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Le Cranson

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : 6 oct. 2024




Étymologie :


  • COCHLÉAIRE, adj.

Étymol. et Hist. 1805 (Cuvier, loc. cit.). Dér. du lat. cochlea « escargot, limaçon » par comparaison avec la forme en spirale de l'intérieur d'une coquille d'escargot ; suff. -aire*.


Lire également la définition de l'adjectif Cochléaire (ici utilisé en fonction nominale) afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Cochlearia officinalis - Cochléaire officinale - Cran - Cranson officinal - Cullerée - Herbe aux cuillers - Herbe aux cuillères - Herbe au scorbut - Raifort officinal - Raifort sauvage -

Cochlearia Armoracia L - Cochléaire d'Armorique - Cran de Bretagne - Cran des Anglais - Cranson - Cranson rustique - Faux Raifort - Grand Raifort - Mérédi - Méridi - Moutarde des Allemands - Moutarde des capucins - Moutarde des moines - Moutardelle -Radis de cheval - Radis de mer - Raifort des boutiques - Raifort sauvage -

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Botanique :


Alphonse de Candolle dans un ouvrage intitulé Origine des plantes cultivées (G. Baillières et Cie, 1883) tente une reconstitution de l'histoire du Cranson :


Cran, Cranson, Raifort sauvage. Cochlearia Armoracia, Linné.

Cette Crucifère, dont la racine d'une consistance assez dure a le goût de moutarde, était appelée quelquefois Cran ou Cranson de Bretagne. C'était une erreur, causée par un ancien nom botanique, Armoracia, qu'on prenait pour Armorica (de Bretagne). Armoracia est déjà dans Pline et s'appliquait à une Crucifère de la province du Pont qui était peut-être le Raphanus sativus. Après avoir signalé jadis cette confusion, je m'exprimais de la manière suivante sur l'origine méconnue de l'espèce :

« Le Cochlearia Armoracia n'est pas sauvage en Bretagne. C'est constaté par les botanistes zélés qui explorent aujourd'hui la France occidentale . M. l'abbé Delalande en parle dans son opuscule intitulé Hædic et Houat, où il rend compte d'une manière si intéressante des usages et des productions de ces deux petites îles de la Bretagne. Il cite l'opinion de M. Le Gall , qui, dans une Flore (non publiée) du Morbihan, déclare la plante étrangère à la Bretagne. Cette preuve, du reste est moins forte que les autres, parce que le côté septentrional de la péninsule bretonne n'est pas encore assez connu des botanistes, et que l'ancienne Armorique s'étendait sur une portion de la Normandie où maintenant on trouve quelquefois le Cochlearia sauvage. Ceci me conduit à parler de la patrie primitive de l'espèce.

Les botanistes anglais l'indiquent comme spontanée dans la Grande-Bretagne, mais ils doutent de son origine. M. H.-C. Watson la regarde comme introduite. La difficulté, dit-il, de l'extirper des endroits où on la cultive est bien connue des jardiniers. Il n'est donc pas étonnant que cette plante s'empare des terrains abandonnés et y persiste, au point de paraitre aborigène. M. Babington ne mentionne qu'une seule localité où l'espèce ait véritablement l'apparence d'être sauvage, savoir Swansea, dans le pays de Galles. )Tâchons de résoudre le problème par d'autres arguments.

Le Cochlearia Armoracia est une plante de l'Europe tempérée, orientale principalement. Elle est répandue de la Finlande à Astrakhan et au désert de Cuman. Grisebach l’indique aussi dans plusieurs localités de la Turquie d'Europe, par exemple près d'Enos, où elle est abondante au bord de la mer. Plus on avance vers l'ouest de l'Europe, moins les auteurs de Flores paraissent certains de la qualité indigène, plus les localités sont éparses et suspectes. L'espèce est plus rare en Norwège [ancienne graphie] qu'en Suède, et dans les îles britanniques plus qu'en Hollande, où l'on ne soupçonne pas une origine étrangère.

