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La Rave

Dernière mise à jour : 6 oct.




Étymologie :


Étymol. et Hist. Ca 1195 [ms. fin xiiie s.] vivre de pain et de rabes (Ambroise, Guerre sainte, éd. G. Paris, 10096 [:ábes]) ; 1322 fr.-prov. rave (d'apr. Bl.-W.1-5) ; ca 1393 raves (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 121, 36). Rave est une forme fr-prov. (on notera aussi dès le xiiie s. a. liég. rave, influencé par la forme liég. rape) corresp. à l'a. fr. reve (xiie s., Gloss. Tours, éd. L. Delisle ds Bibl. Éc. Chartes, 6esérie, t. 5, p. 331 ; survit en Nivernais, Champagne et Franche-Comté, v. FEW t. 10, p. 69b), issu du lat. rapa, plur. du subst. neutre rapum « rave, navet », empl. comme fém. sing. (Celse, Columelle, André, Bot., p. 270). La forme rabe est d'orig. mérid. (a. prov. raba 1233-35, Peire de La Mula ds Rayn.), peut-être parce que cette racine constituait au Moy.-Âge la principale nourriture des habitants du Limousin et de l'Auvergne (G. Paris, éd. citée, p. XXXVIII). Rave « navet » a pu être confondu avec rave « radis » (fin xie s. judéo-fr. rafne, Gl. de Raschi, éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 869 ; xiie s. ravene, Gloss. de Tours, ibid. ; ca 1200 rabe, Jean Bodel, Saisnes, éd. F. Menzel et E. Stengel, 4572 [forme d'orig. mérid.] ; ca 1223 raffle, Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, 2 Mir 12, 184 ; 1530 rave, Palsgr., p. 260b encore noté par Ac. 1878 ; 1600 rave douce O. de Serres, Théâtre d'agric., Genève, M. Berjon, 1611, p. 633), issu du lat. raphanus « raifort, radis » (André Bot., p. 270). Deux procédés ont contribué à lever l'ambiguïté entre rave « navet » et rave « radis »: l'empl., pour désigner ce dernier, de nombreux dér. (FEW t. 10, pp. 64a-65b), d'autre part, l'empr. à l'ital. du mot radis*.


Lire également la définition du nom rave afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Brassica rapa -  Chou-rave - Grosse rave - Navet potager - Rabe - Rabette - Rabioule - Rabiole - Rape - Rave - Rabidouille - Ravette - Robou - Turnep -

Apium graevolens - Céleri-rave -

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Botanique :


Rave n'a pas de signification précise en botanique. En effet, d'après Wikipedia :


L'utilisation du mot rave seul, trop imprécis, tombe aujourd'hui en désuétude en dehors des domaines historique et littéraire mais Il rentre encore dans la formation de noms composés :

  • betterave - Beta vulgaris

  • chou-rave

  • brocoli-rave

  • céleri-rave - Apium graveolens

  • radis-raves : variétés de radis longs et pointus,


et de noms de variétés :

  • Rave d'Auvergne hâtive à collet rouge : variété de navet légume

  • Rave d'Auvergne : variété de navet fourrager

  • Rave du Limousin : variété de navet fourrager

  • Rave d'automne : certaines variétés de navet en Suisse

  • Radis-rave d'Amiens

  • Céleri-rave d'Erfurt.

 

Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description de Brassica rapa :


Nom scientifique : Selon l’opinion d’André (2010 : 37), le lat. BRASSICA, -AE « chou » est d’origine pré-indo-européenne et il semble avoir des correspondances avec l’irl. braissech, le gall. bresych et le sr. bróskva, mais l’étymon demeure inconnu (DELL : 75). L’origine du lat. RAPA < lat. RĀPUM, -I (RĀPA, -AE f.) « rave » est également inconnue : défini comme un mot ancien, usuel et pan-roman, on trouve des correspondances en irl. ráibe et germ. rape (DELL : 564).


