Étymologie :
BARBOTINE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1. 1532 bot. et pharm. « variété d'absinthe à pouvoir vermifuge » (Rabelais, II, 7 dans Hug. : La barbotine des marmiteux) ; 2. 1789 céram. (Encyclop. Méthod. Mécan., t. 6, p. 594a : Barbotine : pâte de porcelaine délayée, en consistance de bouillie claire avec de l'eau, et dont on se sert pour réparer les pièces de porcelaine qui ont quelques petits défauts, avant de les faire cuire) ; d'où p. ext. 1888 (Lar. 19e Suppl. : sorte de poterie). Dér. du rad. de barboter* étymol. II 1, ces produits prenant au contact de l'eau l'aspect d'une bouillie ; suff. -ine*.
BROUILLE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1826, supra. Déverbal de brouiller* ; suff. -eux*.
MANNE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. 1re moitié xiie s. « nourriture tombée du ciel pour nourrir les Hébreux dans le désert » (Psautier Cambridge, éd. F. Michel, 77, 25) ; 2. a) ca 1231 fig. « symbole de l'Eucharistie » (Gautier de Coinci, Salu Nostre Dame, 565, éd. V. F. Koenig, t. 4, p. 570) ; b) 1532 « nourriture de l'esprit » (Rabelais, Pantagruel, chap. 8, éd. V. L. Saulnier, p. 45) ; c) 1842 « bienfait quelconque » (Reybaud, J. Paturot, p. 323 : la manne du budget) ; 3. a) ca 1350 fig. « provisions de bouche, victuailles » (Miracles de Nostre-Dame, éd. G. Paris et U. Robert, I, 1158) ; 1559 « nourriture abondante » (Ronsard, Chant pastoral... 469 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 9, p. 99) ; b) 1755 « éphémères dont se nourrissent les poissons » (Encyclop. t. 5, p. 771 a). B. Début xive s. s. bot. « suc qui exsude de certains végétaux » (Antidotaire Nicolas, éd. P. Dorveaux, § 64). Empr. au lat. chrét. manna « nourriture des Hébreux dans le désert » (Deut. 8, 3 etc., var. man Ex. 16, 31 etc.) ; « Eucharistie » (Blaise Lat. chrét. ; d'apr. l'Évangile de St Jean, 6, 31-40), gr. μ α ́ ν ν α (var. μ α ́ ν), et ceux-ci à l'araméen manná, de l'hébr. mān « nourriture des Hébreux dans le désert » (FEW t. 6, 1, pp. 232-234 ; Klein Etymol.).
Lire également les définitions de barbotine, brouille et manne afin d'amorcer la réflexion symbolique.
N.B. Dans le Littré, on trouve cette mention particulière : "Manne de Pologne, un des noms vulgaires de la fétuque flottante de Linné, glyceria fluitans, Rob. Brown (graminées), dite aussi herbe à la manne, et dont les semences se mangent en Pologne à la manière de la semoule ou du riz."
Autres noms : Glyceria fluitans - Barbotine - Brouille - Chiendent aquatique - Chiendent flottant - Fétuque flottante - Herbe à la manne - Manne aquatique - Manne de Pologne - Manne de Prusse - Paturin flottant -
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Botanique :
Il existe également une Glycérie maritime : Glyceria maritima (Huds.) ; Poa maritima Huds ; Puccinellia maritima.
Or, selon Jean-Louis Moret, auteur de l'article intitulé "Etymologie onomastique ou les noms de genres de la flore suisse dédiés à des personnes. Complément." (in : Bulletin du Cercle vaudois de botanique n°39 : pp. 103-108, 2010) :
Puccinellia Parl. (Fl. Ital. 1(2) : 366. – Parlatore 1848 (1850]), Poaceae.
Dédicace : « Ho voluto dedicare questo genere al Prof. Benedetto Puccinelli ; autore della synopsis florae lucensis, immaturamente tolto da poco tempo agli amici, alla famiglia, alla scienza, come un tributo di stima e di affetto alla sua cara memoria » (Parlatore 1848).
Puccinelli Benedetto (Coreglia Antelminelli près de Lucques, 1808-1850), directeur du jardin botanique de Lucques, professeur de chimie, botanique et agriculture, auteur de « Synopsis Plantarum in agro Lucensi sponte nascentium » (1841-1848) et d’une « Descrizione dei funghi indigeni dell’agro lucchese » illustrée de 600 aquarelles de Giuseppe Bertini, non publiée à cause de la mort prématurée de l’auteur.
Remarque : le volume 1 de la « Flora italiana » de Parlatore est daté de 1848. Or, la dédicace du genre Puccinellia fait expressément mention de la mort de Benedetto Puccinelli survenue en 1850. L’ouvrage ne peut donc pas avoir paru avant cette date.
Usages traditionnels :
Selon l'article de Paul paru le 7 juillet 2017 sur le site L'Ernz noire :
La Fétuque flottante, qu’on appelle aussi Brouille et Manne de Prusse ou de Pologne, croît sans culture dans les marécages, les étangs et les fossés pleins d’eau. Sa tige molle et épaisse est très recherchée des bœufs, des moutons et des chevaux. On peut faucher ce fourrage en été et le donner en vert aux bestiaux. Sa graine donne une farine grossière dont on fait des bouillies en la mêlant avec du lait. Avec les tiges on confectionne des nattes et des paniers.