Les noms de l'espèce confirment une habitation primitive à l’est plutôt qu'à l'ouest de l'Europe ; ainsi le nom Chren, en russe, se retrouve dans toutes les langues slaves : Krenai en lithuanien, Chren en illyrien, etc. Il s'est introduit dans quelques dialectes allemands, par exemple autour de Vienne, ou bien il a persisté dans ce pays, malgré la superposition de la langue allemande. Nous lui devons aussi le mot français Cran ou Cranson. Le mot usité en Allemagne, Meerretig, et en Hollande, Meer-radys, d'où notre dialecte de la Suisse romande a tiré le mot Méridi ou Mérédi, signifie radis de mer et n'a pas quelque chose de primitif comme le mot Chren. Il résulte probablement de ce que l'espèce réussit près de la mer, circonstance commune avec beaucoup de Crucifères et qui doit se présenter pour celle-ci, car elle est spontané dans la Russie orientale, où il y a beaucoup de terrains salés. Le nom suédois Peppar-rot peut faire penser que l'espèce est plus récente en Suède que l'introduction du poivre dans le commerce du nord de l'Europe. Toutefois ce nom pourrait avoir succédé à un autre plus ancien demeuré inconnu. Le nom anglais Horse radish (radis de cheval) n'est pas d'une nature originale, qui puisse faire croire à l'existence de l'espèce dans le pays avant la domination anglo-saxonne. Il veut dire radis très fort. Le nom gallois Rhuddygl maurth n'est que la traduction du mot anglais, d'où l'on peut inférer que les Celtes de la Grande Bretagne n'avaient pas un nom spécial et ne connaissaient pas l'espèce. Dans la France occidentale, le nom de Raifort, qui est le plus usité, signifie simplement racine forte. On disait autrefois en France Moutarde des Allemands, Moutarde des capucins, ce qui montre une origine étrangère et peu ancienne. Au contraire, le mot Chren de toutes les langues slaves, mot qui a pénétré dans quelques dialectes allemands et français sous la forme de Kreen et Cran ou Cranson, est bien d'une nature primitive, montrant l'antiquité de l'espèce dans l’Europe orientale tempérée. Il est donc infiniment probable que la culture a propagé et naturalisé la plante de l’est à l'ouest, depuis environ un millier d'années. »

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Cranson :


Propriétés Physiques et Chimiques. - Cette plante est dans sa plus grande vigueur au commencement de la floraison ; alors ses feuilles sont gorgées d'un suc âcre et piquant ; elles exhalent lorsqu'on les écrase une odeur vive et piquante due à un principe volatil qui se dissipe par la dessication et par l'ébullition. Les feuilles cèdent leurs propriétés à l'eau et à l'alcool par infusion et par macération. Le cochlearia contient, d'après Braconot, une matière extractive douce, noirâtre, des sels de potasse, de la chlorophylle, de l'albumine, et une huile volatile âcre, soufrée. Döbereiner y a trouvé une substance particulière âcre qu'il nomme Cochléarine.


Usages Médicaux - L'herbe à la cuiller est un dépuratif et un antiscorbutique par excellence ; c'est aussi un excitant et un diurétique. On peut la prescrire avec avantage dans une foule d'affections maladies cutanées chroniques, scrofules, scorbut, œdème du poumon, bronchorrée, asthme, catarrhe chronique, hydropisies, engorgements atoniques des viscères, etc. Le suc de cochléaria a réussi dans quelques anasarques suite de fièvres intermittentes (Cazin) et dans les maladies calculeuses (Desbois). A l'extérieur il est légèrement rubéfiant et détersif.

Formes et doses. Infusion : 20 à 50 grammes par litre de liquide, eau, lait, vin, bière. Suc exprimé, 30 à 200 grammes en potion. Teinture, 2 à 15. Sirop 20, à 60. A l'extérieur, lotions, fomentations, gargarismes.


Cranson de Bretagne : Propriétés Physiques et Chimiques. La racine de raifort a une odeur vireuse, fortement âpre, ammoniacale, surtout quand on la brise entre les doigts ; sa saveur est chaude, brûlante, piquante, un peu douceâtre et en même temps amère. Elle cède ses propriétés à l'eau et à l'alcool ; elle contient une huile volatile qui se dissipe par la macération dans l'eau et par l'ébullition. Les feuilles ont des propriétés analogues, mais à un degré moindre.

D'après Einhoff, cette plante contient une huile volatile, de l'amidon, de l'albumine, du ligneux, de la gomme, du sucre et des sels. Foy y a rencontré du soufre et du phosphore. L'huile peut être obtenue par distillation avec l'eau. Elle est incolore ou d'un jaune pâle plus pesante que l'eau, très volatile, excessivement âpre, âcre et corrosive, excitant l'inflammation et même la vésication quand elle est appliquée sur la peau. Elle est considérée comme identique avec l'huile de moutarde (Hubatka) ; Bussi, Fremy et Boutron ont démontré que cette huile ne préexiste pas dans les racines de raifort, mais qu'elle s'y développe par une sorte de fermentation.