Description botanique : La rave est caractérisée par deux types de feuilles : celles radicales sont hérissées de poils raides, en forme de plume dont le limbe est divisé en segments, tandis que celles supérieures sont glabres, glauques et elles embrassent la partie de la tige d’où elles sortent. Les fleurs sont d’un jaune d’or et elles sont rapprochées au moment de la floraison. La rave a des capsules fructifères (les siliques) ascendantes et une racine grêle (Pignatti, 1982, I : 471).

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Usages traditionnels :


Robert Fritsch, dans sa préface à la réédition de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) du médecin-botaniste Alfred Chabert nous apprend que :


La pomme de terre, par exemple, fut introduite au fond des vallées de Savoie assez tardivement, à la fin du XVIIIe ou au seuil du XIXe siècle. De quoi se nourrissait-on avant elle, du moins comme équivalent ? La réponse locale pour la Savoie serait la rave, ce qui a même valu le sobriquet de mangeurs de raves aux savoyards de jadis.

 

Dans La Cuisine paysanne de Savoie : La Vie des fermes et des chalets racontés par une enfant du pays (Éditions La Fontaine de Siloé, 2004), Marie-Thérèse Hermann rapporte d'ailleurs un dicton qui confirme cette hypothèse :


« Ut ederent rapas, / Sabaudii de nocte surgerent » : Pour manger des raves, / Les Savoyards se relèveraient la nuit.

Dicton de la Sorbonne.

[...]

Si les Français sont traités de « mangeurs d'escargots » par leurs voisins britanniques, les Savoyards furent indifféremment appelés autrefois « patata » par les Piémontais et « piqua rava » par les Genevois. Juste retour des choses : ne traitent-ils pas eux-mêmes les premiers de « pioulets » ou « castapianes » et les seconds de « corniauds » ou « pique-meûrons » ? (Allusion au fait que « les Suisses » - traduisez « Genevois » - sont considérés par les Savoyards comme des pilleurs de toute nature : mûres, d'où « pique-meûrons », champignons, escargots, oignons de fleurs, et j'en passe...). Ce terme de « piqua rava » n'est d'ailleurs pas, à mon avis, une injure car il ne signifie pas que nous allons « piquer » les raves des autres, mais que nous sommes grands amateurs des nôtres. On dit aussi de nous que nous aimons tellement les raves que nous n'avons pas pu faire autrement que de les mettre sur nos clochers : ceci est une allusion à l'aspect, si je peux dire, rapiforme, des clochers à bulbes qui ornent la plupart des églises de la Savoie du Nord.

La rave est d'ailleurs un légume très sympathique et incontestablement esthétique d'aspect : forme arrondie et pleine, teint coloré mi-mauve mi-blanc, rien de comparable avec le pâle et maigre navet. Mais en Savoie, on appelle également rave ce dernier, dont le goût est bien moins prononcé. Celui de la rave est plus puissant, mais fin malgré tout : mettez une petite rave dans votre soupe, elle donnera du caractère aux autres légumes. Et puis, comme le disait ma grand-mère, « les raves, c'est bon pour la mémoire ! »

[...]

Les raves à peau grise étaient utilisées de curieuse façon dans les Bauges - et peut-être également dans d'autres régions. On les lavait soigneusement et on les épluchait en rond en formant des rubans avec la peau. Avec une aiguille, on passait un fil solide dans les rubans de peau, exactement comme on le fait pour les champignons ou les haricots verts, quand on veut les faire sécher : cela forme comme des guirlandes que l'on suspend aux solives du plafond ou au galetas, dans un endroit assez aéré et sec. Quand ces  « peaux de raves » sont sèches, on les emploie de la même façon que les champignons séchés dont elles ont, paraît-il, le goût, dans une daube par exemple.

A Saint-Pierre-de-Curtille, on utilise de la même manière les peaux des raves violettes et blanches. Une fois sèches, on les fait tremper et on les cuit à l'eau. Puis, on les passe au beurre, à la poêle, on casse des œufs en omelette par-dessus, et on y ajoute une larme de vinaigre.