Symbolisme :
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Glycérie flottante (Glyceria fluitans) a les caractéristiques suivantes :
Pouvoirs : Protection des voyageurs.
Utilisation magique : On attribue aux feux follets, connus dans la région sous le nom de fioles, le pouvoir d'égarer les personnes qui ont la malchance de se trouver sur leur passage. Il y a toutefois un moyen d'échapper au péril, c'est de vite jeter à terre un épi de Glycérie flottante ; la fiole vient aussitôt tourner autour de l'herbe, comme hypnotisée, et pendant ce temps on doit prendre ses jambes à son cou (baie de Somme).
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Une autre espèce de Glycérie, la Glycérie striée, par sa caractéristique obsidionale, semble liée à la conquête militaire et se montre donc comme une plante martienne....
Ainsi, dans un article intitulé "Ces plantes de la guerre que l’on nomme obsidionales" (In : Études touloises, 2015, n°151, pp. 7-19) François Vernier nous raconte les circonstances historiques de l'implantation de la Glycérie striée en Lorraine :
L’adjectif obsidional signifie « qui concerne le siège militaire ». Les botanistes utilisent ce terme, par extension, pour les végétaux qui ont été propagés lors des conflits armés ou des occupations militaires.
[...]
Glycérie striée (Glyceria striata (Lamarck) A. Hitchcock)
Cette espèce est originaire de l’Amérique du Nord. Elle y est présente de l’Alaska et du nord du Canada jusqu’au nord du Mexique. Elle a été découverte en Lorraine, pour la première fois, le 4 août 2000 par Nicolas GEORGES en forêt domaniale de Puvenelle près de Pont-à-Mousson (GEORGES, 2002 ). Depuis cette date, d’autres localités ont été découvertes en Lorraine : en Meurthe-et-Moselle à Azerailles en forêt domaniale des Hauts-Bois, à Baccarat en forêt domaniale de Grammont en plusieurs endroits, à Deneuvre, à Badonviller dans les bois des Champes et de la forêt communale de Badonviller, à Pexonne à la Haie la Barre, à Neuviller-lès-Badonviller, Ancerviller, Montreux, Nonhigny, Parux, Angomont, Cirey-sur-Vezouze, à Bertrichamps en forêt domaniale des Reclos, à Veney aux Grandes Haies, à Champigneulles à la Petite Malpierre, à Flavigny-sur-Moselle dans le Bois du Meusson, à Fraimbois dans le Bois de la Taxonnière, dans les Vosges à Sainte-Barbe dans le Bois de la Pêche et au lieu-dit Lambeno en forêt domaniale de Rambervillers, en forêt domaniale de Celles-sur-Plaine, à Raon-l’Etape en forêt domaniale de Moyenmoutier, à Romont dans le bois du Marquis, dans la Meuse à Heudicourt-sous-les-Côtes sur la Côte Chevot, à Lachausssée, et à Cassey-Beaupré à l’entrée ouest du Val d’Autigny. Elle a été trouvée récemment en Argonne à Lachalade (« La Louvière ») sur une berme humide d’une route forestière (non loin d’une belle station en fruit de Bermudienne).
Il est assez étonnant que cette plante pourtant grande et élégante n’ait pas été vue avant 2000 par les botanistes. Il est vrai que cette espèce n’était signalée ni dans la Nouvelle Flore de Lorraine (VERNIER, 2001), ni dans la Nouvelle Flore de la Belgique, du Grand Duché du Luxembourg, du Nord de la France et des régions voisines (LAMBINON et al., 1994). Une autre raison de la méconnaissance de cette espèce est le fait que la famille des Poacées (Graminées) n’attire guère les amateurs de belles fleurs.
Pour suivre l’implantation de cette plante, il est intéressant de connaître le cheminement et les cantonnements des troupes américaines. De mars à juin 1918, la division « arc en ciel » reçoit la responsabilité complète de la zone de Baccarat tandis que les forces françaises sont réassignées. S’y adjoint le 167e régiment d’infanterie (Alabama). Ces troupes s’installent en forêt de Parroy et dans la région de Saint-Clément à Badonviller. La 42e division subit alors ses premières pertes sur le sol français.
La 77e division d’infanterie vient prendre le relais de la 42e . Les éléments lourds (automobiles, approvisionnement…) passent par Rambervillers. Les éléments légers passent par Mirecourt, Charmes, Bayon, Einvaux. Du 16 au 26 juin 1918, cette division, sous le commandement du général Duncan, s’installe à Baccarat. Elle va y rester jusqu’au 4 août, moment où elle sera relevée par la 37e division qui restera dans le secteur jusqu’au 16 septembre.
La partie dévolue à la 77e division s’étendait d’Herbéviller à gauche, à Badonviller à droite. Celle-ci est partagée en une zone Est et une zone Ouest dont la ligne de division passe par Ancerviller et Sainte-Pôle. Chacune de ces zones est divisée en sous-secteurs nommés la Blette, Montigny, Sainte-Pôle et Badonviller, tenus respectivement par les 305, 306, 307 et 308e régiments d’infanterie.