Usages Médicaux. La racine de raifort est un excitant assez agréable qui se mange fraîche et râpée dans certains pays, notamment en Allemagne et en Angleterre, pour relever certains mets, développer l'appétit et faciliter les digestions laborieuses. Absorbé, le principe actif augmente les sécrétions et principalement celle de l'urine ; aussi a-t-on recommandé l'usage du raifort dans le traitement des hydropisies avec digestion affaiblie et débilité générale (Ettmulter, Sydenham, Hufeland, Rayer). Dans l'albuminurie Martin Stolon en a obtenu de bons résultats . C'est aussi un excellent antiscorbutique convenant d'ailleurs dans tous les cas où les toniques stimulants sont indiqués ; de là son emploi dans les catarrhes chroniques, l'asthme pituiteux, l'engorgement des voies respiratoires, et l'œdème des poumons. On l'a vanté aussi dans les rhumatismes chroniques et la goutte (Cullen , Raygerus), dans les enrouements et l'aphonie (Lanzoni), dans l'aménorrhée et la leucorrhée (Brennecke, Dubois) . Pour l'usage externe la racine et les feuilles peuvent servir de rubéfiant (Cullen, Haller, Dubois, Cazin). On peut aussi l'utiliser en maniluves ou pédiluves.


Formes et doses. Infusion : 15 à 60 grammes par litre d'eau, de vin, de bière. Teinture : 8 à 15 grammes en potion. Alcoolat Spiritus armoraciae compositus. Sirop simple ou composé, 15 à 60 grammes. Racine crue râpée comme assaisonnement. Extérieur teinture en frictions ; pilé, en pédiluves, sinapismes, etc.

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Usages traditionnels :


Isaac Israël Hayes dans son récit intitulé La terre de désolation : excursion d'été au Groënland. (Librairie Hachette, 1874) rapporte que les Inuits utilisent l'Herbe au scorbut même s'il n'en a pas recueilli ni le sens ni les pratiques :


Le terrain en pente sur lequel s'élevait l'antique cité de Krakortok est fort accidenté, mais çà et là on rencontre des endroits parfaitement plans, encore couverts d'une végétation vigoureuse, qui paraissent avoir été cultivés autrefois et sans doute pourraient l'être encore. De petits ruisseaux courent au travers et les arrosent d'une eau fraîche et pure ; sur leurs bords, l'angélique s'élève à un mètre de haut. La tige de celte plante est le seul des produits spontanés du sol que les Esquimaux utilisent pour leur alimentation, sauf pourtant le cochléaria (herbe au scorbut), peu estimé et qui n'est point nutritif.

 

Selon le site Promesses de fleurs :


Il s'agit d'une plante médicinale et condimentaire de la famille des brassicacées comme la moutarde, vivace ou bisannuelle selon le climat et les conditions de culture. Ses petites feuilles rondes et épaisses de forme concave lui ont valu son autre nom d'Herbe aux cuillères. On utilise ses feuilles, riches en vitamines, de saveur épicée et un peu âcre, comme condiment pour relever les salades, crudités, omelettes...

[...]

Côté cuisine : les feuilles possèdent une saveur âcre et piquante qui rappelle le raifort. On les utilise crues, en petite quantité, pour relever les salades ou les crudités, par exemple avec de l'ail et du persil. La cochléaire parfume également les omelettes, le lapin à la moutarde... On peut aussi faire une cure printanière de Cochléaire officinale, accompagnée de pissenlit ou de chicorée sauvage aux vertus dépuratives.

Propriétés : antiscorbutique, dépurative, sudorifique, diurétique, cholérétique, rubéfiante, digestive et tonique. Préparez les feuilles en infusion.

