre Anthyllis et de l’espèce vulneraria (il existe en effet une Anthyllis montana et une Anthyllis tetraphila). L’origine « d’anthylis » ou « anthylide » est doublement grecque : « anthos » fleur et « ioules » duvet, à cause du calice chevelu. C’est par empirisme que les paysans ont découvert ses propriétés vulnéraires. Elle est encore appelée trèfle jaune ou thé des Alpes. Riche en tanins, elle est utilisée comme remède populaire sous forme de cataplasmes et d’onguents et a également une action sur la « paresse de l’estomac et de l’intestin » (purgatif).
*
*
Botanique :
Mme Rivière-Sestier présente l'Anthyllide vulnéaire dans un articl eintitulé "En Haut-Dauphiné : Botanique et remèdes populaires." (In : Bulletin de la Société Botanique de France, 1963, vol. 110, no sup2, pp. 159-176) :
L'Anthyllis Vulneraria est une Papilionacée que l'on appelle suivant les régions et suivant l'usage que l'on en fait « vulnéraire » ou « Thé des Alpes ». Elle entrait dans la composition des « Thés Suisses » et des Falltrancks.
L'A. Vulneraria est très répandue et on la trouve souvent en abondance jusqu'à 3.000 mètres, sur les pentes rocailleuses et dans les alpages ensoleillés. M. Bil.EISTROFFER remarque qu' « il en existe de nombreuses sous-espèces, dont certaines sont spéciales aux Alpes, comme le ssp. vulnerarioides, des alentours du Mont Cenis ».
C'est une plante herbacée, aux feuilles formées par trois à six paires de folioles, mais dont la foliole terminale est beaucoup plus grande. Les fleurs sont parfois blanches, souvent jaunes, ou panachées de jaune et de rouge. Leur calice est fortement velu. L'Anthyllis Vullneraria est le « vulneraria rustica » des anciennes pharmacopées. On s'en servait alors pour guérir les contusions et les blessures. VILLARS constate que ce nom de vulnéraire lui a été donné ù cause de ses vertus, mais il doute de sa réelle efficacité en se basant sur Je fait qu'il est très recherché par les moutons, ce qui pour lui n'est pas un signe d'une grande action curative.
*
Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de l'Anthyllide vulnéraire :
Usages Médicaux - On attribue à cette plante des propriétés astringentes et vulnéraires. Pilée, appliquée en topique et prise en décoction aqueuse, on la considère dans les campagnes comme propre à cicatriser les plaies, à résoudre les contusions et à prévenir les suites des chutes et des commotions (Cazin).
Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
On applique aussi sur les plaies récentes les feuilles écrasées des plantes suivantes : [...] de la creta de polet, Anthyllis vulneraria, etc. dans les basses montagnes et les vallées.
*
*
Laurence Moulinier, autrice d'un article intitulé "Hildegarde de Bingen, les plantes médicinales et le jugement de la postérité : pour une mise en perspective". (In : Les plantes médicinales chez Hildegarde de Bingen, Oct 1993, Gent, Belgique. pp. 61-75.) cite la Vulnéraire comme plante incontournable :
La critique ne s’y est de fait pas trompée, et si Hildegarde a été saluée dès le début de ce siècle comme la “première naturaliste”, voire comme la première “femme‐médecin” d’Allemagne, c’est entre autres à cause de ses observations sur les plantes, dont la justesse s’est vue souvent confirmée par la pharmacologie actuelle.
Elle a certes pu être guidée à travers le foisonnement du végétal par le nom des choses, et Hildegarde attribue à certains simples des vertus médicinales que leur nom même, latin ou germanique, indiquait clairement, et qui se retrouvent dans leurs appellations actuelles : la vulnéraire (Anthyllis vulneraria L.), qui apparaît ici sous son équivalent allemand de Wuntwurtz, peut soigner selon elle toutes sortes d’ulcères, taches de la peau et plaies, y compris celles du bétail et de fait, la phytothérapie l’utilise pour la cicatrisation de certaines plaies, les plaies atones, suppurantes comme les panaris. Hildegarde elle‐même a conscience que la vulnéraire ne vaut pas contre tous les types de plaies, puisqu’elle précise qu’en cas de blessure par le fer, l’application de vulnéraire risque de ne guérir que la partie superficielle de la peau et de “repousser le mal à l’intérieur” : “en effet”, explique‐t‐elle, “elle guérit rapidement les ulcères extérieurs et fait ainsi du mal à l’intérieur, si cet intérieur n’est pas soigné auparavant avec de bons arômes et de puissants onguents”.
*
*
Usages traditionnels :
Dans l'Atlas des plantes de France utiles, nuisibles et ornementales : 400 planches coloriées représentant 450 plantes communes, avec de nombreuses fig. de détail et un texte explicatif des propriétés des plantes, de leurs usages et applications en médecine, agriculture, horticulture, dans l'industrie, l'économie domestique, etc. (Éditions Klincksieck, 1891) de Amédée Masclef on peut lire que :
L'Anthyllide Vulnéraire est :
utile. — C'est une excellente plante fourragère que les animaux broutent très volontiers ; on la sème souvent dans les prairies artificielles. En médecine populaire, elle jouit d'une grande vogue comme vulnéraire pour cicatriser les plaies ; on l'emploie ordinairement pilée.
*
*
Pierre Le Hir, auteur d'un article intitulé "Dans un ancien bassin minier du Gard, des plantes dévoreuses de métaux toxiques" (publié le 15 janvier 2013 sur Le Monde.fr) :
A Saint-Laurent-le-Minier, des chercheurs du CNRS de Montpellier testent une filière verte de décontamination des sols.