En bas Chablais, on coupe en rondelles fines des raves lavées, mais non épluchées. On enfile ces rondelles sur des fils à l'aide d'un carrelet (grosse aiguille), de la même manière que les peaux de raves beaujues ci-avant, et on les fait sécher de même, au-dessus du fourneau ou au galetas. Quand on veut les utiliser en plat, on les met à tremper pendant quelques heures. Puis on les sèche et on les fait frire à la poêle dans de l'huile (autrefois colza ou œillette). A Thônes, on fait aussi des fricassées de raves, avec le légume frais et épluché. Dans les deux cas, on peut améliorer le plat en cassant des œufs en omelette par-dessus la fricassée, quand celle-ci est presque achevée.

 

Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes :


Propriétés et utilisation : Pline classe la rave parmi les choux sauvages en l’appelant « lapsana » et en la rapprochant morphologiquement de la moutarde ; il conseille de la consommer cuite pour dégonfler le ventre (HN, XX, 96). Sur tout le territoire italien, y compris dans les communautés arbëreshe, ainsi que dans le nord de l’Albanie, la rave est l’un des légumes sauvages les plus appréciés pour l’alimentation humaine (Pieroni et al., 2002a : 168 ; Pieroni, 2008 : 1201). En médecine populaire, la rave a des propriétés laxatives, diurétiques, galactagogues et est très efficace pour le traitement de la coqueluche, de la toux, des calculs biliaires, du mal de gorge, du rhume, du diabète, des engelures, des infections cutanées et des rhumatismes (Guarrera, 2006 : 69).

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


A Valenciennes, si on ne peut parvenir à avoir des raves dans un jardin, il faut attendre le Vendredi saint pour les semer.

[...] Dans le Bas-Quercy, tes raves pour devenir très belles doivent être également semées par quelqu'un qui présente cette particularité. [avoir la tête forte]

[...] En Limousin, on croit être assuré que les raves surabonderont à la récolte si au Carnaval on fait neuf fois le tour de la pièce où elles sont.

[...] La consultation par la pelure est le, plus ordinairement pratiquée avec celle d'un fruit d'arbre ; maison emploie aussi celle de racines comestibles. Dans la Suisse romande, la veillée de Noël, pour connaître la personne que l'on épousera, on jette par dessus sa tête avec la main gauche, une pelure de rave que l'on a pu faire tout d'une pièce ; la lettre que la pelure figurera donnera la réponse.

 

Paul Dufournet recense des "Proverbes, dictons et locutions recueillis à Bassy et à Challonges (Haute-Savoie)". (In : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1/1973. pp. 7-21) :


Savoiâ picà la râvâ — France picà l'éçhevè. (B.)

Savoyard mange la rave — Français mange l'éçhevè = fane des raves, des carottes et des betteraves.

Ainsi s'interpelaient les Français et les Savoyards de part et d'autre du Rhône, peut-être depuis le traité de Lyon en 1601 qui les avait séparés. Était encore d'usage dix ans après l'Annexion à Bassy lorsque les gens travaillaient aux vignes sous l'église. On disait :

Savoià pëcà la râvâ — Piémontè, pêcà l'échvé.

Can la râvâ serà pécâ — L'Piémontè sarà crévâ (D.S.)

Ce qui donne bien le ton des rapports de voisinage.

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Dans La Cuisine paysanne de Savoie : La Vie des fermes et des chalets racontés par une enfant du pays (Éditions La Fontaine de Siloé, 2004), Marie-Thérèse Hermann relève différents dictons et proverbes :


Le collège dirigé par les Jésuites, à Mélan, près de Taninges (Faucigny) était fréquenté par des élèves français et savoyards. D'après C. Buttin, on fit le distique suivant dont la première partie était composée par les Français et la deuxième par les Savoyards :

« Tempore raporum gaudet Sapaudia felix. - Ranae si desint, Gallia fame perit. », que l'on peut traduire à peu près par : « Le Savoyard se réjouit de l'époque des raves. - Si les grenouilles venaient à manquer, le Frnaçis périrait de faim. »

« Savoia , pëca la râva, Piémonté, pëca l'échevé. Can la râva séra pécâ, l'Piémonté sara crèvâ. »

« Savoyard, pique (mange) les raves, Piémontais, pique les fanes. Quand la rave sera mangée, le Piémontais sera crevé. »


Proverbes : « Y è t ü pe mâ toer de la mézó ki fó fore wonyi la grana de rova » : « C'est au plus menteur de la maison qu'il faut faire semer la graine de rave », se dit en plaisantant à celui que l'on voit en train de faire cette opération.