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L'herbe au scorbut :


Richard Colombo dans son Etude de la carence en vitamine C dans une population gériatrique hospitalisée. (Thèse de doctorat. UHP-Université Henri Poincaré, 2001) retrace l'histoire de la maladie et de ses remèdes :


Avec l'exploration incessante du monde par les marins à partir du XVe siècle, un mal décime les hommes d'équipage par centaines, sans que l'on sache encore exactement de quoi il peut s'agir ; en fait, les marins sont la proie d'une maladie connue de longue date sur terre, contemporaine des guerres incessantes que se livrent les hommes, une maladie dont on connaît les signes mais pas encore les causes et les moyens de s'en prémunir.

L'origine même du mot "Scorbut" se perd dans la nuit des temps, on suppose qu'elle est islandaise : avant la fin du premier siècle en effet on retrouve écrit le mot skyrbjûgr, dont découleront les traductions, germanique : scharbock en 1534, hollandaise : schaurbuik en 1598, suédoise : skôrbjugg, enfin anglaise et française, respectivement scurvy et scorbut. On sait également qu'en eslavon, langue artificielle dérivée du vieux slave, le mot scorb désigne la maladie. Le latin en a fait scorbutus, qui signifie pourriture et maladie des gencives.

On attribue généralement à Hippocrate une des premières descriptions de la maladie, où il est question de volvulus ou d'intumescence de la rate. Hippocrate signale les hémorragies buccales, les plaies gingivales, les ulcères de jambes, mais le reste de sa description ne semble pas se rapporter au scorbut. Pline (13 à 79 après JC.), dans son Histoire du Monde, décrit une maladie qui se révèle être le scorbut de terre responsable des ravages dans les troupes de Germanicus. " y parle de stomatacée et de scélétyrbe, et pour la première fois, note qu'une herbe, l'Herba Britannica, semble guérir de la maladie. Les récits vikings du Xe siècle parlent eux du scorbut responsable de l'incapacité complète de leurs équipages.

[...]

De même, le Malouin Jacques Cartier en 1534 est victime du scorbut lors de son voyage vers les "Terres Neuves".[20,29,94] Cependant, une fois sur place, il apprend les vertus d'un arbre local, l'Hanneda, dont les feuilles et l'écorce servies en décoction permettent de guérir son équipage. Cet arbre du Québec contient en fait 45 milligrammes d'acide ascorbique pour 100 grammes ! A la même époque, paraît un ouvrage de botanique pharmacologique, le Botanologicon d'Enritius Cordus, où il est question de "scharbockraut" ou "herbe au scorbut. " s'agit de la première description écrite et publiée de la maladie. Sans le savoir, l'homme tient le remède mais n'a pas encore associé vitamine et scorbut.

[...]

La France, elle, mettra plus d'un siècle à admettre que ces théories [celle des anglais] sont justes... A l'époque où Lancaster s'embarque pour les Indes, les navires marchands français quittant Saint Malo sont en proie à la maladie; François Vitré s'empresse de noter que le seul remède efficace est le jus de citron ou d'oranqe « et surtout l'herbe appelée cochléaria qui surpasse en vertu toutes les autres ». Las ! Personne ne semble tenir compte de ses observations... [...] Le 22 janvier 1856, donc plus d'un siècle après les travaux de Und, la France rejoint enfin l'Angleterre dans la lutte contre le scorbut en rendant obligatoire à bord de ses vaisseaux la distribution de jus de citron.

[...]

Souvenons nous que le Docteur Trotter en 1796 évoque le « quelque chose » contenu dans les végétaux et les fruits frais qui permet de combattre la maladie. En 1907, deux scientifiques, Holst et Frôhlich, confirment cette hypothèse en réussissant à provoquer chez un animal de laboratoire un scorbut expérimental après régime carencé en végétaux frais. Le hasard seul, ou peut-être le "Deus Ex Machina" a voulu qu'ils aient choisi le cobaye comme animal ; comme nous le verrons plus tard en effet, cet animal, comme le singe et comme l'homme, est incapable de synthétiser la vitamine C, à l'inverse du rat par exemple, qui aurait voué cette expérience à l'échec.

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Symbolisme :


Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments [très moralisateur, donc...] :


COCHLÉARIA - RAILLERIE.

Chassez le railleur et avec lui disparaîtront les querelles, les plaintes et les outrages . Les railleurs détruisent une cité , mais les sages apaisent la fureur.

Proverbes. XXII, 10 ; Proverbes. XXIX, 8.