Le front s’étend sur une direction générale nord-ouest-sud-est, incluant les petites communes de Domèvre, Halloville, Nonhigny, Montreux et Bréménil situées dans les lignes allemandes. Le 24 juin 1918, à 4 heures du matin commence une attaque des Allemands avec le gaz moutarde et le phosgène. Mignéville, Saint-Maurice, Montigny, Neuviller-lès-Badonviller et Badonviller sont les endroits où les troupes sont les plus concentrées, mais les coups sont portés de manière aléatoire sur l’ensemble de la région. C’est la première expérience d’attaque au gaz de la division.
On peut également noter, dans cette région, la présence de la 5e Division U.S. (Red Diamond) du 7 juin au 29 août 1918, qui après s’être entraînée entre Celles-sur-Plaine et Munster, mène une offensive sur le village de Frapelle pour le libérer des troupes allemandes. Le 15 juillet, la Division occupe le secteur de Saint-Dié. Le 6e Régiment d’Infanterie prend les lignes au Bois d’Ormont, le 11e Régiment d’Infanterie investit le sous secteur du Ban-de-Sapt Le 60e Régiment d’Infanterie occupe le secteur compris entre Celles-sur-Plaine et Moyenmoutier, le 61e Régiment d’Infanterie s’installe sur les deux rives du Rabodeau. Cette division est relevée entre le 23 août et le 20 septembre par la 92e Division (Buffalo) composée de soldats noirs et dont seul le commandement supérieur est blanc.
Raon-l’Etape est le siège d’hôpitaux de campagne de début juin à fin octobre 1918. Quant à La Petite Malpierre à Champigneulles, c’est un champ de tir qui est établi juste après la guerre de 1870 dans le cadre du renforcement militaire de Nancy et des environs qui deviennent frontaliers.
Les stations de Glycérie striée de Ancerviller, Azerailles, Baccarat, Badonviller, Bertrichamps, Celles-sur-Plaine, Deneuvre, Fraimbois, Montreux, Nonhigny, Pexonne, Raon-l’Étape, Romont, Sainte-Barbe, Veney, doivent être rapportées aux positions et passages de ces divisions.
La présence de la Glycérie striée signalée par Nicolas GEORGES est liée aux combats du Bois-le-Prêtre. Les 1ère, 2e, 82e et 90e divisions d’infanterie américaines libèrent le Bois le Prêtre à proximité de la forêt de Puvenelle, dans le cadre de la réduction du saillant de Saint-Mihiel.
La station d’Heudicourt-sous-les-Côtes se trouve sur les terrains d’intervention de la 1ère Armée Expéditionnaire Américaine est intervenue.
La station de Chassey-Beaupré est proche de Gondrecourt-le-Château où la première division U.S. est instruite par la 47e Division d’Infanterie composée de régiments de Chasseurs Alpins.
Une des hypothèses avancées (GEORGES, 2002) semble être confirmée. L’ouragan Lothar de 1999 a, en quelque sorte, permis de lever la dormance de graines répandues lors de la Première Guerre Mondiale. En effet, la mise en lumière du terrain, couplée avec son bouleversement, a favorisé l’éclosion de populations de Glycérie striée dont les graines semblent avoir une dormance très élevée. Il faut également souligner que cette espèce a pu se répandre à la faveur des travaux forestiers réalisés après le cataclysme de 1999.
La coïncidence entre les populations connues et la présence de troupes américaines est forte et bien corrélée. Il reste certainement encore des zones à prospecter pour découvrir cette espèce américaine.
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Littérature :
Alexandre Vialatte dans son Almanach des quatre saisons (Éditions Julliard 2001) s'interroge sur l'homme et son rapport aux saisons :
Le vrai de la chose se trouve dans les vieux almanachs : l'homme de mars, expliquent-ils, dompte les jeunes taureaux.
Il sème même la fétuque flottante et le blé à épi blanc barbu. Rien n'est plus exaltant qu'un programme si champêtre. Pourtant, on ne voit jamais les hommes en train de dompter les jeunes taureaux ou de semer la fétuque flottante. J'ai fait là-dessus mon enquête personnelle : les hommes sortent du métro Glacière ou attendent l'autobus. Les hommes ne font pas ce que fait l'homme. Je leur ai demandé avec surprise s'ils ne domptaient pas les jeunes taureaux.
Un monsieur à barbe noire, qui ressemblait à Landru, m'a répondu qu'il n'en faisait rien, d'un air sévère. Peut-être en cachette ? Non, même pas en cachette. Il ne semait pas la fétuque. Il se fâcha quand je lui parlai du blé barbu. Je lui demandai ce qu'il pouvait bien faire dans la deuxième quinzaine de mars, il me répondit qu'il faisait exactement la même chose que dans la première, de même qu'en février, en décembre, en avril.
Et il ajouta : " Comme tout le monde. " Peut-être que l'homme de l'almanach est un homme idéal, une exception honteuse ?
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