« Lé fëne, avan d'se mariâ, y arasterian on stêne ; on couq'é san mariâ, è-t' a pan-na s'y arasterian na rava  » : « Les femmes, avant de se marier, elles arracheraient un chêne ; dès qu'elles sont mariées, c'est à peine si elles arracheraient une rave ! »


Comptine : « Pash féta. Rova kwéta. Trata su pè la déféta »

Accord fait : Rave cuite. Trente sous pour le dédit.


Interjections : « Rave ! » : Zut ! -  « Une rave ! » : Tu peux toujours y compter !


Remède pour le mal de dent : il faut se mettre devant le fourneau, les pieds sur la « brasière » (la plaque qui est à l'avant), un chou-rave sur la tête. Quand la rave est cuite, le mal de dents est parti.

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Symbolisme :

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Les semences de rave passaient pour guérir les enfants de la variole « à cause que ses grains sont semblables aux taches de ce mal ».

Selon un usage de Suisse romande, pour connaître la personne que l'on épousera, il suffit, la veille de Noël, de peler une rave en obtenant un seul ruban, puis de jeter la pelure de la main gauche et par-dessus sa tête : celle-ci formera une lettre désignant le futur conjoint.

Pour avoir de nombreuses et belles raves, il faut les semer le vendredi saint (nord de la France, Valenciennes), de préférence par une personne qui a une grosse tête (Quercy). Dans le même but, les fermiers du Limousin faisaient neuf fois le tour d'une pièce ou de leur champ le jour du carnaval.

 

Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe de la rave :


Analyse lexico-sémantique des désignations :

1- [ɣˈasːin] est un emprunt au cal. lássina « espèce de moutarde » sauvage (NDDC : 357).

2- [vrˈuv] est un emprunt probable de l’abr. vròcchələ « chou » > vrùcchələ diffusé dans la région de Chieti, voisine du Molise (DAM : 2376). De la même façon que la bourrache, la rave est aussi désignée par plusieurs formes dans les communautés du Molise. L’arb. vruvë désigne en particulier la phase initiale de développement de la plante qui correspond à l’apparition des feuilles radicales : ce moment est le plus approprié pour l’utilisation de cette plante en cuisine en raison du fait que les feuilles sont tendres et savoureuses.

3.1- [rːˈap] représente la base lexicale du troisième groupe de phytonymes. À Porkanuni/Portocannone, ce nom désigne la rave pendant la période où ses feuilles supérieures commencent à se développer, à être cueillies et cuites pour être mangées avec des pâtes. Çabej (SE, VI : 318) propose deux possibilités de dérivation pour le nom arb. rrepë « rave » : premièrement, ce phytonyme peut se rattacher au lat. RĀPUM, -I (RĀPA, -AE f.) « rave », dont la source étymologique pour le latin demeure inconnue (DELL : 564) ; deuxièmement, il peut dériver d’une forme du grec ancien, telles que gr. ∙£puj « rave », gr. ∙£fuj « rave » ou gr. ∙£fanoj « chou », dont l’étymon demeure inconnu parce qu’il s’agit de noms empruntés à des langues qui ne sont pas indoeuropéennes (DELG : 968). Selon toute probabilité, l’alb. rrepë « rave » a pu se développer à partir des formes plurielles, indéterminées et déterminées, de l’alb. rrep, rrepa en raison de l’homonymie avec l’alb. rrap « platane » et « rave » au singulier (SE, VI : 318). Le mot que l’on retrouve dans les parlers arbëreshë peut donc soit témoigner du stade pendant lequel l’homonymie alb. rrap « platane et rave » était encore tolérée (cf. dans l’albanais moderne on trouve rrap « platane » et rrepë « rave »), soit être le résultat du contact avec les parlers romans environnants où domine l’it. rapa. Dans tous les cas, à l’état actuel de nos connaissances, nous ne sommes pas en mesure de retracer l’évolution sémantique de ces désignations de la rave : ces noms demeurent ainsi opaques.