REPORTAGE. Alignées au cordeau comme des rangées de laitues, les jeunes pousses feraient croire à un jardin potager. Au printemps, quand elles se seront épanouies au soleil du Midi, elles se couvriront de fleurs blanches, jaunes et mauves… Ces plantes n'ont pourtant rien de comestible ni de décoratif. Elles poussent sur une argile stérile gorgée de métaux toxiques : un ancien bassin de décantation du minerai exploité, depuis l'époque gallo-romaine jusqu'en 1992, sur la commune gardoise de Saint-Laurent-le-Minier. Les taux de zinc, de plomb et de cadmium y sont de 500 à 850 fois supérieurs aux normes européennes.
Aucune végétation ne résiste à un tel concentré de poisons, excepté trois espèces locales qui ont adopté une extraordinaire stratégie de survie : elles aspirent par leurs racines les métaux toxiques, qu'elles stockent, pour les neutraliser, dans des cavités (les vacuoles) de leurs feuilles.
Ce ne sont pas non plus des maraîchers qui les cultivent, mais des chercheurs du Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) du CNRS de Montpellier. Ils expérimentent ici une méthode écologique de décontamination des sols par phytoextraction.
CATALYSEURS À MULTIPLES APPLICATIONS INDUSTRIELLES
"Les exploitations minières intensives et les activités industrielles métallurgiques sont à l'origine d'une forte pollution des sols, par des métaux lourds qui sont parmi les plus nocifs et ne sont pas biodégradables", explique la chimiste Claude Grison, professeur à l'université Montpellier-II, qui dirige le programme. Sur l'ancien gisement minier, d'où le vent et les pluies dispersent les poussières toxiques dans l'environnement, les cultures sont interdites. Deux enfants du voisinage sont atteints de saturnisme. Plus généralement, les polluants métalliques ont des effets délétères sur le système nerveux, les reins, les poumons et les tissus osseux.
D'où les espoirs suscités par les trois variétés de plantes "hyperaccumulatrices" de métaux lourds, dites aussi "métallophytes" : Noccaea caerulescens, Anthyllis vulneraria et Iberis intermedia. Celles-ci sont capables de piéger dans leurs feuilles des quantités phénoménales d'éléments métalliques, atteignant 7 % à 8 % de leur masse sèche. "Une folie végétale et chimique", commente la chercheuse.
L'équipe a d'abord transplanté, à l'été 2012, 7 000 plantes cultivées dans les serres du laboratoire montpelliérain. Puis, à l'automne, elle a testé le semis direct. Elle espère pouvoir, d'ici un an, couvrir l'ensemble du site avec des plantes dévoreuses de métaux. Mais, reconnaît Claude Grison, "il faudrait sans doute plus de cinquante ans pour tout éliminer".
Des essais de phytoextraction ont déjà été menés sur de nombreux bassins miniers. Le laboratoire de Montpellier collabore à des programmes de recherche en Nouvelle-Calédonie, en Chine, bientôt au Gabon. D'autres sont réalisés sur des terrains naturellement riches en métaux lourds en Grèce, en Turquie ou en Albanie. Mais ils n'ont jamais conduit à une technique de réhabilitation des sols utilisable à grande échelle. Car, jusqu'à présent, aucun débouché n'a été trouvé pour les végétaux contaminés, qui se transforment eux-mêmes en déchets toxiques.
Les chercheurs du CNRS pourraient être les premiers à lever cet obstacle. Ils ont découvert que les métaux emmagasinés par les feuilles, une fois extraits par séchage et convertis en poudres, peuvent servir de catalyseurs pour de multiples applications industrielles. Comme la synthèse de médicaments (anticancéreux, antiviraux, anti-inflammatoires, antipaludéens…), de molécules aromatiques pour les cosmétiques et l'alimentation, ou d'intermédiaires clés de l'industrie chimique.
"RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES SOLS ET CHIMIE VERTE" : Ces catalyseurs verts, assurent les scientifiques, permettent des réactions plus efficaces, plus rapides et plus complexes que leurs équivalents classiques. Une alternative d'autant plus intéressante que beaucoup de réactifs actuels, très polluants, sont visés par la réglementation européenne Reach sur les produits chimiques. Et que les ressources mondiales en métaux comme le zinc, le cobalt, le nickel ou le manganèse se raréfient.
En éprouvette, plus de 300 molécules ont déjà été produites de la sorte. Quatre brevets ont été déposés. Et des tests sont en cours chez des industriels. S'ils aboutissent, ils pourraient donner naissance, prédit Claude Grison, à "une nouvelle filière associant restauration écologique des sols et chimie verte". Et recycler des déchets toxiques en matière première valorisable, dans une forme d'économie circulaire.
Une PME de l'Hérault, Valorhiz, spécialisée dans la valorisation biologique des territoires, participe à ce programme soutenu par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Union européenne, la région Languedoc-Roussillon et la commune de Saint-Laurent-le-Minier, qui a racheté le terrain.
Pour ce village "qui se meurt", selon Daniel Favas, adjoint au maire chargé du développement durable – la population a chuté de 1 100 habitants lors de l'exploitation minière à 360 aujourd'hui –, il s'agit de tourner la page et de se donner "une nouvelle image". Au-delà, pour tous les sites industriels et miniers durablement contaminés, la phytoextraction pourrait devenir une phytothérapie.
*
*