L'espèce la plus connue de ce genre est le cochlearia officinal. Sa tige est basse, tendre et anguleuse, ses feuilles sont arrondies, cordiformes et d'un vert luisant. Les feuilles blanches et disposées en épis. La tige et les feuilles ont une odeur volatile, une saveur âcre et piquante. Elles donnent de l'ammoniaque et une huile essentielle très âcre. Cette huile est jaune et d'une odeur fugace, pénétrante, qui provoque les larmes, même de loin.

Le cochléaria est un anti-scorbutique qui réunit les suffrages de tous les observateurs, surtout lorsque le scorbut est accompagné de l'atonie générale du système. La Providence a répandu cette plante salutaire dans les contrées boréales où le scorbut est endémique. En Islande, le cochlearia sert à la fois d'aliment et de remède. On le sale et on le conserve dans les tonneaux pour l'hiver. Sa vertu puissante est attestée par un fait que rapporte Bachstrom dans son traité du scorbut. Un matelot atteint de cette cruelle maladie, et réduit à l'état le plus déplorable, fut abandonné sur les plages désertes du Groënland . Privé de l'usage de ses jambes et de ses mains, il se traînait sur la terre pour y broûter comme un animal immonde les plantes anti scorbutiques, et surtout le cochléaria qui abondait autour de lui. A l'aide de cette unique nourriture, ses forces se ranimèrent et il fut bientôt rétabli.

Cette plante habite les côtes maritimes, les rochers et les marécages . On la cultive dans les jardins pour ses qualités précieuses dont nous venons de parler et on l'appelle vulgairement Herbe aux cuillers, à cause de la forme un peu concave de ses feuilles.

DE LA RAILLERIE.

La raillerie, selon Théophraste, n'est qu'un reproche déguisé des défauts des autres. Cette définition revient à peu près à celle d'Aristote son maître, qui appelait la raillerie une honnête insulte. Bien que la raillerie soit un grand défaut, elle pourrait être, toutefois, d'un grand usage dans la société civile, si elle servait à bannir le vice et la folie du monde ; mais il n'en est malheureusement rien, puisqu'on l'emploie d'ordinaire à se moquer du bon sens et de la vertu et à combattre ce qu'il y a de plus saint, de plus respectable et de plus digne de nos éloges. D'où nous devons conclure que, quelque fine et spirituelle qu'elle soit, son usage est presque toujours déplacé.


I.

Personne, mes enfants, n'aime qu'on le plaisante,

C'est un talent cruel que celui de railler,

Un bon cœur à ce prix doit rougir de briller,

Et ne pas se permettre une idée offensante.


II.

Tel qui croit n'avoir fait qu'un simple badinage,

Dans le cœur de quelqu'un a porté la douleur.

Pour peu que l'on plaisante, on est près de l'outrage :

C'est montrer son esprit aux dépens de son cœur.


III.

Souvent par un bon mot on cherche à faire rire ;

Mais songez que celui que ce bon mot déchire

Devient un ennemi justement irrité :

On crut être plaisant, et l'on est détesté.


IV.

Si l'on voit à quelqu'un des défauts de figure ;

Si le tic ridicule, augmentant ces défauts,

Joint ceux de l'habitude à ceux de la nature ...

Plaignez- le : s'en moquer, c'est aggraver ses maux .


V.

Gardez-vous bien surtout d'aimer à contrefaire

Les gens que vous voyez, c'est un mauvais talent ;

Car plus on vous verrait un copiste excellent,

Plus on penserait mal de votre caractère.


VI.

Il ne se faut jamais moquer des misérables ;

Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux ?

Les autres, à leur tour, seront impitoyables,

Si vous n'avez été compatissant pour eux.


VII.

Jamais ne plaisantez ; mais si l'on vous plaisante,

Sachez , mes chers enfants, ne pas vous en fâcher .

N'opposez que douceur à l'attaque piquante,

Et forcez le méchant à se la reprocher.


VIII.

Celui qui ne sait pas entendre raillerie,

S'expose encore bien plus à la plaisanterie.

En paraître piqué, c'est s'attirer ses traits,

Il faut, pour l'éviter, ne s'en fâcher jamais.


RÉFLEXIONS.

Les railleries ne sont bonnes ni à faire ni à entendre . On ne peut être trop délicat ni trop scrupuleux sur cette matière : en effet, la charité n'est pas moins offensée dans celui qui écoute une raillerie avec plaisir que dans celui qui la fait avec esprit.

(FLÉCHIER, Réflexions sur les car. des hommes.)

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