3.2- [rːapˈɛsce] est probablement un nom dérivé de la base lexicale rrap- (empruntée au lat. RĀPUM, -I ; RĀPA, -AE f. « rave ») à laquelle on ajoute le suffixe alb. -sk- servant à former des substantifs désignant des choses concrètes, notamment oiseaux ou animaux (Xhuvani et al., 1962 : 271). Par conséquent à l’intérieur de la séquence rrap- + -sk- + -je (ce dernier étant le morphème du sing. indét. f.), l’occlusive dans le suffixe -sk- a pu être poussée au changement d’articulation en raison de l’influence exercée par la désinence -je qui a conduit à l’évolution /- skje/ > /-sce/, en accord avec ce que Jokl (Xhuvani et al., 1962 : 271) affirme à propos du comportement de ce groupe de consonnes qui a la tendance à se palataliser . Dans les deux parlers arbëreshë où l’on a rencontré rrapesqe, ce nom désigne la plante de rave adulte, en pleine floraison, qui, n’étant plus tendre, n’est pas apte à être consommée.

3.3- [rːˈap e bˈut] est un syntagme composé de la base arb. rrapë à laquelle on ajoute le spécificateur arb. e butë « comestible, tendre » désignant l’espèce appropriée pour l’alimentation humaine.

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Dans La Vie érotique de mon potager (Éditions Terre Vivante, 2019), Xavier Mathias nous donne quelques précisions supplémentaires sur le Céleri-rave :


Le Céleri : un cœur parfois noir, mais qui sait largement se faire pardonner


Des relations compliquées... Je ne peux pas m'empêcher quand, au moment de récolter mes céleris-raves, les voyant sagement alignés, leur grosse bouille à ras du sol, un toupet de cheveux verts, que le froid a mis à mal, émergeant à grand-peine du dessus de leur front plissé, de leur rappeler combien ils ont été pénibles ! Mais vraiment pénibles ! Cela a commencé par le semis, avec leur graine ridiculement petite qu'il ne faut quasiment pas enfouir, mas qui ne doit surtout pas dessécher. Ensuite, ce n'est pas un, mais deux repiquages qu'il faut à ces messieurs pour leur permettre d'accélérer un peu le mouvement et mettre toutes les chances de notre côté pour obtenir de belles raves.

Ce n'est qu'un début. Les véritables ennuis commencent vraiment quand il s'agit ensuite de les planter. Il faudra compter au minimum la bagatelle de cinq mois avant de les récolter ! Cinq mois passés à les bichonner, à supprimer les concurrentes, à veiller qu'ils aient toujours assez d'eau, mais pas trop, à s'assurer qu'ils n'attrapent pas la rouille ou qu'ils se fassent grignoter par des mulots ! Non contents de traînasser au champ, se souvenant qu'ils sont à l'origine natifs des marais, ces messieurs réclament e que nous avons de meilleur : un sol riche, meuble, frais, profond, etc. Si votre terre est légèrement carencée en bore ou, si par malheur, vous avez été un peu négligent à un moment de la saison sur l'arrosage, sachez qu'ils vous prendront par surprise au moment de les préparer les ingrats. Horreur ! C'est en les coupant en deux que vous vous apercevrez que le cœur est noir et creux ! Même voter est moins décevant que vivre l'expérience d'un céleri raté ! Et pourtant, pour ce qui est des cœurs noirs et creux, en matière d'hommes et femmes politiques... (1)

Néanmoins, quand une rave vous fait ce cadeau d'être bien conforme, d'un poids et d'une allure raisonnables, offrant une chair épaisse ni liégeuse ni fibreuse, avec une belle couleur d'un blanc ivoire, on leur pardonne. C'est le moment, messieurs, de se souvenir de cet adage populaire : « Si la femme savait ce que le céleri fait à l'homme, elle irait en chercher de Paris jusqu'à Rome ». Cous vous doutez bien que, dans ce cas-là, il n'est pas question de colère site à la découverte d'un cœur noir ou, au contraire, d'exaltation tonitruante devant une chair sans défaut ! Plus prosaïquement, ce dicton fait allusion au fait que le céleri est riche en apigénine, un composé de la famille des flavones qui n'a pas que des vertus anti-inflammatoires ! L'apigénine a, en effet, outre ses qualités relaxantes pour la spermatogénèse, de véritables effets vasodilatateurs, propriétés qu'avait probablement remarquées Madame la Pompadour, elle aussi, qui proposait régulièrement un gratin de céleri à son cher Louis XV préféré.

Pour conclure, ceci afin d'éviter que nos épouses ou amies ne se voient obligées de faire une bien épuisante et risquée course de Paris jusqu'à Rome, continuons de cultiver le si délicat céleri, il nous le rendra tout l'hiver.


Note : 1) Le cœur à ce point détérioré chez un homme ou une femme politique serait toutefois déjà plutôt bon signe : au moins, ceux-là en ont un.

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Mythologie :


Selon Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


RAVE. — La rave, ainsi que la raiponce (cf.), a une signification funéraire. C'est pour une rave que le loup et le renard se querellent (cf. Avoine). Dans les Kindermàhrchen des frères Grimm (n° 146), une rave pousse au fratricide. La rave, comme la raiponce, se change facilement dans la tradition populaire en une personne vivante. J'ai déjà remarqué ailleurs que certains proverbes, pris maintenant dans un sens ironique et négatif, étaient à l'origine de simples affirmations, ou, pour mieux dire, des énigmes. Tel est, par exemple, le proverbe italien : Trar sangue da una, rapa (tirer du sang d'une rave). Dans les contes populaires, on verse précisément du sang à cause d'une rave ; la rave, ensuite, dans les mêmes contes, se ranime, pousse et devient un homme. Ainsi le proverbe, si on l'explique mythologiquement, a un sens très clair ; sans cela, on ne devinerait jamais pourquoi le langage populaire serait allé choisir précisément la rave, qui pourtant a du suc, comme terme de comparaison pour indiquer quelque chose de sec, dont on ne peut absolument rien tirer. Le proverbe, ayant perdu sa première forme énigmatique, a pris aussi une autre signification, assez grotesque, qui nous frappe maintenant, à cause précisément de son étrangeté. D'après une légende germanique, évidemment solaire, le diable nocturne, le génie de la montagne profite de l'absence du fiancé (le soleil), pour faire sa cour à une jeune princesse ; la princesse désire avoir des compagnes : le génie arrache des raves, qu'elle touche avec une verge magique et change en jeunes filles ; mais celles-ci demeurent jeunes, seulement autant que les raves conservent leur suc ; alors, le génie lui fournit d'autres raves fraiches; elle en touche, avec sa verge, une qui devient abeille; la princesse l'envoie comme messagère à son époux, pour lui apprendre qu'elle est prisonnière du génie : l'abeille ne revient pas; elle en touche une seconde qui devient grillon, et dépêche le grillon auprès de son époux ; mais le grillon non plus ne revient pas ; elle en touche une troisième qui devient cigogne, la cigogne ramène l'époux. Alors, la princesse engage le génie à compter les raves ; pendant qu'il compte, — et de là est venu, dit-on, au génie de la montagne, le nom de Rübezahl (le compte des raves), — la princesse touche de sa verge une rave et en fait un cheval. Sur ce cheval, les deux époux se sauvent.

[...]

HEDERICH, nom allemand du faux raifort, espèce de rave sauvage, aux fleurs bleues. Work nous apprend que celui qui porte sur sa tête une couronne d’hederich obtient le privilège de reconnaître les sorcières. On entouré de cette couronne les vaches à leur première sortie de l’étable avant de les traire, pour éloigner d’elles le mauvais œil.

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